Grand Lyon : le SERM doit être défini avant un an, le chantier est colossal
Les Lyonnais n’avaient pas attendu le grand manège des Services express régionaux métropolitains (SERM) pour envisager un RER dans cette zone urbanisée millionnaire, RER dont l’Etat ne s’était pas soucié tandis que la région parisienne augmentait toujours sa densité ferroviaire, déjà l’une des plus élevée du globe. Dès 2005, Gérard Collomb, alors maire de Lyon et président de la communauté urbaine (Courly) jusqu’à que soit instaurée la métropole du Grand Lyon, avait lancé ce concept de réseau ferré régional sous le nom de Réseau express de l’aire métropolitaine lyonnaise, ou REAL. Le projet s’épuisa rapidement malgré sa première concrétisation dans l’Ouest lyonnais.
Aujourd’hui s’ouvre une année de définition du projet de SERM durant laquelle les autorités intervenantes vont devoir s’entendre pour une mise en service progressive sur le réseau existant. Le chantier est colossal.
La principale concrétisation du REAL avait été la transformation de moignons de lignes moribondes dans l’Ouest Lyonnais, au départ de la gare de Lyon Saint-Paul ancien siège de la compagnie du chemin de fer des Dombes et du Sud-Est, en un éventail de relations par trains-trams. Deux lignes entièrement modernisées furent mises en service en 2012, de Lyon à Brignais (sur l’ex-ligne Lozanne-Tassin-Givors) et de Lyon à L’Arbresle puis Sain-Bel (sur l’ex-ligne Lyon-Tassin-Montbrison). Un raccordement fut construit pour permettre aux Lyon-Brignais d’éviter Tassin.
La troisième branche devait relier Lyon à Lozanne (sur l’ex-ligne Lozanne-Tassin-Givors), mais la section Tassin-Lozanne, si elle fut progressivement restaurée, n’a toujours pas été électrifiée contrairement aux deux autres, imposant un changement à Tassin.
Plus grand-chose depuis la mise en service (aux deux-tiers) du train tram de l’Ouest Lyonnais
Depuis 2012, rien ou presque ne fut entrepris en matière de réseau physique, hormis la création d’une 12e voie à quai en gare de La Part-Dieu. En revanche des améliorations ont été apportée en matière de fréquences TER, des cadencements et la création de diamétrales (Vienne-Lyon Perrache-Villefranche-sur-Saône et Saint-Etienne Châteaucreux-Lyon Part-Dieu-Ambérieu), ainsi que la distinction nette entre services omnibus (Lyon Perrache-Saint-André-le-Gaz, Firminy-Lyon Perrache, Lyon Perrache-Vienne…) et express ou semi-express (Lyon Part-Dieu-Grenoble/Chambéry, Lyon Part-Dieu-Valence…) en tuilage. La relation Saint-Etienne Châteaucreux-Lyon Part-Dieu-Ambérieu est mixte de part et d’autre de Part-Dieu : express vers la Loire, omnibus vers l’Ain.
Gare de Lyon Vaise, sur la diamétrale TER Vienne-Villefranche-sur-Saône (entre autres), avec un TER 2N à la livrée ancienne, en approche. On distingue le dépôt d'engins thermiques. Cette gare, trop méconnue, est desservie par la ligne D du métro urbain de Lyon. (Cl. RDS)
On soulignera que malgré un réseau très majoritairement inclus dans la métropole du Grand Lyon et sa potentielle indépendance du reste du réseau ferré national, le faisceau du train-tram de l’Ouest-Lyonnais demeure propriété de l’Etat et sous gestion de SNCF Réseau. Son exploitation est placée sous l’autorité de la région Auvergne-Rhône-Alpes, au statut TER et sous convention avec SNCF Voyageurs. Le Sytral (Syndicat des transports de l’agglomération lyonnaise), qui a autorité sur les réseaux urbains et ex-départemental du territoire du département du Rhône (collectivités du Nouveau Rhône et métropole du Grand Lyon), ne cache pas son désir de récupérer la propriété du faisceau de trois lignes du train-tram de l’Ouest-Lyonnais.
A partir de 2012, le soufflé retomba. En 2019, le débat fut relancé, sans concrétisation. Pendant ce temps, la région parisienne se lançait dans de pharaoniques réalisations : Le Grand Paris Express et ses 200 km de lignes nouvelles de métro périphérique, l’extension ouest du RER E et d’autres équipements ferroviaires (tramways, trains-trams, extension de la ligne 11 du métro historique…), pour un total d’environ 50 milliards d’euros sans compter une deuxième ligne régionale ferrée d’accès à l’aéroport de Roissy.
