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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
28 mai 2023

Saint-Etienne – Clermont-Ferrand : le Cerema n’envisage la continuité ferroviaire que dans un scénario sur trois

 Le résultat de l’étude sur l’avenir de la section centrale (Boën-Thiers) de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, neutralisée depuis l’été 2016, est enfin tombé. Menée par l’organisme d’Etat Cerema dédié à l’environnement, la mobilité et l’aménagement du territoire, cette étude prévoit trois scénarios dont un seul envisage une restauration de la voie sur les 47 km actuellement privés de tout trafic, dit « option C ». La région Auvergne-Rhône-Alpes, contrairement à sa voisine Occitanie, se refuse d’investir dans l’infrastructure ferroviaire, même si elle avait prudemment cofinancé des travaux de voie sur quelques antennes fret (Volvic-Le Mont-Dore…).

 Sur Boën-Thiers, la remise en service de bout en bout a été évaluée par l’étude à une somme comprise entre 115 et 160 millions d’euros, ce qui revient à un prix par kilomètre compris entre 2,44 M€ et 3,40 M€, devis établi conformément aux tarifs de SNCF Réseau. Lors de la suspension du trafic en 2016, des évaluations  concordantes évaluaient la remise en état – au moins provisoire – de la voie à quelque 50 millions d’euros. La végétation, l’absence d’entretien, la dérive des coûts (et des évaluations) peuvent expliquer cette explosion.  Il est heureux que l’état des ouvrages d’art de la section neutralisée ait pour l’essentiel été reconnu de bonne qualité.

Actuellement, des horaires illisibles en raison de la dispersion des moyens et des itinéraires

 La section neutralisée court entre Boën et Thiers. La suspension des circulations ferroviaires ne permet plus de relations directes entre les deux métropoles, distantes de 145 km et qui pourtant appartiennent à la même région depuis la fusion imposée par le gouvernement central en 2014. L’offre de transport public est donc éclatée entre :

- des relations mixées entre trains et autocars TER à l’est sur 51 km entre Saint-Etienne, Montbrison et Boën (aucun train les samedis et dimanches entre Montbrison et Boën), et à l’ouest sur 46 km entre Clermont-Ferrand et Thiers ;

- de rares rotations de cars TER lents, mêlées à des cars départementaux de desserte fine et de tarification différente (hors fiche horaire TER), pour la partie centrale Boën-Thiers, permettant un cabotage entre les localités de part et d’autre de l’ancienne ligne ;

- trois rotations de cars TER accélérés, sans desserte intermédiaire, entre Saint-Etienne et Clermont-Ferrand par autoroute, pours un temps de parcours à peine inférieur à celui des trains qui jadis desservaient plusieurs gares intermédiaires et cumulaient les voyages de bout en bout et de cabotage. La région Auvergne-Rhône-Alpes prévoit d’ores et déjà de porter le nombre de ces rotations accélérées de trois à six par jour.

Aperçu de la fiche horaire Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. Il ne demeure évidemment plus aucun train, ni aucune relation Clermont-Ferrand-Lyon directe alors que jusqu'à la fin des années 1990 les relations entre Lyon et Clermont-Ferrand étaient à peu près également réparties entre trains via Saint-Etienne et Noirétable, et trains via Roanne.

 Le vice-président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, Frédéric Aguiléra, par ailleurs maire (Les républicains) de Vichy et président de Vichy Communauté, a répété lors de la présentation du rapport de l’Ademe que la région considérait que l’Etat était seul décisionnaire au sujet de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, puisqu’au titre de propriétaire du réseau ferré national, elle lui appartient en propre. « On est sur un sujet purement État puisqu'il s'agit d'infrastructure et non pas de service », a-t-il déclaré reprenant la position de la majorité régionale sur d’autres dossiers similaires, tel que celui de Saint-Chély-d’Apcher-Neussargues (voire Laqueuille-Ussel).

