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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
4 octobre 2022

« La rive droite ferroviaire du Rhône » : pour la réouverture aux voyageurs en Occitanie, un livre sur une histoire mouvementée

 Avec quatre allers-retours en jours ouvrables de base dans l’horaire stabilisé au 24 octobre et un seul amorcé à Nîmes Centre, selon la fiche horaire publiée sur le site TER SNCF, le nouveau service voyageurs TER Occitanie sur la ligne de la rive droite du Rhône n’en est qu’à ses balbutiements. La fréquence devrait plus que doubler d’ici deux ans avec neuf allers-retours effectuant le trajet complet Nîmes Centre-Pont-Saint-Esprit, huit via Avignon Centre et un direct sans rebroussement à Avignon Centre. Cette réattribution aux voyageurs d’une ligne moderne et à double voie électrifiée, réservée au fret depuis 1973, constitue un événement régional. L’histoire de cette liaison ferroviaire et de ses vicissitudes est retracée dans un ouvrage publié récemment, intitulé « La rive droite ferroviaire du Rhône », écrit par Elian Cellier, professeur d’histoire et géographie (1).

RDR

Couverture de l'ouvrage consacré à l'histoire et à l'actualité de la ligne de la rive droite du Rhône, écrit par Elian Cellier et illustré d'une riche iconographie.

 Le travail d’Elian Cellier est constitué de cinquante fiches thématiques, historiques, techniques ou géographiques sur cet axe qui relie Lyon à Nîmes avec diverses antennes traversant le Rhône pour le relier à l’axe parallèle de la rive gauche. Il est accompagné d’une postface de la présidente du Conseil régional d’Occitanie, Carole Delga (PS). Il s’attarde en particulier sur le long combat des citoyens et élus en faveur du rétablissement d’une offre voyageurs sur cet axe qui, dans sa partie méridionale – Gard rhodanien – dessert d’importants bassins de population et dans sa partie septentrionale touche à la sphère d’influence lyonnaise.

 Cet ouvrage souligne le rôle important de Laurette Bastaroli, figure du combat pour la réouverture et celui d’une pléiade d’élus, tout au long des 49 années d’absence de services voyageurs. Il relève l'importance des Etats généraux du rail et des mobilités organisés au début du premier mandat de Carole Delga, qui avalisèrent plusieurs réouvertures de lignes et plusieurs rénovations.

279 km entre Lyon et Nîmes par la rive droite,  cinq départements desservis

  La ligne proprement dite, numérotée 800.000 au catalogue du réseau ferré national géré par SNCF Réseau et longue de 254,46 km, relie exactement Givors canal, gare située à 19,5 km de Lyon Perrache, à Grézan, jonction située à 5 km de Nîmes Centre. Elle constitue en fait l’essentiel de l’axe Lyon-Nîmes (279 km) par la rive droite du Rhône.

 L’ouvrage d’Elian Cellier est riche d’une très abondante illustration. Les photos publiées trahissent l’activité passée de la ligne, qui dessert Loire, Ardèche, Gard et même Rhône et Vaucluse par ses extensions. Le livre détaille le contexte géographique, humain et économique propre à cet axe rhodanien, couloir « d’échange et de circulation » tant entre nord et sud du pays que par les usages entre gares intermédiaires et par les jonctions vers les deux grands ensembles environnants : monde alpin et Massif central.

Fiche horaire du service TER ferroviaire SNCF de la région Occitanie présentant l'amorce de services voyageurs sur la rive droite du Rhône dans le Gard rhodanien avec liaison vers Avignon (Vaucluse) pour la période septembre-décembre, dans le sens nord-sud.

 Le court article sur la gare du Teil illustre le rôle de pivot de la ligne de la rive droite du Rhône.  « Idéalement placé quasi à mi-chemin entre Givors et Nîmes », ce fut « un nœud ferroviaire comprenant un dépôt, un triage et une bifurcation », rappelle Elian Cellier. Dans un premier temps, « une rotonde à coupole de 36 voies (avait) été construite ainsi qu’un atelier de levage », avant qu’une seconde ne fût érigée, « permettant de remiser 56 locomotives ».

