Digne-Nice, ou la réussite d’un engagement régional pour le réseau ferroviaire
La modernisation de la ligne à voie métrique Digne-Nice, qui désormais fait partie du domaine de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, illustre les résultats que peut obtenir un conseil régional conscient de l’importance structurante du chemin de fer tant dans le domaine territorial que social. La région investit 130 millions d’euros pour la rénover et rétablir son exploitation de bout en bout, soit 150 km, avec pour seul bémol l’interminable procédure pour restaurer le tunnel de Moriez effondré. Ce volontarisme contraste avec la politique de refus de financement d’infrastructures ferroviaires mené par la région voisine Auvergne-Rhône-Alpes... et avec celle de l’Etat qui refuse toujours de rétablir la ligne à voie standard Digne-Saint-Auban, pourtant longue de seulement 22 km.
Le tunnel de Moriez, effondré en février 2019, rétabli seulement en 2026
Cette ligne de 150 km, qui traverse des paysages extrêmement tourmentés et spectaculaires après avoir desservi les banlieues nord-ouest de Nice, a été interrompue sur au nord de Saint-André-les-Alpes, gare donnant correspondance par bus vers la station de Val d’Allos, en raison de l’effondrement en février 2019 du tunnel de Moriez, long de 1.195 m, situé à 1 km de la sortie de la gare de Saint-André-les-Alpes côté Digne. C’était évidemment le premier problème à résoudre. Il devrait l’être fin 2025 pour rétablissement des circulations au premier trimestre 2026.
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Visite d'élus et de techniciens dans le tunnel de Moriez, le 17 octobre 2024. Situé au km 107,5 (côté Nice), long de 1.195 m et en courbe, cet ouvrage a été mis en service en 1892, en même temps que la section Digne-Saint-André-les-Alpes. Il fallut attendre 1911 pour que la section sud Saint-André-les-Alpes - Annot fût mise en service à son tour, bouclant la totalité du parcours Digne-Nice. (Cl. Région PACA)
On ne peut qu’être surpris par le délai nécessaire à la réparation de ce sinistre qui oblige depuis six ans les voyageurs en provenance ou à destination de Digne d’être transférés sur autocars entre Saint-André-les-Alpes et Digne, soit 44 km (distance ferroviaire) à des altitudes variant entre 600 m et 900 m environ. Ce transfert sur route touche aussi plusieurs communes intermédiaires, parmi lesquelles Barrême (400 habitants), l’une des municipalités de la communauté de communes Provence-Verdon qui compte 11.400 habitants. Son chef-lieu est Saint-André-les-Alpes, qui en compte 1.030, un chiffre en hausse (658 en 1954).
Le conseil régional détaille la longue gestation des travaux, qui concernaient aussi la route surplombant le tunnel et qui a été le théâtre d’un important fontis lié à l’effondrement dans le souterrain ferroviaire.
L’appel d’offre publié en mars 2024, pour 6,5 millions d’euros
Le tunnel de Moriez a connu « une première phase de mise en sécurité qui s’est achevée en début d’année 2022, après six mois de travaux sans relâche pilotés par la Région ». Les travaux ont repris en septembre 2024 pour un achèvement prévisionnel en 2026. Entre-temps, il aura fallu des expertises civiles, sondages, concertations, évaluations, enquête judiciaire, débouchant sur l’élaboration d’un dossier d’appel d’offre. Les élus départementaux et municipaux, les associations d’usagers étaient fortement mobilisés.
La commission d’appel d’offres n’a été réunie qu’en mars 2024. Elle a attribué le marché qui a été notifié le 9 avril dernier, indique le conseil régional. L’ordre de service a été établi en avril 2024 ; l’achèvement prévisionnel est attendu fin 2025. « La réouverture commerciale de la ligne devrait avoir lieu en 2026 », promet-il. La longueur du tunnel, son altitude (892 m) et la nature du sinistre ne sauraient seuls expliquer ce long délai administratif : cinq années entre l’effondrement et le début des travaux, eux-mêmes long de moins d’une année.
