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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
29 septembre 2022

Les 220 voyageurs du Train des viaducs de l’extrême ont fêté la valeur patrimoniale de la ligne de l'Aubrac de Millau à Garabit

 Entièrement réservé plusieurs semaines à l’avance, le « Train des viaducs de l’extrême » organisé le 18 septembre par la région Occitanie, l’association Amiga, plusieurs autres associations d'usagers, les offices de tourisme et la direction de lignes SNCF Méditerranée-Cévennes-Causses, a relié Millau et son viaduc autoroutier, à Garabit et son viaduc ferroviaire. Cette circulation a démontré une fois de plus l’attachement viscéral  des populations desservies par la ligne Béziers-Neussargues, cet axe long de 277 km stratégique pour quatre départements : Hérault, Aveyron, Lozère et Cantal. L’Amiga est l’association des amis du viaduc de Garabit et de la ligne de l’Aubrac. Elle a été fondée en 2018.

IMG_20210629_125130319_HDRRame AGC en gare de Marvejols, à 71 km au nord de Millau et à 55 km au sud de Garabit. Etrangement, la SNCF a proscrit le service commercial fret au sud de Marvejols en raison des déclivités importantes. La ligne avait pourtant été construite et électrifiée par la compagnie du Midi pour favoriser le transit des marchandises entre Languedoc et nord du pays. ©RDS 

 Le train touristique était assuré par une rame AGC de quatre caisses, électrique. Elle a accueilli quelque 220 voyageurs, sa capacité maximale. Outre les deux viaducs susmentionnés, mondialement connus, la circulation a permis aux participants d’admirer les viaducs ferroviaires intermédiaires de Saint-Laurent d’Olt (288 m de longueur) puis, entre Marvejols et Aumont-Aubrac, ceux de  Sénouard (248 m),  de Chanteperdrix (251 m), de la Crueize (219 m), tous en maçonnerie. Puis le train est parvenu à celui de Garabit sur le lac de barrage de la Truyère, ouvrage métallique d’Eiffel long de  565 m, entre Ruynes-en-Margeride et Val d’Arcomie, dans le Cantal. Au nord de Millau, les voyageurs avaient aussi pu apercevoir le viaduc autoroutier de Verrières (720 m de longueur), complétant sur l’A75 celui de Millau (2.460 m).

La halte de Garabit a retrouvé une animation depuis longtemps oubliée

 La circulation a terminé à la halte de Garabit qui, rappelle Amiga, « n’a pas vu (s’arrêter) de train depuis très longtemps ». Des produits locaux ont été proposés, ainsi qu’un pique-nique au pied du célébrissime viaduc qui voit passer quotidiennement un ou deux trains de coils en provenance de Fos et à destination de l’usine Mittal de Saint-Chély d’Apcher. Le parcours a été guidé et commenté, avec détails sur l’histoire et les techniques des viaducs autoroutier haubané de Millau, mis en service en 2004 et conçu par l’architecte Normal Foster, et ferroviaire métallique de Garabit, mis en service de 1884 et conçu par l’ingénieur Gustave Eiffel.

DSCN0184Aperçu du paysage vu depuis un train au franchissement du viaduc de Garabit. Seuls un ou deux trains de fret et un seul train de voyageurs le franchissent chaque jour dans chaque sens. ©RDS 

« Signe de l’engouement pour un tel rendez-vous, les réservations se sont remplies en quelques heures à peine », explique Patricia Rochès, présidente de l’Amiga et élue municipale à Saint-Flour. Cette sous-préfecture du Cantal n’est desservie que par le seul aller-retour voyageurs Béziers-Neussargues quotidien. Ce train, qui porte le titre d’Intercités « Aubrac », relie théoriquement Béziers à Clermont-Ferrand mais est scindé en deux circulations avec correspondance à Neussargues malgré sa commercialisation sous la forme d’un service direct : une rame électrique de Béziers à Neussargues, ligne jadis électrifiée par la compagnie du Midi ; un automoteur thermique de Neussargues à Clermont-Ferrand via Arvant, succession de sections de lignes non électrifiées.