La loi du 27 décembre 2023 sur les SERM
Survint la loi du 27 décembre 2023 relative aux SERM. L’Etat français réalise enfin que ses « autres » métropoles sont globalement bien moins équipées que leurs homologues d’Europe de l’Ouest et qu’il faudrait rétablir un peu d’équilibre entre les services offerts à la population de la monstrueuse mégapole francilienne et aux habitants de vingt-six autres grandes agglomérations françaises.
Concernant la zone urbaine et péri-urbaine du « très grand Lyon », on soulignera que la seule circonscription départementale (de l’Etat) du Rhône compte 2 millions d’habitants, auxquels s’agglomèrent les arrondissements de Vienne et de La Tour-du-Pin (Isère) soit 540.000 habitants, une partie de l’arrondissement de Bourg-en-Bresse (Ain) soit environ 200.000 habitants, et la métropole de Saint-Etienne soit 407.700 habitants (Saint-Etienne Châteaucreux est située à seulement 59 km de Lyon Perrache).
Vaste faisceau de la gare de Vienne (Isère), malheureusement décalé par rapport au bâtiment voyageurs, avec rame TER local au départ et rame Corail TER Lyon-Marseille. Malheureusement, cette sous-préfecture n'est reliée à sa préfecture (Grenoble) comme à Saint-Etienne par transport public que via Lyon. L'ancienne ligne reliant Saint-Rambert d'Albon à Rives pourrait constituer un lien ferroviaire intéressant. De même que des services TER de Vienne à Saint-Etienne par le raccordement de Chasse-sur-Rhône... (Cl. RDS)
La population totale du « très grand Lyon » atteint donc quelque 3.147.700 habitants pour une superficie d’environ 8.400 km2. Ces chiffres sont à comparer aux 12.380.000 habitants de l’Ile-de-France, dont la superficie est de 12.011 km2. L’Ile-de-France compte donc quatre fois plus d’habitants que le « très grand Lyon » mais sur une surface 1,43 fois supérieure.
Si la densité de population de la région d’Ile-de-France est donc nettement supérieure, il n’en reste pas moins qu’avec de tels chiffres ce « très grand Lyon » mérite à l’évidence un système de desserte ferroviaire de type métropolitain. D’autant que sa vaste partie ouest est montagneuse et donc peu densément peuplée : les monts du Lyonnais culminent à 946 m d’altitude et alignent plusieurs autres crêtes de cette valeur ; les monts du Beaujolais alignent deux sommets à 1.009 et 1.000 m d’altitude et des autres à 970 et 944 m d’altitude. Cette géographie contraste fortement avec celle de la platitude francilienne et induit d’importants contrastes de densité, favorables au rail.
La perte du dense réseau d’intérêt local
Malheureusement pour les Lyonnais, de nombreuses lignes ferrées de statut « local » ont été fermées et souvent leurs terrains aliénés depuis la grande razzia qui a commencé à la fin des années 1930 et s’est accélérée après la Seconde Guerre mondiale. Modernisées, elles auraient pu constituer de remarquables pénétrantes et offrir des dessertes fines en grande banlieue, comme elles ont pu le faire en Suisse ou en Espagne.
A l’ouest, le beau réseau métrique du Fourvière-Ouest Lyonnais (FOL) qui desservait Craponne, désormais banlieue dense, et au-delà Vaugneray d’une part, Mornant par Brindas d’autre part a été entièrement démembré, alors qu’aujourd’hui les embouteillages s’accumulent et les autobus articulés peinent à hauteur de Francheville. Le haut viaduc ferroviaire au-dessus du ruisseau de Charbonnières a été démonté…
En gare de Lozanne, un TER Lyon-Roanne assuré en AGC côtoie un TER de la troisième branche du train-tram de l'Ouest-Lyonnais, qui n'est donc pas un train-tram puisqu'il est assuré en X73500 thermique. Ce dernier, qui fait terminus à Lozanne, s'apprête à repartir vers Tassin, où il donnera correspondance aux rames électriques du train-tram de l'Ouest Lyonnais vers Lyon Saint-Paul ou Sain-Bel. Les deux ont été photographiés en ancienne livrée. (Cl. RDS)
A Messimy, la ligne de la compagnie du Rhône et Loire relevait correspondance vers Saint-Martin-en-Haut, Saint-Symporien-sur-Coise et Chazelles-sur-Lyon, maillant remarquablement ces monts du Lyonnais aujourd’hui desservis par la ligne 2Express longue de 47 km et desservie par plus de 20 allers-retours par jour sur des routes de demi-montagne hautement accidentogènes (Thurins-Saint-Martin-en-Haut en particulier).
