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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
26 août 2022

Jean-Pierre Farandou, Clément Beaune : le métro Grand Paris Express peut-il être inclus dans les 100 milliards du ferroviaire ?

 La somme de cent milliards d’euros supplémentaires sur quinze ans demandés en juillet pour le réseau ferroviaire par le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, ne semble pas avoir le même sens pour le ministre délégué aux transports Clément Beaune.  Ce dernier, s’il a avalisé ce chiffre, y a agrégé l’investissement public du métro du Grand Paris Express, lignes de métro autour de Paris d’une longueur de 200 km, dont le coût avoisine les 40 milliards d’euros mais dont l’usage est strictement régional, voire urbain.

 « Je me méfie d’un affichage qui peut être un peu marketing, mais je partage complètement la priorité », a déclaré le ministre délégué aux Transports, sur une radio d’Etat le 2 août. « L’investissement dans le ferroviaire sera très important dans les années qui viennent (…). Je crois que quand on fera l’addition, dans la décennie qui vient, de tous les investissements dans les trains du quotidien, du Grand Paris, les nouvelles lignes à grande vitesse, les petites lignes, le réseau, on sera franchement très probablement à ce niveau d’investissement », a-t-il avancé. Alors que les tractations sur le budget 2023 ont commencé, Clément Beaune a répété que « la priorité des priorités, ce sont les trains du quotidien et le réseau ».

D’un côté les investissements supplémentaires, de l’autre l’ensemble des investissements

 La divergence d’interprétation est nette relève Laurent Fauviau, membre du bureau du comité d’entreprise européen de la SNCF. La demande initiale du PDG de la SNCF était celle d’une « investissement supplémentaire de 100 milliards d’euros sur quinze ans » alors que l’interprétation du ministre délégué porte sur « l’ensemble des investissements », y compris ceux déjà engagés.

DSC04982Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence). Des voies de ce faisceau part l'embranchement vers l'usine chimique Arkema, alimentée par des trains de citernes en provenance d'Avignon par Pertuis. En revanche, la ligne de 22 km jusqu'à Digne est neutralisée. Côté Marseille, Gap et Grenoble, La préfecture du département est isolée du réseau ferré national alors que subsiste la ligne à voie métrique qui la relie à Nice sur 150 km... ©RDS 

Pour un cadre de SNCF Réseau, « la réponse du ministre « est intéressante » car « il mettrait dans le paquet les 40 milliards (à peine arrondis) du Grand Paris Express ». Et de relever : « Forcément, si on élargit le périmètre, il est plus facile d’atteindre les 100 milliards… même si les dossiers rattachés n’ont pas grand-chose à voir avec le propos initial ! » Si l'on ôte le coût du Grand Paris Express aux 100 milliards d'euros, il n'en reste plus qu'une soixantaine. 

 De fait, on ne voit pas le rapport entre les besoins du réseau ferré national, celui dont Jean-Pierre Farandou a la charge par la filiale de son groupe SNCF Réseau, et un réseau de transport péri-urbain hors périmètre du réseau ferré national, fût-il parisien. Or souligne ce cadre de SNCF Réseau, « on peut être sûr que dans les 100 milliards de Jean-Pierre Farandou, il n’y a pas le coût de réalisation des nouvelles lignes de métro en Ile-de-France ! ».

Dans la logique du ministre délégué – ou de ses hauts fonctionnaires - on aurait aussi pu agréger aux 100 milliards d’euros la ligne 3 du métro de Toulouse, d’un coût prévu de 2,67 milliards d’euros pour une longueur de 27 km en partie en banlieue et d'une technique exclusivement ferroviaire à grand gabarit, au contraire des deux premières qui sont en mode mini-métro VAL sur pneus… Ou encore les extensions prévues en périphérie du métro de Marseille.

Au Sénat, le ministre Gabriel Attal interpellé par Philippe Tabarot

 Le débat s'est étendu au Sénat, chambre censée représenter les collectivités mais qui ne peut avoir le dernier mot face à l'Assemblée nationale. Philippe Tabarot, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, membre de la commission d'Aménagement du territoire et du développement durable, a interpellé Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé des Comptes publics, lors de son audition. « Oui, Monsieur le ministre, comme disait le PDG de la SNCF, il manque 100 milliards d'investissements dans notre réseau et je serai attentif à ce que cela se traduise en actes dans le prochain projet de loi de Finances ». L'Assemblée nationale actuelle ne présentant pas de majorité présidentielle absolue, ce voeu recèle un certain poids.

 Philippe Tabarot, par ailleurs vice-président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur, est membre du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures (AFITF) et  membre du Conseil d'orientation des Infrastructures. Il a répliqué à la déclaration du ministre Gabriel Attal qui affirmait que la gouvernement avait été au rendez-vous depuis cinq ans en matière d'investissements ferroviaires: « Le contrat de performance sanctuarise la fragilité et le péril à venir de notre réseau ferroviaire (...). Si vous ne voulez plus, chers collègues, que vos lignes ferroviaires ferment les unes après les autres dans vos régions, si vous ne voulez plus avoir de retards permanents sur vos lignes structurantes, si vous ne voulez pas de ralentissements en permanence sur les lignes d'équilibre du territoire, il faut investir dans notre réseau comme le font tous les autres pays européens ».