La veille, la ligne avait rouvert après des semaines d’interruption pour travaux

 La circulation de ce « Train des viaducs de l’extrême » marquait la réouverture, la veille, de la ligne Béziers-Neussargues après plusieurs mois de travaux d’été qui avaient induit le report partiel sur route de l’Intercités « Aubrac ». Cette réouverture avait eu lieu le 17 septembre après une série de renouvellements de traverses et modernisation de la voie en de nombreux points de la ligne : modernisation de la voie entre Bédarieux et Saint-Chély d’Apcher avec fermeture entre Bédarieux et Marvejols du 11 juillet au 12 août, et entre Marvejols et Saint-Chély d’Apcher du 11 juillet au 16 septembre 2022. Sur ces deux sections, plusieurs ouvrages ont été simultanément rénovés.  Tous ces chantiers étaient cofinancés avec participation massive de la région Occitanie.

 La Région Occitanie à 95,3 % et SNCF réseau à 4,7 %, ont mis sur la table 19 millions d'euros entre 2019 et 2022 pour une série de travaux de modernisation de la ligne Béziers-Neussargies. Cette année, le tunnel de la Griffoulière, entre Saint-Léger-de-Peyre et Saint-Sauveur-de-Peyre, a été l'objet d'une régénération pour un million d'euros. Soixante-deux mètres de linéaire ont été confortés par une coque intérieure de protection sur une longueur totale de 104 mètres. Les travaux ont duré tout l'été.


 Notons qu’une autre circulation très courue, en novembre 2021, avait marqué une précédente réouverture après 11 mois de travaux sur la section située au nord de Saint-Chély d’Apcher, interruption qui avait entraîné le transfert sur route depuis Arvant du trafic de coïls pour l’usine Mittal de Saint-Chély d’Apcher. Notons aussi qu'une journée festive organisée en septembre 2018 en soutien à la ligne de Béziers-Neussargues, dite aussi lignes des Causses, et du train l'Aubrac, avait réuni quelque 4.000 personnes 

Carte résumant les travaux entrepris par SNCF Réseau sur les lignes de la région Occitanie en 2022. Béziers-Neussargues y figure, comme chaque année avec interruption pour travaux. Cet été, il s'agissait de moderniser la voie (traits bleus) et de traiter des ouvrages en terre (traits jaunes). (Doc. SNCF Réseau) 

 La ligne Béziers-Neussargues, entretenue par morceaux année après année, est régulièrement interrompue, particulièrement au cours des saisons d’été. Ce choix permet d’éviter d’impacter les importants flux scolaires. Mais il perturbe les flux de touristes amateurs de vacances vertes dans ces contrées d’altitude parmi les plus sauvages d’Europe. Comme il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, le rythme annuel de ces neutralisations pour travaux a aussi le mérite de favoriser les circulations et manifestations saluant la réouverture de la section concernée et le rétablissement ferroviaire de « L’Aubrac » dans sa totalité.

Une opération intégrée aux Journées du patrimoine, au titre de « patrimoine durable »

 L’association Amiga entendait par ailleurs intégrer ce « Train des viaducs de l’extrême » dans la thématique des Journées européennes du patrimoine, au titre du « patrimoine durable ». Elle a ainsi obtenu le soutien de la SNCF, avec annonce à la une du site national de l’entreprise publique consacré aux Journée du patrimoine (1). De son côté, le ministère français de la Culture avait inscrit ce train sur son site consacré aux mêmes Journées du patrimoine (2).

