Etablie dans un système de trois larges vallées, la métropole de Grenoble offre une configuration idéale pour un transport ferroviaire périurbain à haute fréquence. Un récent courrier du président de sa métropole, Christophe Ferrari, demande une action de la région et de SNCF Réseau tout en promettant de prendre en charge le « surcoût » d’un futur réseau express métropolitain.

 La densité de population de chacune de ces vallées, est élevée : Grésivaudan au nord-est (Isère amont), Isère aval au nord-ouest, Drac, Romanche, Gua au sud. Chacun de ces axes est équipé d’une ligne du réseau ferré national. Les principales limites sont constituées par l’absence d’équipement ferroviaire sur l’une des deux rives de l’Isère et par l’abandon du lien ferroviaire avec Vizille au sud. L’aire Grenobloise est desservie par une série d’autoroutes aux trafics apoplectiques et à l’impact environnemental important. L’extension de son réseau tramway, complémentaire du réseau TER, est actuellement au point mort.

Christophe Ferrari, président de la métropole, écrit à Laurent Wauquiez, président de la région

 Dans une lettre à SNCF Réseau et au Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, Christophe Ferrari écrit : « Le dossier RER métropolitain doit être au sommet des dossiers nationaux qui seront examinés par le nouveau gouvernement. J'insiste sur la nécessité de développer un RER de l’aire grenobloise, ayant vocation à constituer la colonne vertébrale du réseau de transports collectifs ». Le président du conseil de Grenoble Alpes Métropole cite les « retombées positives multiples » qu’aurait l’instauration d’un Réseau express pour le territoire métropolitain grenoblois et au-delà pour Voiron (93.500 habitants dans a communauté d’agglomération), le Grésivaudan (Isère amont, 101.000 habitants dans la communauté de communes), la région de Saint-Marcellin (44.500 habitants dans la communauté de communes), mais aussi pour l’aire lyonnaise (Lyon est à 129 km de Grenoble, Bourgoin à 88 km par train).

DSCN2816Gare de La Tour-du-Pin, sur la section commune des lignes Grenoble-Lyon et Chambéry-Lyon. Desservie chaque heure depuis Grenoble, cette sous-préfecture du département de l'Isère est en revanche difficilement accessible depuis Rives, pourtant terminus des TER péri-urbains de la métropole de Grenoble: les TER Grenoble-Lyon ne s'y arrêtent pas. Le voyageur doit prendre une correspondance en amont à Voiron moyennant un aller-retour sur une même section et une longue attente ou subir une correspondance à Saint André le Gaz. ©RDS

 Surtout, Christophe Ferrari se dit prêt à engager financièrement le conseil métropolitain qu’il préside : « Nous sommes prêts à contribuer financièrement aux surcoûts de fonctionnement de ce RER métropolitain. J’attends de l’Etat et la Région qu'ils soient aussi engagés que nous sur ce sujet ».

 Le coût d’investissement dans les infrastructures qui permettrait de créer un Réseau express métropolitain (REM) est estimé à un milliard d’euros, tandis que le chiffrage du coût de fonctionnement reste à déterminer, relève le périodique d’information régionale L’Essor (1). « Il importe que nous partagions collectivement et urgemment les enjeux et les chiffrages en matière de fonctionnement, tout particulièrement entre la Région et la Métropole grenobloise qui pourrait être appelée à contribuer financièrement suite à la Loi d'Orientation des Mobilités », poursuit le président de la Métropole dans son courrier au président du Conseil régional.

 Le président métropolitain souligne pour ce faire qu’il « importe de disposer de l'ensemble des éléments, s'agissant non seulement des surcoûts, mais également des gains éventuels qu'un tel projet est susceptible d'engendrer, pour SNCF Réseau par exemple ». Il conclut en pressant ses interlocuteurs d’entamer le dialogue avant la publication du rapport final du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) présidé par David Valence, maire (parti radical) de Saint-Dié et vice-président de la région Grand Est, « dont les conclusions conditionneront très largement les priorisations nationales de demain, et la place du RER de l'aire grenobloise dans ce classement ».

Une topographie idéale pour le ferroviaire, un réseau en progrès

 Non seulement la topographie de vastes et profondes vallées de la capitale du Dauphiné historique se prête parfaitement à un transfert des flux de la route au rail, mais le réseau ferré national actuel est déjà assez bien équipé après de récents progrès.

