Lyon et Marseille-Barcelone : Renfe lancera ses premiers services cet été après le divorce imposé par la SNCF
La nature ayant horreur du vide et les habitants des trois grandes régions de France que sont Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie n’ayant pas moins de raison d’aller en Espagne que ceux de l’Ile-de-France, des relations à grande vitesse devraient être rétablies par Renfe entre Lyon et Marseille d’une part, Barcelone d’autre part.
La dénonciation par la SNCF du groupement Elipsos qu’elle formait avec Renfe depuis le 1er avril 2001 pour exploiter les trains France-Espagne (et depuis 2013 les trains à grande vitesse) donne à cette dernière l’occasion de lancer une exploitation en nom propre au titre du libre accès au réseau français. Ses services seront pour l’instant centrés sur les relations entre les trois régions du grand Sud-Est de la France et la catalogne espagnole.
La SNCF attaque en Espagne et rompt sa coopération avec Renfe : des relations dégradées
Le moins que l’on puisse écrire, c’est que le temps n’est pas au beau fixe entre les deux opérateurs historiques SNCF et Renfe. L’entreprise publique espagnole est concurrencée de plein fouet depuis mi-2021 par les Ouigo que la SNCF a lancés à prix bradés, dans un premier temps entre Barcelone et Madrid. Elle n’apprécie pas la dénonciation de l’accord Elipsos dont elle fait porter l’entière responsabilité sur la SNCF, qui garde l’axe le plus rentable, les TGV Paris-Madrid qui bénéficient au passage – et surtout - de l’importante chalandise Paris-Languedoc. Pour preuve, ses services Paris-Barcelone desservent toutes les gares d’une certaine importance entre Nîmes et Perpignan inclus…
AVE S-100 de Renfe à Montpellier Saint-Roch. La circulation Renfe Marseille-Madrid offrait le premier départ à grande vitesse vers l'Espagne depuis les gares du Languedoc, vers 9h30 à Montpellier, et offrait le dernier retour de la journée. Depuis la suspension des services de l'opérateur espagnol mi-décembre, l'amplitude horaire de desserte de ces gares (deux allers-retours par jour Paris-Barcelone SNCF) est dissuasive. ©RDS
La Renfe dresse un réquisitoire : « L’entreprise française savait qu’elle pouvait opérer seule et ce qui n’était pas encore le cas de la Renfe ». « C’est une décision exclusivement stratégique et des raisons économiques ne peuvent être invoquées », insiste la Renfe, qui ajoute qu’à court et moyen terme les deux entreprises « étaient en une position pour atteindre le seuil de rentabilité financière. » « C’est vraiment comme une séparation non consentie, c’est dommage, nous pensons que cette collaboration aurait encore pu apporter aux deux entreprises, même si nous étions concurrents ensuite sur d’autres segments », ajoute un responsable de la Renfe interrogé par le magazine en ligne Equinox (1).
L’entreprise espagnole a obtenu l’autorisation le 22 décembre dernier pour les trajets entre Perpignan et Lyon et entre Perpignan et Marseille de la part de l’Agence européenne pour les chemins de fer (ERA) à la demande de l’Autorité française de sécurité ferroviaire (EPSF). Cette autorisation avait été refusée en fin d’année 022, entraînant la suspension de tout service par rames Renfe sur le territoire français.
Un aller-retour par jour sur chaque axe en commençant par un tous les deux jours
La Renfe entend faire circuler 14 circulations hebdomadaires – soit un aller-retour quotidien - sur les deux axes Lyon-Barcelone et Marseille-Barcelone, avec montée en puissance progressive à partir de cet été. Le service offrira d’abord un aller-retour un jour sur deux sur chacun de ces deux itinéraires en raison des contraintes de formation des personnels de conduite. Dans la configuration Elipsos, les AVE Renfe étaient conduits par des agents SNCF sur leur parcours français. L’apprentissage des agents Renfe est en cours, certains ayant déjà reçu leur qualification, les autres l’attendant pour ce début d’année.
