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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
19 mai 2025

Bouches-du-Rhône : explosion de la démographie, rétraction du réseau ferroviaire

 Avec 151 gares sur son territoire au plus fort de ses réseaux ferroviaires au début du XXe siècle, le département des Bouches-du-Rhône faisait partie des territoires du grand Sud-Est les mieux pourvus en dessertes ferroviaires avec  2,96 gares pour 100 km2. Toutes, à l’époque, étaient ouvertes aux voyageurs comme au fret.

 Certes, il était loin des départements très industrialisés et miniers du Nord et de l’Est de la France. Le seul département du Nord affichait 592 gares, soit 5,08 gares par 100 km2. Il était distancé par le petit (par sa surface) département du Rhône et ses 3,69 gares par 100 km2, mais tenait la dragée haute à ses voisins, que ce fût le Vaucluse (1,74 gares par 100 km2), le Var (1,39), la Drôme (1,34) ou les Basses-Alpes devenues Alpes de Haute-Provence (0,6). Seul le Gard voisin, et minier, approchait sa densité ferroviaire avec 2,35 gares pour 100 km2. (1)

Carte d'ensemble des lignes ferroviaires concernant le département des Bouches-du-Rhône à leur plus vaste extension, autour de 1930. Les lignes d'intérêt local sont figurées en traits fins. (Doc. RDS)

 A ce jour, les Bouches-du-Rhône, dont la population a double en 90 ans, ne comptent plus que 48 gares ouvertes aux voyageurs (y compris Aix-TGV) sur son territoire de 5.087 km2, soit une densité de 1,06 gare pour 100 km2.  Le nombre de gares ouvertes aux voyageurs a été divisé par 3,14, faisant de ce département un territoire massivement dominé par le transport routier de voyageurs, qu’il soit individuel ou collectif. Le principal du  transport ferroviaire régional est limité à Marseille-Toulon, Marseille-Arles-Avignon. Marseille-Aix est fortement concurrencé par la route, Marseille-Miramas par la Côte Bleue reste assez marginale de même que Miramas-Salon-Avignon.

Cinq lignes fermées par le réseau ferré national

 Le réseau ferré national a perdu cinq lignes (nous indiquons les dates d’ouverture et de fermeture au trafic voyageurs, le service fret ayant cessé ultérieurement, sur chacune d’entre elles) :

- Arles - Port-Saint-Louis-du-Rhône (40,7 km, 1887-1932) ;

- Rognac – Aix-en-Provence (25 km, 1856-1939) ;

- Gardanne-Trets prolongée dans le Var vers Saint-Maximin, Brignoles et Carnoules (79 km dont 27 km dans les Bouches-du-Rhône, 1877-1939) ;

- Aubagne-La Barque (31 km, 1904-1939), ligne reprise entre Aubagne et La Bouilladisse par le tramway « Val’Tram » en cours de construction ;

- Salon - La Calade-Eguilles (32,64km, 1903-1938).

Seule réhabilitation à ce jour dans les Bouches-du-Rhône d'une ligne ferroviaire fermée : le futur tramway Val'Tram Aubagne-La Bouilladisse, parallèle à un axe routier surchargé, récupère l'emprise de l'ancienne ligne Aubagne-La Barque. (Doc. AMP)

 Toutes ces lignes constituaient des itinéraires potentiels de détournement et permettaient des dessertes fines, certaines assurant de potentielles dessertes péri-urbaines (Rognac-Aix, Aubagne-La Barque en particulier) autour du grand Marseille, actuellement métropole Aix-Marseille-Provence.

 On remarque aux dates de suppression des services voyageurs  que le département des Bouches-du-Rhône aura précocement payé un lourd tribut dès les deux premières années de liquidations massives (1938, 1939) entreprises par le tout jeune monopole d’Etat dénommé SNCF sur ordre du gouvernement.

 Mais dans les Bouches-du-Rhône, un démaillage encore plus spectaculaire aura concerné les réseaux sous concession départementale, dits « d’intérêt local ». Aux origines, ces lignes destinées à couvrir au plus près les activités et les populations du département, furent créées par quatre organismes ou compagnies : les Chemins de fer de Camargue, à cheval sur les Bouches-du-Rhône et le Gard ; La Société des chemins de fer des Bouches-du-Rhône ; la Compagnie des chemins de fer régionaux des Bouches-du-Rhône ; la Compagnie des tramways électriques des Bouches-du-Rhône.