A l’est, le réseau des Chemins de fer de l’Est de Lyon à voie normale a heureusement été en partie récupéré pour les tramways T3 et Rhônexpress mais le reste, vers Crémieu, Bourgoin et les abords de la Savoie et de l’Ain, est abandonné. Un projet d’extension jusqu’à Crémieu est à l’étude. Au sud-est, le réseau métrique des Chemins de fer économiques du Nord de Lyon Montplaisir à Saint-Jean-de-Bournay (Isère) et au-delà vers Saint-Marcellin et le Grand Lemps a été annihilé et ses plateformes aliénées.
Au chapitre du réseau ferré national, la ligne à voie unique Lyon Croix-Rousse-Sathonay-Trévoux, abandonnée, devrait être transformée en voie pour autobus à supposé « haut niveau de service » à l’initiative de la région.
Le futur SERM part de très loin
Les concepteurs d’un futur SERM partent donc de très loin, d’autant que le réseau ferré national est singulièrement encombré par la situation de carrefour européen de la ville de Lyon. Certes la capitale des Trois Gaules bénéficie, contrairement à Paris, d’une interconnexion entre ses trois principales gares (Perrache, Part-Dieu , Vaise), par une vaste boucle. Mais cette boucle présente l’inconvénient de ne pas être parcourable entièrement puisqu’au nord, à l’Ile-Barbe près de Collonges-Fontaine, la jonction des deux sections venant de Perrache et de Part-Dieu ne comporte pas de raccordement permettant de relier Perrache à Part-Dieu sans rebroussement.
Selon la loi, les décideurs n’ont qu’une année pour fixer les objectifs, élaborer les financements et définir la gouvernance afin d’obtenir le statut de SERM de la part de l’Etat central. La région, le Sytral, la métropole du Grand Lyon, l’Etat, l’Europe et bien sûr la Société des Grands Projets (SGP, ex-Grand Paris) qui vient en appui des décideurs locaux pour préfigurer le futur réseau.
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A Lyon Part-Dieu, la voie L, douzième voie à quai mise en service voici deux ans, ne saurait suffire à un accroissement notable du trafic métropolitain, compte tenu des autres trafics qui s'y superposeront: grande vitesse, Intercités, régional à longue et moyenne distance, fret... Le contournement ferroviaire de l'Est de Lyon s'impose. (Cl. RDS)
L’objectif est de définir des lignes ferroviaires (outre des bus et des compléments cyclistes ou de covoiturage) offrant une fréquence au quart d’heure en pointe et une amplitude horaire de 5 h 00 à 23 h 00. Bien mieux que la politique malthusienne de la région dont certains TER pourtant structurants sont remplacés par des bus en fin de service (sur Lyon-Grenoble par exemple, bus de 23 h 20). Sur cette ligne d’importance, le dernier train TER en fin de semaine part de Lyon à 21 h 16, en semaine à 22 h 16. Le bus de fin de soirée affiche un temps de parcours de 2 h 36 mn contre 1 h 24 mn par train ! D’autres trains TER disparaissent complètement les samedis, dimanches et fêtes remplacés par des bus. C’est le cas de Montbrison-Boën, section pourtant rénovée en 2018 et de nature périphérique à la métropole de Saint-Etienne...
5 à 10 milliards d’euros
Le coût de création d’un SERM lyonnais est estimé entre 5 et 10 milliards d’euros. Le financement pourrait, selon le vice-président de la région chargé des transports, Frédéric Aguilera, cité par le Nouveau Lyon, provenir à 70 % de l’Etat et de l’UE. La SGP porterait les emprunts et la dette. Les investissements s’opèreraient par étape, avec un SERM de « niveau 1 », selon la région, qui viserait un accroissement de l’offre de 15 % à 20 % sur l’étoile ferroviaire lyonnaise, soit de 80 à 100 circulations supplémentaires par jour… soit 20 à 25 millions d’euros de coût d’exploitation par an d’ici 2027.
Mais à ce niveau, on n’atteindrait qu’un train à la demi-heure en pointe, relève Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la métropole du Grand Lyon et du Sytral, ce qui ne correspond pas à un service de type RER. Ce dernier nécessiterait une fréquence aux 15 mn en pointes et une tarification intégrée, ce qui n’est pas le cas à Lyon.
