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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
7 février 2023

Soutien européen à un projet de services interrégionaux Catalogne-Occitanie portés par les FGC catalans

 La surprise réside dans un détail, énoncé en fin de liste. La Commission européenne a décidé de soutenir douze projets ferroviaires transnationaux pilotes, tous à longue distance sauf un : la courte relation transfrontalière interrégionale Catalogne-Occitanie, l’une des pires relations ferroviaires de ce type concernant la France. Or ce projet de relation hispano-française est porté par les chemins de fer de la généralité de Catalogne (FGC), soulignant par défaut l’absence criante d’une entreprise ferroviaire française sur ce créneau, SNCF en tête.

 Soutien technique et réglementaire à des projets transfrontaliers

 Il s’agit pour la Commission européenne de soutenir au plan technique et réglementaire  la création de nouveaux services ferroviaires transfrontaliers ou d’améliorer ceux qui existent déjà. Elle adopta à cette fin un plan d’action en décembre 2021. Ces relations devraient favoriser voyages transfrontaliers « en les rendant plus rapides, plus fréquents et plus abordables » alors que la route ou l’aérien tiennent souvent le haut du pavé. Logiquement, plusieurs trains de nuit ont été sélectionnés puisqu’ils permettent de franchir de plus longues distances.

 Le plan d’action a identifié les obstacles qui entravent la mise en place et l’exploitation de services ferroviaires transfrontaliers de transport de voyageurs, ainsi que les mesures à prendre pour les surmonter. L’une de ces mesures est constituée par les services pilotes annoncés la semaine dernière. La Commission aidera les opérateurs ferroviaires et les autorités à faire tomber les obstacles restants dans la pratique, avec le soutien de la Commission. La Commission va maintenant inviter les auteurs des dix propositions sélectionnées à lancer leurs projets.

nuitVoiture-lit moderne. Les relations concernées par l'aide européenne concernent majoritairement l'Europe du Nord, de l'Est et centrale. La France est concernée par deux liaisons: Amsterdam-Barcelone par Lille (pour une fois une relation de nuit sera amorcée sur le territoire français par une ville de "province") ; et des relations régionales transfrontalières côté Catalogne et Occitanie. (Doc. Mediarail.be)

 On relève pêle-mêle parmi les projets des nouveaux services Hongrie-Autriche-Roumanie, Allemagne-Danemark-Suède, Prague-Copenhague, Leipzig-Stockholm, Munich-Budapest, Lisbonne-La Corogne, Lisbonne-Madrid, etc… Concernant la France, on relève le projet de la compagnie Midnight Trains de créer un service de nuit Paris-Milan-Venise, et celui de la start-up European Sleeper pour un train de nuit Amsterdam-Lille-Barcelone.

La Commission européenne met le doigt sur la faiblesse de l’offre franco-espagnole côté Port-Bou

 Mais la surprise est venue de la sélection par la Commission européenne d’un projet simplement interrégional, celui de liaisons de proximité entre Catalogne et Occitanie. Car les relations entre villes voisines et part et d’autre des Pyrénées Orientales, et ce malgré les récents efforts des conseils régionaux mitoyens, relèvent du parcours du combattant. Nous présentons les seules relations permises entre Perpignan d’une part, Figueras et Gérone d’autre part. Il est aisé d’étendre les constatations de part et d’autre (Narbonne, Béziers, Montpellier, Nîmes, Toulouse au nord, Barcelone et au-delà au sud).

 A ce jour, on décompte quatre combinaisons TER-Cercanias et deux circulations TGV permettant de relier Perpignan à Figueras et Gérone, les premières via Port-Bou, les secondes via le tunnel du Perthus mixte fret-TGV. La première des quatre combinaisons TER-Cercanias ne quitte Perpignan qu’à 8 h 55 pour arriver à Port-Bou à 9 h 47, soit 52 mn de temps de parcours pour 44 km avec desserte des gares de la côte Vermeil. Le temps de correspondance à Port-Bou est de 52 mn, pour un départ du train régional à destination de Barcelone à 10 h 35.

IMG_20220524_150026196Rames AGC du service TER Occitanie en gare d'Avignon Centre, l'une d'elles à destination de la frontière espagnole. Des relations TER entre Occitanie et Port-Bou offrent depuis peu d'années une correspondance au-delà de la gare frontière espagnole mais les temps d'attente demeurent dissuasifs, supérieurs à 50 minutes à une exception près. Un battement de 10 minutes, une augmentation des fréquences et une ouverture de l'amplitude horaire (avec un premier départ de Narbonne avant 6h00 et donc de Perpignan avant 6h35) sortiraient cette relation interrégionale transfrontalière de son statut de seconde zone. ©RDS 

 L’arrivée à Figueras, à 26 km de Port-Bou, est prévue 23 mn plus tard, à 10 h 58. L’arrivée à Gérone, à 68 km de Port-Bou, est prévue à 11 h 38. Le temps de parcours total depuis Perpignan jusqu’à Figueres par trains régionaux est donc de 2 h 02 mn pour 70 km ; jusqu’à Gérone de 2 h 43 mn pour 112 km. Ces temps de parcours sont ceux de trois des quatre relations quotidiennes par trains régionaux via Port-Bou. La quatrième de la journée est raccourcie d’une demi-heure (Perpignan 17 h 55-Gérone 20 h 08) à 2 h 13 mn grâce à un battement de correspondance à Port-Bou de seulement 20 mn.