 L’étoile de Grenoble est électrifiée, à l’exception de la ligne de Veynes : Moirans-Valence et Gières-Montmélian depuis 2014, Grenoble-Lyon et Grenoble-Gières depuis 1985. Cette dernière section avait été électrifiée, avec soutien des collectivités locales dans la perspective de l’instauration progressive de relations TER diamétrales, avec création en 2004 d’une halte intermédiaire à Echirolles, en correspondance avec la ligne A du tramway prolongée.

 La gare de Gières, renommée Grenoble-Universités-Gières (sans malheureusement que la gare de Grenoble ne soit renommée Grenoble Centre) a été profondément remaniée en 2007, avec instauration de relations diamétrales Gières-Rives et Gières-Saint-Marcellin et désormais deux voies en impasse à quai, parallèles aux deux voies de passage.

DSCN1716Gare de Grenoble-Universités-Gières avec un TER omnibus diamétral au départ sur l'une des deux voies en impasse. Contiguë à une station de la ligne B du tramway, elle constitue l'un des meilleurs exemples d'intégration des deux réseaux et un bel atout pour un futur réseau express métropolitain. ©RDS 

 D’autres éléments notables sont à relever dans l’équipement ferroviaire existant du Y grenoblois. D’abord, le saut de mouton de Moirans mis en service en 2014. Cet ouvrage de grandes dimensions supprime le cisaillement des voies des lignes Grenoble-Lyon et Grenoble-Valence, permettant d’augmenter la fluidité des circulations : sur la ligne de Lyon, les TGV, les TER express Lyon-Grenoble cadencés à l’heure, les TER de la diamétrale locale Gières-Rives ; sur celle de Valence, les TER express Annecy/Genève-Valence et les TER  locaux Gières-Saint-Marcellin… sans oublier le flux fret.

Le redoublement de la section Moirans-Romans reste à achever

 On notera aussi, la même année, le redoublement sur la ligne de Valence (qui avait connu deux époques à double voie) de la section Moirans-Saint-Marcellin et d’une section au nord de Saint-Hilaire-Saint-Nazaire. Le doublement complet entre Saint-Marcellin et Saint-Hilaire-Saint-Nazaire n’a pu aboutir en raison du coût qu’aurait induit la pose d’un deuxième tablier au franchissement de l’autoroute A49, ce récent pont-rail ayant été construit à voie unique  lors de la construction de l’autoroute mise en service en 1992. Et ceci malgré l’emprise ferroviaire prévue pour deux voies, signe qu’au début des années 1990 encore la mentalité dominante restait celle de la rétraction du chemin de fer régional.

 Un doublement complet de Grenoble-Valence présentera un intérêt majeur à l’ouverture du tunnel de base sous le Fréjus (la Transalpine) pour les circulations Méditerranée-Piémont-Lombardie, et dans la perspective du rétablissement de TGV entre le sillon alpin, la Méditerranée, le Sud-Ouest et l’Espagne, permis par le raccordement de Valence-TGV, aujourd’hui inexploité.

IMG_20220104_160454157Gare de Saint-Marcellin à 49 km de la gare centrale de Grenoble, terminus des TER omnibus origine Grenoble-Universités-Gières grâce à ses trois voies à quai (une autre, côté Valence, est une voie de service). Les TER longue distance Valence Ville-Annecy/Genève la desservent aussi, offrant une offre ferroviaire déjà remarquable pour une commune de 7.800 habitants, chef-lieu d'une communauté de communes de 44.000 habitants. Si la double voie est désormais continue jusqu'à Moirans, côté Valence, elle s'interrompt jusqu'à Romans, excepté une section précédant Saint-Hilaire-Saint-Nazaire. La voie de croisement de Saint-Paul-lès-Romans a récemment été modernisée. ©RDS  

 Au fil de ces modernisations, la signalisation de ces lignes a été automatisée et améliorée, de  même que les gares ont été restaurées, dotées des automatismes d’information et d’accès modernes. Malheureusement, de nombreux guichets y ont été fermés.Ces éléments de modernisation constituent autant d’atouts pour un futur réseau express métropolitain. Pour autant, la situation actuelle présente plusieurs limites.

Quatre principales limites du réseau existant autour de Grenoble

 La première est la saturation probable de la section Grenoble-Moirans, établie à double voie mais dont une hausse de la fréquence sur les deux destinations de Lyon et Valence exigera au moins le triplement, à l’image des lignes Genève-Coppet ou Marseille-Blancarde-Aubagne, voire le quadruplement, plus logique dans une perspective de missions à moyenne distance.

