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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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5 septembre 2024

Auvergne-Rhône-Alpes, passée de la modernisation active à la fermeture d'infrastructures ferroviaires

 Le choix politique de la région Auvergne-Rhône-Alpes consiste depuis deux ans, contrairement à celui de sa voisine Occitanie, et dans une moindre mesure de son autre voisine Provence-Alpes-Côte d’Azur, à refuser d’investir dans l’infrastructure sous prétexte que les sommes versées pour payer les sillons TER en font partie.

 Dans le cadre du nouveau volet mobilités du contrat de plan Etat-Région, cette position a été explicitée par le président – désormais démissionnaire – du conseil régional siégeant à Lyon, Laurent Wauquiez. Il déclarait qu’il était hors de question d’investir « pour des réouvertures de lignes fermées depuis plus de dix ans », même si les dernières neutralisations sont plus récentes (Boën-Thiers, Oyonnax-Saint-Claude, Laqueuille-Ussel). Pourtant, sa même majorité lors du précédent mandat, avait financièrement participé à des rénovation de sections menacées, fret et TER.

 L’Etat avait promis de suivre une région qui avait été très proactive sur l’infrastructure

 Le ministre délégué aux Transports Clément Beaune, avait assuré que si la région décidait de cofinancer de nouveaux travaux d’infrastructure, l’Etat « suivrait », c’est-à-dire prendrait sa part.

 Pourtant aussi, durant les mandatures de précédentes majorité (centre-gauche), la région Rhône-Alpes avait été très proactive dans ce domaine, en particulier pour la modernisation du Sillon alpin (2007-2013), l’axe ferroviaire transversal qui relie Montmélian (et en amont Genève et Annecy) à Valence par Grenoble.

 Au cours de la mandature suivante à majorité de centre-droit, la région fusionnée Auvergne-Rhône-Alpes accompagna l’extension de la gare de Saint-André-le-Gaz (2019-2020), où divergent les lignes Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry et où convergent pour terminus les services omnibus venus de Lyon à l’ouest, de Grenoble au sud-est, participa aux restaurations de quelques sections mais abandonna tout intervention sur plusieurs lignes neutralisées à l'exception de Montbrison-Boën.

Remarquable faisceau modernisé (sous le mandat de la majorité régionale actuelle) de Saint-André-le-Gaz, avec rames pour missions omnibus vers Lyon (à d.) et Grenoble (au premier plan). ©RDS

 La modernisation du Sillon alpin fut cofinancée par la région Rhône-Alpes, non encore fusionnée d’autorité par Paris (sous la présidence Hollande) avec la région Auvergne. Le conseil régional Rhône-Alpes fut présidé, de 2004 à 2015, par Jean-Jacques Queyranne (PS) dont la politique en matière d’infrastructures ferroviaires fut particulièrement offensive. La modernisation du Sillon alpin en fut la manifestation la plus éclatante. Le projet de modernisation et de financement avaient été étudiés sous la majorité précédente (1999-2004) présidée par Charles Million (UDF) puis Anne-Marie Comparini (UDF).

2007-2015 : 540 millions d’euros (Etat, région, collectivités) pour la modernisation du Sillon alpin et le cadencement

 Cette modernisation afficha un coût de quelque 540 M€ répartis entre l'Etat, la Région et RFF (84 %) et les collectivités de rang inférieur, soit les départements : Isère, Savoie, Drôme et  les intercommunalités de Voiron, Grenoble, Chambéry, Annecy, Le Grésivaudan, le syndicat mixte d’aménagement Romans-Valence-Tain l’Hermitage (Rovaltain) pour 16 %.

 Elle aura consisté principalement en (dates de mises en service) :

- 2007 : Instauration d’un cadencement des  TER Valence-Grenoble-Annecy.

- 2009 : Doublement de la section Moirans-Romans (31,5 km). - 2011 : Doublement de la section La Sône-Saint-Hilaire-Saint-Nazaire (7 km), le pont-rail de la Sône sur l’autoroute A49 Valence-Grenoble, mise en service en 1992, ayant été conçu à voie unique sans aucune vista de la part des responsables ferroviaires ; la section doublée est dotée d’Installations permanentes de contre-sens et signalisation lumineuse moderne ;

- 2009 : Saut-de-mouton en gare de Moirans permettant d’éviter le cisaillement de la voie supportant le flux Valence-Grenoble (niveau inférieur) avec la voie supportant le flux Grenoble-Lyon (niveau supérieur). Cet ouvrage particulièrement spectaculaire impose l’amorce des dénivelés dès la gare de Moirans avec léger décalage en élévation des voies à quai. Les voies vers Lyon amorcent une importante déclivité en remblai.