 Les Chemins de fer de Camargue ont exploité, de 1892 à 1958, un vaste réseau de 122 km à voie métrique qui fut intégralement électrifié - en 1920 dans le Gard, en 1932 dans les Bouches-du-Rhône -, dont 75 km dans les Bouches-du-Rhône. Ce dernier département était desservi par les lignes (entre parenthèses, kilométrage, dates de mise en service de la ligne dans son intégralité et de fermeture aux voyageurs) :

- Arles-Salin-de-Giraud (37,9 km, 1892-1958),

- Arles-Les Saintes-Maries-de-la-Mer (37,3 km, 1892-1953).

Le dense maillage des lignes départementales

 Outre ces lignes de Camargue, un important réseau s’était développé au cœur du département. Après les diverses sociétés originelles de chemins de fer d’intérêt local, le département reprit le réseau en 1913 pour le placer en régie, hors lignes de Camargue demeurées dans le giron des Chemins de fer de Camargue (CC).

Horaire de la ligne départementale Tarascon-Orgon. Au vu de la très faible fréquence, l'activité voyageurs n'était pas, à l'évidence, la principale source de revenus ferroviaires de la régie départementale... A Tarascon, la gare du réseau d'intérêt local état située en contrebas de la gare PLM, dans le triangle constitué par les trois axes du réseau ferré national. La voie départementale à destination de l'est (Orgon) passait en-dessous des voies directes Lyon-Marseille. 

 Ces organismes successifs ont exploité un réseau qui atteignit un cumul d’environ 179 km au tournant du XXe siècle sur le territoire départemental avec les lignes suivantes :

- Pas-des-Lanciers-Martigues (19 km, 1872-1932),

- Tarascon-Saint-Rémy-de-Provence-Orgon (30 km, 1887-1937 pour Saint-Rémy-de-Provence-Orgon, 1874-1955 pour Tarascon-Saint-Rémy-de-Provence),

- Arles-Salon-de-Provence (47 km, 1887-1933/1947 après réouverture en 1940),

- Barbentane-Plan d’Orgon (23 km, 1887-1937),

- La Ciotat-gare-La Ciotat Ville (5 km, 1887-1955),

- Eyguières-Meyrargues (18 km, 1889-1933).

 La ligne Nice-Meyrargues des Chemins de fer de Provence ne concernait les Bouches-du-Rhône que pour trois stations : Meyrargues, Peyrolles et Jouques à l'extrême nord-est du département.

Autorail Berliet autour de 1950 au départ de la gare de Saint-Rémy-de-Provence, en tête d'un "marchandises-voyageurs" sur l'une des dernières section encore en service des chemins de fer départementaux des Bouches-du-Rhône. (Doc. Bernard Laville/bne.lagramillere.free.fr)

 La régie reprit de même en 1920 la ligne de tramway de Marseille à Aix-en-Provence (30 km, 1903-1948), remplacée par une ligne de trolleybus puis en 1965 par une des lignes d’autobus interurbains parmi les plus fréquentes de France. Cette ligne 50, longue de 30 km, propose aujourd’hui un autocar toutes les 5 mn en heures de pointes, toutes les 10 mn en heures de journée, avec une amplitude de 5 h 45 à minuit. En heures de pointes du matin et de fin d’après-midi, un service est direct toutes les 15 mn.

 Le régie, rebaptisée RDT13 (Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône), a été fusionnée avec la RTM, qui exploite le réseau de  transport public de la métropole de Marseille, au 1er janvier 2024. Son réseau ferroviaire ne se limite plus qu’à l’antenne Pas-des-Lanciers – La Mède pour des transports d’hydrocarbures destinés à la grande raffinerie qui y est installée, la section entre la raffinerie et la gare originelle de Martigues, à Jonquières, étant fermée.

 Pour autant la RDT13 a muté son activité ferroviaire en l’étendant hors de son périmètre originel, tout en ayant massivement développé un réseau d’autocars. Elle possède quelque 219 autocars conduits par 360 conducteurs.

Les activités ferroviaires diversifiées de RDT13

 RDT13 assure, en partenariat avec VFLI, Inexia et ETF, la maintenance des voies des bassins ouest (Fos, Graveleau, Port-Saint-Louis) du Grand Port Maritime de Marseille. Elle assure la traction ferroviaire sur les voies du port d’Arles, celle de trains d’ordures ménagères marseillaises, la maintenance de matériels de traction. Elle détient 26 engins de traction ferroviaire dont huit circulent sur le réseau ferré national et  entretient 130 km de voies ferrées.