 La seconde limite est  la voie unique entre la jonction ligne de Chambéry-ligne de Veynes et la banlieue sud de Grenoble. Un doublement jusqu’à Jarrie-Vizille et  une électrification au moins jusqu’à Vif, voire plus au sud, paraissent indispensables à une hausse des fréquences. De même, un aménagement de la jonction susmentionnée avec « terrier » pour éviter le cisaillement paraît nécessaire. Une exploitation des circulations Veynes sur une seule voie banalisée entre la gare centrale de Grenoble et la jonction paraît obsolète.

 La troisième limite du réseau actuel est la neutralisation de la section ex-VFD (Voies Ferrées du Dauphiné) Jarrie-Vizille-Vizille-Ville, longue de 3 km.  Actuellement, la ligne des bus régionaux X03 offre 33 rotations quotidiennes entre la gare centrale de Grenoble et le centre de Vizille, une fréquence considérable pour un temps de parcours de 42 mn, souvent péjoré par les difficultés de circulation sur l’axe routier magistral Grenoble-Pont-de-Claix. Cette ligne est complétée par une ligne TAG (urbaine) via le plateau de Brié-et-Angonnes et quelques autres circulations de bus régionaux à plus longue distance. Une réactivation  de cette courte section en bas-côté de la route permettrait à Vizille, commune qui voit sa population décroître depuis quelques années et les commerces de son centre-ville en grande souffrance malgré la présence du célèbre château centre d’attraction touristique, de retrouver une certaine attractivité. Les missions sud du future REM pourraient être partagées entre Vif (voire Monestier-de-Clermont) et Vizille.

DSCN2450TER Auvergne-Rhône-Alpes à l'approche de la future halte de Pont-de-Claix L'Etoile (ci-dessus) sur la ligne de Veynes, au contact du terminus de la ligne A du tramway (ci-dessous), dernière prolongation en date du réseau tramways existant alors qu'aucune autre n'est annoncée. La ligne de Veynes, dans cet environnement urbain très actif et éloigné du centre, est exploitée sur le mode d'une ligne de campagne en contradiction flagrante avec les besoins: engins thermiques, voie unique, faible capacité et fréquence squelettique. Le doublement de la section du réseau ferré national jusqu'à Jarrie-Vizille ou au moins la création de nouvelles voies de croisement faciliteraient l'augmentation des fréquences sur la branche sud d'un futur Réseau express métropolitain. Pour l'instant, le projet maintient celle de Pont-de-Claix, gare originelle qui ne sera plus desservie mais n'en crée pas à Pont-de-Claix L'Etoile en raison d'une importante canalisation souterraine continuë. En cas de retard, les voyageurs attendront le croisement dans une gare fermée au service commercial... ©RDS 

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 Quatrième et dernière limite : la disposition des gares et haltes. Un Réseau express métropolitain devrait disposer d’arrêts au plus près des nouvelles zones urbanisées, ce qui n’est pas toujours le cas des gares originelles. On peut citer les zones activité de Voreppe et Moirans, avec une nouvelle halte qui pourrait desservir les entreprises situées à cheval entre ces deux communes, ou encore Saint-Martin-d’Hères pour valoriser l’effet de boucle de la ligne de Chambéry contournant Grenoble, plusieurs zones des communes du Grésivaudan… La création d’une halte TER à Pont-de-Claix-L’Etoile, au contact du terminus de la ligne A du tramway, va dans le bon sens. Relevons que sur les sections à double voie, l’aménagement de voies d’évitement en gare permettrait d’assurer une bonne cohabitation avec le fret, les TER à longue distance et les TGV. Le plan de voies de Grenoble-Université-Gières et ses deux voies terminus en tiroir est à ce titre exemplaire.

Restructurer le réseau bus dès à présent pour valoriser les dessertes TER : le contre-exemple de Renage

 La restructuration du réseau bus, y compris hors de la métropole de Grenoble, devra impérativement accompagner l’établissement d’un REM. Parmi les exemples les plus frappants, celui de Renage, au nord-ouest de Grenoble, très mal desservie par une ligne de bus reliant cette commune à la gare de Rives à environ 4 km, et sans aucun transport public pour la relier à la gare de Tullins-Fures, sur la ligne de Valence, à environ 6 km. Une ligne reliant les deux gares via Renage paraît déjà indispensable, aujourd’hui contrariée par des structures intercommunales hétérogènes et la faiblesse de l’investissement dans les transports publics locaux. Cette offre est indigne d’une zone multipolaire au relief accidenté mais desservie par deux gares TER disposant déjà de belles dessertes.