Des trains à grande vitesse conçus pour les dessertes éloignées

 Le voyageur régional peut aller beaucoup plus vite en empruntant les (chers) TGV Paris-Barcelone de la SNCF. Mais, outre qu’ils ne desservent évidemment aucune gare intermédiaire entre Perpignan et Figueras (Elne, Argelès, Collioure, Port-Vendres, Banyuls, Cerbère,  Port-Bou, Colera, Llançà, Vilajuïga…), ni entre Figueras et Gérone, leur amplitude horaire est en total décalage avec les besoins de voyages entre les deux régions mitoyennes.

 Le premier départ de Perpignan est fixé à… 15 h 04, le second à 20 h 03. Leur temps de parcours entre villes desservies est pourtant imbattable : 24 mn entre Perpignan et Figueras, 41 mn entre Perpignan et Gérone. Il est vrai que les distances via Le Perthus sont moindres que celles via Port-Bou : 88 km entre Perpignan et Gérone (au lieu de 112 km par la ligne classique), 53 km entre Perpignan et Figueras (au lieu de 70 km). La grande vitesse et l’absence d’arrêts intermédiaires fait le reste.

LFPAVE Renfe en gare de Perpignan. Disparus depuis décembre, ces circulations "province" française-Espagne réapparaîtront progressivement cet été. Mais elles ne répondront ni à la question de l'amplitude horaire des services transfrontaliers pour les villes du Languedoc, ni à celle de la desserte transfrontalière de proximité entre Pyrénées Orientales et province de Gérone, deux territoires aux potentiels touristiques d'exception.

 On comprend que les chemins de fer régionaux catalans FGC aient quelque appétit pour ces relations interrégionales de proximité. Dans l’état actuel des dessertes, les populations voisines utilisent massivement leurs automobiles, quand elles en ont, pour aller de l’autre côté de la frontière. Le système ferroviaire national français ignore totalement leurs intérêts, se centrant sur les seules relations Paris-Espagne. Seule la région Occitanie a tenté de caler ses TER sur les trains régionaux espagnols, obtenant une vague amélioration par rapport à la quasi-impossibilité d’effectuer des allers-retours de proximité passe-frontière dans la journée. Mais, on l’a vu, l’offre reste étique : amplitude horaire limitée, fréquences faibles, temps de correspondance dissuasifs et TGV inadaptés.

Le retour de la Renfe… et l’ambition des FGC

 Deux évolutions sont  à venir. La première est prochaine, avec le rétablissement à l’été 2023 par la Renfe de relations à grande vitesse Marseille-Barcelone-Madrid et Lyon-Barcelone. Semi-quotidiennes, elles ont vocation à redevenir quotidiennes, comme au temps récent de la coopération SNCF-Renfe, brisée unilatéralement par l’opérateur français au service annuel 2023. Mais ces rotations quotidiennes, si l’on s’en réfère aux horaires antérieurs, ne touchent pas à l’amplitude horaire pour les villes voisines (Perpignan, Figueras, Gérone) puisque le premier départ vers l’Espagne depuis Perpignan par AVE à grande vitesse était assuré par le Marseille-Madrid, vers 11 h 45. Par ailleurs, ils ne répondent évidemment pas aux besoins des relations de proximité entre gares intermédiaires (Elne et au-delà vers le sud).

FGC Place Catalogne Magnus Manske WikiGare souterraine "Place de Catalogne" des FGC, à Barcelone. Ce réseau catalan, parfaitement intégré aux autres réseaux de la région (Renfe, métro TMB...), a prouvé que des lignes à voie métrique pouvaient assurer un service de haute intensité et de grande qualité... à l'image de plusieurs lignes de Valence (Espagne) et bien sûr de la Suisse et de l'Allemagne. (Doc. Wikipedia Commons/Magnus Manske) 

 Le projet des FGC, révélé aux observateurs français par la décision de soutien qu’il vient de recevoir de la part de la Commission européenne, semble inclure la stratégie EPirEMed de l’entreprise publique catalane. EPirEMed viserait à effectuer « un pas de géant dans l’intégration touristique des Pyrénées orientales de part et d’autre de la frontière entre la France et la Catalogne », explique-t-elle sur son site.

