Occitanie : un réseau dual, des ambitions aux résultats contrastés
La politique ferroviaire de la région Occitanie porte ses fruits, sur plusieurs chapitres : l’augmentation des fréquences sur les axes les plus fréquentés, l’augmentation du parc de rames et l’augmentation de la fréquentation. Mais les projets de réouvertures, les plus ambitieux parmi les régions françaises, peinent à se concrétiser dans trois cas sur cinq pour ce réseau profondément dual, entre axes majeurs et lignes de montagne.
Hausse de 98 % de l’usage du TER depuis 2019
Sur ce dernier point, le bilan est notables avec une hausse de 98 % du trafic (de l’usage) depuis 2019, soit la plus forte augmentation de la fréquentation ferroviaire des régions françaises sur cette période. Le trafic quotidien moyen des TER de la région Occitanie atteint les 100.000 voyageurs par jour. L’Occitanie est il est vrai l’une des plus vastes régions de France avec ses 72.724 km², soit la deuxième après la Nouvelle-Aquitaine (84.036 km²). Elle compte 6,15 millions d’habitants, à égalité avec la Nouvelle-Aquitaine, loin derrière Auvergne-Rhône-Alpes (8,23 millions d’habitants) mais devant Provence-Alpes-Côte d’Azur (5,2 millions d’habitants).
Automoteur X73500 en gare de Toulouse Matabiau, stationnant parallèlement à une rame TGV. Le contraste est saisissant entre les lignes de montagne en zone peu dense et les grands axes très peuplés. (Cl. RDS)
La densité de population d’Occitanie n’est que de 82,8 habitants/km² contre 116,5 en Auvergne-Rhône-Alpes, 163,3 en Provence-Côte d’Azur (72,2 en Nouvelle-Aquitaine). Cette relativement faible densité constitue un handicap pour le transport ferroviaire, dont la caractéristique est la capacité d’emport unitaire. Elle est compensée par le fait que la population occitane est très inégalement répartie, concentrée sur le couloir du Bas-Languedoc (Avignon-Perpignan) et sur la conurbation de Toulouse.
Dès 2020, la Région avait déjà augmenté l’offre de 11 %, en densifiant les fréquences aux heures de pointe et sur l’ensemble de la journée. De plus, 230 trains supplémentaires par semaine ont été mis en place en 2025 permettant d’ajouter 12.000 places quotidiennes sur les axes les plus fréquentés comme Toulouse-Narbonne, Quart Nord-Est Toulousain, Nîmes-Alès…
Montréjeau-Luchon, Rive droite du Rhône, rénovations
Le réseau ferroviaire est de ce fait gravement contrasté, entre les grands axes surchargés, l’un déjà doublé par une ligne mixte fret-TGV entre le Gard et l’Hérault, et les ligne « de montagne », à faible trafic et pour lesquelles la région investit lourdement. L’Occitanie a ainsi inauguré la réouverture, sous sa gestion propre, de la ligne Montréjeau-Luchon (37 km) le 22 prochain, après le rétablissement de services TER sur la ligne fret de la rive droite du Rhône entre Pont-Saint-Esprit, Avignon et Nîmes par Remoulins, en 2022. Une réouverture de la ligne Alès-Bessèges et des six points d’arrêts restants sur la Rive Droite du Rhône sera envisagée à partir de 2028, « à condition que l’État n’impose pas de nouvelles économies budgétaires et que la situation économique le permette », indiquent les services du conseil régional.
La région a beaucoup investi aussi dans l’entretien et la rénovation des deux axes nord-sud Nîmes-Clermont-Ferrand et Béziers-Neussargues.
Croisement en gare de La Bastide Saint-Laurent-les-Bains. La région Occitanie investit régulièrement dans cette ligne Nîmes-Clermont-Ferrand, propriété de l'Etat. (Cl. RDS)
Deux autres annonces de réouvertures paraissent elles aussi soit largement retardées, soit sont devenues plus qu’hypothétiques.
La restauration des 28 km entre Limoux et Quillan, de l’ancienne ligne Carcassonne-Rivesaltes par Limoux, fermés fin 2017, a été évaluée cet été par un audit indépendant (cinq cabinets d’expertise missionnés par la CGT Cheminots) à 48 millions d’euros, soit 1,7 millions d’euros par kilomètre. Un devis porté à 58 M€ ( en cas de rétablissement d’un croisement, par exemple à Couiza-Montazel, gare située à mi-parcours. SNCF Réseau avançait la somme de 49 M€ à 77 M€ en 2019, somme à réévaluer en raison de la dérive monétaire, soit 57 M€ à 88,5 M€ actuels ou encore entre 2 M€/km et 3,16 M€/km. Un comité de vigilance a été constitué cet été.
