La Fnaut demande l'unification des sites internet SNCF, qui traduisent la grave destructuration de l'offre*
(* Ajout d'un 24e site SNCF au troisième paragraphe et d'une référence britannique au dernier paragraphe)
L’invasion massive de la numérisation dans les fonctions commerciales du transport ferroviaire accélère considérablement les échanges mais conduit les autorités et les exploitants à disperser offres et canaux. L’outil semble créer les fonctions. Et comme l’outil informatique allie plasticité, décentralisation et rapidité, on assiste à une déstructuration considérable du système : démultiplication et segmentation de l’offre ; dispersion des canaux d’information et de commercialisation. La récente intervention de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut, 140 associations fédérées) demandant une unification des multiples sites du groupe SNCF et des TER régionaux indique, entre autres, que le système est arrivé au bout de sa logique.
Onze sites pour le groupe SNCF, douze pour les régions
La Fnaut a dénombré 11 sites internet pour le groupe SNCF et 12 sites pour chacun des services régionaux TER et Francilien, hors Corse. Le total s’élève à 23 sites… Les TER des régions, et le Francilien en Ile-de-France, sont à l’heure actuelle tous exploités par SNCF Voyageurs en attendant que Transdev prenne la relève, sur Marseille-Nice en Provence-Alpes-Côte d’Azur en particulier.
Les onze sites internet du groupe SNCF sont : « Groupe SNCF », « SNCF Réseau », « SNCF Voyageurs », « Gares & Connexions », « SNCF Connect », « TGV Inoui », « TGV Inoui Pro », « Toutoui SNCF », « TER SNCF », « Transilien SNCF », « OUIGO », « Ma place libre », « Médiatrice SNCF ». Les douze sites régionaux peuvent être atteints par « TER SNCF » ou « Francilien SNCF ». Il convient même d'y ajouter, nous signale un lecteur, « Maxactif-tgvinoui SNCF » (www.maxactif-tgvinoui.sncf/sncf-connect), omis par la Fnaut ce dont on ne saurait lui tenir rigueur vu la difficulté de l'exercice. Cela porte donc le total à vingt-quatre sites.
/image%2F1336994%2F20240819%2Fob_e01441_sites-sncf.png)
Enumération des sites utilisés comme canaux d'information ou de vente par le groupe SNCF. Le canal TER amène vers l'un des onze sites des régions hors Ile-de-France. (Doc. Fnaut - https://fnaut.fr/comprendre-et-utiliser-les-sites-de-la-sncf/)
Certains services sont plus ou moins partagés. Par exemple, les horaires de trains toutes catégories et cars TER au départ d’une gare donnée sont affichés simultanément sur le site de « Gares & Connexion » et sur le site des TER de la région dans laquelle se trouve cette gare… quoique sous une présentation et avec une sélection différente. Le site des TER de la région n’affiche que les départs et arrivées sous label SNCF, contrairement à celui de « Gares & Connexion », qui recense les trains de toutes les compagnies, le cas échéant.
L’information claire et concise « est percutée » par la multitude de sites internet
La Fnaut « déplore la quantité de sites internet de la SNCF » à la disposition des usagers, écrit-elle. « Ce manque d’homogénéité perturbe la simplicité et la cohérence du parcours client », déplore-t-elle. La Fnaut, lors au colloque « Osons le train » tenu le 23 mai 2023, avait présenté une « Convention collective de l’usager » exigeant que le client « dispose d’une information claire et concise ». Or, constate-t-elle, cette exigence « est percutée par la multitude de sites internet que propose la SNCF.
Il convient désormais d’ajouter que si les sites TER des régions devraient logiquement intégrer les services conventionnés promis à d’autres exploitants, tels Transdev, les exploitants de services voyageurs librement organisés (SLO), tels les Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid de Renfe ou Lyon-Paris de Trenitalia (en attendant que soient rétablis ses Paris-Lyon-Milan), sont proposés sur des sites totalement autonomes :
https://www.trenitalia.com/trenitalia-france.html? et https://www.renfe.com/es/fr/voyager/preparez-votre-voyage/ave-francia/destinos .
De même, les distributeurs automatiques en gares sont distincts : ceux ne délivrant que des billets TER de la seule région dans laquelle se trouve la gare donnée ; ceux délivrant des billets SNCF Voyageurs grandes lignes et TER toutes régions ; ceux délivrant des billets Trenitalia dans les gares desservies par ladite compagnie ; ceux délivrant des billets Renfe dans les gares desservies par ladite compagnie. Nous soulignons qu’il est impossible d’acquérir un billet mixant un parcours SNCF Voyageurs ou TER d’une part, Trenitalia ou Renfe d’autre part, que ce soit sur automate ou à un guichet français.
Concurrence frontale et autonomie quasi-totale des autorités organisatrices
Le principe de la concurrence frontale entre SLO et l’autonomie quasi-totale des autorités organisatrices pour les services conventionnés (TER, transilien, Intercités) vient détruire l’effet (commercial) réseau. La numérisation permet et entérine la dislocation de l’offre. Désormais, on n’est plus sensé « prendre le train » mais « voyager sur telle compagnie ». Le ferroviaire aura singé l’aérien déréglementé jusqu’à l’absurde. Or le ferroviaire est d’abord identifié, pour aller d’un point à un autre, par son réseau physique doté de « grandes » et de « petites » lignes en contact étroit les unes avec les autres. Entrer sur celui-ci est le seul acte qui compte pour le client transporté, quel que soit le transporteur.
