La ligne des Cévennes, 303 km entre Nîmes et Clermont-Ferrand, fête ses 150 ans malgré sa relégation par l’Etat (3/3)
(Suite de nos articles des 29 mai et 3 juin *)
Pour cause de post-confinement sanitaire, les cérémonies destinées à célébrer le 150e anniversaire de la naissance de la ligne complète Nimes-Clermont-Ferrand sont reportées à l’été 2021. La mort dans l’âme, les organisateurs des quatorze circulations spéciales programmées du mardi 7 juillet au vendredi 28 août ont dû annuler ces trains qui eussent par ailleurs drainé une importante clientèle pour les TER commerciaux.
Si les circulations de commémorations sont reportées à l’été 2021, le colloque de septembre 2019 a été fructueux
De fait, des circulations TER renforcées étaient programmées, en particulier pour le retour des voyageurs venus emprunter le premier des trains spéciaux, le 7 juillet, de Clermont à Langogne. Mais dès le 27 septembre 2019, un grand colloque autour du thème « Loi Mobilités et avenir du train dans les territoires de moyenne montagne » s’est tenu à Alleyras, magnifique village au-dessus de la haute-vallée de l’Allier, desservi par la ligne.
C’est lors de cette réunion que Martine Guibert, vice-présidente du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes chargée des transports, a annoncé sous les applaudissements le déblocage 10,5 millions d’euros pour effectuer les travaux d’urgence au nord de Langogne, dans le cadre du plan de sauvetage des « petites lignes » de la région, lequel concerne essentiellement la partie ex-Auvergne.
17/01/2019 L'Eveil de Haute-Loire : Conférence sur la ligne des Cévennes 06/02/2019 L'Eveil Hebdo : Évocation de la participation de "Tourisme en Pays de Cayres - Pradelles" aux festivités des 150 ans de la Ligne des Cévennes 9/02/2019 L'Eveil de Haute-Loire : Langeac - Une semaine pour fêter l'anniversaire de la ligne 22/02/2019 Midi Libre ...
http://www.150anstraincevenol.info
Lien vers une recension des articles de presse et vidéos concernant le colloque de septembre consacré à la ligne des Cévennes, mis en ligne par l'association "150 ans du train cévenol".
Mme Guibert a souligné le refus de l’Etat de participer au financement de ces travaux côté Auvergne « alors que l’Etat a accepté de participer côté Occitanie ». La région Auvergne-Rhône-Alpes financera donc 100 % de ces 10,5 millions d’euros. Ces travaux d’urgence permettront de sauvegarder la ligne d’ici 2023, que SNCF Réseau menaçait de fermer en décembre 2020, pour le service annuel 2021. D’ici 2023, « nous engagerons des travaux beaucoup plus conséquents pour pérenniser cette ligne à long terme », a ajouté la vice-présidente, confiante dans l’avenir de cet axe et de son potentiel touristique.
Une nouvelle association spécialement dédiée au 150e anniversaire de la ligne
La rencontre était portée par la toute nouvelle association « 150 ans de la ligne du train cévenol » présidée par Jean-Marie Vedrenne, et basée à Monistrol d’Allier. Cet organisme s’ajoute à une série d’autres associations, telle l’Association des élus pour la défense du Cévenol, sise à Langogne, le Collectif des usagers des transports du Haut-Allier et d’autres.
A Alleyras, le vice-président du conseil régional Occitanie chargé des Transports, Jean-Luc Gibelin, était bien sûr présent. Il a déclaré, en particulier : « Nous avons besoin de ces trains de proximité. Une présence humaine doit être assurée dans les trains et dans les gares. Il nous faut gagner en fréquentation et recréer une vraie liaison Paris-Marseille avec de vraies correspondances à Clermont-Ferrand et Nîmes ».
Coradia Liner d'Alstom saisi peu de temps après sa mise en service à Langogne par un collaborateur du site "www.cheminots.net". La modernité de ce matériel à la capacité généreuse - mais malheureusement sans 1ère classe malgré la longueur du parcours de bout en bout - contraste avec l'environnement : voies, quais, systèmes... Cette gare d'altitude dessert quelque 3.000 habitants travaillant dans une série d'entreprises locales, et une région touristique réputée (lac de Naussac, patrimoine naturel, architectural, gastronomique). (DR)
Trois nouvelles rames Coradia Alstom à motorisation thermique ont été livrées en fin d’année 2019 pour effectuer chaque jour ces 303 km de bout en bout, avec réaménagement du technicentre de Nîmes à leur intention. L’arrivée de ces Coradia scelle le transfert du dernier aller-retour quotidien breveté Intercités, relevant donc d’un financement de l’Etat, aux deux régions concernées.