Séverac-le-Château – Rodez, la plus hypothétique
La situation est encore plus inquiétante pour le projet de restauration de la ligne Rodez-Séverac-le-Château, longue de 44,7 km et qui a vu passer ses derniers trains elle aussi en 2017. La président du conseil régional d’Occitanie, Carole Delga, avait considéré l’année dernière que le projet devait être reporté dans les conditions actuelles. Cette ligne permettait non seulement de relier par train les deux principales villes du département de l’Aveyron, Millau et Rodez, mais aussi de constituer un maillon pour des relations – qui ont existé - à longue distance entre Lyon et Toulouse via Saint-Etienne, Le Puy, Saint-Georges-d’Aurac, La Bastide, Mende, Le Monastier, au nord-est, Rodez, Albi, Saint-Sulpice au sud-ouest.
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Fiche horaire des autocars régionaux Millau-Rodez. La fréquence est relativement élevée mais le mode routier sur cette section interdit tout service directe en aval comme en amont.
Aujourd’hui, les cars régionaux relient les deux villes sept fois par jour en semaine, moins en fin de semaine, avec quelques missions supplémentaires partielles côté Rodez. Leur temps de parcours est de 1 h 30 mn pour 64 km par route. En 1992, un unique train (Millau-Toulouse) reliait les deux villes en 1 h 19 mn pour 74 km, sur une voie antédiluvienne, il est vrai avec seulement trois arrêts intermédiaires. Tout le reste était assuré par autocars. A 2 M€ par km, le devis de la rénovation de Séverac-le-Château-Rodez incluant un pas de croisement à Laissac ou Bertholène, s’établirait à 88 M€.
Dans la logique de son réseau dual, lignes à très fort trafic et lignes « de montagne » à faible offre, la région Occitanie renforce son parc de matériel électrique. Dix-huit nouvelles rames Regio2Nont été commandées, pour mise en service en 2027. Ces rames à deux niveaux à forte capacité offriront chaque jour 9.000 places supplémentaires sur les lignes électrifiée à fort trafic.
Plus largement, la région finance un important plan de rénovation de ses 83 rames AGC à un seul niveau qui sont arrivées à mi-vie. Elles sont pour partie héritées de la région Midi-Pyrénes, pour partie de Languedoc-Roussillon. Leur mise au type commercial implique la suppression des compartiments de 1e classe et, pour les rames ex-Midi-Pyrénées, la suppression d’un petit espace collation avec table centrale.
Les SERM, ferroviaire à Toulouse, routier à Montpellier ?
Côté métropoles, les « phases de préfiguration » des Services express régionaux métropolitains (SERM) de Toulouse et Montpellier ont été officiellement lancées en début d’année. Le projet de Toulouse peut s’appuyer sur un étoile ferroviaire conséquente, avec ses six branches malgré la disparition déjà ancienne de l’important maillage de lignes départementales. Sa réalisation devrait être progressive, ont prôné les responsables de SNCF Réseau. Elle pourra bénéficier des aménagement ferroviaires nord-Toulouse, avec le passage à quatre voie sur la section Matabiau-Castelnau d’Estrétefons, destinés en partie aux futurs flux TGV de la ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse, en partie aux trains métropolitains. Leurs travaux ont commencé voici un an.
En revanche, la métropole de Montpellier ne dispose plus d’aucune étoiles ferroviaire. Après avoir été équipée d’une étoile à sept branches (vers Palavas, Sète, Paulhan, Béziers-Nord, Rabieux, Sommières et Nîmes) elle ne dispose plus que de deux destinations ferroviaires locales, vers Sète et Nîmes par la transversale Tarascon-Sète-Narbonne. La LGV mixte du Contournement de Nîmes et Montpellier et son futur prolongement vers Béziers ne pourront jouer aucun rôle métropolitain d’autant qu’elle n’offre aucune correspondance TER en gare de Montpellier Sud-de-France, exclusivement TGV.
