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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
16 août 2022

Transfert de la gestion de lignes de SNCF Réseau aux régions : 13 sections et 608 km concernés à ce jour

 Le mouvement de transfert de la gestion intégrale à certaines régions de « lignes de desserte fine du territoire » s’amorce. A ce jour, 13 de ces lignes pour un total de 608km sont en passe d’être transférées vers un total de six régions, soit Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays-de-la-Loire,  Occitanie, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté.

 Le linéaire qui échappe ainsi à la gestion de SNCF Réseau reste pour l‘instant modeste. Cette longueur de 608 km  est modeste sur le total de 9.100 km de ligne classées UIC 7 à 9 parcourues par des trains de voyageurs (TER). Si on y ajoute les lignes de cette catégorie parcourues uniquement par des trains de fret, la longueur du réseau classé UIC 7 à 9 atteint 12.000 km.

 Rappelons que la France dispose d’un réseau ferré de quelque 28.500 km dont 2.814 km de lignes nouvelles à grande vitesse ou mixtes. Le réseau classique se limite donc à 25.600 km, soit la moitié de celui dont hérita la SNCF à sa création en 1938.

Sans trafic ou avec 90 % du trafic issu d’une AOT depuis au moins 5 ans

 La loi LOM de décembre 2019 permet le transfert de certaines lignes aux régions, sur leur demande, moyennant un certain nombre de conditions, ainsi que le rappelle un dossier complet publié par le mensuel Rail Passion d’août (1). Ces lignes doivent être soit privées de trafic depuis au moins cinq années, soit afficher depuis au moins cinq ans 90 % de leur trafic issu d’une autorité organisatrice des transports (AOT), si possible avec moins de 20 trains par jour.

DSC04965Autorail provenant de Saint-Etienne en approche de la gare de Boën (Loire), qui sera son terminus. Les reliquats de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand (Clermont-Thiers à l'ouest, Saint-Etienne-Boën à l'est) font partie des lignes UIC 7 à 9 avec moins de 20 trains par jour (6 allers-retours touchent Boën en semaine, aucun les samedis et dimanches). ©RDS

 La loi LOM détermine deux autres catégories de ces « petites lignes ». Une petite partie est reclassée dans le « réseau structurant », avec gestion prise en charge à 100 % par SNCF Réseau et financement prévu dans un « contrat de performance » Etat-SNCF Réseau. Une autre partie, importante, est cofinancée dans le cadre des contrats de plan Etat-Région (CPER).

 Les lignes UIC 7 à 9 sont souvent aujourd’hui dans un état d’obsolescence avancée : 30 % du linéaire total est soumis à des ralentissements pour raisons de sécurité, alors que la vitesse nominale admise est généralement déjà relativement basse. Rail Passion souligne que « l’âge moyen des voies est de 37 ans contre 24 pour le réseau national (structurant, NDLR) », et ce malgré de récents efforts des régions pour renouveler l’infrastructure (Quart nord-est toulousain, Firminy-Le Puy…). Les ralentissements pourraient frapper 6.500 km supplémentaires dans la décennie à venir « en l’absence de toute décision politique ».

Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, deux lignes chacune

 Au chapitre des reprises sous gestion régionale complète, voici le point en cette année 2022.

DSC04989Rame X72500 bondée et en unité simple alors qu'elle circule le 2 août dernier, en gare de Laragne (Hautes-Alpes), sur la relation Marseille-Briançon. Cette gare, sur la banche sud de l'étoile de Veynes, n'est desservie que quatre fois par jour et par sens. Elément de la radiale alpine Lyon-Marseille par Grenoble, elle est intégrée au CPER Etat-Provence-Alpes-Côte d'Azur. Sa régénération sera donc cofinancée. Cette ligne est à peu près parallèle à l'autoroute A51 tracée entre le sud de Gap (La Saulce) et Septèmes-les-Vallons au nord de Marseille. ©RDS

 Provence-Alpes-Côte d’Azur va reprendre Nice-Breil (44,1 km) après sa réfection suite à la tempête Alex, tandis que la section  Vievola-Olivetta San Michele (47 km) de l’axe Coni-Tende-Breil-Vintimille le sera aussi mais sous convention avec l’Italie. Le CPER intégrera pour sa part  Marseille-Martigues-Miramas, Beaurières (limite avec Auvergne-Rhône-Alpes sur la ligne Livron-Veynes)-Veynes-Briançon, Lus-la-Croix-Haute (limite avec Auvergne-Rhône-Alpes)-Aix-en-Provence. Rappelons que la ligne à voie métrique Nice-Digne est sous gestion régionale.

L’Occitanie quant à elle reprend sous gestion régionale complète Montréjeau-Luchon (35,6 km) et Alès-Bessèges (30,5 km), deux lignes au trafic suspendu depuis 2014 pour la première, depuis 2012 pour la seconde. Il convient de noter que l’Occitanie a hérité des importants investissements de régénération entrepris par l’ex-région Midi-Pyrénées et a récemment décidé d’investir 800 millions d’euros pour l’ensemble de son réseau régional. La maintenance de 11 autres de ses lignes est intégrée dans le Contrat de plan Etat-Région, en particulier Nîmes-Le Grau-du-Roi, Perpignan-Villefranche-Latour de Carol, Saint-Sulpice-Mazamet, Empalot-Auch...