Mais si ces belles rames à quatre caisses remplacent avantageusement les autorails monocaisses X73500 relativement étriqués ou les courtes rames Corail tractées par des diesels BB67000 bientôt sexagénaires, leur achat aux frais de l’Etat ne résout pas la question de l’infrastructure. Une section au nord de Langogne a de nouveau été frappée d’une limitation temporaire de vitesse à 40 km/h, une vitesse de pays du tiers-monde.
L’absurdité de faire rouler trois beaux Coradia ultra-modernes payés par l’Etat parisien sur des voies en ruine
Faire rouler de beaux trains sur une voie décrépite revient à faire rouler une Audi sur un chemin forestier après l’orage. Or la rénovation de l’axe Nîmes-Clermont-Ferrand relève d’une urgence nationale. Il sert non seulement aux trajets de proximité dans la zone d’influence des deux villes de ses extrémités (Clermont-Issoire, Nîmes-Alès…) mais aussi à la liaison la plus courte, et qui pourrait être nettement la plus rapide, entre elles. Une liaison par définition inter-régionale sur une ligne prolongeant un axe radial amorcé à Paris.
Mieux, malgré l’élagage irresponsable opéré par l’Etat parisien des lignes affluentes qui irriguaient les territoires à partir de la ligne des Cévennes (notre article du 1er juin), cet axe conserve une fonction de répartition des trafics sur un réseau encore relativement maillé : vers Aurillac, vers Le Puy, vers Mende et, si la région Occitanie parvient à tenir ses engagements de réouverture, de nouveau vers Bessèges au départ d’Alès.
Un potentiel fret demeure au-delà du bois de Langeac, de l'acier de Saint-Chély-d'Apcher... l'aluminium d'Issoire est à reconquérir
De plus, un potentiel fret demeure, bien au-delà des deux allers-retours hebdomadaires de trains de grumes de Langeac à Tarascon, ou du trafic de l'usine métallurgique Arcelor de Saint-Chély-d'Apcher, sur ligne de Béziers au sud de Neussargues, qui emprunte l'axe Nîmes-Clermont-Ferrand au nord d'Arvant.
La desserte ferroviaire de l’usine d’aluminium Rhenalu embranchée à Issoire et disposant d'un important faisceau a cessé voici environ quatre ans. La multiplication des grèves sur le réseau, qui chaque fois entraînaient un blocage de l'acheminement des wagons au profit des circulations voyageurs, a découragé l'entreprise et ses clients. Les plaques d'alliages d'aluminium à forte valeur ajoutée restaient en rade. Tout le trafic a basculé à la route.
Deux allers-retours hebdomadaires pour le train de grumes chargées à Langeac à destination de l'usine de cellulose de Tarascon, ici au retour à Villefort. D'autres circulations fret seraient possibles si les trafics diffus de l'axe étaient concentrés sur le rail dans quelques gares du parcours... et si le retour à la régularité du service convainquait l'usine d'aluminium d'Issoire de revenir au rail après l'avoir quitté voici environ quatre ans. (2016) ©RDS
A l’époque du transport combiné léger, la concentration des charges routières sur de petits chantiers de chargement rail-route en quelques points de la ligne (Alès, Langogne, Brioude…) est à étudier, de même que le transfert sur rail d’autres trafics de bois ou de pondéreux. Le chemin de fer peut être plus agile que ne l’a conçu la SNCF depuis cinquante ans. Un stage de quelques hauts fonctionnaires ministériels ou de cadres ferroviaires sur les chemins de fer rhétiques (RhB), dans les Grisons, autre réseau de montagne, leur donnerait probablement des idées.
Le retour à un minimum de stabilité sociale dans une entreprise lestée par le pire cumul du taux de journées de grève sur l'effectif de toutes les entreprises françaises, constitue bien sûr la condition sine qua non d'un retour des chargeurs. Or c’est la fuite du fret (fin des mines et de la métallurgie alésienne, concurrence modale contestable, désindustrialisation, métropolisation, conflits sociaux) qui a précipité les déséquilibres financiers de ce type de lignes.
Parce que cette ligne est bi-régionale, parce qu’elle est potentiellement destinée à recevoir des circulations amorcées bien au-delà de son périmètre (Paris, Marseille, Toulouse, Avignon, Montpellier…) touchant Provence-Alpes-Côte-d'Azur et jusqu'à l'Ile-de-France, le devoir de l’Etat central est de la considérer comme un élément du patrimoine ferroviaire national dont il doit partager la charge au nom de l’équité territoriale.
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(*) Lien vers notre second article sur les 150 ans de la ligne des Cévennes :
Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire.
http://raildusud.canalblog.com
Lien vers notre premier article sur les 150 ans de la ligne des Cévennes :
Le 16 mai dernier, à peine sortie du coma collectif dû au confinement, la " ligne des Cévennes " Nîmes-Clermont-Ferrand fêtait en silence son 150 e anniversaire. En effet, le 16 mai 1870 était inaugurée sa longue section centrale Villefort-Langeac, longue de 106,25 km et dotée de 69 tunnels, ouverte à la circulation par le PLM.
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