Le métro du Grand Paris Express, 200 km de lignes nouvelles

 Rappelons que le Grand Paris Express cumule 200 km de lignes nouvelles de métro ou d’extensions. Sont construites, pour un budget qui a rapidement dépassé le devis initial de 20 milliards d’euros pour atteindre 42 milliards ou 40 milliards dans la bouche du ministre délégué, les lignes 15, 16, 17 et 18. Ces quatre lignes entièrement nouvelles tournent autour de Paris en banlieue tout en s’en éloignant à leurs extrémités (vers l’aéroport de Roissy en particulier). Elles seront exploitées en roulement fer, sans recours au roulement pneu parallèle comme sur certaines lignes urbaines (1, 6, 11, 14). Le gabarit des trois premières (15, 16, 17) sera supérieur à celui du métro urbain de Paris, contrairement à celui de la ligne 18. Toutes les quatre seront à pilotage automatique, une nouveauté en France pour des lignes à roulement fer.

Grand Paris ExpressCarte des lignes nouvelles et extensions du projet, en cours de finalisation, dénommé "Grand Paris Express". Ce budget d'une quarantaine de milliards d'euros permettrait de porter au standard suisse toutes les lignes régionales du pays, et d'en rouvrir un certain nombre.

Par ailleurs, le projet du Grand Paris Express inclut les extensions de la ligne 14 tant vers le nord (Saint-Denis) que vers le sud (aéroport d’Orly). Cette ligne automatisée en roulement mixte pneu-fer offrira des correspondances avec les lignes nouvelles, permettant un dense maillage dans la périphérie de Paris, que le réseau de métro urbain ne desservait que par des antennes radiales. Il n’inclut pas en revanche l’extension est de la ligne 11, ni l’extension est de la ligne E du RER vers La Défense, Nanterre et au-delà.

 Si l’intégration des lignes de Grand Paris Express au calcul du ministre délégué pose un problème de périmètre du raisonnement, les lignes nouvelles à grande vitesse y ont toute leur place. Jean-Pierre Farandou intégrait implicitement en effet à sa demande le coût de la construction des deux projets méridionaux des LGV Bordeaux-Toulouse/Dax et Montpellier-Perpignan.

GPSO, 14,3 milliards d’euros ; LNMP, 5,52 milliards d’euros

 Le premier, dénommé Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), est évalué à  14,3 milliards d’euros pour 327 km de lignes à grande vitesse et des aménagements sur les lignes classiques d’accès au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse.

 Le second, dénommé Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) est évalué à 5,52 milliards d’euros HT pour 150 km, les caractéristiques techniques de la section sur Béziers-Perpignan étant l’objet d’une contestation de sa non-mixité fret-grande vitesse. Le projet de la section Montpellier-Béziers prévoit en revanche un trafic mixte fret-TGV.

GPSOCarte synthétique des lignes du GPSO. Le projet inclut le triplement des voies de la ligne classique au sud de Bordeaux et leur quadruplement au nord de Toulouse.

 Sur les 100 milliards d’euros supplémentaires demandés par Jean-Pierre Farandou, une vingtaine de milliards est donc d’ores et déjà consacrée à des lignes nouvelles admettant la grande vitesse. Si l’on en retranche la quarantaine de milliards du Grand Paris Express incluse dans le propos du ministre délégué aux Transports, ne demeurent plus qu’une quarantaine de milliards sur quinze ans pour le réseau ferré national existant. Rappelons que près de 9.000 km de lignes régionales, menacées dans leur intégrité, exigent une rénovation urgente, sans parler des axes « structurants » classiques et de la nécessaire modernisation de la gestion du trafic : centralisation  des postes de régulation et installation de la signalisation ERTMS… A 40 milliards sur 15 ans, les fermetures de lignes n'ont pas fini de s'accumuler.

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Viaduc de la Tardes, sur la ligne fermée Montluçon-Eygurande-Merlines qui desservait le sud de l'Allier, l'est de la Creuse et la Corrèze. En France, le réseau ferré national originel a déjà été contracté d'environ 50%, participant à la désertification de pans entiers du territoire. Or 9.000 km supplémentaires de lignes régionales sont aujourd'hui menacés. (©RDS/S. Périchon)  

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Commentaires
P
Le problème de tous ces projets, y compris des moins ambitieux et moins coûteux, c'est que les études ne sont jamais mises à disposition du grand public (sauf Bordeaux à une époque, je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, qui mettait en téléchargement possible ses études tramway), et donc il est trop tard quand le projet arrive à l'enquête publique (parfois bidon) et il est impossible de changer quoi que ce soit. A noter que si Nancy avait communiqué ses études tramway, le projet aurait pu être amendé pour aboutir à un projet réaliste et conduire à la réalisation d'un tramway fer. Nancy continue dans l'opacité en ne publiant aucune étude sur ce qui va être fait avec le trolleybus et les bus.
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D
D'autant qu'il y aurait eu matière à réduire les coûts du GPE. Les aléas du creusement des tunnels sont une chose, mais le choix de faire systématiquement des gares grandiloquentes (sans standardisation aucune, qui aurait pu amener à des économies d'échelle), un choix de mode de transport disproportionné sur au moins une ligne (un tram express aurait été largement suffisant sur la ligne 18) et cerise sur le gâteau: aucune prévision sur les coûts d'exploitation...
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S
Il n' a jamais été question d' inclure le GPE à ces 100 milliards ! Encore un coup des anti-trains !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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