CFAL Nord et Sud, quadruplement de Saint-Fons - Grenay : urgence des projets pour désaturer Lyon
La désaturation du complexe ferroviaire lyonnais devient chaque jour plus impérative, quelque mille deux-cents trains quotidiens y circulant.
Malgré la création d’une douzième voie à quai en gare de Lyon Part-Dieu voici deux ans et le coût vertigineux, tant financier qu’environnemental, d’un creusement de nouvelles voies à quai en souterrain, trois projets en discussion depuis deux décennies permettraient de fluidifier et déconcentrer ces flux. Or le trafic ferroviaire est destiné à croître : efforts de transfert modal du fret de la route au rail, appel d’air de la future liaison Lyon-Turin par le tunnel de base du mont Ambin en cours de percement, augmentation du trafic voyageurs tant local (services express régionaux métropolitains, TER) qu’à longue distance (grande vitesse, Intercités, trains de nuit…).
Ces trois projets qui traînent dans les cartons de l’Etat et de SNCF Réseau depuis le début de ce siècle sont : le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise nord (CFAL Nord), le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise sud (CFAL Sud) et le quadruplement de la section Saint-Fons-Grenay de la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry qui absorbe sur cet itinéraire l’important flux TGV nord-sud transitant par Lyon Part-Dieu, ces TGV « Intersecteurs » reliant le sud de la France à l’Est, au Nord et à la Belgique.
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Carte générale du projet CFAL, la partie représentée en bleu sombre étant le projet le plus avancé. En vert la future ligne d'accès au tunnel de base du mont Ambin dans le cadre du projet Lyon-Turin. (Doc. SNCF Réseau)
Le CFAL a reçu une nouvelle confirmation ce printemps par un décret du gouvernement le classant parmi treize projets en Auvergne-Rhône-Alpes échappant à la loi « Zéro artificialisation nette » (ZAN), de même que les lignes d’accès au tunnel de base du Lyon-Turin. Ce CFAL est une vieille histoire. Il a fait l’objet d’un débat public dès 2001, voici 23 ans. En 2021 le rapport de Philippe Duron (PS) en a renvoyé l’exécution au-delà de 2030, classant le CFAL parmi les priorités « secondaires ».
Le CFAL Nord, 48 km des abords d’Ambérieu à Chandieu
Le projet est scindé en deux sections. La partie nord, déclarée d’utilité publique le 30 novembre 2012, se débranche de la ligne Lyon-Genève à Leyment, dans l’Ain à proximité d’Ambérieu. Elle court vers l’ouest puis le sud sur 48 km jusqu’à Chandieu, dans le Rhône, en longeant peu ou prou les autoroutes A42 (Lyon – Pont d’Ain) et A432 (Miribel – Saint-Laurent-de-Mure). Elle permettrait de reporter le flux fret en provenance des lignes convergeant sur Ambérieu depuis Genève, les Savoies, Bourg, Dijon et l’Est qui traversent aujourd’hui Lyon après avoir emprunté la ligne chargée de la périphérie nord-est de Lyon.
Les évaluations provenant de diverses sources et époques varient entre 145 et 260 trains par jour deux sens confondus. Une première évaluation datant d’une quinzaine d’années avançait un coût de 1,5 milliard d’euros.
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Une rame Stadler du tramway RhônExpress au terminus de Lyon Part-Dieu côtoie des rames du réseau urbain T3 et T4. Elle s'élancera dans quelques minutes vers l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry où, d'ici une dizaine d'années, elle pourrait côtoyer des rames fret ou TGV empruntant une antenne du CFAL. ©RDS
Ce CFAL Nord serait relié à la gare de Lyon Saint-Exupéry (TGV et tramway rapide Rhône-Express), à la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry dans les deux sens (vers Lyon comme vers Grenoble) et dans le cadre du Lyon-Turin, à la future ligne d’accès au tunnel de base du mont Ambin. La zone de Grenay, actuellement espace de jonction entre la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry et la LGV Paris-Marseille/Montpellier, verrait construire de nouvelles et complexes bretelles ferroviaires.
Le CFAL Nord serait conçu à double voie acceptant une vitesse maximale de 220 km/h pour les voyageurs et de 120 km/h pour le fret.
Le CFAL Sud serait long de 21 km d’Heyrieu à Sibelin nord
Le CFAL Sud se débrancherait à quelques kilomètres de Grenay, côté Lyon, de la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry pour courir plein ouest jusqu’à la zone de Sibelin, gare de triage parmi les plus importantes de France, avant de rejoindre la ligne de la rive droite du Rhône, électrifiée mais actuellement exclusivement dédiée au fret, par un nouvel ouvrage franchissant le fleuve impérial dont l’emplacement reste à déterminer. Le flux qu’il apporterait valoriserait la ligne de la rive droite du Rhône, actuellement sous-utilisée.
Ce CFAL Sud traverserait la plaine d’Heyrieux, le val d’Ozon avant d’atteindre Sibelin et la nouvelle traversée du Rhône. Les études préliminaires qui ont déjà été réalisées pour le faisceau retenu entre Grenay et la vallée du Rhône fixent la longueur de l’itinéraire à environ 21 km. Les critères de fonctionnalités du projet ont permis d'aboutir au choix d’un fuseau Plaine d'Heyrieux-Sibelin Nord, validé par le ministère chargé des Transports en avril 2009.