  Qu’il soit d’intérêt national ou local, le réseau ferroviaire originel des Bouches-du-Rhône fut largement conçu pour drainer une considérable activité industrielle, minière, portuaire et agricole, leur fonction voyageurs restant généralement marginale hors grandes lignes structurantes.

Carte ancienne des accès ferroviaires à Martigues. On note au sud de la ville la gare terminus de la ligne en provenance de Pas-des-Lanciers. Loin à l'ouest, la gare du PLM. (Doc. Archives de la ville de Martigues)

 Les lignes départementales, en particulier, irriguaient les riches bassins agricoles du nord et de l’ouest du département dont elles tiraient l’essentiel de leur trafic. L’obsolescence de leurs installations et de leur matériel roulant dans les années 1930, soit une cinquantaine d’année après leur mise en service, plutôt que de conduire à leur modernisation poussèrent les autorités publiques à favoriser la route et ses entreprises privées en les fermant progressivement.

 Il en a été de même pour plusieurs lignes du réseau national, dont la baisse de l’activité fret a entraîné la neutralisation ou la fermeture.

Envol de la démographie, multipolarité… mais rétraction du réseau ferré

Ainsi les autorités publiques ont-elles laissé passer l’opportunité de transférer la fonction fret locale vers une fonction voyageurs malgré l’envol de la démographie et de l’urbanisation, particulièrement dans les Bouches-du-Rhône.

 Ce  vaste département connaît une urbanisation particulièrement multipolaire. Il compte à ce jour quelque 2,1 millions d’habitants, soit une densité atteignant 407 habitants au km2. Il n’en comptait que 1,1 million en 1931, époque des premières fermetures aux voyageurs, soit 216 habitants au km2. On mesure l’inadéquation entre l’évolution du réseau ferroviaire, aux capacités de transport de masse à faible consommation d’espace alors que le réseau routier est singulièrement contraint, et l’explosion de la population.

Vue de la gare routière située à l'arrière de la gare de Marseille Saint-Charles. La très haute fréquence de la ligne 50 vers Aix-en-Provence en fait l'une des lignes interurbaines (30 km) parmi les plus achalandées de France... en concurrence partielle avec la ligne de trains TER via Gardanne. (Cl. RDS)

 Le manque de vista des élus et la soumission aux industries routières est frappant, comme ailleurs en France mais le cas des Bouches-du-Rhône est particulièrement aveuglant. Le choix de ne pas raccorder la gare d’Aix-en-Provence TGV à une ligne ferroviaire régionale (nouvelle ou par correspondance avec la ligne neutralisée à ce jour Rognac-Aix-en-Provence) est la dernière en date des décisions illustrant cette politique.

 La remarquable récupération pour un tramway, par la métropole Aix-Marseille-Provence, de l’emprise d’une partie de la ligne Aubagne-La Barque, jusqu’à La Bouilladisse, est à l’inverse un pas dans le bon sens. Il en faudrait bien d’autres. On pense en premier lieu à la ligne Rognac-Aix-en-Provence, qui permettrait en particulier de desservir Les Milles.

- - - - -

(1) Ces chiffres sont extraits de l’ouvrage de  Clive Lamming intitulé « Toutes les lignes et les gares de France en cartes », publié en 2019 aux éditions LR Presse, qui reproduit les cartes de l’annuaire Pouey de 1933 dont il déduit statistiques et commentaires. (LR Presse, BP 30104, 56401 Auray Cedex)

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Commentaires
L
Même si ca concerne plutot le Vaucluse, on peut aussi citer le tronçon Pertuis-Cavaillon, qui pourrait servir pour la desserte péri-urbaine d'Aix, une liaison directe entre Aix et Avignon, et un accès plus facile depuis la Durance vers la vallée du Rhone et les liaisons nationales.
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B
Oui, Pertuis-Cavaillon est en lien direct avec le secteur Marseillais - et son futur SERM . Cette ligne pourrait même servir d' itinéraire alternatif à des circulations Marseille - Cavaillon - Avignon, si interruption via Miramas . Mais aussi à des circulations voyageurs possibles venant de Digne (et Manosque), pour peu que Saint Auban - Digne soit réactivé (des Digne - Avignon par exemple) ; c' est déjà le cas, en fret, pour des trains militaires origine/destination Veynes.
D
La disparition du réseau local des BdR est d'autant plus triste que les lignes présentaient un tracé assez favorable qui aurait permis à des autorails modernes ou des trams interurbains d'assurer des vitesses commerciales intéressantes. La région a quand même réussi à gommer mais avec un très grand retard les aberrations qu'étaient la suppression de la desserte de Grasse et de Carpentras.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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