 Le parcours du « Train des viaducs de l’extrême » entre Millau et Garabit était long de 125,9 km, un peu plus si l’on compte le rebroussement effectué à vide plus au nord. Cette section court entre les altitudes 379 m à Millau et 1.054 m à Arcomie, son faîte, à 3 km de la limite Lozère-Cantal, franchie deux fois. La halte de Garabit est située à 835 m d’altitude.

viaduc de GarabitLe viaduc de Garabit en majesté, mis en valeur de nuit par un impressionnant éclairage artistique. L'ouvrage est candidat à l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco. (Doc. Saint-Flour-Communauté)

 Pour donner une mesure de l’audace du tracé de cette section Millau-Garabit, on recense 37 ponts et viaducs ferroviaires, viaduc de Garabit compris, soit un ouvrage tous les 3,4 km en moyenne. Sur ces mêmes 125,9 km, on recense 25 tunnels, soit un tous les 5 km. Sur la totalité du parcours Béziers-Neussargues, on compte de nombreuses rampes de 30 ‰ avec un maximum à 34 ‰ sur une section de 1 km au sud de Tournemire-Roquefort à proximité de la halte de Saint-Jean et Saint-Paul.

Le Midi concurrençait le PLM par l’itinéraire le plus court entre Languedoc et Paris

 Ce profil tourmenté a justifié l’électrification en 1.500 Vcc par l’audacieuse compagnie de Midi à partir de 1930, soit 42 ans après la mise en service de la ligne sur la totalité de son parcours en 1888. Notons que la première section de cet axe, entre Béziers et Graissessac à proximité de Bédarieux, avait été mise en service dès 1858, pour le transport du charbon, par la compagnie du chemin de fer de Graissessac à Béziers rapidement absorbée, suite à une mise sous séquestre, par la compagnie du Midi, dès 1863.

Profil de la section Séverac-le-Château-Neusargues. On y relève trois sections à 30 mm/m de presque 5 km chacune, entre Séverac-le-Château et Saint-Laurent d'Olt, et deux sections à 27,5 mm/m d'une longueur comprise entre 5 et 6 km chacune, entre Marvejols et Saint-Sauveur de Peyre.

 La compagnie du Midi entendait concurrencer le PLM pour l’acheminement des vins du Languedoc et du charbon du bassin de l’Orb vers le nord du pays, via un itinéraire plus court en donc moins cher pour les chargeurs. A l’époque, la tarification était kilométrique. Cet itinéraire était susceptible de se poursuivre vers Paris, au-delà de Neussargues, soit vers Arvant et Clermont-Ferrand par le PLM, soit vers Bort, Eygurande-Merlines, Montluçon et Vierzon par le réseau de la compagnie du Paris-Orléans. Cette dernière option était la plus courte en kilométrage. Il n’en reste rien entre Neussargues et Montluçon.

 Pour les voyageurs, la ligne Béziers-Neussargues a toujours revêtu un caractère de desserte à longue distance entre le Languedoc et l’Auvergne et ses au-delà, avec jusqu’aux années 2000 des trains directs, jour et nuit, de et vers Paris. Il ne demeure plus qu’une relation à longue distance tronçonnée. Amiga demande le rétablissement d’un train de nuit depuis Mende, voire Millau, par allongement du parcours du futur train de Nuit Paris-Aurillac vers Neussargues, Saint-Flour, Le Monastier.

 Les quatre départements desservis par la ligne Béziers-Neussargues totalisent 1,68 million d'habitants soit 1.175.700 habitants pour l'Hérault, 280.000 pour l'Aveyron, 76.600 pour la Lozère et 144.700 pour le Cantal.

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(1) Lien vers le site SNCF consacré aux Journées du patrimoine :

JEP 2022 : la SNCF célèbre le patrimoine durable

Que ce soit dans des lieux emblématiques ou plus confidentiels des chemins de fer français, découvrez le patrimoine de la SNCF à travers des visites guidées, faites connaissance avec les métiers de notre entreprise et embarquez à bord de trains historiques. En tout, ce sont plus de 150 lieux qui ouvrent exceptionnellement au public.

https://www.sncf.com

(2) Lien vers le site du ministère de la Culture consacré aux Journées du patrimoine :

Embarquez dans le train des viaducs de l'extrême !

