Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
9 décembre 2022

Annonce de réseaux express métropolitains dans dix grandes villes : Macron peine à faire oublier le sous-financement du rail

Le chemin de fer est en train de devenir le chemin de croix du gouvernement de la France.  La méthode de l’actuel président de la république qui consiste à multiplier les « en même temps » était censée réunir les contraires. Elle se transforme en injonctions contradictoires qui s’anéantissent mutuellement et désemparent l’opinion.

 Le gouvernement enjoint les Français de passer de l’automobile à hydrocarbures aux coûteux véhicules électriques, multiplie les zones à faible émission qui excluent une partie considérable de la population des métropoles, est interpellé par le président de la SNCF qui demande une rallonge de 100 milliards d’euros sur six ans… Il refuse pourtant un amendement voté par la représentation nationale qui ajoutait trois milliards d’euros au budget d’entretien d’un réseau ferroviaire  notablement malade, alors que tous nos voisins y investissement massivement.

 Le président de la république sort de son chapeau des réseaux express métropolitains déjà en gestation… Mais leur financement reste plus qu’hypothétique sous la pression du ministère des Finances, dans un contexte de dégradation accélérée des comptes publics après plus d’une décennie d’explosion de la masse monétaire. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu est intervenu précipitamment le 29 novembre pour promettre un plan pour le ferroviaire de plusieurs dizaines de milliards d'euros, mais sans en dévoiler ni la consistance, ni les délais, ni la répartition entre territoires. On devrait en savoir plus en début d'année.

DSCN0446 - COPIEVoies du quart nord-est toulousain en gare de Toulouse Matabiau. Si les lignes vers Capdenac, Rodez et Mazamet ont été sauvées, voire modernisées, elles restent en traction thermique et le doublement de la section "métropolitaine" Toulouse-Saint-Sulpice reste inachevé. Il serait difficile de créer des services cadencés diamétraux nord-est-sud-est, par exemple de Saint-Sulpice à Foix. ©RDS

 Les événements ferroviaires bousculent ce gouvernement statistiquement minoritaire à l’Assemblée nationale. Quelques semaines après le refus d’augmenter le financement d’entretien du réseau, un train de céréales déraillait à Issoudun (Indre) vendredi 2 décembre, entraînant une longue interruption du trafic sur l’axe historique, notoirement malade, Paris-Limoges-Toulouse. Les dégâts sont importants, avec destruction  de la voie et de plusieurs aiguillages. Des observateurs s’interrogent sur l’origine du sinistre, peut-être similaire au dramatique accident de Brétigny-sur-Orge… gare située sur le même axe historique mais à proximité de Paris. S’il fallait une illustration des dysfonctionnements de la gestion du réseau, qu’ils soient d’origine organisationnelle ou financière, ou les deux, la voici.

L’annonce de Réseaux express métropolitains, contrepied d’une séquence désastreuse

L’annonce par le président Macron du lancement toutes affaires cessantes de projets de réseaux express métropolitains (ou régionaux, hors Ile-de-France)  prenait manifestement le contrepied d’une séquence désastreuse en matière de transport.

 Le gouvernement fait face à la stupéfaction de ces salariés et professionnels urbains expulsés des centres des métropoles par le coût de l’immobilier, très bientôt interdits d’y circuler en raison de l’application des ZFE imposées par le pouvoir central alors que le coût de l’automobile électrique et de l’électricité explose.

IMG_20220824_143911Rame Léman Express en gare d'Annecy. Le premier réseau express métropolitain desservant des villes françaises hors région parisienne aura été celui de Genève... De quoi renvoyer une image désastreuse de la gestion jacobine du ferroviaire en France. ©RDS

 Le président de la république doit par ailleurs répondre à une contestation inédite de sa haute fonction publique, exprimée tant par la voix du PDG du groupe SNCF, entreprise d’Etat, qui exigeait ses 100 milliards supplémentaires, que par celle d’organismes de supervision du ferroviaire et d’innombrables cadres du secteur et élus nationaux. Ces derniers raillaient l’insuffisance criante du « contrat de performance » précipitamment imposé à SNCF Réseau à la veille de l’élection présidentielle. Toutes les comparaisons avec les pays voisins illustrent le retard de la France en matière de financement de son réseau historique. Le ministre délégué aux Transports Clément Beaune moquait les députés qui avaient décidé d’une rallonge de trois milliards d’euros en faveur du ferroviaire, en ironisant sur « ces milliards qui volent en formation serrée ».

« Une diversion ? »

 Le « en même temps » macronien – annonce du lancement d’une dizaine de réseaux express métropolitains sur fond de mise au pain sec de SNCF Réseau – atteint les limites de l’exercice.  Les commentaires sur l’annonce des dix REM (ou RER) ont été cinglants. « L’Etat promeut les RER : une diversion ? » interroge le webzine professionnel transportrail.canalblog.com, très informé sur l’actualité de SNCF Réseau. Cette déclaration « est complètement orthogonale avec la réalité des ressources disponibles et les pratiques actuelles de gestion du réseau », analyse-t-il, jugeant qu’il faudrait investir en moyenne deux milliards d’euros par métropole pour atteindre l’objectif d’un cadencement minimal à la demi-heure par axe et au quart d’heure en pointes. Soit un total de 20 milliards d’euros pour une dizaine de REM.

