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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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24 juillet 2020

Pluie d'intentions favorables au chemin de fer : nos politiques reviennent vers le rail... mais on attend les financements

Le chemin de fer est un puissant agrégateur territorial, un élément fort de l’identité régionale, un vecteur de mobilité sûr et régulier. La classe politique française manquait ces dernières décennies de culture ferroviaire, obsédée depuis les années 1930 par l’industrie nationale qu’est devenue l’automobile.

 Les déclarations d’intention écologiques d’Emmanuel Macron le 14 juillet, les promesses de Barbara Pompili sa nouvelle ministre, la sensibilité ferroviaire du Premier ministre Jean Castex qui a écrit un livre sur la liaison Perpignan-Villefranche-Latour de Carol et ses prises de position sur les lignes nouvelles dans le Midi, tout cela augure bien. Si ce n’était l’absence de chiffrage précis et d’attribution de nouveaux crédits à un secteur ferroviaire souvent en déshérence.

 Les arbitrages ne sont pas encore rendus, à confié le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari mercredi 22 juillet, soit deux mois et demi après le déconfinement. Dans la foulée, Bruno Le Maire confirmait les intentions de financements de Bercy, mais sans donner de chiffres.

Le réseau ferroviaire français a perdu 60 % de son linéaire dédié aux voyageurs

 Le réseau ferroviaire français, tous statuts confondus (réseaux nationaux et départementaux), est passé de 65.000 km au début des années 1930 à 29.000 km - et de l’ordre de 27.000 si l’on retranche les lignes exclusivement fret ou « provisoirement » neutralisées en attente de réouverture, soit une déflation du linéaire de lignes voyageurs de près de 60 % (58,5 %).

 La SNCF, ces dernières années, a joué la carte d’une multimodalité qui cachait, avec ses autocars Ouibus et la poursuite de ses transferts sur route, une politique de désengagement ferroviaire dans les territoires. D’où cette culture tantôt fataliste, tantôt révoltée que l’on trouve chez de nombreux salariés du rail.

DSCN3028Sur l'ancienne ligne Lyon-Saint-Paul-Montbrison, vue de la voie à la sortie est de Sainte-Foy-L'Argentière. Cette ligne, au-delà de Sain-Bel, terminus du train-tram en provenance de Lyon, a perdu fin 2019 son trafic de granulats des carrières de La Patte, près de Sainte-Foy-L'Argentière, par manque d'entretien de la voie, précipitant sur la route des milliers de camions. A Sainte-Foy-L'Argentière, d'importantes tuileries expédient tout par la route. Le train touristique de la Vallée de la Brévenne a été interdit de circulation par SNCF Réseau mais ses bénévoles débroussaillent encore les rails... ©RDS

 Dans son entretien du 14 Juillet, le président en exercice Emmanuel Macron a affirmé que la fin de son mandat serait plus écologique. Il a déclaré vouloir « redévelopper le fret ferroviaire massivement », les trains de nuit et les petites lignes « parce que tout ça permet de faire des économies, permet de réduire nos émissions » de gaz polluants. Il ne reste plus que deux liaisons voyageurs par trains de nuit, soit Paris-Briançon et Paris-Toulouse-Latour de Carol. On notera que n’existe plus aucune liaison nocturne non radiale (au départ de Paris), comme on a pu en connaître par le passé (Calais-Vintimille, Genève-Nice, Bretagne-Côte d’Azur…). Pour le collectif « Oui aux trains de nuit », interrogé par RTL, « c’est un bonne surprise » mais « maintenant ce qu’on attend ce sont des actions ». Pour l’instant, la SNCF y réfléchit.

Pour faire rouler plus de trains, il faut de bonnes et nombreuses lignes, et donc de l’investissement

Pour le fret, l’alliance 4F entend doubler la part du rail dans le transport de marchandises par voie terrestre d’ici dix ans soit la faire passer de 9 % à 18 %. Emmanuel Macron semble donc s’être rangé du côté de ce nouveau groupe d’influence. Mais pour faire rouler des trains, il faut de bonnes et nombreuses lignes ferroviaires. Or les travaux de régénération du réseau ferroviaire sont estimés à un milliard d'euros l’an d'ici 2024, puis à 12 milliards entre 2025 et 2030, selon l'alliance 4F. Que dira Bercy en matière d’investissement ?