Le Teil, nœud ferroviaire et exemple de développement grâce au rail

 Le chemin de fer, jusqu’aux années 1950, fut un facteur de développement déterminant pour  l’agglomération du Teil. Ils étaient 1.500 cheminots sur 8.000 habitants à la veille de la Seconde Guerre mondiale, avec  logements pour les employés du rail, coopérative d’achat et équipements culturels et sportif. Le Teil, située à quelques kilomètres de Montélimar sur la rive gauche, compte aujourd’hui 8.900 habitants sur la commune-centre . Son intercommunalité Ardèche Rhône Coiron en compte 22.900 pour 15 communes.

 Du Teil partait vers l’ouest la ligne desservant le sud de l’Ardèche jusqu’à Alès par Vogüé, avec antenne vers Aubenas, Lalevade d’Ardèche (d’où devait partir la ligne trans-cévenole jusqu’au Puy, dont la construction ne fut jamais achevée), et la sous-antenne de Largentière. A Robiac (Gard), une autre antenne desservait Bessèges. La liaison Alès-Bessèges est en travaux pour remise en service, sur l’initiative et avec le financement de la région Occitanie.

Le Teil GareGare du Teil au début du XXe siècle. L'ampleur du bâtiment voyageurs traduit l'importance de ce noeud ferroviaire, étape des trains Lyon-Nîmes, origine destinations de services partiels sur la rive droite du Rhône, étape de trains reliant Valence et le sud de l'Ardèche par Livron, Le Teil, Vogüé... (carte postale ancienne accessible par: http://massifcentralferroviaire.com/fiches/fichegar_n.php?VARobjetID=1189)

 Pour en revenir à la rive droite du Rhône, on relèvera que Le Teil est le point de rebroussement des nouveaux TER Occitanie, en attendant la construction d’une voie et de l’installation d’une signalisation idoine à leur terminus commercial de Pont-Saint-Esprit. Cette situation implique à chaque rotation que les AGC Occitanie effectuent un parcours haut-le-pied entre Pont-Saint-Esprit et Le Teil, soit deux fois 36,9 km à vide pour l’aller-retour.  Les gares des communes de Bourg-Saint-Andéol (7.200 habitants) et Viviers (3.700 habitants), situées entre Pont-Saint-Esprit et Le Teil sont traversées sans arrêt par ces trains fantômes qui pourtant paient leurs sillons à SNCF Réseau.

Une ligne électrifiée cinq ans après suppression du service voyageurs

 L’ouvrage d’Elian Cellier évoque, outre la construction de la ligne puis les locomotives qui la parcoururent, la longue rétraction de ses services due à la concurrence routière, délibérément favorisée par les pouvoirs publics à partir des années 1950. L’électrification de la ligne de la rive droite du Rhône en 1978 (les service voyageurs était déjà supprimé depuis cinq ans) fut réalisée dans la perspective d’une spécialisation dans le transport des trains lourds à destination et en provenance du complexe industriel et portuaire de Fos.

 Les services voyageurs s’étiolèrent lentement mais sûrement avec leur suppression dès la fin des années 1930 sur les antennes de Privas, d’Alès à partie de L’Ardoise, du Martinet à partir de Remoulins, puis de Firminy par Annonay à partir de Peyraud, de Saint-Rambert d’Albon à partir de la même gare, de Vogüé et de son étoile en 1969 à partir du Teil, de Livron et Valence à partir de La Voulte, sans parler des connexions avec le réseau métrique du nord de l’Ardèche à partie de La Voulte et Tournon.

alès-Le TeilEtat du réseau ferroviaire au sud de l'Ardèche dans les années 1930. Des lignes affluentes de celle de la rive droite du Rhône côté ouest il ne reste rien. Seules demeurent les sections traversant le Rhône et reliant les deux lignes historiques de la vallée du Rhône. (Doc. RDS)

 L’ouvrage énumère les services voyageurs qui utilisaient la ligne de la rive droite du Rhône au tournant du XXe siècle. Outre deux directs Lyon-Nîmes, on trouvait dans le sens nord-sud : un aller quotidien Lyon-Peyraud, un Lyon-La Voulte, un Lyon-Le Teil, deux La Voulte-Nîmes, un Pont-Saint-Esprit-Nîmes et deux  Remoulins-Nîmes. Dans l’autre sens (sud-nord), étaient proposés deux directs Lyon-Nîmes, un Nîmes-Remoulins, un Nîmes-L’Ardoise, un Nîmes-Le Teil, un Nîmes Peyraud, un Pont-Saint-Esprit-Le Teil, un Le Teil-La Voulte, deux Le Teil-Lyon et un Peyraud-Lyon.