 Les FGC sont une société publique propriété de la Généralité de Catalogne, créée en 1979, qui exploite quelque 300 km de lignes régionales, urbaines et suburbaines dans cette collectivité de 7,7 millions d’habitants dont la surface est de 31 950 km2. Elle se rapproche par sa taille de la région française Provence-Alpes-Côte d’Azur (31 400 km2) mais est plus peuplée qu’elle (PACA compte 5,1 millions d’habitants).

Les FGC devant une multitude de choix

 Dans leur projet EPirEMed, les FGC entendent « créer de nouveaux produits transfrontaliers et développer une stratégie marketing pour une promotion commune aux niveaux national et international ». EPirEMed entend « lier tourisme rural et de montagne à des options de transport soutenables ».

 Reste à savoir désormais si cette ambition s’étendra à des relations commerciales dépassant le cadre touristique de montagne, au-delà des lignes FGC de l’intérieur (lignes Lerida-Pobla de Segur, reprise à la Renfe et qui aurait pu relier Saint-Girons ; de Vallès ; de Llobregat Noia). La question du statut reste entière si de nouvelles relations sont créées sur le réseau non-FGC (Adif en Espagne, SNCF Réseau en France) : en accès libre aux risques et périls ou en délégation de service public avec les régions Catalogne et Occitanie…

Port-BouSplendide marquise et vastes quais de la gare de Port-Bou, dont les installations voyageurs contrastent fortement avec l'exiguité de celles de la gare française de Cerbère, à 2 km au nord, au-delà du tunnel des Balîtres. Avec le basculement des (rares) circulations à longue distance franco-espagnoles sur la ligne nouvelle à grande vitesse du tunnel du Perthus, cette gare monumentale était devenue un quasi cul-de-sac ferroviaire. La région Occitanie a fait un premier pas en prolongeant quelques TER en correspondance. Pour les FGC, l'activation d'une offre régionale binationale sur cet axe à très fort potentiel touristique (musée Dali à Figueras, Roses, Cadaquès, côte Vermeil, Perpignan, Pyrénées...) devrait soit passer par du matériel à écartement variable (mais en version régionale qui reste à créer), soit par des correspondances quai à quai. (Doc. memim.com)

 Enfin, les choix techniques seront cruciaux : soit du matériel à voie UIC et donc des relations exclusivement assurées par les LGV Barcelone-Figueras et Figueras-Le Soler, puis par les lignes classiques françaises ; soit du matériel à écartement variable pour relations passe-frontière à Port-Bou voire à Latour-de-Carol ; soit deux types de matériels FGC avec correspondances aux points de changement d’écartement.

Le choix de passage par les LGV exclurait les dessertes fines des gares intermédiaires, en particulier de la Côte Vermeil, ce qui limiterait l’attrait touristique de la desserte.

 In fine, le soutien juridique et technique de la Commission européenne ne sera pas de trop.

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Commentaires
D
Excellent article sur une lamentable situation et une absence totale de dialogue Sncf-Espagne qui durent malheureusement depuis de très nombreuses décennies.Souhaitons que l'Europe soit suffisamment forte pour y mettre enfin un terme.
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P
La lecture de cet article, c’est à pleurer, comme souvent. Non pas l’article en lui-même qui comme d’habitude est excellent, mais l’indigence de la France. Ce n’est pas grâce aux service communication de la Région Occitanie ou du TER SNCF que l’on apprend cela !!. J’ai découvert les FGC dans les années 80. Habitant l’Est de de la France, je n’avais les yeux de Chimène que pour les Suisses et les Allemands et j’ai franchi la frontière espagnole, euh pardon catalane, avec beaucoup de condescendance. Ma découverte des FGC, les chemins de fer catalans, m’a laissé sur le cul !. J’ai découvert un chemin de fer plus suisse que suisse pour paraphraser Coluche. Et je ne comprends pas que la Région Occitanie ne fasse rien depuis des lustres pour leur ouvrir toutes grandes les portes de ses lignes TER. Le Train Jaune, Carcassonne Quillan, Nîmes le Grau du Roi, sans parler de Montréjeau Luchon qui va être rouverte façon Belfort Delle en plus ridicule avec l’hydrogène, confiées au FGC, mais ce serait le jour et la nuit. Mais ne rêvons pas. On peut penser, à la lecture de la fiche horaire (quand les Régions et la SNCF sauront-elles concevoir une fiche horaire adaptée à la demande des voyageurs, mais cela, c’est déjà trop demander) que la première des choses à faire, c’est rendre tous les TER Origine-Terminus à Port-Bou. Mais là aussi, ne rêvons pas.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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