Le nombre d’arrêts intermédiaires ne sont pas encore communiqués. On attend avec impatience de savoir si les rames Renfe emprunteront le CNM entre Montpellier et Nîmes, avec desserte des gares exurbanisées, ou si elles continueront de circuler par la ligne classique avec desserte des gares centrales, avec en particulier à Nîmes, de nombreuses correspondances TER tant vers Avignon Centre qu’Alès et Clermont-Ferrand, Le Grau-du-Roi, Pont-Saint-Esprit ou les gares TER de l’axe littoral.
Rame AVE S-100 dans la tranchée de la Citadelle en approche de Montpellier Saint-Roch. Renfe comme SNCF trançaient leurs services France-Espagne par la ligne classique et les gares de Montpelleir Saint-Roch et Nîmes Centre. Depuis décembre, la SNCF trace ses deux allers-retours Paris-Barcelone en partie par la ligne classique Montpellier-Nîmes mais un retour par le contournement de Nîmes et Montpellier et ses gares exurbanisées. ©RDS
Reste que Renfe aspire à circuler sur l’ensemble du réseau ferroviaire français. On ne sait pour l’iinstant si l’entreprise publique espagnole concourra aux appels d’offre des régions pour leurs TER, ou même à de futurs appels d’offre de l’Etat pour les rares lignes Intercités qui demeurent en France. A partir de son « noyau » de services Lyon/Marseille Barcelone, Renfe pourrait étendre ses circulations jusqu’à Paris, sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon déjà bien encombrée par les TGV Inoui, Ouigo, Lyria et par les Frecciarossa de Trenitalia. Alors que la SNCF trace ses TGV France-Espagne par le contournement de l’est de Lyon sans aucune desserte de la capitale des Gaules, l’aout de Renfe pourrait consister à ajouter à sa clientèle Lyon-Languedoc-Espagne une clientèle Lyon-Paris.
La difficulté d’extensions de dessertes Renfe vers Nice et Genève par le Sillon alpin
Une extension de la desserte à l’est de Marseille jusqu’à Toulon et Nice impliquerait d’importants moyens en matériels et en personnels en raison des temps de parcours élevés pour abattre les 229 km entre la métropole phocéenne et son homologue niçoise avec arrêts à Toulon, Les Arcs, Saint-Raphaël, Cannes et Antibes : 2 h 30 mn environ.
Une extension vers les Alpes et la Suisse par le Sillon alpin, permettant de desservir les importantes agglomérations de Grenoble et Chambéry et leurs actives vallées affluentes tant au point de vue industriel que touristique, imposerait une circulation à tranche pour éviter d’acheter de coûteux sillons sur le parcours commun avec les Barcelone-Lyon. L’idéal, dans cette résurrection des anciens Catalan Talgo, serait d’opérer une séparation/jonction de deux rames Barcelone-Lyon et Barcelone-Grenoble-Genève à Valence TGV. Mais la configuration en gare des voies du raccordement entre la LGV Méditerranée et la ligne du Sillon alpin interdit une telle manœuvre sur la voie 5 à quai qui n’est pas reliée à la voie impaire de la LGV côté nord, une absurdité qui prend ici toute sa saveur.
Vue du faisceau grande vitesse de Valence TGV. A d., voie 5 à quai, donnant sur le raccordement avec la ligne du Sillon alpin. Si le raccordement donne aussi accès depuis le nord vers la voie 3 à quai (au centre), la voie 5 n'est pas reliée à la ligne à grande vitesse côté nord. Une rame stationnée sur la voie 5 ne peut poursuivre vers Lyon. ©RDS
Une césure à Valence TGV devrait donc être opérée sur la voie 3 à quai, la seule voie à quai du flux nord-sud, reliée au raccordement vers le Sillon alpin, interdisant durant tout le temps de la manœuvre la réception à quai de circulations en provenance du nord. Avec les cisaillements de la voie nord-sud par les AVE sud-nord pour atteindre la voie 3 à quai, ce type de configuration paraît particulièrement pénalisant. La séparation/jonction de ce type de circulation devrait donc s’opérer à Nîmes, imposant l’achat de deux sillons entre Nîmes et Valence TGV, soit environ 160 km. L’absence à Valence TGV d’un simple raccordement de la voie 5 vers la LGV côté nord, doté de deux aiguillages, a donc un impact négatif sur de potentielles relations interrégionales et internationales.