Gare de Montpellier Sud-de-France. La réalisation a été coûteuse (147millions d'euros) mais si le bâtiment et le plateau de voies sont ambitieux, le service n'est limité qu'à certains TGV, excluant les TER et les correspondances. (Cl. RDS)
A ce jour, la part ferroviaire d’un SERM montpelliérain ne pourrait donc s’appuyer que sur la ligne classique Tarascon-Sète, au risque de devoir expulser le reliquat de TGV qui l’empruntent encore pour desservir les gares de centre-ville, ou sur une extension des lignes de tramway urbain en mode « tram express ». Or l’avant-projet révélé voici quelques mois privilégie ouvertement les bus à « haut niveau » de service sont on connaît la capacité limitée, la faible longévité et les performances pour le moins relatives en grande banlieue. Les emprises des lignes abandonnées sont soit aliénées soit transformées en voies prétendument « vertes ». Il est vrai que la gratuité du transport public décrété par la métropole de Montpellier, qui lui fait perdre 40 millions d’euros de recettes chaque année, ne favorisera pas les gros investissements en infrastructures.
Grande vitesse et tarifs incitatifs
La région se concentre aussi sur la grande vitesse, qu’elle cofinance : « Intensifier et coordonner la mobilisation du territoire dans la création des deux Lignes à Grande Vitesse (LGV) : pour proposer plus de trains aux voyageurs, accompagner la croissance démographique de la région et mettre les habitants d’Occitanie aux portes de toute l’Europe ». Les travaux d’aménagements ferroviaires au nord de Toulouse, maillons essentiels de la Ligne Nouvelle du Sud-Ouest (LNSO), sont menés depuis un an. Les interventions préparatoires (études techniques, environnementales et maîtrise foncière) aux travaux de la phase 1 de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) sont lancées.
TER Occitanie en gare terminus du Grau-du-Roi. La ligne depuis Nîmes Saint-Césaire a été partiellement rénovée largement sur le budget régional et sa fréquentation bénéficie largement des tarifs promotionnels. (Cl. RDS)
La région Occitanie, si elle n’a par chevauché l’utopie du transport gratuit appliquée à Montpellier, a tout de même mené une politique offensive en matière tarifaire, incitant fortement à la fidélisation. Un million d’usagers âgés de 12 à 26 ans sont visés par le tarif « +=0 » qui ouvre permet un transport gratuit dès le onzième trajet payé dans le mois. Les formules « +=Flex » pour les usagers de 27 à 59 ans et « +=- » pour les seniors de plus de 60 ans permettent une dégressivité du coût des trajets en train jusqu’à 90 % et facilitent les correspondances avec les cars régionaux grâce à un unique titre de transport dématérialisé.
La région a instauré le tarif de 1 € par trajet en train liO pour tous les salariés dans le cadre de leur déplacement domicile-travail après la prise en charge à 50 % par leur employeur. L’opération « train liO à 1€ » chaque premier week-end du mois depuis 2022 permet de faire bondir l’usage loisirs, au point de saturer certaines circulations type Nîmes-Le Grau-du-Roi. Un record absolu a été atteint les 5 et 6 avril 2025 avec 110.000 billets de ce type vendus en une seule fin de semaine.
Un versement mobilité régional ciblé sur les zones les plus actives
L’Occitanie a adopté la possibilité d’instaurer un versement mobilité régional par les entreprises, autorisé depuis cette année, au contraire de sa voisine Auvergne-Rhône-Alpes qui s’y refuse. « Les Régions étaient jusqu’alors les seules autorités organisatrices jusqu’alors les seules autorités organisatrices de la mobilité (AOM) à ne pas bénéficier d’un levier fiscal pour financer les infrastructures et les services de transport. les services de transport », insiste le conseil régional.
Ancien bâtiment marchandises à Vauvert sur la ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi. Le fret reste généralement le grand absent des politiques ferroviaires régionales alors que certaines entreprises sont désormais fiscalement sollicitées par la région. (Cl. RDS)
Cette contribution est appliquée à la discrétion des régions aux entreprises privées et organismes publics de 11 salariés et plus, dans la limite légale d’un taux correspondant à 0,15 % 0,15 % de la masse salariale. Il est déjà appliqué depuis plusieurs années en Île-de-France le-de-France à un taux de 3,2 % en 2025, ainsi que dans les agglomérations (taux de 2 %).
L’Occitanie a toutefois limité cette nouvelle taxe, appliquée depuis cet automne, aux territoires les plus peuplés et les plus riches qui bénéficient d’une offre de service renforcée. Selon la région, elle devrait rapporter de 40 M€ à 50 M€ et devrait contribuer à modérer les tarifs, à renforcer le parc de matériel roulant, à financer les SERM. On pourrait espérer qu’elle puisse contribuer à l’équité territoriale en renforçant les infrastructures et les services des « lignes de montagne ».