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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
16 juillet 2022

Lyon-Turin : le retard du projet de la ligne française d'accès au tunnel de base tend les relations avec l'Europe et l'Italie

La mise en garde lancée début juillet par la responsable européenne Iveta Radicova sur le risque pour la France de ne pas obtenir de subventions européennes d’ici cinq ans pour la construction des indispensables et longues voies d’accès au tunnel de base franco-italien du Fréjus souligne le manque de décision politique des gouvernements français successifs. La coordonnatrice de l’Union européenne pour le « corridor méditerranéen », qui relie l’Espagne à l’Italie, à la Slovénie et au-delà, a prévenu Paris que s’il n’y avait pas de décision au cours de cette année 2022, la France « pourrait perdre les financements européens pour la campagne financière 2022-2027, sûrement ». Le tunnel, percé par la société publique binationale TELT, et la ligne d’accès italienne devraient être mis en service en 2032. Un retard français tendrait les relations avec l'Europe et avec l'Italie, retardant l'ensemble du projet de corridor méditerrnanéen.

TransalpSchéma du tunnel de base bitube sous les Alpes centrales, entre Saint-Jean-de-Maurienne et la proximité de Suze. Le financement sur le budget communautaire européen atteindra 55 % des 8,6 milliards d'euros de son coût de percement et de construction. (Doc. TELT)

Les ministères français « réfléchissent », au risque de laisser passer une considérable manne européenne. Le coût de la section française Lyon-Saint-Jean-de-Maurienne, y compris l’antenne vers Chambéry, est évalué à 7,7 milliards d’euros, le tunnel de base de 57,5 km à 8,6 milliards d’euros, la section italienne à 1,7 milliards d’euros. Rappelons que la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux a coûté 9 milliards d’euros.  La participation de l’UE au financement du tunnel de base est annoncée à 55 %. Elle pourrait aller jusqu’à 50 % pour la ligne d’accès côté français, avait  indiqué Mme Radicova, alors qu’elle sera de 40 % pour la ligne d’accès côté italien.

L’Italie a pris ce printemps une décision ferme pour sa ligne d’accès

 Pour l’instant, les ministères français « réfléchissent » aux accès depuis Lyon et la Bresse au tunnel transfrontalier. L’Italie a pris ce printemps sa décision et arrêté le projet exact de la voie qui reliera le portail d’entrée est du tunnel transfrontalier, qui sera le plus long d’Europe, et la conurbation de Turin. Cette ligne et ses jonctions avec le réseau existant, tant vers les gares voyageurs (Porta Suza et Porta Nuova) que vers le vaste chantier d’Orbassano, dans la banlieue est de la capitale piémontaise, sera longue de 55 km et sera mise en service concomitamment au tunnel. Elle comportera trois tunnels, entre Suze et Bussoleno, à flanc de montagne, puis dans la banlieue ouest de Turin,  entre Avigliana, à la sortie du Val Suza, et Orbassano.

DSC04849Quais voyageurs de la gare de Lyon Part-Dieu, où le nombre des voies vient d'être porté à douze. Le temps de parcours ferroviaire jusqu'à Turin passerait 3 h 45 mn au mieux à environ 2 heures. de quoi réactiver les liens ancestraux de Lyon avec le Piémont et la Lombardie. La capitale des Gaules devint au XVIe siècle le premier centre financier français pour partie grâce aux banquiers lombards. ©RDS

Côté français en revanche, et en raison de la géographie des Alpes françaises aux vastes massifs préalpins plus importants que côté italien et de l’éloignement de Lyon, la ligne d’approche sera beaucoup plus longue, d’environ 150 km. Elle est indispensable car le réseau existant, même modernisé, ne permettrait pas d’absorber plus d’une centaine de trains par jour alors que l’Italie a dimensionné sa ligne d’accès au tunnel pour  162 trains par jour, fret ou voyageurs. L’ensemble du projet a été déclaré d’intérêt public en 2013, voici neuf ans. Notons que la construction de la ligne d’accès côté français, outre l’aide européenne, est censée recevoir une subvention de l’Etat italien.

Côté français, une ligne et ses embranchements de 150 km, avec six tunnels et quatre jonctions

 L’accès français comportera, d’après les cartes d’avant-projet disponibles, d’importants tunnels, en particulier sur les pointes septentrionales des massifs de la Chartreuse et de Belledonne et sous le massif de l'Epine. On notera que les avant-projets initiaux prévoyaient même deux lignes d’accès distinctes, fret et LGV voyageurs, réduites depuis plusieurs années à une seule, mixte.