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Rame du train-tram de l'Ouest-Lyonnais à Lyon Gorge-de-Loup, en correspondance avec le métro D alors que l'origine du faisceau, la gare de Lyon Saint-Paul, enclavée sous la colline de Fourvière, ne dispose pas de correspondance métro. (Cl. RDS)
Or d’ores et déjà SNCF Réseau estime que la ligne Vienne-Villefranche-sur-Saône par Perrache ne permet pas d’inscrire un service SERM au quart d’heure à infrastructure constante. Le tunnel de Saint-Irénée, entre Perrache et Vaise, avec deux voies et 2.109 m de longueur, constitue en particulier un puissant goulot d’étranglement.
De même sur le train-tram de l’Ouest Lyonnais, le tunnel des Deux-Amants, à voie unique sur une section à double voie, car renforcé lors de la construction de l’autoroute qui le franchit en aplomb, empêche le renforcement de la fréquence sur les deux antennes de Sain-Bel et Brignais, et l’injection de futures missions Saint-Paul-Lozanne. Si ce deuxième point noir pourrait être résolu par des travaux raisonnables, le premier reste en suspens.
Le CFAL plutôt qu’une gare souterraine à Part-Dieu
Quant à Part-Dieu et ses accès, autre point noir, le projet assez pharaonique d’un faisceau souterrain en pleine zone gorgée de nappes, paraît bien moins réaliste que l’accélération de la construction du Contournement ferroviaire de l’Est lyonnais de Montluel à Grenay par Saint-Exupéry, mais aussi de Grenay à la rive droite du Rhône, qu’on oublie trop souvent. « Sans le CFAL, il n’y aura pas de SERM lyonnais », tranche Jean-Charles Kohlhaas.
De même, le quadruplement de la section entre Saint-Fons et Grenay, qui cumule déjà 15 % de TGV, 10 % de fret et 85 % de TER, s’imposera à court terme. L’association Lyon Métro Transports publics suggère même la construction (jadis envisagée) d’une antenne du SERM entre Grenay et Saint-Exupéry pour ménager un deuxième accès ferroviaire métropolitain, depuis le sud-est, à cet aéroport qui est aussi une gare TGV pour l’instant essentiellement desservie par les TGV Paris-Alpes. De quoi augmenter sa chalandise.
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Situation générale du noeud ferroviaire lyonnais avec mention du projet CFAL nord (en bleu foncé), du projet de ligne d'accès fret nord-ouest (en bleu), de l'amorce de la ligne d'accès au tunnel de base du mont d'Ambin (Lyon-Turin) (en vert) et du CFAL sud (en mauve clair). On remarque que ce contournement est est déjà effectif, depuis 1994, pour la grande vitesse... (Doc SNCFR)
Au chapitre des accès à la métropole du Grand Lyon, on ne déplorera jamais assez le retard pris à la réactivation de la section Brignais-Givors Canal qui permettrait au train-tram de l’Ouest Lyonnais de donner accès à la vallée du Giers, Saint-Etienne et ses au-delà depuis l’ensemble de l’Ouest Lyonnais et la gare Saint-Paul. Elle constituerait une véritable troisième pénétrante lyonnaise de l’axe Saint-Etienne-Lyon.
De nouvelles rames TER en cours de livraison
Enfin, outre ces questions d’infrastructure, essentielles, reste la question du matériel roulant. En 2027 la région réceptionnera dix nouvelles rames Regio 2N à grande capacité, commandées en mars, pour 125 millions d’euros. Elles viendront renforcer l’étoile lyonnaise. Dix-neuf autres ont été commandées pour Lyon-Valence et Lyon-Mâcon. Leur équipement à haute densité, présentant (sur Lyon-Saint-Etienne) cinq sièges de front dans certaines salles, des pas minimalistes entre les sièges et des dossiers d’une exceptionnelle raideur, pêchent par un confort relatif. Les limites budgétaires se ressentent jusque dans la colonne vertébrale des voyageurs.
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Rame TER 2N Regiolis garées sur le faisceau est de la gare de Saint-Etienne Châteaucreux. Elle équipent les missions Saint-Etienne Châteaucreux-Lyon Part-Dieu-Ambérieu (limitées à Part-Dieu pour les services intercalaires de pointe). (Cl. RDS)
A l’horizon 2035, la région Auvergne-Auvergne-Rhône-Alpes compte investir 1,6 milliards d’euros en matériel roulant (150 nouvelles rames) dans le cadre de son plan Cap 2035 afin de passer de 220.000 à 300.000 voyageurs quotidiens en une décennie. Une vaste campagne de rénovation du matériel actuel est par ailleurs engagée.
Pour autant, la Chambre régionale des Comptes estimait en 2024 que le besoin d’investissement pour le seul matériel roulant s’élève à 3,8 milliards d’euros… hors perspective de création des six SERM prévus dans la région : Lyon, Grenoble, Chambéry, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Genève (partie française).