Le dimanche 18 septembre, la région Occitanie s'associe avec la SNCF, direction de ligne Méditerranée - Cévennes - Causses, les Amis du viaduc de Garabit et les associations d'usagers, les offices de tourisme et les collectivités publiques pour vous proposer un train spécial qui partira de Millau pour rejoindre le viaduc de Garabit.Visite guidée et commentée, mise en relation des viaducs de Millau (2004) et de Garabit (1884), proposition de pique-nique au pied du viaduc de Garabit, et dégustation de produits locaux sont au programme de cette journée exceptionnelle.

https://openagenda.com

 

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Commentaires
P
Bien d'accord avec Eric et se focaliser sur la traction électrique masque des choses plus importantes à traiter, la voie, le service offert. En complément de promeneur : voyageant sur une ligne du pays de Galles, le contrôleur, voyant que nous étions intéressés par ce que l'on voyait, revenait vers nous dès qu'il avait fini son contrôle pour nous commenter les paysages et l'histoire des régions traversées. Dans certains cas, les petits riens attirent les voyageurs, encore faut-il le faire savoir.
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J
Un sujet très souvent occulté est le devenir de la traction électrique sur la ligne: 277km à remettre à niveau. Quand on pense que la ligne de Luchon, bien plus courte, a été desequipee...
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D
Pourquoi ne pas remettre en service cette halte à la belle saison (ce genre de gare temporaire est pratiqué de longue date par les chemins de fer écossais). A ce titre le train Béziers St Chély du matin mériterait d'être prolongé à St Flour voire Neussargues à titre expérimental en été afin d'étoffer l'offre à l'image de ce qui est proposé sur la ligne des Cévennes.
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P
Merveilleux itinéraire touristique.<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a pas mal d'années, je finissais une randonnée à vélo à Béziers. Il me fallait regagner Paris. C'était le milieu de semaine. <br /> <br /> <br /> <br /> Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis les heures de départ et d'arrivée de mon train. Départ 9 h, arrivée 23 h, soit 11 h de trajet ! Ma rame ne comptait que 3 voitures. Les passagers étaient très peu nombreux. Je suis monté dans ce train, prêt à affronter l'ennui de 11 h de trajet.<br /> <br /> <br /> <br /> Eh bien pas du tout. Pendant 7 h, je n'ai cessé d'être captivé par la beauté des sites traversés, notamment le viaduc de Millau en construction. Les 7 h pour arriver à Clermont-Ferrand furent un enchantement.<br /> <br /> <br /> <br /> Plus tard, j'ai fait une randonnée en suivant au plus près la ligne de Béziers à Aumont-Aubrac.
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P
Depuis des lustres et depuis au moins 30 ans, il devrait y avoir une offre touristique d'été pour que les touristes qui bronzent sur la côte ne repartent pas idiots. Départ le matin de Béziers vers 7h00, arrêt à 8h20 à Tournemire Roquefort et transfert vers le village en petit train touristique routier, visite d’une cave, Tournemire Roquefort D 10h30, Millau A 11h00 visite Millau Repas 12h00 à 13h15 Millau D 13h30 Marvejols A 14h50 visite du Parc des Loups 2h30 yc trajet AR, Marvejols D 17h20 Viaduc Garabit A 19h00 Aligot sur Viaduc Garabit Départ 20H30, Béziers A 0h15. Pour le Parc des Loups, la voie ferrée est à seulement 800 mètres mais très forte dénivelée dont une partie avec une pente de 30 %. Si on veut créer un arrêt de trains, ce qui pourrait être judicieux, il faut prévoir une installation de télésièges sur 400 à 800 mètres pour relier le quai du train au parc. Pour le matériel roulant, une Z2 réformée et réaménagée intérieurement ferait l’affaire.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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