Transalpine CarteRésumé cartographique de l'ensemble de la Transalpine Lyon-Turin, incluant son tunnel de base binational et les voies nouvelles permettant d'y accéder, dont le projet reste à finaliser à l'ouest. C'est le financement et la consistance des accès côté français qui ont pris du retard et risquent de reporter d'au moins cinq ans le financement européen au titre du corridor méditerranée Espagne-France-Italie et au-delà. (Doc. Transalpine/Fr. Meyer)

 Les jonctions potentielles de cette ligne française de quelque 150 km sont multiples. Côté Lyon, avec l’amorce de la ligne Lyon-Grenoble/Chambéry qu’il conviendrait de quadrupler entre la capitale des Gaules et la jonction existante avec la LGV Méditerranée à Grenay, ainsi que la jonction depuis le nord de la LGV combinée avec celle du futur contournement ferroviaire de l’Est de Lyon (CFEL) en provenance de la ligne d’Ambérieu.

 Dans sa partie centrale, la ligne d’accès française comporterait quatre tunnels pour rejoindre Chambéry, le plus long sous le massif de l'Epine. Une section se disjoindrait à Avressieux (Isère) pour plonger sous le nord de la Chartreuse puis franchir l’Isère à hauteur de Chapareillan/Montmélian, apparemment sans liaison avec la ligne du sillon alpin malgré l’intérêt d’un parcours direct depuis le tunnel vers Valence par la ligne de l’Isère aval, sans passer par la ligne classique à l'ouest de Saint-Jean-de--Maurienne. Puis elle plongerait sous le nord du massif de Belledonne par un long tunnel avant d’atteindre la moyenne et étroite vallée de l’Arc (la Maurienne) qu’elle remonterait par un tunnel de flanc du massif du Glandon avant de  desservir Saint-Jean-de-Maurienne où elle donnerait accès au portail ouest du tunnel de base.

 La ligne d’accès française totaliserait donc six tunnels et quatre jonctions avec le réseau existant : Grenay, Satolas, Chambéry (antenne) et Saint-Jean-de-Maurienne. La section directe Avressieux-Chapareillan/Montmélian a été menacée de phasage. Elle aurait été (provisoirement ?) remplacée, pour raison d’économies, par une simple liaison depuis le tunnel sous Belledonne avec la ligne classique vers Chambéry à hauteur de Montmélian. Cette solution créerait un évident goulot d’étranglement entre Montmélian et Chambéry, avec passage de l’ensemble du flux par la gare voyageurs de la capitale savoisienne, quelle que soit sa destination, Lyon ou Culoz, Ambérieu, Dijon...

Si l’aide européenne est reportée de cinq ans, le tunnel sera mis en service sans la ligne d’accès française

 Si l’aide européenne n’était pas obtenue en raison des tergiversations de la bureaucratie française, la date de la mise en service de la ligne d’accès depuis Lyon, même sous sa forme réduite, ne pourra correspondre avec celle du tunnel de base (2030 à 2032). Au grand dam des Italiens… et des populations concernées, en particulier celles de l’agglomération chambérienne et d’Aix-les-Bains, sur la rive du lac du Bourget.

 L’objectif ultime de la Transalpine Lyon-Turin (lignes d’accès et tunnel de base) est de basculer un million de camions de la route au rail chaque année. Actuellement, les échanges frano-italiens s’élèvent chaque année à 46 millions de tonnes pour 92 milliards d’euros et 92 % franchissent la frontière par la route, soit trois millions de camions par an. Le tunnel et ses accès permettront d’en basculer au moins le tiers, la ligne classique restant utilisable en complément.

TELT St Jean M

Aperçu des travaux extérieurs à proximité du portail ouest du futur tunnel de base, à Saint-Jean-de-Maurienne. En cours de percement actif, ce souterrain de 57,5 km sera le tunnel ferroviaire le plus long d'Europe, encadré par plusieurs ouvrages souterrains moins longs mais considérables: sous la Chartreuse, sous Belledonne et, de part et d'autre, le long des massifs avec des tunnels de côtes. (Doc. Transalpine/TELT)

 Coté voyageurs l’ensemble de la Transalpine achevé permettrait de réduire le temps de parcours ferroviaires entre Lyon et Turin de plus d'une heure et demi (actuellement 3 h 45 mn minimum par Trenitalia), et de deux heures entre Paris et Milan (actuellement 6 h 41 mn par Trenitalia).

Les acteurs économiques d’Auvergne-Rhône-Alpes et la Fnaut montent au créneau

  L’Etat français est pressé de tous côtés. Outre Iveta Radicova et Jacques Gounon, ancien PDG d’Eurotunnel aujourd’hui président du Comité pour la Transalpine Lyon-Turin qui appelle l’Etat « à trancher rapidement », le monde économique rhône-alpin s’alarme : « L’heure est à la décision, trop de temps a été perdu ! », insistaient la semaine dernière dans une motion commune la Chambre de commerce et d’industrie, le Medef, la CPME et la Chambre des métiers et de l’artisanat de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce texte solennel ajoutait : « Sans le Lyon-Turin, aucune politique efficace de report modal du transport de marchandises de la route vers le rail dans les Alpes ne pourra être conduite et le trafic fluvial à partir de la façade méditerranéenne perdra également un potentiel d’accroissement des activités portuaires irremplaçable ». A l’heure du multimodal et du développement des modes alternatifs à la route, l’affaire est cruciale.