Lors de la suppression en 1973, une vague de protestations inusitée

 L’ouvrage d’Elian Cellier détaille longuement les actions des partisans du rétablissement des services voyageurs, en particulier sur la section gardoise. Il souligne que la suppression des derniers autorails, en 1973, fut accompagnée d’une vague de protestations inusitée à cette époque lors de la disparition d’un service ferroviaire. Il est vrai que le pays était à l’orée d’une première crise pétrolière d’ampleur.

 Ces actions, note-t-on, ont été marquées par une forte connotation politique. Le livre souligne l’engagement de militants et d’élus de la CGT et du parti communiste. A ce jour, le vice-président du conseil régional d’Occitanie chargé des transports est Jean-Luc Gibelin, élu du parti communiste, la présidente dudit conseil est Carole Delga, élue du parti socialiste. Plus au nord, l’étude du rétablissement d’une desserte voyageurs entre Le Teil, La Voulte, Livron, Valence et Romans est portée par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, présidé par Laurent Wauquiez (LR). De même une éventuelle étude de sur la création d’un service entre Givors et Serrières, demandée par les élus locaux de la même région.

Une longue histoire émaillée de faits d'armes

 Au chapitre de l’histoire, le livre relate des faits qui ont émaillé la vie de la ligne de la rive droite du Rhône.  Il relate la tragédie de Châteaubourg, en 1954, qui vit la collision frontale entre l’autorail Nîmes-Lyon et un train de travaux site à une erreur d’aiguillage. L’accident fit 37 morts parmi lesquels le conducteur de l’autorail, Emile Eldin, qui laissa  neuf orphelins dont une fillette âgée de trois mois. Au-delà de la tragédie, il est intéressant de relever que le train de voyageurs était composé de quatre caisses (un autorail monocaisse et trois remorques), signe de l’importance de la demande sur cet axe.

L’ouvrage rappelle aussi les parcours tragiques des derniers trains de déportés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le premier devait relier le camp du Vernet dans l’Ariège au camp de concentration de Dachau près de Munich, transportant 800 déportés.  Après un périple par Toulouse et le Sud-Ouest, le convoi est aiguillé vers la rive droite du Rhône.  A Remoulins, le 18 août 1944, la Résistance détruit les installations ferroviaires. Les déportés devront effectuer une marche à pied de  17 km pour rejoindre Sorgues (Vaucluse) et être embarqués dans un autre convoi vers Dachau. Seuls quelques prisonniers purent s’évader.

 Plous au nord, un autre train de déportés, provenant de Marseille, fut détourné par les cheminots par la ligne de Peyraud vers Annonay.  Dans cette dernière ville, les maquisards prirent d’assaut le train et purent libérer 69 des 72 prisonniers dans ce qui fut l’une des plus retentissantes opérations de résistance ferroviaire de l’époque.

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(1) « La rive droite ferroviaire du Rhône – Du LM en passant par la SNCF, au TER Occitanie, un siècle et demi d’exploitation », par Elian Cellier, Editions la Fenestrelle, 160 p., 2022, 20 €.

 Lien vers l'éditeur :

Livres patrimoine des régions : La rive droite ferroviaire du Rhône Du PLM, en passant par la SNCF, au TER Occitanie, un siècle et demi d'exploitation

ISBN : 978-2-37871-112-2 Avec ses plus de 250 kilomètres et ses 150 ans d'existence, la rive droite ferroviaire du Rhône, de Nîmes à Givors, méritait une monographie. De sa naissance dans la deuxième partie du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, il y avait une histoire de la rive droite à raconter.

https://www.editions-fenestrelle.com



 

 

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Commentaires
D
Quand on observe les horaires, on voit qu'il n'y a guère que les samedis et dimanches qu'on arrive à une répartition équilibrée des trains sur la journée, même s'ils sont rares. La disponibilité des rames en semaine est un vrai problème (pas qu'en Occitanie).
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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