IMG_20220318_171930648Voie L à Lyon Part-Dieu, récemment mise en service, à grands frais. Le faisceau de la première gare lyonnaise compte désormais 12 voies à quai, mais son désengorgement exigera aussi le transfert d'une partie de son important flux fret sur le contournement ferroviaire de l'est lyonnais, qui reste dans les cartons. ©RDS

 Transportrail relève aussi le refus de l’Etat de prendre en charge les coûts fixes de l’entretien des voies propriétés de l’Etat, les reportant sur les opérateurs par une tarification démotivante des sillons, et sur les régions dont les ressources restent étiques par rapport à celles des pays voisins. Il note enfin que seule une intégration des politiques de transport public et d’urbanisme (éviter la dispersion et l’exclusion, équiper tout nouveau quartier d’un axe de transport lourd…) permettrait de soigner la dépendance à l’automobile.

 L’analyse de Transportrail relève enfin que cette annonce pourrait tenter de masquer l’effondrement programmé du réseau de lignes de desserte fine du territoire, creusant un peu plus le sentiment d’abandon des régions désertées par les services publics au bénéfice des principales agglomérations et spécialement de la capitale. Il est important toutefois de signaler que les métropoles françaises hors Paris sont notoirement sous-équipées en matière de transport ferroviaire métropolitain en comparaison de leurs voisines étrangères.

Les métropoles françaises en retard sur leurs voisines

 Les métropoles de Lyon (1,4 million d’habitants), Grenoble (445.000 habitants, 637.000 sur le territoire du SMMAG, syndicat mixte des transports urbains), Aix-Marseille (1,9 million d’habitants), Montpellier (480.000 habitants, une seule ligne transversale) ou Toulouse (796.000 habitants) ne disposent pas de réseau ferroviaire métropolitain cadencé, au mieux d’axes TER assez bien alimentés. Au contraire des métropoles étrangères proches : Barcelone (1,6 million d’habitants), Genève (506.000 habitants hors France voisine), Bâle (488.000 habitants),  Stuttgart (630.000 habitants sur la commune) en disposent : Cercanias en Espagne, S-Bahn en pays germanophone,  LemanExpress à Genève. Turin (842.000 habitants) dispose d’un service ferroviaire métropolitain (SFM) de six lignes principales cadencées à l’heure au minimum, à la demi-heure en pointe.

IMG_20211020_134503224TER en gare de Rives, au nord-ouest de Grenoble sur la ligne de Lyon. La rame de gauche effectue la navette Rives-Grenoble Universités-Gières. Rives (6.700 habitants), quoique tête de ligne du service omnibus vers Grenoble n'est pas desservie par les TER express Lyon-Grenoble, obligeant les voyageurs venant de Rives et désirant aller à Lyon d'aller chercher une correspondance en amont à Voiron (soit un aller-retour Rives-Voiron totalisant 20 km) ou d'en effectuer une à Saint-André-le-Gaz en empruntant les quelques TER omnibus continuant jusque-là. ©RDS

 Dans la presse régionale française, l’annonce de M. Macron a suscité une satisfaction mêlée d’amertume. Par exemple, à Grenoble, le Dauphiné Libéré a publié un éditorial cinglant intitulé « Un car d’avance, un train de retard ». Son auteur, Antoine Chandelier, dénonce le fait que le RER « soit encore le  monopole de la capitale d’une France jacobine ». Il ironise sur la « souplesse idéologique » d’un président qui « il y a huit ans lançait des autocars à son nom ringardisant les vieilles voies ferrées ».

 « Seuls les imbéciles ne varient pas et il est bigrement intelligent, le Président », poursuit l’éditorialiste du Dauphiné Libéré qui dénonce : « Pas un mot sur le calendrier ni les moyens de ce vaste programme au service de l’écologie du quotidien » et « prie que ces desseins urbains ne se dissipent en nuage de fumée  masquant l’urgence du moment pour le rail français, 30 ans d’âge moyen ».

A Strasbourg, le REME n’a pas attendu ce gouvernement

 Cette contre-offensive présidentielle dans le domaine ferroviaire pourra toutefois rebondir sur la mise en service du « Réseau express métropolitain européen » de Strasbourg dès cet hiver, dont le projet n’a pas attendu ce gouvernement pour être lancé. Ce REME est contractualisé entre la région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg pour première mise en œuvre ce 11 décembre 2022 et achèvement en 2030. Il consiste dans un premier temps en une diamétralisation partielle (dissymétrie des fréquences) des lignes TER, avec cadencement amélioré et amplitude de service étendue de 5 h 00 à 23 h 00. Le nombre de trains tous sens confondus Sélestat-Strasbourg (hors TER rapides à 200 km/h) passera ainsi de 49 à 81, Saverne-Strasbourg de 74 à 119, Molsheim-Strasbourg de133 à 179.

