Tourisme et revitalisation ferroviaire : le « Train rouge » Rivesaltes-Axat lance le transport de colis par rail

Train touristique et opérateur de fret ferroviaire de proximité avec Regiorail, le Train du Pays Cathare et des Fenouillèdes (TPCF) projette un nouveau service de transport ferroviaire de colis à destination des communes rurales. Bel exemple de résistance locale au démembrement du réseau ferroviaire, ce « Train rouge » entend démontrer la pertinence du rail au service d’une région dite « périphérique », c’est-à-dire marginalisée par la métropolisation et la mondialisation et dont la population a décru depuis des décennies.

Soixante kilomètres côté sud de la ligne Carcassonne-Rivesaltes

 Cumulant tourisme, transport d’un reliquat de fret et bientôt de colis, cette ligne sauvée des liquidations massives opérées par l’Etat français constitue une section de 60 km côté sud de la ligne de 122 km qui reliait jadis Carcassonne à Riversaltes par Limoux, Quillan et Axat. Au nord, entre Carcassonne et Limoux (26 km) la ligne reste exploitée par les TER Occitanie, tandis que la section Limoux-Quillan (28,5 km), actuellement neutralisée, est théoriquement inscrite au plan de réouverture de la région Occitanie, moyennant un retard annoncé.

 La section Quillan-Saint-Martin-Lys (7,4 km seulement), qui transite par le célèbre et magnifique défilé de Pierre-Lys, est malheureusement déclassée, interdisant toute circulation entre Carcassonne et Rivesaltes par Quillan. La totalité de cette ligne constituait pourtant un itinéraire alternatif à l’itinéraire principal via les lignes Toulouse-Narbonne et Narbonne-Perpignan, qui pourrait être considéré comme stratégique, alternatif à une ligne côtière particulièrement fragile. Au demeurant, les deux itinéraires Carcassonne-Rivesaltes affichent une longueur presque égale, même si le premier est à voie unique et au profil plus contraignant : 122 km par Quillan, 114 km par Narbonne.

Extrait pour l'Aude et les Pyrénées-Orientales de la carte des réseaux ferroviaires français en 1930. En vert, les gares d'extrémités desservies (au nord par TER Occitanie, au sud par trains touristiques TPCF). En orangé la gare de Quillan dont la réouverture aux voyageurs TER est envisagée (malgré l'opposition de la municipalité). En rouge la gare de Saint-Martin-Lys extrémité de la section sud maintenue dans le réseau mais neutralisée depuis Axat, la section Saint-Martin-Lys-Quillan étant juridiquement fermée. (Doc. RDS)

 La section Axat-Rivesaltes demeure dans le réseau ferré national géré par SNCF Réseau, au statut limitatif de voie unique à trafic restreint.

Le Train du Pays Cathare et des Fenouillèdes, depuis plus de 25 ans

 En 1997 avait été constitué un Syndicat intercommunal du chemin de fer Touristique du Pays Cathare, du Fenouillèdes et du Rivesaltais, devenu syndicat mixte en 2003. TPCF a obtenu en 2010 sa licence d’opérateur ferroviaire de proximité (OFP) et s’est rapproché en 2012 de Regiorail (du groupe américano-belge Eurorail/Regiorail) afin de relancer le transport de fret lourd : de la dolomie  entre Case-de-Penne et Le Boulou (repris à Rivesaltes par Europorte, du groupe Getlink), et un projet de transport d’alumine. (1)

 Pour aller plus loin, le Train Rouge se lance donc ce printemps dans le fret léger : colis, échantillons, médicaments voire courrier et journaux.