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Deux rames à Saint-André-les-Alpes, dont la gare est entièrement rénovée sur les fonds régionaux. Ces trains font terminus en attendant l'année prochaine de pouvoir poursuivre jusqu'à Digne. (Cl. Région PACA)
Le devis de la restauration du tunnel de Moriez s’élève à 6,5 millions d’euros. Il n’est en fait qu’une petite partie du plan global d’investissement pour la ligne Digne-Nice. La rénovation des gares gérées dans les Alpes-de-Haute-Provence est en cours, avec celles fraichement remises à neuf et rouvertes aux voyageurs d’Annot et de Saint-André-les-Alpes, et celles à venir de Puget-Théniers, Entrevaux et Thorame-Haute, indique le conseil régional. Cette dernière est située au faîte de la ligne, à 1.012 m d’altitude, au débouché de son plus long souterrain, le tunnel de la Colle-Saint-Michel, long de 3.457 m. Cette gare, éloignée du village historique (7 km) donne accès à la station de ski de fond de la Colle-Saint-Michel.
Plan global de modernisation
Ces rénovations portent sur la réfection des façades des gares et parvis, des salles d’attente et des sanitaires et leur accessibilité PMR, leur guichet, les espaces d’accueil du personnel, une meilleure isolation. Renaud Muselier, accompagné de Jean-Paul David, président de la Régie des Transports Région Sud, qui exploite la ligne des Chemins de fer de Provence, et de Vincent Guillaume, son directeur général, se sont rendus dans la gare rénovée de Saint-André-les-Alpes le 17 octobre dernier pour une double inauguration : la rénovation de la gare à l’instar des autres bâtiments de la ligne, et celle du lancement des travaux du tunnel de Moriez.
Plusieurs mois auparavant, un plan régional de modernisation des Chemins de fer de Provence avait été présenté par les élus en gare de La Vésubie-Plan-du-Var, à Levens, dans la périphérie nord de Nice, à 24,9 km de la gare de Nice CP. « L’objectif de ce Plan est de pérenniser et développer l’offre de cette ligne, essentielle pour assurer les transports du quotidien des habitants dans la zone urbaine et périurbaine de Nice et des vallées du moyen et du haut pays », explique le conseil régional.
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Gare de Nice CP, origine de la ligne de Digne. Malheureusement, la bâtiment originel de belle facture, situé à environ 300 m, a été transformé en centre commercial. De ce fait, les trains ne sont plus en correspondance avec la ligne 1 du tramway. (Cl. RDS)
Ce plan globalement évalué à 130 millions d’euros inclut plusieurs nouveautés. D’abord, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et la métropole Nice-Côte-d’Azur ont passé une convention pour organiser un nouveau plan de transport entre Nice CP et La Vésubie-Plan-du-Var (24,9 km), section équipée d’un block automatique lumineux. Le reste de la ligne est équipé d’un block manuel. La fréquence est portée à trois allers-retours par heure et période de pointe du matin et du soir, soit un train toutes les 20 minutes. Des fréquences supplémentaires sont proposées entre Nice CP et Colomars (13,2 km).
Enfin, point-clé, les titres de transport du réseau métropolitain niçois « Ligne d’Azur », sont étendus à la section Nice-CP-La Vésubie-Plan-du-Var des Chemins de fer de Provence.
« Colonne vertébrale », effet mobilisateur
Renaud Muselier, président du conseil régional, conscient de l’effet mobilisateur d’une ligne de chemin de fer sur les populations, expliquait lors de la visite à Saint-André-les-Alpes : « Véritable colonne vertébrale du développement économique et touristique des Alpes-Maritimes, la ligne des Chemins de Fer de Provence joue un rôle essentiel pour le désenclavement et la desserte des territoires. Avec ce plan de modernisation et la convention bâtie avec la Métropole, nous améliorons et nous pérennisons les Chemins de fer de Provence, aussi bien dans la zone urbaine vers Nice, que dans la zone interurbaine vers Digne ».