 La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) déplore que la coordination soit « faible entrre la France et l'italie, avec trois maîtres d'ouvrages différentes (SNCF Réseau TELT et RFI), sans entité formelle de coordination du programme », et que les collectivités locales directement concernées soient peu entendues. Le cabinet de conseil en économie des transports Transae, que la Fnaut a sollicité, prone de placer le concept d'exploitation comme l'élément central d'une gouvernance efficace (infrastructure, redevance, gestion des circulations...) et de créer une instance réssemblant tous les financeurs (y compris les collectivités locales en faisant partie) chargée de la bonne exécution des travaux, avec, côté français un pilote interministériel du dossier.

 En technicien, Jacques Gounon ajoutait de son côté : « Si vous construisez un tunnel grand gabarit qui débouche sur la voie historique, avec des pentes qui ne sont pas tolérables (…) mécaniquement vous faites en sorte que ça ne fonctionne pas ». Car acheminer les trains sortant du tunnel à Saint-Jean-de-Maurienne par la ligne classique jusqu’à Montmélian et au-delà, revient à leur faire parcourir la partie basse de la ligne classique de la Maurienne, qui affiche une déclivité de 14 ‰ sur 4 km en aval de la sortie du futur tunnel, puis des déclivités comprises entre 8 et 12 ‰ sur une quinzaine de kilomètres. C’est moins contraignant que la partie haute, qui affiche plusieurs sections à 30 ‰, mais ça limite tout de même et les tonnages, et les capacités.

Profil de la ligne classique reliant Saint-Pierre d'Albigny (Savoie) au tunnel de faîte du Fréjus, à la frontière italienne. Les déclivités sont parmi les plus importantes du réseau historique, avec des sections à 30 mm/m, un taux pénalisant fortement le fret ferroviaire de masse. Même à l'ouest de Saint-Jean-de-Maurienne, les déclivités demeurent notables : 14mm/m sur près de 5 km. Outre sa probable saturation cette dernière section, si elle était la seule issue pour le flux issu du futur tunnel, constituerait un handicap considérable, tant en termes de fret que de voyageurs.

 Un retard ne pourrait satisfaire que les opposants au principe même du tunnel de base, les maires écologistes mais surtout  décroissantistes de Lyon (Grégory Doucet) et de Grenoble (Eric Piolle), ce dernier ayant retiré la participation de la ville au financement de la ligne d'accès, ne se souciant guère de l'avis des populations étouffées par le trafic routier. En revanche, les habitants des vallées savoyardes menant aux tunnels routiers (Arve pour le Mont Blanc, Maurienne pour le Fréjus), en seraient légitimement indignés. De même que les milliers de salariés des entreprises qui ont hâte de bénéficier des nouveaux accès pour le transport de leurs productions.

Transalpine emploi

Annonce de recrutement publiée par TELT pour des emplois sur les chantiers du tunnel de base. Plus de trente métiers sont concernés et pour ce seul été, une centaine de postes supplémentaires sont ouverts. (Doc. TELT)

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Commentaires
R
J'avoue ne pas trop comprendre sur les maires écolos. Oui ils sont décroissants mais c'est juste une nécessité si on souhaite la survie de l'humain sur cette planète. Vous souhaitez le contraire ?https://www.lefigaro.fr/sciences/la-croissance-economique-est-la-cause-principale-de-la-crise-environnementale-selon-le-giec-de-la-biodiversite-20220715<br /> <br /> <br /> <br /> @Stephane Bonin Dommage de ne pas prendre en compte que les maires écolos sauf celui de Lyon et Tours n'ont pas la compétence des transports vu qu'ils ne sont pas majoritaires au niveau métropolitain. Mais bon on a l'habitude la faute c'est les écolos et non les maires de droite ou même de la fausse gauche qui bétonnisent, défendent des projets routiers partout ne font rien pour développer les transports alors qu'eux ont la compétence transport. Le plus bel exemple c'est Moudenc qui a dit que le RER à Toulouse n'était pas nécessaire. En attendant, le seul endroit où il y a une tentative de réseau express métropolitain c'est Strasbourg avec les écolos et Périgueux avec les communistes. Étonnant ? Je ne crois pas.
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S
Au risque de faire politique : vous avez tout résumé pour les Maires "écolos" EELV, de Grenoble et Lyon, mais dont ceux de Poitiers et Besançon (*) ressemblent - ils se prétendent "écologistes", mais ne font rien pour développer les transports ; par contre, "champions" pour emmerder les automobilistes, dont certains d' entre-eux (artisans par exemple) ne peuvent faire autrement ! Le ramage ne vaut pas le plumage, s' en rappeler au prochaines élections ! <br /> <br /> <br /> <br /> (*) Tours semble apporter, il est vrai, une image inverse coté transports............à condition que la 2ème ligne de tramway soit bien réalisée !
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A
Question : quelles sont les déclivités maximales prévues sur les lignes d'accès et dans le tunnel de base ?
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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