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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
28 octobre 2019

Grenoble-Veynes : alors que des collectivités sont prêtes à payer, c’est l’Etat central qui menace la ligne

 Le comité de pilotage sur le projet de rénovation de la ligne Grenoble-Veynes (110km) qui devait se tenir à la préfecture de l’Isère le 22 octobre a été annulé et reporté au 16 décembre. Les associations d’usagers et cheminots, qui évoquent « un nouvel affront », ont manifesté pour dénoncer les manquements de l’Etat. Les collectivités territoriales se sont engagées à verser des subventions pour sauver cette ligne de grande valeur alors même qu’elle est pleine propriété de l’Etat et que sa maintenance ne relève pas de leur compétence. Une fois de plus c’est l’Etat central et jacobin qui menace le réseau interrégional d’une énième liquidation d’infrastructure pour un devis global de renouvellement de la section Vif-Aspres-sur-Buëch d’environ 50 millions d’euros. Des manifestations auront lieu tout au long de la ligne le 9 décembre. (Lire aussi notre article du 4 octobre 2019).

Le retard de l’Etat menace le lancement des travaux et le maintien de l’exploitation

 Certes le secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari avait précédemment annoncé dans un entretien publié par Le Dauphiné Libéré le 21 septembre que « l’Etat prendrait pleinement sa part » dans le financement du sauvetage d’une ligne dont la superstructure est en voie d’obsolescence, avec une trop classique menace de fermeture dès la fin 2020. « Cette ligne des Alpes est structurante pour le territoire d’autant plus qu’il ne présente pas de vraies alternatives routières », déclarait-il. Toujours dans Le Dauphiné Libéré, un membre du collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes, Lionel Perrin, expliquait le 23 octobre : « M. Djebbari avait dit que les travaux se feraient en 2020 et qu’une décision serait prise à la fin du mois de septembre et on est à la fin du mois d’octobre et rien n’est décidé ».

 Les conventions de financement devaient être signées en novembre 2019 pour que les travaux puissent être exécutés en 2020 et éviter une fermeture. Or, souligne le sénateur de l’Isère Guillaume Gontard, « l’argent est là et le tour de table des collectivités locales a été fait ; il manque seulement un engagement concret de l’Etat ». Des travaux de maintenance d’urgence sont évoqués pour maintenir l’exploitation jusqu’en 2021, mais ils ne feraient qu’alourdir la facture finale.

 La tactique est usée jusqu’à la corde : l’Etat central retarde, la situation devient intenable, SNCF Réseau doit reporter sur route et le tour est joué. Le Collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes redoute que si l’exploitation de la ligne vient à être suspendue, « certains partenaires ne voudront plus payer ».  Déjà, le président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez est revenu sur sa décision de porter sa subvention à 10 millions d’euros, ramenant sa proposition à 6 millions. La Métropole de Grenoble a assuré qu’elle verserait une part de financement d’au moins 2 millions d’euros.

Grenoble-Veynes, c’est bien plus que Grenoble-Gap : du péri-urbain à l’interrégional

 La ligne Grenoble-Veynes est improprement qualifiée par les médias dauphinois de « ligne Grenoble-Gap ». Cette dénomination peut laisser penser qu’elle ne remplit que cette fonction, axe  concurrencé par une amorce autoroutière côté Grenoble bien que le trajet routier soit à peine plus court en temps par le col Bayard (2h10mn) que par le chemin de fer (2h20mn). Or la ligne Grenoble-Veynes, initialement « ligne de Lyon-Perrache à Marseille via Grenoble », remplit plusieurs autres fonctions que celle de relier la préfecture de l’Isère à celle des Hautes-Alpes.

Les Alpes ferroviaires. Grenoble-Veynes a un rôle de liaison interrégionale évident. (SNCFR)

 Sur l’agglomération grenobloise (450.00 habitants pour la  métropole, 750.000 habitants en zone agglomérée), elle constitue un axe de pénétration capital côté sud où la voirie routière (cours Jean-Jaurès – Libération…) de Grenoble à Pont-de-Claix est notoirement engorgée. Les autocars TER Grenoble-Clelles proposés parallèlement à la ligne sont retenus dans de longs embouteillages et une kyrielle de feux de signalisation avant d’avoir accès à l’autoroute. Il en va de même des fréquentes rotations d’autocars métropolitains Grenoble-Vizille, alors qu’un lien ferroviaire entre Jarrie (ligne de Veynes) et Vizille pourrait être réactivé. Malheureusement, elle ne sera pas en correspondance avec le prolongement de la ligne A du tramway à Pont-de-Claix-l’Etoile, dans un premier temps (notre article du 2 octobre 2019).

Sur le sud du département de l’Isère, la ligne Grenoble-Veynes dessert des bassins géographiquement isolés mais en croissance démographique, tout au long de la façade est du massif du Vercors : zone de Monestier-de-Clermont, Trièves.

Le seul lien ferroviaire direct entre Alpes du Nord et Alpes du Sud

 Au-delà, cette ligne est le seul moyen ferroviaire depuis Grenoble et tout le nord des Alpes pour rejoindre Gap et la haute vallée de la Durance jusqu’à Briançon, mais aussi et surtout la moyenne vallée de la Durance, soit Sisteron, Saint-Auban, le bassin de Forcalquier, Manosque et tout le bassin d’Aix-en-Provence en ligne directe. Rappelons que Grenoble-Veynes fut parcourue dans les années 1970 par des circulations (Genève) Grenoble-Digne via Saint-Auban, donnant correspondance par les Chemins de fer de Provence (CP, régie régionale) vers Nice, soit un parcours trois fois plus court en distance que Grenoble-Nice via Valence et Marseille. Aujourd’hui, ce parcours est haché menu entre trains TER et cars TER, la courte section Saint-Auban-Digne (27km !) ayant été neutralisée par la SNCF avec report sur route, isolant Digne du réseau ferré national… alors que la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence est reliée par les trains des CP à Nice, distante de 151km.

 Enfin, globalement, cette ligne au tracé hardi tout au long de la façade orientale du Vercors avec parcours en S entre Vif et Monestier-de-Clermont, offre une alternative précieuse à la route dans cette zone de montagnes soumise à des hivers rigoureux. Mais encore, elle permet de découvrir des paysages stupéfiants de grandeur sur le Mont Aiguille, les titanesques barres rocheuses du Vercors et, en face, sur le Trièves, le massif des Ecrins dont le sommet culmine à 4.101m, et l’Obiou (2.789m) avant le passage du col de la Croix-Haute franchi à l’air libre à 1.176m d’altitude. De ce fait, la ligne Grenoble-Veynes constitue un vecteur touristique d’une valeur inestimable, totalement sous-exploité par un Etat sur-centralisé  reléguant depuis 80 ans les régions éloignées et isolées au seul transport routier. La Suisse en eût fait un élément clé de son attractivité touristique.

 Fonction métropolitaine, périurbaine, régionale et interrégionale : la ligne Grenoble-Veynes, soutenue par les collectivités territoriales, est aujourd’hui clairement menacée par l’Etat jacobin.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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