Clermont-Ferrand-Nîmes depuis 1960 : envol des temps de parcours malgré travaux, rames neuves et viaduc de Courbessac
Les 12 km de voie renouvelés ce printemps sur la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand (303 km) vont-ils contribuer à retrouver les temps de parcours des années 1970, notablement allongés depuis ? Car tout au long de sa belle carrière la ligne des Cévennes, qui fêtera ses 155 ans en 2025, aura illustré la régression de la qualité du service public ferroviaire dans les « territoires » désormais trop souvent considérés comme « périphériques ».
En 1969 le Cévenol reliait Clermont-Ferrand à Nîmes (sens impair) en 4 h 31 mn, et en 4 h 49 mn dans le sens pair Nîmes-Clermont-Ferrand, avec 11 arrêts intermédiaires.
En 2024, les trois relations TER s’effectuent en sens impair en 5 h 14 mn, 5 h 12 mn ou 5 h 27 mn, avec 12 arrêts intermédiaires. Dans le sens inverse (pair), les temps de parcours sont de 4 h 53 mn, 5 h 03 mn et 5 h 25 mn avec 12 arrêts pour le premier, 13 arrêts pour les deux autres.
A l’horaire 2020, les temps de parcours des trains Clermont-Ferrand-Nîmes oscillaient entre 5 h 02 mn et 5 h 25 mn et ceux des Nîmes-Clermont-Ferrand entre 5 h 00 et 5 h 28 mn.
En 55 ans, allongement de la durée de parcours de 15,87 % à 20,66 % malgré le viaduc de Courbessac
En 55 ans (1969-2024), l’allongement du temps de parcours dans le sens impair s’établit donc à 56 mn au pire - soit une augmentation de 20,66 % -, et à 43 mn au mieux - soit une augmentation de 15,87 %. On notera qu’entre 2020 et 2024, ces temps de parcours ont continué à se dégrader légèrement dans le sens impair.
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Rame Régiolis Alstom destinée à la desserte Nîmes-Clermont-Ferrand, saisie à Nîmes Courbessac. La qualité de ce matériel, comme la construction du viaduc de Courbessac permettant d'éviter le rebroussement dans cette avant-gare de Nîmes Centre n'ont toujours pas permis de rétablir les temps de parcours des années 1960. ©RDS
Au demeurant, la qualité du service est restée longtemps relativement élevée puisqu’en 1975 le Cévenol en automoteur continuait toujours d’abattre le parcours nord-sud en 4 h 31 mn et le retour en 4 h 48 mn. Dix ans plus tard, en 1985, le même Cévenol, en rame tractée de voitures Corail, par nature moins performante sur un profil accidenté tant en élévation (déclivités) qu’en plan (courbes), effectuait le même service nord-sud en 4 h 50 mn et retour en 5 h 02 mn.
Les belles rames Coradia qui desservent aujourd’hui les trois relations quotidiennes de bout en bout (en semaine) sont modernes. De plus, la suppression du rebroussement à Nîmes Courbessac grâce à la construction d’un viaduc à voie unique permettant de relier directement la ligne à la gare de Nîmes Centre depuis mars 2013 a permis d’économiser huit minutes, aggravant encore le différentiel de temps de parcours : aux vitesses de 1969 ou 1975, le viaduc de Courbessac eût en effet permis de réduire le temps de parcours Clermont-Ferrand-Nîmes à 4 h 23 mn, soit près d’une heure de moins qu’en 2024… C’est donc bien la qualité de la voie qui est la première cause de cette dégringolade.
Un dénivelé de 888 m en 67,50 km sur la partie sud
La différence, sauf exception, entre sens impair (nord-sud) et sens pair au détriment de ce dernier s’explique par la dissymétrie du profil de la ligne, la section au sud du point haut de La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains présentant des déclivités notablement plus fortes que la partie nord. Le plus gros de la pente sud est situé entre La Bastide (1.024 m d’altitude) et Alès (136 m d’altitude), soit 888 m de dénivelé pour 67,50 km seulement.
Si plusieurs projets d’électrification ont été envisagés, avant puis après la Première Guerre mondiale, puis à l’issue de la Seconde, la principale avancée pour la ligne fut la conversion de la vapeur au diesel. Dès l’horaire 1956, le temps de parcours minimal de bout en bout était réalisé par l’autorail Le Cévenol Clermont-Ferrand-Nîmes qui abattait déjà les 303 km en 4 h 43 mn quand l’express de jour Paris-Austerlitz-Nîmes via Vierzon effectuait le parcours Clermont-Nîmes en 6 h 31 mn, en traction vapeur. Le Cévenol constituait, à l’époque, un événement ferroviaire.