Auvergne-Rhône-Alpes ne recourt pas à la gestion directe contrairement à Occitanie

 Contrairement aux options choisies en Occitanie d’une reprise en gestion directe par la région de lignes à réhabiliter (Alès-Bessèges,  Montréjeau-Luchon…), tournant donc le dos à SNCF Réseau, Auvergne-Rhône-Alpes ne semble pas prête à prendre cette responsabilité comme le lui permet désormais la loi. Notons par ailleurs que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a pris la gestion de l’infrastructure de la ligne reliant Digne et Nice (150 km) et qu’en Corse la Collectivité territoriale gère directement le réseau ferré, long de 232 km.

 Autorité organisatrice des TER, la région subventionne en revanche les transports publics intra-régionaux (non urbains), même si elle n’a toujours pas recréé de TER Montluçon-Lyon malgré l’existence d’une continuité ferroviaire entre ces deux villes, la section Gannat-Saint-Germain-des-Fossés n’étant plus parcourue que par du fret.

IMG_20220516_090912666Ci-dessus : AGC thermique Auvergne-Rhône-Alpes au terminus de Boën, prêt à repartir pour Saint-Etienne Châteaucreux. Initialement, en 2016, le trafic avait été suspendu entre Montbrison et Thiers. En 2018, des travaux ont permis une réouverture de Montbrison-Boën, soit 17 km. Ces travaux ont été cofinancés par la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui avait de ce fait investi dans l'infrastructure, et par la très vaste communauté d'agglomération Loire-Forez Agglomération (111.000 habitant), qui inclut Montbrison et Boën parmi les 87 communes qui en font partie. La région avait par ailleurs cofinancé des travaux sur des ouvrages d'art entre Saint-Etienne et Montbrison, là encore investissements dans l'infrastructure propriété de l'Etat (ci-dessous). ©RDS 

DSCN2613

  Pour autant, le vice-président chargé des transports n’a pas formellement fermé la porte à un cofinancement de l’ensemble du projet puisqu’il a renvoyé sur le prochain Contrat de plan Etat-Région (CPER) pour que soient fixées les objectifs de desserte entre les deux métropoles de Clermont-Ferrand et Saint-Etienne. Et donc, éventuellement, une réhabilitation de la voie ferrée sur sa section centrale. Notons que la région ne s’oppose pas à une réouverture de la totalité de la voie ferrée - si l'État en assure le financement -, y voyant une occasion d’économies sur les frais d’exploitation : suppression de plusieurs strates de  cars TER de substitution, forcément coûteux ; optimisation des roulements de trains TER grâce à l’économie des stationnements  dans les terminus des antennes actuelles  (Boën, Thiers et pour certaines courses, Montbrison).

Les deux autres options du Cerema excluent de rétablir la continuité ferroviaire

 Le Cerema propose deux autres options, toutes deux excluant une réouverture de la ligne ferrée de bout en bout, impliquant un investissement plus réduit voire nul, mais le maintien à un niveau élevé des frais de fonctionnement des relations routières.

 Une de ces deux autres options (dite B) prévoit la réouverture de la section Thiers-La Monnerie-Saint-Rémy, soit 5,5 km sur les 47 km neutralisés, parcours court mais ponctué de sept tunnels. Elle permettrait de desservir le sud de l’agglomération de Thiers dont l’activité économique se développe fortement. Le nombre d’autocars assurant la desserte du parcours central serait augmenté et les rotations autocars directes Clermont-Ferrand-Saint-Etienne doublées comme indiqué plus haut.

 L’option la moins ferroviaire (dite A) consisterait  à simplement renforcer les fréquences des trains (et probablement autocars) sur les antennes de Thiers et Boën (ou Montbrison…), et à doubler comme prévu les relations directes de bout en bout. Cette dernière solution exempterait l’Etat et SNCF Réseau de tout investissement en infrastructure, laissant à la région la seule charge de subventionner les services supplémentaires.

Thiers-2021-10-16-133635_001Fin de section exploitable à proximité de la gare de Thiers. Voici une image édifiante de ce que sont devenus des pans entiers du capital ferroviaire dans la France dite "périphérique" après huit décennies d'élagages supposés réduire le déficit global du système... sans jamais y parvenir. ©RDS/POM 

  Notons enfin que l’option optimale, celle de la réouverture de l’ensemble de la ligne ferroviaire, serait accompagnée d’un schéma de desserte à une fréquence de deux heures. Le temps de parcours optimal à l’horaire 1994 entre les deux métropoles était de 2 h 03 mn pour les 145 km (assuré par les autorails Lyon-Clermont-Ferrand). Seul un croisement sur la section réhabilitée, à Noirétable presque exactement à mi-chemin entre les deux villes, permettrait d’assurer la robustesse du service.