DSCN2979Train de citernes au passage à Montpellier-Saint-Roch, sur la ligne classique Tarascon-Sète. L'un des problèmes du fret ferroviaire réside dans la disparition de lignes de desserte fine et d'embranchements industriel. ©RDS

 Concernant les lignes de desserte fine, ou ce qu’il en reste, on n’en sait guère plus. Des accords pourraient être signés avec des régions d’ici la fin de l’année, mais on sait que SNCF Réseau refuse de financer les travaux de rénovation non suffisamment pérenne, comme elle l’a illustré en ne donnant rien pour la remise  à niveau de la section centrale de la ligne des Cévennes, entre Langogne et Saint-Georges d’Aurac, soit environ 75 km. Ces travaux coûteron 10 millions d’euros, versés par la seule région Auvergne-Rhône-Alpes. Pendant ce temps, le rapport du préfet Philizot demeure « secret défense » tandis que le schéma national de transports de voyageurs, promis pour 2014, est passé aux oubliettes.

 Quant à la nouvelle possibilité offerte aux régions par la loi de prendre autorité sur certaines lignes, sans qu’elles ne leur soient toutefois cédées en pleine propriété, elle ne s’accompagne pas encore de l’attribution de ressources correspondantes. Sur ce sujet aussi, on attend des financements.

La nouvelle ministre de la « Transition écologique », Barbara Pompili, avait certes assuré le 9 juillet que le gouvernement préparait « un grand plan de relance pour le ferroviaire et tous ceux qui font du transport en commun ». Elle avait affirmé que son ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari était « en train de travailler dessus ». Ce dernier a évoqué cette semaine plusieurs milliards. Sans plus.

La sensibilité ferroviaire de Jean Castex, qui a écrit un ouvrage sur Perpignan-Villefranche

 Pourra-t-on compter sur le nouveau Premier ministre pour convaincre le ministère qui tient les cordons de la bourse, celui des Finances ? Jean Castex est réputé pour son intérêt pour le chemin de fer, du moins dans ses terres d’élection, les Pyrénées-Orientales. En 2017, celui qui était maire de Prades avait publié un ouvrage sur la ligne Perpignan-Villefranche qui fut prolongée par la ligne à voie métrique électrifiée par troisième rail jusqu’à Latour de Carol.

 Intitulé « La ligne de chemin de fer de Perpignan à Villefranche-de-Conflent (Prélude de la ligne de Cerdagne) », Jean Castex retraçait dans ce livre l’histoire mouvementée de la construction et de l’exploitation de ces 41 kilomètres de voie ferrée, construits entre 1863 et 1877. Il y louait la politique volontariste du Second Empire et de la IIIe République. Notons que cette ligne fut fermée plus de deux années au prétexte du dramatique accident de Millas entre un bus scolaire et un TER. Cette fermeture unique par sa durée dans les annales administratives, sous prétexte d’enquête, fit naître une légitime contestation.

 Pour autant, dans sa déclaration de politique générale du 15 juillet, le Premier ministre n’a pas cité les chemins de fer, n’évoquant que « les transports » dans le volet énergétique de son plan de relance, sans préciser s’il s’agirait du train ou de la voiture électrique.

Une déclaration volontariste pour la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan

 Il va pourtant falloir de l’argent. Concernant l’avenir du rail dans sa région, le maire de Prades et Premier ministre a assuré qu’il mettrait « toute son énergie à faire avancer à une vitesse supérieure » le projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Pour l’instant, seule la section Montpellier-Béziers, prévue pour un trafic mixte fret-voyageurs, voit son dossier arriver à maturité.

DSCN0387Chantier de la jonction du contournement de Nîmes et Montpellier et de la ligne classique sur la commune de Lattes, photographié en 2015. Les ouvrages destinés à la poursuite de la ligne nouvelle mixte vers Béziers et Perpignan ont été construits simultanément. ©RDS

 Carole Delga, présidente du Conseil régional d’Occitanie s’est félicitée de voir ainsi lancé « un signal important du redémarrage » du projet : « Après trois années perdues, malgré les engagements pris par Emmanuel Macron lorsqu’il était candidat, je considère que la parole de Jean Castex est le signal attendu par nos territoires en Occitanie ». Elle a souhaité un engagement similaire pour la ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse/Dax, dite GPSO (Grand projet Sud-Ouest). Le nouveau maire de Perpignan, Louis Alliot, avait abondé dans le même sens : « Ce que j'attends de (Jean Castex), en tant que maire de Perpignan, c'est qu'il s'engage sur le désenclavement de notre ville, le TGV, sur le tronçon Montpellier-Perpignan ».

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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