Rame ex-Auvergne à Génolhac (471m d'altitude), sur la partie la plus pentue de la ligne des Cévennes entre Alès et La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains (1014 m d'altitude) ©RDS
A l’horaire 1992, Le Cévenol était devenu un Paris Gare-de-Lyon-Marseille Saint-Charles. Il abattait encore Clermont-Ferrand-Nîmes en traction diesel en 4 h 42 mn. C’était quelques années avant la dégénérescence accélérée de la voie, dont les rails éclatés avaient déjà surpris les ingénieurs allemands venus participer aux marches d’essais du VT610 sur la ligne des Cévennes à la demande du président du conseil régional Languedoc-Roussillon d’alors, Jacques Blanc dans les années 1990.
Les années 2000 ont été des années sombres pour la partie la plus montagneuse de la ligne des Cévennes. En 2009, par exemple, la vitesse est limitée à 30 km/h sur une longue section au nord de Langogne. Elle ne sera que très partiellement relevée après que des travaux de rénovation ont été menés sur les 75 km séparant Langogne de Saint-Georges-d'Aurac, évitant in extremis une menace de fermeture qui eût entraîné un sectionnement dramatique en deux moignons d'extrémités à la façon de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand depuis 2016, condamnant la fonction inter-régionale de la ligne et sacrifiant l'une des plus belles parties du parcours, dans les gorges de l'Allier.
Le trafic s’intensifie aux extrémités
La ligne des Cévennes connaît un trafic inversement proportionnel aux altitudes qu’elle atteint. Plus on se rapproche de ses extrémités, plus la circulation est intense. Cette caractéristique a servi d’argument, sur d’autres lignes, à la segmentation par neutralisation de la partie centrale la moins utilisée, tentation reprise par les dirigeants nationaux du réseau pour la ligne des Cévennes. Cet argument récessif passe par profits et pertes la suppression de la fréquentation de bout en bout qui, outre les conséquences susmentionnées, affaiblit le trafic sur les extrémités demeurées en exploitation.
De bout en bout, la ligne des Cévennes est parcourue par trois TER Nîmes-Clermont-Ferrand par sens (mais seulement 2 les samedis dans le sens sud-nord, et 2 les dimanches dans les deux sens), dont un ancien Intercités passé aux régions moyennant l’achat par l’Etat de rames Coradia Liner. Ce sont les seuls trains de voyageurs que voit passer la section Saint-Georges-d’Aurac-La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, soit 93,65 km, presque le tiers de son itinéraire.
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Croisement à Brassac-les-Mines - Sainte-Florine, d'une rame Régiolis TER Occitanie en provenance de Nîmes et à destination de Clermont-Ferrand, et d'une rame AGC TER Auvergne-Rhône-Alpes. Sur cette section, l'offre TER est assez remarquable. ©RDS
Au nord, vers Clermont-Ferrand depuis Saint-Georges-d’Aurac (93,7 km) on note, en jour ouvrable de base, 6 TER (et retour) dont trois issus du Puy ; puis 12 au nord de Brioude dont 6 origine Brioude, 18 au nord d’Arvant dont cinq issus d’Aurillac ; 27 au nord d’Issoire, ville industrielle (27.000 habitants dans l’aire urbaine), dont 9 origine Issoire ; 39 au nord de Vic-le-Comte dont 12 origine Vic-le-Comte. Plus on se rapproche de la capitale auvergnate, plus le flux se rapproche de celui d’une ligne de banlieue métropolitaine, avec des gares modernisées.
Au sud, vers Nîmes depuis La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains (114,4 km) on compte 5 TER (et retour) dont 2 origine Mende ; 7 au sud de Génolhac dont 2 origine Génolhac ; 17 au sud d’Alès dont 10 origine Alès. La trame est donc bien moins fournie côté Languedoc malgré l’importance démographique des bassins d’Alès (116.000 habitants dans l’aire urbaine) et de Nîmes (258.000 habitants dans l’intercommunalité), séparés de seulement 45,87 km par voie ferrée.
Les années 2000 amenèrent un repli sur une régionalisation quasi-exclusive. Le vrai basculement survint en 2007 avec la suppression des courses directes amorcées à Paris. Le Cévenol vit cette année-là sa course réduite à Clermont-Ferrand-Marseille puis, en 2018, à Clermont-Ferrand-Nîmes, au grand dépit des populations concernées et de leurs élus.
Rappelons que cette années, les travaux ponctuels de voie et d'infrastructures ont concerné 87 km entre Alès et Langogne avec fermetures pendant deux semaines en février et d'un mois en avril, et 47 km entre Alès et Nîmes avec fermeture d'un mois en avril-mai. Un renouvellement voie-ballast a concerné 12 km, deux tunnels ont été confortés, un paroi rocheuse sécurisée et un mur de soutènement renforcé. Cette campagne annuelle a coût 11,7 millions d'euros pris en charge à 31,1% par la région Occitanie, 60,9% par l'Etat et 8% par SNCF Réseau. On ne compte pas le manque à gagner commercial dû aux reports sur route.