D’autant que le voyage en train très souvent inclut des correspondances, au contraire du voyage en avion, même si celui-ci peut en comporter à la marge. Le risque pour les exploitants ferroviaire est que la synthèse commerciale des offres complexes soit effectuée par des agences indépendantes, qu’elles soient physiques ou sur internet. Et qu’une partie du chiffre d’affaire transitant par ces agences leur échappe.
Dans la salle des guichets TER et transports par autocars de la gare centrale de Grenoble, trois distributeurs automatiques (de g. à d.) : TER, autocars régionaux sous gestion départementale, transports urbains. Pour les grandes lignes TGV et Intercités, on est prié de se rendre dans une autre salle de guichets, équipée d'autres distributeurs. ©RDS
La Fnaut « demande une fusion d’un maximum de ces sites et applications (sauf le site de la médiatrice SNCF) afin que le parcours client ne soit pas un véritable labyrinthe, qui pousse les usagers à utiliser leur voiture plutôt que le train ».
Cette revendication, pleine de bon sens, se heurte à la réalité des prestations et de la déstructuration de l’offre du réseau ferroviaire français. La multiplicité de tarifs, que ce soit entre régions ou au cœur même de l’offre grandes lignes (Inoui, Ouigo TGV ou classiques, Intercités avec ou sans réservation, Eurostar, coopération SNCF-DBAG, Renfe, Trenitalia…) et l’étanchéité de leurs facturations rendraient la lecture et la construction d’un site unifié singulièrement complexe.
Gares & Connexion serait la mieux placée pour fédérer la délivrance des titres de transports
On pourrait imaginer que Gares & Connexions se voie attribuer la délivrance des titres de transport, à charge de répartir les chiffres d’affaire auprès des entreprises ferroviaires. Son seul site pourrait être le guichet unique fédérant les offres des prestataires de services, de même que les guichets physiques (aujourd’hui absurdement divisés dans les grandes gares) et les automates pourraient être administrés par la même entité, quitte à lui donner une totale indépendance par rapport au groupe SNCF, en la plaçant avec SNCF Réseau dont désormais elle est une filiale, sous la tutelle directe du ministère des Transports.
/image%2F1336994%2F20240819%2Fob_6a35de_avignon-site-g-c.png)
Aperçu de l'écran d'accueil de la gare d'Avignon Centre sur le site de Gares & Connexions. Probablement le plus ergonomique, simple et mis à jour minute par minute pour l'annonce des trains, ce site est exemplaire dans la forêt de sites internet du groupe SNCF. On signalera aussi la standardisation des sites régionaux TER SNCF, parfois doublés par des sites propres aux régions... (Doc. Gares & Connexions)
Mais cela ne résout en rien la complexité objective de la structure de l’offre voyageurs du réseau français, éclaté entre autorités organisatrices, services librement organisés, tarifications spécifiques et étanches… Si Raildusud ne s’est jamais distingué pour sa position jacobine et centralisatrice, bien au contraire, l’évidence est que le sain principe de subsidiarité exige sur ce sujet que ce qui ne peut être accompli (simplification et homogénéisation de l’accès au train) par le niveau inférieur (les régions et les entreprises ferroviaires en libre accès) doit l’être par le niveau supérieur (l’Etat central).
Un retour de cadres réglementaires nationaux pour rétablir l’effet réseau
La cohérence et la simplification de l’information et de l’accès au train ne sera pas possible sans un retour de cadres réglementaires nationaux limitant les effets de frontières entre régions, la dispersion et l’étanchéité des tarifications, y compris sur un même axe (Inoui et Ouigo, TER et grandes lignes), qui constituent désormais un obstacle redoutable à l’usage généralisé du train.
L’achat d’un titre de transport sur tel itinéraire devrait permettre l’usage de n’importe quel train à conditions d’admission égales. Il devrait être possible de passer du TER au TGV avec un même billet sur une même section de ligne classique par le simple achat d’un titre de réservation à coût marginal sur n’importe quel distributeur ou à l’importe quel guichet. Les cartes de réduction nationales devraient être valables dans tous les trains et toutes les régions, etc…
/image%2F1336994%2F20240819%2Fob_6cd6d0_annecy-leman-express.jpg)
Rame Léman Express au départ d'Annecy et à destination de Coppet par Genève. Le site internet spécifique du réseau express régional Léman express (https://www.lemanexpress.com/), qui concerne largement la France voisine de la République et canton de Genève (Annemasse, Annecy, Evian, Saint-Gervais, Bellegarde...), n'est pas répertorié par l'étude de la Fnaut. (photo RDS)
La Fnaut a mis le doigt sur un effet mais il sera difficile de traiter cet effet sans traiter la cause. La grande pagaille des tarifs et de l’offre – jusqu’au sein même du système SNCF avec ses aventures d’auto-concurrence type Ouigo/Inoui – a pour conséquence l’éclatement de l’image et des accès internet. Unifier les accès internet faciliterait certes « le parcours client » mais ne ferait malheureusement que pousser la poussière sous le tapis : la compréhension du système, sa logique tarifaire et sa fluidité d’accès physique ne seraient guère facilités pour autant.
Les responsables ferroviaires français pourraient s'inspirer du modèle britannique de site qui permet un achat très aisé des billets malgré le nombre d’exploitants: https://www.nationalrail.co.uk/. Un Londres Kings Cross (KGX) - Settle, qui implique 2 exploitants, peut être acheté grâce à un formulaire en ligne simple à remplir, donnant des résultats rapides en termes d’horaires et de prix, et si on le souhaite, des détails sur le trajet incluant l’horaire des arrêts intermédiaires.