 Pour rassurer les populations et élus du secteur, réunis dans le très actif collectif Le train634269, le rapport assure la conservation et l’entretien minimal de la plateforme et des ouvrages de la section neutralisée et exclut sa fermeture, c’est-à-dire son retranchement du réseau ferré national comme l’a été voici deux ans (Montluçon) Commentry-Moulins par exemple.  De même, le Cerema exclut l’option « train léger » un temps évoquée, dotée de véhicules hors normes du RFN, ce qui impliquerait un isolement de la section rouverte par rapport aux sections encadrantes.

La réouverture complète permettrait seule de cumuler les flux et d’assurer un transport sûr et confortable

 Le collectif Le Train634269 soutient le scénario de la réouverture complète de la ligne ferrée tout en considérant une amélioration des fréquences proposée par les deux autres scénarios comme un début d’avancée.

 Mais c’est la réouverture complète qui permettrait de retrouver une trame d’horaires et de services lisible et non dispersée entre autocars directs, non directs et trains d’extrémités ; d’assurer un parcours en site propre dégagé des contingences routières, de l’inconfort des chaussées et de l’attente en bord de route ; de cumuler parcours de bout en bout et parcours de cabotage, permettant d’optimiser l’usage des véhicules ; de répondre au principe de rentabilité croissante propre au rail, dans l’optique d’une balance optimale coût-service à la population.

DSCN2764Arrêt d'autocar TER Auvergne-Rhône-Alpes à Chabreloche, entre Boën et Thiers et à proximité de Noirétable. Ni protection contre les intempéries ou l'insolation, ni information sonore ou visuelle dynamique, ni éloignement des pollutions sonores et atmosphérique de la circulation routière, ni régularité du roulement permise par la voie ferrée malgré la qualité des véhicules modernes (un long voyage par car sur routes départementales permet une édifiante comparaison). ©RDS 

  Enfin, cette réouverture   rétablirait l’équité entre territoires « périphériques » et territoires métropolitains, de même qu’entre métropoles moyennes et métropole francilienne. Il est troublant de constater qu’on peut se rendre en train de Thiers ou de Montbrison à Paris mais que ce n’est pas possible, sauf interminables acrobaties, de Thiers à Lyon ou de Montbrison à Clermont-Ferrand. Et que de Saint-Etienne à Clermont-Ferrand, on est prié de passer par l’autoroute.  En ces temps de phobie énergétique voilà qui fait mauvais genre.

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Commentaires
J
"Cela va à l'encontre de ce qui est couramment observé partout ailleurs: une correspondance = -30% sur le trafic (effet atténuable si la correspondance est immédiate et quai à quai mais non nul tout de même), et lors d'une substitution d'un service ferroviaire par un service routier, perte de quasiment tous les usagers non captifs".<br /> <br /> <br /> <br /> Si certains voulaient le comprendre tout irait beaucoup mieux.<br /> <br /> Mais voilà, nous sommes en France pays de la "bagnole"...<br /> <br /> Depuis de nombreuses années, l'incurie de nos élus nous mènent dans la direction opposée du bon sens, seul le "pognon" compte pour eux...
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D
Ce qui est consternant lors de la présentation de cette étude, ce sont les prévisions de trafic. Elles sont exactement identiques entre les 3 options: des cars directs qui ignorent Montbrison et Thiers, un schéma à double correspondance (à Thiers et à Boën) et des trains de bout en bout qui permettent de desservir les principales agglomérations intermédiaires. Cela va à l'encontre de ce qui est couramment observé partout ailleurs: une correspondance = -30% sur le trafic (effet atténuable si la correspondance est immédiate et quai à quai mais non nul tout de même), et lors d'une substitution d'un service ferroviaire par un service routier, perte de quasiment tous les usagers non captifs.
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B
Le Cérema, organisme d' Etat de la France, lié à l' environnement...............dont la seule environementale est "la toto électrique" . Qu' attendre d' un tel organisme
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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