Vue très partielle du matériel roulant du Train rouge du TPCF, dans un environnement rupestre et méridional. (Doc. Tripadvisor.fr https://www.tripadvisor.fr/Attraction_Review-g616106-d10798426-Reviews-TPCF_Le_Train_Rouge-Rivesaltes_Perpignan_Pyrenees_Orientales_Occitanie.html)

 « Nous avons envie de faire du Train Rouge un train de territoire », explique Marie-France Poletti, chargée de mission du Syndicat Mixte du Train Rouge, dans des propos rapportés par le site d’informations Made in Perpignan. « En plus de permettre le transport de colis e-commerce, ce projet vise à encourager la remise en service des gares de village et favoriser la diminution du trafic routier », explique le média en ligne. (2)

Retrait de colis en gare pour des communes en souffrance démographique

 Le territoire desservi est parsemé de communes en souffrance démographique. Le futur service vise précisément à réhabiliter ces bourgs et à soutenir leurs populations. Comme le train touristique est saisonnier, il faudra soit l'annualiser soit alterner le transport de cette messagerie entre trains touristiques et trains de fret maintenus.

La gare de Saint-Paul-de-Fenouillet pourrait par exemple accueillir un service de retrait des colis à l’image d’un relais de commerce de proximité.  Saint-Paul de-Fenouillet comptait 1.740 habitants en 2022 contre 2.635 en 1968, soit une baisse de 34 % en un demi-siècle. Axat comptait 482 habitants en 2022 contre 1.021 en 1982, soit une baisse de 53 % en quarante ans. Face à ce cycle de dépopulation, le maintien voire le développement d’un service ferroviaire structurant constitue un outil décisif d’équité sociale et de relance économique.

Autorail du TPCF en gare de Rivesaltes. La rame est parfaitement à même de transporter des colis. (Doc. Tripadvisor.fr)

La facturation de ce fret léger constituerait une source de revenu complémentaire pour cette petite ligne touristique. Elle pourrait constituer un exemple pour d’autres. Nombreuses sont celles qui sont en déficit, le seul transport de passagers ne suffisant pas à couvrir les frais d’exploitation, encore moins les frais d’entretien de la voie et des ouvrages. Le réseau du Livradois-Forez en est un exemple, qui a dû limiter le service du Chemin de fer du Haut-Forez  entre Craponne-sur-Arzon et La Chaise-Dieu en raison de la dégradation de la voie et de la difficulté à financer sa restauration.

 Ce printemps, le TPCF effectuera ses premiers tests « afin de déterminer le coût que représente ce service et notamment en fonction des aménagements, du personnel et de la manutention nécessaires », explique Made in Perpignan. « La Poste peut également être un partenaire très important pour les derniers kilomètres ou pour le point de récupération des colis », précise Marie-France Poletti. Notamment par le biais de vélos cargo ou en casiers. Ce type de service pourrait être étendu aux TER d’Occitanie.

Le projet de « comodalité » « AffréterVert » est porté par MCLedger

 Ce type de projet est dénommé « AffréterVert », porté par la société MCLedger, spécialiste des plateformes digitales de service pour le transport et la logistique et dont le président cofondateur est Olivier Maurel, ancien d’IBM, avec Susan Haimet, cofondatrice et directrice financière. (3)

 AffréterVert, bâti autour des solutions informatiques et la logistique de fret, explique le site de MCLedger, « est un projet de comodalité en zone rurale ou péri-urbaine dans les trains de voyageurs, les tramways ou les bus ». Il a été lauréat du programme Propulse 2023 de l’Agence de l’innovation dans les transports (AIT) du ministère chargé des Transports et bénéficie à ce titre d’un accompagnement personnalisé de la DGITM, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités.

Olivier Maurel et Susan Haimet, dirigeants de MCLedger. Cette "jeune pousse" entend appuyer les solutions de livraison sur le transport ferroviaire de proximité. (Doc. MCLedger)

 AffréterVert « propose un service complet, clé en main, facile d’accès et ne nécessitant pas de compétences particulières pour le ferroviaire notamment » avec pour fonctionnalités principales « la réservation, la traçabilité et la facturation ». Ce service est destiné « aux professionnels, PME et artisans, au secteur de la santé (…) aux commissionnaires de transport, au mouvement associatif (AMAP, épiceries solidaires), au e-commerce et aux particuliers ».

