Deux mois après la fin du confinement, le gouvernement annonce une aide au ferroviaire et au transport public, sans la chiffrer
Deux mois après la fin du confinement sanitaire et l’annonce immédiate de soutiens massifs à l’industrie automobile (8 milliards d’euros) et au secteur aéronautique (15 milliards), le ferroviaire et le transport public viennent enfin d’être rassurés par l’Etat, sans pour autant se voir préciser le montant de l’aide publique à venir.
La nouvelle ministre de la « Transition écologique », Barbara Pompili, a assuré jeudi sur une radio d’Etat que le gouvernement préparait « un grand plan de relance pour le ferroviaire et tous ceux qui font du transport en commun ». Depuis des semaines les professionnels du secteur, de la SNCF à l’UTP (Union des transports publics) en passant par 4F, le nouveau groupement de lobbying du fret ferroviaire, ou GNTC, le syndicat du transport combiné, demandaient un acte financier fort de la part d’un Etat qui avait répondu à l’épidémie de coronavirus par un confinement total durant près de deux mois, avec congélation de l’activité économique.
Barbara Pompili : « L’Etat ne laissera pas tomber tous ceux qui font du transport en commun »
Barbara Pompili a assuré : « L’Etat ne laissera pas tomber tous ceux qui font du transport en commun, qui est la base aussi de la transition écologique, donc oui on va les soutenir, oui on va faire un grand plan de relance pour le ferroviaire, oui on va aider tous ceux qui prennent les transports en commun et on va faire en sorte qu’ils n’aient pas à payer les conséquences » de la crise. Elle a assuré que Jean-Baptiste Djebbari, demeuré aux Transports après le remaniement mais en passant du rang de secrétaire d’Etat à celui de ministre délégué, « est en train de travailler dessus ».
Au centre, rame TER aux nouvelles couleurs "bleu layette" de la région Auvergne-Rhône-Alpes au départ de Lyon-Part-Dieu quelques jours après la fin du confinement. Au croisement de la crise du transport ferroviaire et de celle des transports du quotidien. ©RDS
Pour la seule SNCF, la crise sanitaire devrait coûter près de de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaire, avait exposé voici plus d’un mois le PDG du groupe, Jean-Pierre Farandou, en demandant une aide d’urgence de l’Etat, confirmée dans son principe voici quelques jours par des ministres du gouvernement sortant, en particulier Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, ou encore Elisabeth Borne, précédente ministre de la « Transition écologique ». Cette dernière avait affirmé courant juin : « Evidemment on veut que la SNCF puisse continuer à pouvoir proposer des offres de train à des prix abordables par tous et qu’on continue la modernisation du réseau qui est indispensable ».
Pour la RATP, 380 millions d’euros de pertes, les autres réseaux urbains déplorent la perte du versement transport
Les transports urbains et péri-urbains ont eux aussi été impactés massivement. La RATP francilienne évoque 380 millions d’euros de perte de chiffre d’affaires. Signe de l’extrême tension autour de cette question, le syndicat autorité de tutelle des transports franciliens, Ile-de-France Mobilités a suspendu le paiement de ses subventions à la RATP et à la SNCF au titre de leur activité régionale pour placer l’Etat devant ses responsabilités. IdFM estime que le confinement total lui a fait perdre 2,6 milliards d’euros. Le total des pertes pour les autorités organisatrices des transports en Ile-de-France s’élèverait à 4 milliards d’euros.
Rame Citadis 302 Alstom sur la ligne 2 du réseau TaM de Montpellier. Le colossal manque à gagner des transports du quotidien en matière de recettes commerciales (2 milliards d'euros) met à mal les projets de gratuité portés par certains élus locaux, parmi lesquelles Michaël Delafosse, nouveau maire de Montpellier. ©RDS
Les pertes cumulées des recettes des réseaux urbains dans le reste de la France est elle aussi considérable. Dès le mois de mai, le Groupement des autorités responsables des transports (GART) déplorait l’effondrement du versement transport de la part des entreprises présentes sur les territoires de ses membres : « Avant la crise, le versement mobilité représentait le tiers des ressources pour financer le transport du quotidien en Île-de-France et près de la moitié en province. Cette ressource est vitale pour les autorités organisatrices de la mobilité et il n’y a pas d’autre issue que d’en compenser intégralement la baisse qui est directement la conséquence de la crise sanitaire ». L’UTP évalue la chute du versement transport à deux milliards d’euros, et la chute des recettes commerciales à deux autres milliards. Ce dernier chiffre donne à méditer sur les projets de gratuité des réseaux urbains portés par certains nouveaux élus, tel le nouveau maire de Montpellier Michaël Delafosse.
Une perte cumulée de 5 milliards d’euros pour les transports du quotidien, autant pour la filière ferroviaire
Le 8 juillet, les partenaires des États Généraux de la Mobilité Durable se sont réunis pour faire le point : GART, Régions de France, FNTV (transport routier de voyageurs), FNAUT (usagers), TDIE (Transport intermodalité développement environnement, association) et l’UTP ont adressé un courrier au Premier ministre nouvellement nommé, Jean Castex. Ils lui demandent dans une lettre ouverte, de mettre en œuvre un grand plan de relance au bénéfice des transports du quotidien. « Aujourd’hui, ce sont presque 5 milliards d’euros (et autant pour la filière ferroviaire) qui vont manquer au financement des transports du quotidien, soit 18,5 % des 27 milliards d’euros annuels consacrés par les collectivités » à leur financement.
Rame Citadis compacte Alstom du tramway d'Avignon au terminus Saint-Roch. La desserte de la ligne a été suspendue durant le confinement. Comme pour les autres réseaux, les recettes issues des entreprises via le versement transport se sont effondrées, comme les recettes commerciales. ©RDS
Le secteur des transports du quotidien, expliquent-ils, « emploie 400.000 salariés (directs et indirects) mais, aussi et surtout, il apporte un service indispensable à tous les Français : salariés, étudiants, élèves comme personnes sans permis ou à mobilité réduite... Cela est d’autant plus important qu’en cohérence avec sa politique du Green deal, la Commission européenne est favorable à un soutien de notre secteur ».
Plusieurs pays dont l’Allemagne ont déjà décidé de soutenir leurs transports publics
La lettre ouverte au nouveau Premier ministre souligne que « les plans de relance adopté par la France et l’Union européenne doivent être concordants pour soutenir les transports publics », ajoutant que « plusieurs pays, dont l’Allemagne, ont déjà décidé de soutenir leurs transports publics ». « Il ne serait dès lors pas compréhensible que les transports publics ne figurent pas dans le plan de relance de la France, ce qui compromettrait en outre la possibilité pour notre secteur de bénéficier de fonds européens », poursuit-elle.
Après la déclaration d’intention prononcée par Barbara Pompili le 9 juillet, le secteur des transports de masse, qu’il s’agisse des services ferroviaires de voyageurs, des réseaux routiers urbains et du secteur du fret - qui se sont tous illustrés par leur continuité durant le confinement - attend désormais des chiffres.
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