En gare de Saint-Marcellin, terminus des missions omnibus depuis Grenoble et gare desservie par tous les TER à longue distance Valence-Annecy/Genève. ©RDS

- 2010 : Réouverture de la voie d’évitement de la gare (fermée) de Saint-Paul-les-Romans (allongée en 2011), limitant les sections à voie unique sans évitement à Romans - Saint-Paul-les-Romans (7 km) et Saint-Paul-les-Romans - Saint-Hilaire-Saint-Nazaire  (9 km). La section Romans-Valence était toujours restée à double voie depuis 1910, année du doublement de l’ensemble de la ligne Valence-Moirans mise en service par le PLM en 1864. Mais deux réductions à voie unique de Romans à Moirans furent imposés de 1917 à 1922 puis, après remise à double voie, depuis 1959 jusqu’aux redoublements partiels susmentionnés.

- 2011 : création d’une voie en impasse à Grenoble-Universités Gières.

- 2013 : Electrification en 25kV 50Hz de Valence TGV à Moirans. La section entre Valence et les abords de Valence TGV avait été électrifiée lors de la mise en service de la LGV Rhône-Alpes en 1994 ; la section Moirans-Grenoble avait électrifiée lors de la mise sous tension de Lyon-Grenoble en 1985.

-  2013 : Electrification en 25kV 50Hz de la section Gières-Montmélian (la section Grenoble-Gières avait été électrifiée dès 1985) avec création d’une autre voie à quai en impasse à Gières, complétant les deux voies principales à quai et la voie en impasse.

-  2013 : L’ensemble de l’axe a vu son gabarit augmenté pour l’électrification et le passage de rames à deux niveaux et de wagons de fret.

- 2014 : mise en service d’un raccordement à voie unique entre la ligne Valence-Grenoble et la ligne à grande vitesse à Valence-TGV (40 millions d’euros) pour des TGV depuis le Sillon alpin vers le Midi, qui n’auront été exploités que jusqu’à fin 2018 et seulement en fin de semaine ou aux abords de vacances, et seulement de et vers Marseille (aucune circulation directe vers l’Occitanie et l’Espagne).

En gare de Grenoble-Universités-Gières, arrivée d'un TER en provenance de Valence et à destination d'Annecy. On distingue (à g.) l'emplacement de la première voie en impasse installée pour les missions origine Gières, au premier plan la voie principale vers Grenoble longée (à g.) par l'ancienne voie principale vers Montmélian et Chambéry transformée dans un second temps en voie en impasse (en attendant d'être éventuellement raccordée aux voies principales dans le cade du futur SERM...) pour permettre des dépassements. ©RDS

 Une troisième voie est prévue en gare de Brignoud (sur la section Grenoble-Montmélian) pour permettre des retournements de TER périurbains dans la perspective de la création d’un SERM (réseau métropolitain). La limitation de la vitesse à 140 km/h sur le Grésivaudan (Grenoble-Montmélian) malgré un profil très favorable, due aux mesures d’économies, diminue l’avantage procuré par l’électrification.

Un contraste frappant entre les présidences de Jean-Jacques Queyranne et de Laurent Wauquiez

 Le contraste est frappant entre cette politique ferroviaire des mandats précédant l’élection de décembre 2015 et ceux qui ont suivi. Une nouvelle majorité, dominée par les conseillers LR et présidée par Laurent Wauquiez (LR), a remporté les élections de cette année-là puis a été reconduite à celles de juin 2021. En effet, dès juin 2016, la rénovation de la section de ligne reliant Montbrison à Thiers, sur l’axe Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, pourtant prévu au contrat de plan Etat-Région en cours, était annulée, les crédits étant reportés sur un projet routier. SNCF y suspendit toute circulation.

 Seule la sous-section Montbrison-Boën (18 km) fut rétablie deux ans plus tard grâce à la contribution de l’intercommunalité concernée avec soutien de la région. Boën-Thiers (47 km) demeure neutralisée et aucun financement pour sa restauration n’est prévu par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes en place jusqu’en 2028 (l’échéance électorale de 2027 est théoriquement reportée en raison des élections présidentielles et probablement législatives de cette même année).

Gare d'Oyonnax, devenue terminus après neutralisation par SNCF Réseau de la section vers Saint-Claude malgré un accord préalable de rénovation entre les deux régions mitoyennes (Rhône-Alpes et Franche-Comté), non traduit dans les faits et les budgets. (Doc. Vue_des_Rails)

 La section Saint-Claude-Oyonnax de la ligne Andelot-La Cluse subit le même sort pour la même raison, alors que le financement des travaux de rénovation était prévu par le contrat de plan Etat-Région 2015-2020. Cette section fut en conséquence neutralisée en 2017, coupant Saint-Claude de ses relations ferroviaires directes avec Lyon, pourtant métropole la plus proche.

 On peut néanmoins citer les participations suivantes de la région, initiées au cours du précédent mandat, et de celui en cours (même majorité de centre-droit) :

- 2018 : Restauration après brève neutralisation (2016-2018) de la section (TER) Montbrison-Boën.

- 2020 : Modernisation et extension du faisceau de la gare de Saint-André-le-Gaz, jonction des lignes Lyon-Chambéry et Lyon-Grenoble.

- 2021 : Pérennisation de la section (fret) Volvic-Laqueuille-Le Mont Dore (ITE eaux SMDA)

- 2021 : Restauration de la section (fret et TER) Langogne-Saint-Georges d'Aurac, dont la menace de fermeture par SNCF Réseau mettait en péril la continuité de la ligne des Cévennes Nîmes-Clermont-Ferrand.