DSCN1407Rame Intercités et rame TER en gare de Bordeaux Saint-Jean. La diamétralisation des relations TER permet des économies d'expooitation notables et une augmentation des fréquences sans engorgement de la gare centrale. Mais des créations de voies nouvelles sont aussi nécessaires. ©RDS

Bordeaux a déjà entamé sa mue de TER à REM en diamétralisant sa ligne Libourne-Arcachon dès 2020, décision présentée comme une première étape vers un réseau express métropolitain. Avec l’aménagement ferroviaire sud de Bordeaux (AFSB), prévu dans le cadre de la future LGV vers Toulouse et Dax, le cadencement pourra être relevé vers Langon.

A Toulouse, le collectif associatif « Rallumons l’Etoile » milite activement pour la création d’un REM. Comme à Bordeaux, la réalisation de l’aménagement ferroviaire nord Toulouse (AFNT) de Saint-Jory à Castelnau d’Estrétefond permettra d’augmenter notable les fréquences sur l’axe nord. Mais l’absence de saut-de-mouton à l’entrée de la gare Matabiau rendra difficile une diamétralisation à haute fréquence avec la ligne de Narbonne.

Montpellier ne peut compter que sur une seule ligne transversale

Montpellier a vu la fréquence de ses TER sur la seule ligne classique desservant l’agglomération (Tarascon-Sète) nettement améliorée grâce au rétablissement d’une quatrième voie à quai à Lunel, permettant d’injecter une demi-douzaine de rotations supplémentaires entre Sète et Lunel via Montpellier Saint-Roch.  Le transfert d’une partie des circulations TGV sur la ligne à grande vitesse du CNM a allégé le graphique de la ligne classique, au prix il est vrai d’une perte de lisibilité et d’accès de la grande vitesse. La reconstruction complète de la halte de Baillargues, à l’est de Montpellier, avec desserte TER quasi-systématique a entraîné une explosion de sa fréquentation. En revanche, la liquidation des lignes vers Paulhan et vers Sommières ne permettra pas d’étendre un éventuel REM vers l’intérieur, communes en très forte croissance démographique, sauf improbable révolution.

DSC04709TER en gare d'Antibes. Dans la région de Nice, le cadencement et la pose d'une troisième voie entre Antibes et Cagnes permettent déjà d'évoquer un service de type métropolitain. Mais la desserte de Sophia-Antipolis, technopole étouffée par les embouteillages sous ses forêts de pins et de chênes, reste incertaine dans le cadre d'une hypothétique ligne nouvelle Nice-Le Muy par l'intérieur. ©RDS

 Toulon vient de mettre en service la deuxième gare de sa commune centre, à Sainte-Musse, dans un quartier de forte activité sur la ligne vers Nice. Un cadencement de l’axe transversal (Hyères/Carnoules-La Seyne) est en projet.

 Grenoble enfin paraît prête à l’établissement d’un REM, grâce en particulier aux initiatives régionales et locales des mandats passés : extension de la gare de Grenoble Universités-Gières en correspondance avec la ligne B du tramway étendue, création de semi-diamétrales (Gières-Saint-Marcellin, Gières-Rives), électrification progressive du sillon alpin nord et sud, rénovation de la ligne de Veynes. Mais il reste beaucoup à faire (lire notre précédent article).

 La promesse d’Emmanuel Macron pour « dix RER » hors Ile-de-France s’inscrit dans un mouvement d’ores et déjà lancé. La simple annonce d’une amélioration globale du financement du réseau ferroviaire régional et local par l’Etat eût largement suffi et satisfait tout le monde en évitant de favoriser les uns par rapport aux autres. Et eût évité un retour de flamme politique.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
B
Il me semble pourtant que, depuis plusieurs années, le POLT bénéficie de divers travaux annuels . Des annonces non suivies d' effets ?<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ce qui est de la réaction de Clément Beaune, elle montre la totale inculture de ce gouvernement dans le domaine des TC, et son "amour" pour ce qui est des "transports individuels" tels les voitures (notamment électriques !) et les vélos (tout le monde ne peut en faire (âge/maladie/distance trop éloignée domicile-travail)) . Ne parlont pas des ZFE, ce symbole prochain d' exclusion d' une grande partie de la population . Monsieur Beaune n' a rien à faire à ce poste, il est incompétent ou amateur (au choix) ! Fin de la séquence anti-gouvernementale, mais vu ce qu' à fait Macron dans ce domaine depuis 5 ans...............
Répondre
F
Le gouvernement marche à l anvers il y a des lignes qui ont été supprimées les gens dans la en province n'ont plus de la possibilité de se rendre où ils veulent comme ils veulent on réduit le financement du chemin de fer et par ailleurs lui il propose un métropolitain pour les 10 villes plus grandes de France où va-t-il prendre l'argent il est un peu mytho ce président. Soyons réalise tant que le gouvernement ne fera rien pour le chemin de fer la France restera bloqué dans certains domaines d'autre part on bug pour le tout électrique en France les voitures électriques toutes électriques et on n'est plus capable de fournir l'électricité aux français et certains des boulangers de vous mettre la clé sous la porte parce qu'ils ne pourront plus payer les factures où va-t-on se pays régresse
Répondre
J
L'art d'allumer des contre-feux...
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité