Le rétablissement partiel d’un service voyageurs sur 83 km de la ligne électrifiée à double voie de la rive droite du Rhône est chose faite depuis le 29 août grâce à la diligence de la région Occitanie qui a financé les travaux de cette première phase à hauteur de 12,8 millions d'euros. La veille, le 28 août, le Conseil régional invitait les habitants à venir célébrer cet événement dans les gares de Bagnols-sur-Cèze puis de Pont-Saint-Esprit, cette dernière étant le terminus commercial nord du nouveau service TER occitan.
Plus aucun train de voyageurs depuis le 6 août 1973
Le service voyageurs sur la rive droite du Rhône avait été supprimé en 1973, le dernier autorail ayant circulé le 6 août de cette année-là. Dans ses dernières années d’existence, il était constitué de trois allers-retours quotidiens entre Lyon et Nîmes avec desserte du chapelet de gares du parcours, en particulier celles du département de l’Ardèche. Par cette suppression, l’Ardèche devenait le premier département métropolitain privé de toute gare voyageurs, ce qui fit scandale bien que celles de la Drôme voisine fussent assez proches.
Le long déclin du service voyageurs de la ligne de la rive droite du Rhône s’explique bien sûr par la volonté de liquidation de l’offre voyageurs régionale par la SNCF et sa tutelle ministérielle de l’époque, mais pas seulement. De fait, les services de bout en bout sur cet axe long de 254,5 km de Givors-Canal, au sud de Lyon Perrache, à Grézan, à l’est de Nîmes Centre, et de 279 km au total pour Lyon-Nîmes, s’effectuait sur une ligne moins rapide que sa jumelle de la rive gauche. Le service voyageurs de bout en bout était donc privé de la clientèle à longue distance Lyon-Nîmes.
La fermeture au service voyageurs de la ligne de la rive droite du Rhône tenait aussi à la volonté de la SNCF d’attribuer une ligne dédiée au fret lourd de et vers Fos-sur-Mer. A ce jour, le trafic fret y reste cependant relativement limité, de l’ordre d’une quinzaine de circulations par jour et par sens. Mais son déclin a aussi tenu au fait que ses lignes affluentes furent progressivement fermées : vers Annonay, Dunières et Firminy par l’embranchement de Peyraud au nord ; vers le Cheylard et au-delà par le chemin de fer départemental au départ de Tournon et La Voulte au centre ; vers Privas par l’embranchement du Pouzin ; au sud vers Vogüé, Alès et Lalevade depuis Le Teil ; vers Alès par Celas depuis l’Ardoise ; vers Uzès, Le Martinet et Beaucaire depuis Remoulins.
Carte de situation générale de la ligne de la rive droite du Rhône Givors-Grézan au début des années 1930, à l'apogée des réseaux ferroviaires français. Cet axe est un élément clé d'un maillage relativement dense, tant vers les montagnes et plateaux de l'ouest (Velay, Vivarais, Cévennes) que vers la ligne jumelle de la rive gauche. (Doc. RDS)
Ces antennes permettaient de nourrir - même modestement - le flux voyageurs, d’autant que certains services franchissaient le Rhône depuis les villes de la rive gauche grâce aux antennes de liaison qui existent toujours, depuis Saint-Rambert-d’Albon (vers Annonay), Valence et Livron (vers Privas et vers l’Ardèche méridionale) ou Avignon.
Le nouveau service rebrousse à Avignon Centre, rétablissant une fonction d’antenne
La réouverture aux voyageurs de la section sud par la région Occitanie répond à cette question en organisant la desserte intermédiaire d’Avignon Centre depuis Villeneuve-lès-Avignon avec rebroussement dans la gare historique de la cité des papes. Le futur service occitan effectuera donc un lien en antenne avec la région voisine de Provence-Alpes-Côte d’Azur : il est même nettement orienté sur Avignon Centre avec une offre Pont-Saint-Esprit-Bagnols-sur-Cèze-Avignon Centre nettement plus rapide (35 mn) que l’actuel service d’autocars (1 h 20 mn), et une offre Avignon Centre-Nîmes Centre complémentaire de l’offre cadencée via Tarascon. Les deux mises bout à bout permettront des liaisons entre le Gard rhodanien et Nîmes moyennant le crochet avignonnais et, bien sûr et surtout, une collection de possibilités de cabotage entre les gares du parcours.
Rame AGC du service LiO, dénomination commerciale des TER d'Occitanie, sur l'une des deux voies-tiroirs de la gare d'Avignon Centre côté sud. Le TER assuré est à destination de Port-Bou. Ces voies pourront éventuellement servir aux refoulements des services Pont-Saint-Esprit-Nîmes Centre après leur étape dans la cité des Papes. Dans un premier temps, quatre des cinq allers-retours mis en place terminent à Avignon, limitant l'essentiel du nouveau service à la section Pont-saint-Esprit-Avignon Centre. ©RDS
Notons que sur la liaison Avignon-Nîmes de centre-ville à centre-ville, le parcours par la rive droite du Rhône affiche 47,5 km contre 49 km par Tarascon. Le futur service, prévoit, aux dernières informations, 7 allers-retours quotidiens Pont-Saint-Esprit-Nîmes-Centre via Avignon-Centre, un aller-retour direct sans rebroussement à Avignon-Centre, un aller simple Nîmes-Centre-Avignon-Centre. En ajoutant entre les deux préfectures 7 allers-retours TER via Remoulins aux actuels 16 AR TER via Tarascon (à supposer que cette fréquence, au cadencement assez remarquable, soit maintenue), porterait le total des relations à environ 23 AR quotidiens. De quoi améliorer les liaisons ferroviaires entre l'Occitanie et la rive gauche du Rhône au nord d'Avignon, qui pâtissent aujourd'hui de correspondances souvent très dissuasives vers les au-delà d’Avignon-Centre.