 Ce projet prend place en complément de la dimension loisirs de la ligne Riversaltes-Axat, qui serpente le long de la vallée de l’Agly puis atteint la haute vallée de l’Aude à Axat. Le « Train rouge » va commencer sa saison touristique le 13 avril et la terminera le 31 octobre prochain. Des trains à thème sont par ailleurs prévus ainsi que des trains scolaires tant au départ de Rivesaltes que d’Axat.  Un « vélorail » est proposé  à l’ouest de la gare d’Axat, en direction de Saint-Martin-Lys, gare de limite de déclassement de la ligne.

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(1) Lien vers le site du « Train rouge » :

https://www.letrainrouge.fr/

(2) Lien vers le site d’information  Made in Perpignan :

https://madeinperpignan.com/

(3) Liens vers les pages de l’entreprise MCLedger :

https://mcledger.fr/affretervert-service/

https://mcledger.fr/affretervert-train-rouge/

Comments

[DU65]

Bonjour
C'est une initiative sympathique mais comment les colis vont ils arriver à Rivesaltes? (je crains que ce ne soit dans des vilains camions diesel ce qui rend l'initiative tout à fait symbolique). D'autant que les opérations de transbordement terminales ne jouent jamais en faveur du chemin de fer (à moins de n'interdire la route de la vallée aux véhicules de plus de 19t, mais on n'est pas en Suisse).
Pour que le service soit crédible, cela implique de proposer un AR quotidien du lundi au vendredi (voire le samedi) entre les 2 extrémités de la ligne. Donc si on veut optimiser le chiffre d'affaire généré par le comportement fourgon de la brave caravelle afin qu'il paye le carburant et le mécanicien, il faut également embarquer quelques voyageurs (scolaires, travailleurs, touristes...). Certains CF touristiques arrivent à gérer la dualité des flux touristiques et locaux en instaurant tarifs réduits pour les personnes possédant une résidence principale ou secondaire le long de la ligne.
D'autant que le transport de messagerie existe sur les CP ou le train Corse. Même s'il rend de réels services, le volume tranporté pourrait être facilement embarqué dans le coffre d'un kangoo. Donc en l'absence de voyageurs transportés en plus des colis, j'aimerais savoir ce qui est la solution la plus écolo entre le petit utilitaire qui va brûler 7L de gazole aux 100km ou la caravelle qui tourne à presque 1L/km.

Donc on en revient toujours au même point: il faut une infrastructure dans un état correct pour que le train puisse tenir une VL de 60km/h mini (sauf en de rares points singuliers) qui est le minimum pour le rendre compétitif par rapport à un car sur la route parallèle. Donc tôt ou tard, exit le rail DC sur cette ligne!!! Et dans ce cas il y a besoin d'un soutien de la puissance publique afin de permettre un renouvellement de la voie fût-il à coût maîtrisé (hors gros ouvrages, il est possible de descendre à 500k€/km).
Moyennant cette voie en bon état, disposer d'un train léger moins gourmand en carburant pour la période de septembre à mai serait probablement intéressant.

Le TPCF a fait une démarche très intéressante en devenant OFP et en s'ouvrant la porte de la traction sur le RFN avec la RDT13. Cette démarche serait la bienvenue par exemple pour le syndicat Livradois Forez qui pourrait ainsi aller récupérer des wagons à Clermont Gravanches (et on peut-être reprendre tout ou partie de la desserte fret locale de Clermont Thiers en complément de la desserte de sa propre ligne).
Concernant la maintenance de la voie et surtout son renouvellement, tous les trains touristiques y sont confrontés. Vu le nombre de lignes concernées en France, mutualiser des moyens techniques et humains pour réaliser cette maintenance avec des coûts moindres que ceux de SNCF réseau serait une piste à creuser.