La relation Toulouse-Barcelone semble relever de services régionaux
Reste la question de Toulouse. Lancée dans le cadre d’Elipsos par Renfe en décembre 2013, cette relation quotidienne à grande vitesse entre Perpignan et Barcelone seulement, s’est progressivement étiolée. A partir de 2016, elle ne circula plus qu’en été. Elle fut suspendue en 2020 pour cause de « crise sanitaire » et ne fut pas rétablie depuis. Cette relation était parcourue sur ligne classique à 160 km/h maximum entre Toulouse et Perpignan, soit 213 km, et sur ligne à grande vitesse atteinte à environ 5 km au sud de la gare de Perpignan pour environ 170 km. Le parcours total de 388 km entre Toulouse et Barcelone était donc effectué à 56 % sur ligne classique, un handicap en termes de temps de parcours, avec deux agglomérations intermédiaires assez peu peuplées (Carcassonne, Narbonne).
AVE Renfe sur la voie à grande vitesse de la section LFP côté français à proximité du saut de mouton permettant la permutation des sens de circulation (à gauche en France, à droite en Espagne). le gestionnaire d'infrastructure binational, dont les tarifs sont élevés, les a modulés afin de favoriser les trafics fret et voyageurs à moyenne distance.
Cette relation Toulouse-Barcelone par Perpignan pourrait désormais relever de services régionaux avec emprunt du tunnel du Perthus et de la LGV jusqu’à Barcelone. La société binationale publique LFP qui exploite la section frontalière de 44,4 km Le Soler-Figueras et son tunnel de 8,3 km a modifié ses tarifs en accordant des réductions aux services voyageurs interrégionaux à moyenne distance, capacité d’emport inférieure aux TGV et vitesse élevée pais inférieure au plafond actuel fixé à 300 km/h. (2)
Reste que d’autres relations interrégionales transfrontalières pourraient logiquement suivre le même chemin, en particulier Avignon-Nîmes-Montpellier-Barcelone. Ces TER mixtes permettraient d’offrir un départ précoce des gares du Languedoc vers l’Espagne et un retour tardif, que les AVE ou TGV à plus longue distance ne permettent pas. Ce fut le projet, mais en « Open access », de la filiale d’Air Nostrum, tenu en échec. Des services conventionnés seraient plus crédibles. Encore faut-il que les deux régions voisines retrouvent une volonté de coopération. Une candidature à ce type de conventionnement des chemins de fer régionaux catalans FGC, dont l'excellence du réseau propre est reconnue, présenterait un certain intérêt.
Gare de Barcelona Sants. Point de correspondance entre un important trafic banlieue et régional et les circulations à grande vtesse, cette gare n'offre plus que deux trains à grande vitesse quotidiens vers Paris, sans desserte de Lyon, en attendant la relance de l'offre sous pavillon exclusif Renfe.
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(1) Lien vers l’article d’Equinox sur les projets de Renfe :
Le 22 décembre dernier, la Renfe a obtenu l'autorisation de faire circuler ses trains en France. Deux lignes très fréquentées entre la France et l'Espagne seront de nouveau opérationnelles. La nouvelle était très attendue par la Renfe.
https://www.equinoxmagazine.fr
(2) Lien vers les articles de Raildusud paru sur ce sujet :
Après avoir lancé une tarification modulaire pour favoriser de futures relations voyageurs interrégionales et des relations fret à moyenne distance, le gestionnaire d'infrastructure LFP ouvre sa ligne Perpignan-Figueras par le tunnel du Perthus deux nuits par semaine.
http://raildusud.canalblog.com
Avec une trentaine de circulations fret par semaine, la ligne Perpignan-Figueras et son tunnel du Perthus gérés par l'entreprise publique binationale LFP, lance une nouvelle incitation tarifaire pour augmenter sa fréquentation. Elle offre désormais une réduction de 50 % sur ses droits de passage pour les trains de fret dont le parcours total entre l'origine et la destination est inférieur à 750 km, soit des trains à caractéristiques inter-régionales.
http://raildusud.canalblog.com