Ce service de 83 km dessert 683.000 habitants et le 2e pôle industriel occitan
La liaison nouvelle concerne un bassin de quelque 683.000 habitants et 281.850 emplois. La croissance de la population gardoise entre 2009 et 2014 s’est établie à 5 % par an et celle du nombre d’emploi à 4 % par an. L’est du département du Gard (le « Gard rhodanien ») constitue le deuxième pôle industriel de la région Occitanie après le bassin toulousain. Il abrite en particulier Sanofi à Aramon et le centre de recherche et production nucléaire de Marcoule près de Bagnols-sur-Cèze (production du Mox, traitement de déchets…) qui emploie 5.000 personnes.
Rame AGC à destination d'Alès en gare de Nîmes Centre, sur la voie extérieure. L'exiguité du faisceau des 4 voies à quai de cet établissement posera quelques problèmes d'insertion des rames terminus/départ Nîmes en provenance et à destination de Pont-Saint-Esprit. La question d'une diamétralisation se posera-t-elle, vers Montpellier ou, en rame bimode, vers Le Grau-du-Roi ?... Reste que Nîmes Centre offrira aux voyageurs de la rive droite du Rhône une palette de correspondances intéressantes: en TER vers Narbonne, Perpignan, Port-Bou; vers Arles et Marseille; vers Le Grau-du-Roi; vers Alès, Clermont-Ferrand, Bessèges. La moitié des TGV desservant le Languedoc desservent Nîmes Centre, ainsi que la totalité des Intercités de l'axe Bordeaux-Marseille. ©RDS
Reste que depuis ce 29 août, le service TER rétabli n’est encore que partiel. Les délais nécessaires au rétablissement de l’offre voyageurs sur cette section de la rive droite du Rhône ont été raccourcis sur pression du Conseil régional qui n’acceptait pas les délais exigés par l’Etablissement de sécurité ferroviaire (EPSF) et SNCF Réseau pour aménager les quais des gares, installer les systèmes d’annonce des trains, régler les alarmes aux passages à niveau, créer des passages piétons protégés, construire une voie de rebroussement à Pont-Saint-Esprit…
Le gestionnaire d’infrastructure et sa filiale Gares & Connexion ont proposé dans un premier temps de ne rétablir l’offre voyageurs qu’en 2026, moyennant un devis s’étageant entre 84 et 109 millions d’euros, entre le tiers et la moitié pour la seule modification des systèmes d’annonce aux passages à niveau.
Dans un premier temps, la fréquence est limitée à 5 allers-retours côté nord et un seul au sud
Devant la protestation de l’autorité organisatrice régionale, un accord a été trouvé pour mettre en service les premiers TER dès 2022, mais à fréquence et amplitude réduites en attendant l’installation d’un service complet en 2025 ou 2026. Pour l’instant, ne sont proposés que 5 allers-retours sur la section Pont-Saint-Esprit-Avignon-Centre. En attendant la création d’une voie de rebroussement le retournement de service devrait s’opérer au Teil, en région Auvergne-Rhône-Alpes à 36,9 km au nord de Pont-Saint-Esprit mais contre toute logique, hors service commercial.
L'importante gare du Teil (sur cette carte postale ancienne au début du XXe siècle) dispose d'un important faisceau de voies en raison de sa situation à la jonction de la ligne de la rive droite du Rhône et du réseau qui irriguait, jusqu'à sa fermeture, tout le sud de l'Ardèche vers Vogüé, Aubenas, Lalevade, Ruoms Vallon Pont d'Arc, Robiac, Bessèges et Alès.
Un seul de ces cinq allers-retours sera amorcé à Nîmes-Centre (et son technicentre TER), ce qui limite l’essentiel de l’offre à la liaison entre le Gard rhodanien et Avignon. On soulignera que cette offre provisoire ne se limite pas à la semaine, samedis inclus : un service – aux horaires spécifiques – est prévu les dimanches et fêtes avec la même fréquence. Contrairement à l’extension des services ferroviaires TER par la région Auvergne-Rhône-Alpes de Montbrison à Boën (sur la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand interrompue en sa section centrale) les seuls jours de semaine, samedis, dimanches et fêtes exclus, l’Occitanie tient à la continuité du service public.
Au service annuel 2026, le réaménagement avec passages piétons sécurisés des gares de Laudun L’Ardoise, Roquemaure, Villeneuve-lès-Avignon (sur la section nord), Aramon, Remoulins et Marguerittes (sur la section sud) devrait être achevé, permettant la mise en place de l’ensemble du service.
Ayant habité cette région, la circulation routière y est devenue insupportable...
Je pense que le rétablissement de la desserte de la rive droite est tout à fait viable, surtout si sncf réseau joue le jeu...
Quant à son prolongement vers le nord, ne rêvons pas, sauf si la région devait changer de président.