DSCN1128Vue générale de la gare d'Alès. Jadis important lieu de transit charbonnier, Alès était aussi au centre d'une étoile voyageurs: outre la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand, en activité, en rayonnaient les lignes vers Robiac, Bessèges/Vogüé (et au-delà vers Aubenas et Le Teil), et vers Montpellier par l'embranchement de Mas-des-Gardies, Quissac, Sommières (et diverses antennes). La section Alès-Bessèges va être réouverte, sous gestion régionale. ©RDS 

 Auvergne-Rhône-Alpes n’affiche publiquement, pour l’instant, aucun projet de reprise sous gestion complète. La ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, interrompue en son centre (Boën-Thiers), paraît pourtant être le type d’axe éligible à ce type de transfert : intrarégional, desserte mixte fine/interurbaine, forte demande des populations et élus locaux. En Auvergne-Rhône-Alpes, les lignes régionales sont intégrées au CPER.

Grand Est avait amorcé le mouvement

 Dans le reste de la France, c’est la région Grand Est, probablement motivée par les exemples voisins de la Suisse et de l’Allemagne, qui s’est lancée la première dans la reprise en gestion complète avec Jarville-Vittel (77 km), interrompue de 2016 à 2025 faute d’entretien ; Sélestat-Obernai (24,7 km) ; Molsheim-Saint-Dié (67,6 km) et Arches-Saint-Dié (48,9 km).  Dès 2020, cette région avait transféré à la concurrence (Regioneo, filiale commune de la RATP et de Getlink) la gestion de l’infrastructure et la gestion de l’offre pour Nancy-Contrexéville et Bruche-Piémont-des-Vosges.

 Nouvelle-Aquitaine a récupéré en gestion complète : Busseau-Felletin (34,3 km, reliquat de la radiale Busseau-Ussel) ; Thouars (bifurcation de Bordeaux)-Bressuire (29,6 km, section jadis à double voie de l’ancien itinéraire Paris-Bordeaux de l’Etat) ;  Nexon (bifurcation vers Brive)-Brive (81,3 km), ligne suspendue entre Pompadour et Objat depuis février 2018 suite à un effondrement à Saint-Saulve faute d’entretien.

 Bourgogne-Franche-Comté a récupéré en gestion complète : Andelot-Saint-Claude (73,2 km) et Etang-sur-Arroux-Autun (14,6 km), section très faiblement entretenue.

Des exemples chez nos voisins

 Cette possibilité de gestion directe de lignes par les régions s’inspire, au moins partiellement, de ce qui se pratique chez tous nos voisins de taille comparable. En Espagne, les réseaux régionaux à voie métrique du Pays Basque, du Valencien ou de la Catalogne (FGC, qui envisagent d'exploiter des trains sur lignes nouvelles...) sont propriétés des « autonomies » régionales. En Italie, plusieurs lignes historiques échappent depuis toujours à la gestion des chemins de fer de l’Etat (RFI aujourd’hui), telles les lignes Turin-Ceres/Pont, Nord Milano,  Trento-Marilleva, chemins de fer de l’Emilie-Romagne, de l’Ombrie, de Campanie…

FGCRame des FGC dans la région de Barcelone. Une propriété régionale, une voie remarquable et électrifiée, un cadencement élevé. L'autonomie de Catalogne ne se limite pas à gérer des lignes en fin de vie... (Doc. FGC)

 La Suisse offre un exemple remarquable, puisque les cantons, parfois avec une participation du fédéral au capital, possèdent seuls ou en association la plupart des réseaux de desserte fine. Les Français connaissent en particulier la ligne à voie métrique Martigny-Châtelard (18,4 km) qui prolonge la ligne française Saint-Gervais-Vallorcine. Cette ligne suisse est gérée, avec sa voisine à voie normale Martigny-Orsières (25 km), par la société TMR, à capitaux publics. Cette société détient, dans un montage intéressant, une part minoritaire (18 %) du capital de RegionAlps, exploitant des services régionaux du Valais circulant sur le réseau principal, au côté des chemins de fer fédéraux CFF (70 %) et du canton du Valais (12 %).

 Reste la question clé des ressources des autorités régionales. Et l’on sait qu’en France elles restent  faibles comparées à celles de leurs voisines, à périmètres de compétences comparables… D'autant qu'en France les très faibles plafonds de trafic et l'état déplorable des lignes récupérables par les régions circonscrivent ces dernières à gérer la pénurie et les défaillances de l'Etat en matière d'équité territoriale. On est loin du Nord Milano ou des FGC !

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(1) Lien vers l'étude de Rail Passion sur les lignes de desserte fine:

Le sauvetage des petites lignes par les régions - Rail Passion

Accueil / Réseaux français / Le sauvetage des petites lignes par les régions Issu de la loi d'orientation des mobilités, le décret dit de l'article 172 permet aux régions de demander la gestion de certaines petites lignes en transfert de SNCF Réseau. Plusieurs d'entre elles ont déjà franchi le pas.

https://www.railpassion.fr

 

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Commentaires
D
Pour Nancy Vittel, quand on voit le chemin de croix en Occitanie pour rouvrir des lignes alors que la région l'a décidé et que des budgets sont mis en face, on peut rester dubitatif. Ce n'est pas le transfert de gestion qui va tout régler d'un coup de baguette magique. Cela peut certes aider en terme de planning pour choisir l'ingénierie qui va mener les études et la société qui va faire les travaux, mais on ne va pas pulvériser les coûts de SNCF réseau. Après 6 ans sans trains et avec un entretien minimaliste, il va quand même falloir passer par quelques études avant d'entamer les travaux. De toute manière, même en espérant -25% par rapport aux coûts de notre opérateur historique, le devis des travaux va être salé. On ne pourra pas faire comme sur Epinal Saint Dié ou seules les parties qui menaçaient ruine ont été renouvelées et le reste est planifié dans les années qui viennent.
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P
En ce qui concerne Grand Est, à vérifier mais il semble que rien ne soit signé pour Nancy Vittel et que seulement des entreprises ont été préqualifiées. A noter, la ligne Nancy Vittel serait sur l'ile Maurice, elle fonctionnerait à nouveau depuis plus d'un an
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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