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Aperçu d'une partie d'un faisceau du triage de Sibelin, l'un des plus actifs de France. On y note l'importance du nombre de citernes à destination ou en provenance des usines du "couloir de la chimie" au sud de Lyon. ©RDS
Sibelin fait partie des quatre plus grandes gares de triage de France et traite chaque jour 600 wagons de fret. Un tiers d’entre eux transportent des matières dangereuses provenant ou à destination des usines chimiques du sud de Lyon : Saint-Fons, Feyzin, Solaize… En 2020, 2,2 millions d’euros y ont été investis par SNCF Réseau pour restaurer les voies des faisceaux. Le gestionnaire d’infrastructure précise qu’aucun incident majeur n’y a été déploré depuis 2017.
Pour le CFAL Sud, une première évaluation datant d’une quinzaine d’années avançait un coût de 1,4 milliard d’euros.
Le CFAL permettrait de retirer 5.000 poids-lourds par jour
L’importante consultation des acteurs locaux – élus, chambres consulaires, associations… - qui a précédé la décision de validation de 2009 a été poursuivie en 2015 sur le tracé exact et sur la localisation d’un nouveau franchissement du Rhône, confirmant au passage le soutien très majoritaire au principe même du contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise.
D’après une évaluation datant de 2001, le CFAL permettrait de retirer environ 5.000 poids-lourds de routes de l’agglomération lyonnaise, soit 1,8 million de véhicules par an. Ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, de multiples facteurs autres que l’infrastructure influant sur le choix modal des chargeurs.
En 2019 s’est tenu un débat public sur le nœud ferroviaire lyonnais. Outre le CFAL Nord et Sud, la mise à quatre voies de la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry de Lyon à Grenay, embranchement avec la LGV Paris-Marseille/Montpellier est apparue comme une priorité. Le directeur territorial de SNCF Réseau a jugé que les travaux devront être lancés avant 2030 pour une mise en service avant 2035.
Passer la section Saint-Fons – Grenay à quatre voies sur la totalité de son itinéraire
Quelque 19 km séparent l’origine de la ligne vers Grenoble et Chambéry, depuis le raccordement de Saint-Fons avec la ligne classique Lyon-Marseille jusqu’à Grenay, et les raccordements de Saint-Quentin-Fallavier avec la LGV. On dénombre quatre voies de Saint-Fons à Vénissieux (3,5 km), puis trois voies de Vénissieux à Saint-Priest (3 km). Au-delà, sur 12,5 km environ, la circulation se contente de deux voies.
Bien qu’équipée d’un block automatique lumineux et apte à 160 km/h, cette section n’en constitue pas moins un des trois goulots d’étranglement majeurs en région lyonnaise avec la transversale nord-sud Saint-Clair - Chasse-sur-Rhône et bien sûr la gare de la Part-Dieu. D’autant que la section à quatre voies Saint-Fons-Vénissieux supporte, outre les trafics commerciaux voyageurs TGV intersecteurs, TER et fret, les circulations de service en provenance ou à destination du technicentre régional de Vénissieux et le fret en provenance de l’axe rhodanien ou du nord à destination du chantier multimodal situé aussi à Vénissieux.
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Aperçu du technicentre TER Auvergne-Rhône-Alpes de Vénissieux. Cet important établissement génère de nombreux mouvements de service sur la partie ouest de la section Saint-Fons-Grenay. ©RDS
Outre ces circulations partielles de fret et de service, on compte sur l’ensemble de cette section Saint-Fons-Grenay, et par sens, un peu plus de 30 circulations TGV, de 20 circulations TER omnibus Lyon Perrache-Saint-André-le-Gaz, de 40 circulations TER longue distance Lyon Part-Dieu – Grenoble/Chambéry, et quelques circulations fret.
La mise à quatre voies fluidifierait ce trafic saturé. Deux voies lentes seraient réservées aux TER omnibus et au fret. En parallèle, les TER à longue distance et TGV fileraient sur les deux voies rapides jusqu’à 160, voire 220 km/h sous réserve de la fluidité du trafic. Ce quadruplement est évalué à plus d’un milliard d’euros.
Les études préliminaires sont en cours. Deux variantes d’implantation des voies nouvelles sont tracées. En zone périurbaine, des récupérations d’emprises ferroviaires délaissées peuvent faciliter l’élargissement mais des acquisitions foncières devront tout de même être réalisées. En zone rurale le passage sera logiquement plus aisé mais imposera des déviations de voiries parallèles.
L’étoile ferroviaire lyonnaise, la plus complexe du pays avec celles de Paris et de Lille, affiche selon le comptage de SNCF Réseau 772 km de lignes. Certaines sont à quadruple voies telles les sections Saint-Fons – Vénissieux, Lyon Part-Dieu ou Perrache-Chasse - sur-Rhône, Lyon Part-Dieu-Lyon Saint-Clair, Saint-Cyr - Saint-Germain-au-Mont d’Or. Le trafic TER convergeant vers Lyon a crû de 60 % en 15 ans.