- 2021 : Pérennisation de la courte section (fret) Riom-Volvic pour l'usine d'eaux de Volvic.

- 2021 : Pérennisation de la courte section (fret) Ambérieu-Lagnieu.

- 2022 : Pérennisation de la courte section (fret) Ugine-Albertville.

- 2022 : Rénovation partielle de la ligne (TER) Grenoble-Veynes.

- 2022 : Rénovation partielle de la ligne (TER et Intercités) Livron-Veynes.

 Le principe de non-participation de la région à l’investissement dans le réseau physique s’applique depuis désormais dans toute sa rigueur. Laurent Wauquiez n’a cessé d’affirmer que la région participait grandement à son financement par le mécanisme du péage des sillons à SNCF Réseau et que c’était à l’Etat propriétaire d’assumer ses devoirs d’entretien ou de mise à niveau complémentaires.

 On peut s’étonner de cette position alors que l’Etat, s’il n’assume pas ses devoirs de propriétaires, se déclare prêt à cofinancer des travaux de restauration. Et que sur Saint-Chély-Neussargues, il a investi seul 40 millions d’euros l'an dernier pour remplacer les rails à double champignon dans le cadre du maintien du trafic fret de l’usine ArcelorMittal de Saint-Chély… et d’un maigre Intercité quotidien, seule circulation voyageurs sur cette section située majoritairement en région Auvergne-Rhône-Alpes (la partie sud en Occitanie).

Le chemin de fer, enjeu-clé pour l’équité territoriale

 Rien, selon la législation en cours, n’interdit non plus à la région Auvergne-Rhône-Alpes de prendre en gestion directe, voire en propriété, les lignes qu’elle pourrait rénover suivant ses propres critères, budgets  et sous-traitants, à l’image d’Occitanie pour Montréjeau-Luchon ou Alès-Bessèges, de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour Digne-Nice.

 A l’heure où la question de l’équité territoriale se pose avec une acuité extrême – les résultats électoraux le prouvent surabondamment -, le maintien de lignes ferroviaires de desserte fine dans des territoires dont la population s’appauvrir notablement – en étant souvent exclue des métropoles favorisées par l’activité économique mondialisée – devrait constituer un enjeu politique majeur. Or on sait que le transfert sur route, outre qu’il complique à l’infini les plans de transport et les fiches horaires, empêche la concentration des flux et entraîne presque immanquablement une forte déperdition de clientèle... Sauf dégradation volontaire et préalable de l’offre ferroviaire, vieille technique visant à préparer l’opinion à la liquidation de la ligne concernée.

Illustration de l'impact du transfert sur route d'un service ferroviaire, ici la section centrale de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. Il convient de rectifier ce schéma: en 2016, c'est sur la section Montbrison-Thiers que la circulation ferroviaire a été suspendue (et non Boën-Thiers), rétablie entre Montbrison et Boën en 2018. Nous estimons à 850.000 le nombre d'habitants directement concernés et bien plus si l'on inclut la métropole lyonnaise. Les élus pourront méditer sur l'impact électoral que peut avoir une telle dégradation du service aux populations. (Doc. Letrain634269).

 Cet enjeu politique, la région Occitanie l’a remarquablement pris en compte, de même que préalablement la région Midi-Pyrénées avant la fusion autoritaire imposée par Paris. Le futur président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, qui succèdera à Laurent Wauquiez devenu député et donc frappé par l’interdiction du cumul exécutif de collectivité/parlementaire, suivra-t-il la même  ligne, dont la conséquence aura été la liquidation de lignes et l’indignation de nombreuses associations ? La seule ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, aujourd’hui désintégrée, dessert directement 850.000 habitants…

 

 

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Commentaires
B
Mon dieu, que dire ? Comment cette grande region peut-elle en arriver là ? Wauquiez un adepte de feu-Guillamat !
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T
On peut regretter que les travaux d'électrification des lignes desservant Grenoble n'aient pas intégré une électrification jusqu'aux plateformes chimiques de Pont-de-Claix et de Jarrie.<br /> Il n'existe aucune solution de reprise des trains en sortant, qui de ce fait sont tractés par des locomotives thermiques sur leur trajet dans la vallée de l'Isère.<br /> Étant donné le contexte géographique de la cuvette grenobloise et les efforts qui sont demandés aux habitants pour limiter les impacts d'une circulation atmosphérique compliquée, cette électrification serait un signal positif.
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D
Et en plus les trains vers la ligne des Alpes doivent rouler à contrevoie sur la ligne de Montmélian de la gare de Genoble jusqu'à la bifurcation, ce qui est quand même gênant surtout si on souhaite développer un RER autour de Grenoble
C
Il est temps de faire changer ces refus de Laurent Wauquiez avec le nouveau Président. <br /> Clermont-Ferrand/Saint Etienne rermplacé par des bus et voitures au lieu de faire réouvrir Thiers/Boën. Quel scandale !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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