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Extrait de la fiche horaire 2025 des service péri-urbains des Chemins de fer de Provence au nord de Nice. Une fréquence assez remarquable aux heures de pointe pour une ligne à voie unique. (Doc. Régie CP)
Christian Estrosi, maire de Nice et président de ma métropole Nice Côte d’Azur déclarait pour sa part : « L’intégration tarifaire entre les régies métropolitaines et régionales, a renforcé la desserte des collines niçoises et des communes métropolitaines de la basse vallée du Var. Depuis le 1er juillet 2023, le nombre de rotations entre Nice et Colomars-La Manda a été augmenté, notamment en heure de pointe du soir, grâce au passage de 20 à 28 trains et aussi les vendredis et samedis soir avec 4 trains supplémentaires circulant entre Nice et Colomars. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 30 % de fréquentation sur notre tronçon métropolitain en moins d’un an ! » Il ajoutait : « Face à succès, nous avons présenté avec Renaud Muselier un plan ambitieux de modernisation de cette ligne, au service des métropolitains et des habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dès la semaine prochaine, nous étendrons l’offre aux soirées de semaine avec 4 allers-retours supplémentaires, soit des trains en plus du lundi au samedi ! ».
Plusieurs autres points importants sont annoncés dans le cadre de ce plan à 130 millions d’euros. Pour augmenter les fréquences et limiter la pollution en zone urbaine à Nice, huit nouvelles rames à propulsion hybride vont être achetée, pour mise en service en 2027, permettant « de réduire de près de 77 % les émissions de carbone ». Un nouvel atelier de maintenance sera construit à Lingostière, pour mise en service en 2026.
Enfin, pour fluidifier l’accès, un nouveau système d'information et de billettique est mis en place en cours d’année 2025. Les trains « pourront à terme être équipés de valideurs », interfaces avec le réseau urbain Lignes d’Azur. Certaines gares de la section urbaine et péri-urbaine seront équipées de distributeur automatique de titres de transport unifiés.
Pour Colomars, de 6 h 20 à 23 h 20 au départ de Nice
L’amplitude horaire entre Nice CP et Colomars est désormais considérable en semaine, avec des départs de 6 h 20 à 23 h 20 cadencés aux 20 mn en heures de pointe. Entre Nice-CP et La Vésubie-Plan-du-Var, l’amplitude horaire s’étend de 7 h 20 à 19 h 30 (premier départ à 6 h 55 dans l’autre sens).
Sur la totalité de la ligne, on compte à ce jour 3 allers-retours Nice CP-Digne (avec correspondance train-autocar à Saint-André-les-Alpes en attendant le rétablissement des circulations trains) auxquels il faut ajouter 1 Nice CP-Annot et 1 Nice CP-Puget-Théniers, ainsi qu’un Nice CP-Saint-André-les-Alpes en saison d’été. Un autocar de substitution Saint-André-Les-Alpes-Digne est en outre prévu le matin. Sur la section routière, quatre haltes ferroviaires ne sont pas desservies par les autocars de substitution : Plan d’eau des Ferréols, Gaubert, Golf de Digne, Saint Jurson.
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Vue côté cour de la gare de Saint-André-les-Alpes. On note le soin apporté à l'espace et au bâtiment, signe de l'attention accordée par l'investisseur public régional aux populations éloignées des grands centres urbains. (Cl. Région PACA)
La ligne Digne-Nice CP a été construite progressivement au départ de Nice, à voie métrique mais avec un gabarit originel permettant une conversion à voie standard de 1,435 m. Ce gabarit généreux a été réduit lors de consolidation de certains tunnels.
La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur poursuit avec la rénovation de Digne-Nice ainsi une politique de long terme en faveur du réseau ferroviaire. Lors d’une précédente mandature et sous une autre majorité, elle avait rouvert en 2015 aux voyageurs la section (Avignon) Sorgues-Carpentras, section privée de trains de voyageurs depuis octobre 1938. Malheureusement, plusieurs embranchements fret n’ont pas été rétablis avec les sites industriels situés sur son parcours et la restauration n’a pas prévu d’électrification. Sur le réseau existant, la hausse des fréquences exigée sur les deux lots TER soumis à appels d’offre (Etoile de Nice et Marseille-Nice) vient compléter ce bilan.