 Au sud de l’agglomération, le rabattement bus depuis le bassin de Varces sur la gare de Vif ou sur la gare ancienne de Pont-de-Claix maintenue pour le REM (afin d’éviter d’aller jusqu’à L’Etoile) paraît lui aussi lié à l’établissement d’un service ferroviaire à haute fréquence.

DSCN3481Accès arrière, bien équipé et donnant vers un nouveau quartier résidentiel, de la gare de Tullins-Fures sur la ligne Valence-Moirans, à 26 km de la gare centrale de Grenoble. Bénéficiant d'une belle desserte TER, anticipant ce que pourrait être celle d'un REM, cette gare aux guichets malheureusement fermés n'est reliée par aucun service d'autobus à celle de Rives, sur la ligne de Lyon. Pourtant, cet itinéraire d'une dizaine de kilomètres seulement permettrait d'offrir aux habitants de Renage un accès aisé aux deux gares encadrantes, à ceux de Tullins et de Fures d'accéder à Rives et inversement, sans passer par une correspondance à Moirans. ©RDS

 Ces quelques limites du réseau ferré national étant explorées – il en est bien sûr d’autres -, il convient d’aborder celles du réseau de tramways. Dans les larges vallées du Y grenoblois, les lignes SNCF ne desservent en effet que l’une des deux rives. La rive droite de l’Isère amont (Grésivaudan), la rive gauche de l’Isère aval  sont privées de transport lourd.

L’extension du réseau tramway bloqué alors que les axes à desservir sont denses et sans gares SNCF

 La métropole, qui demande un lourd investissement dans le réseau ferré national, n’a aucun projet d’extension du réseau ferré tramways sur ces deux axes, se limitant à des BHNS dont on connaît les limites (confort, régularité, capacité). Une étude sur l'extension de la ligne E au sud vers Pont-de-Claix, liée à un projet de train-tram jusqu'à Vizille par une section de la ligne de Veynes, paraît au point mort.

 Pourtant, les demandes sont ancienne. La commune de Sassenage sollicite de longue date une extension de la ligne A au-delà du terminus Fontaine-La Poya, alors que son hôtel de ville était jadis desservi par le réseau originel de tramways puis par la ligne 2/4 des trolleybus qui y avait son terminus. Une extension à voie unique paraît hautement justifiée alors que la même métropole s’apprête à construire un coûteux téléphérique transversal (65 millions d’euros en première estimation) entre La Poya et Saint-Martin-le-Vinoux, sur un axe périphérique dont la chalandise est celle d’une ligne d’autobus. Ce dernier projet suscite actuellement une assez vive opposition.

DSCN4115Terminus de la ligne A du réseau de tramways de Grenoble à Fontaine La Poya. La disposition des voies est minimaliste et l'extension vers Sassenage, dont la limite communale se situe à quelques mètres, pour l'instant exclue par la métropole. Soucis financiers ou divergences d'orientation politique ? La desserte de Sassenage est moins bonne aujourd'hui qu'elle ne l'était au temps des trolleybus. En revanche, la métropole entend relier ce terminus à Saint-Martin-le-Vinoux via la presqu'île scientifique de Grenoble par un téléphérique aujourd'hui visé par une campagne de contestation. Notons que sur la rive de l'Isère opposée, une ligne de tramway (ligne E) double depuis 2014 la ligne SNCF jusqu'au Fontanil-Cornillon. ©RDS

 De la même façon, une antenne de la ligne C du tramway se détachant de la ligne C boulevard Jean-Pain ou de la ligne B à Grand Sablons vers Meylan et au-delà, desservirait une zone de forte activité économique qui se développe jusqu’à Crolles, surnommée la silicon valley française. Cette rive droite de l'Isère mériterait mieux et plus capacitaire qu’un BHNS et quelques bus diamétraux accélérés. Un tramway, recommandé par l’association d’usagers ADTC, aurait toute sa place, éventuellement jusqu’à Crolles, commune abritant d’importants sites industriels. Il serait autrement attractif, avec stations aménagées, site propre quasi-intégral et prioritaire, qu’un BHNS routier. On notera que cette rive droite de l’Isère amont fut desservie par le tramway Grenoble-Chapareillan, ligne longue de 43 km, partiellement en accotement routier et partiellement en site propre intégral.

Carte des réseaux ferroviaires départementaux de l'Isère datant de 1923. Les vallées du Y grenoblois étaient équipées, de part et d'autre de leurs cours d'eau, de ligne ferroviaires, réseau PLM (national), ou de tramway urbains ou péri-urbains.

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(1) Lien vers l'article de L'Essor consacré à la demande du président de Grenoble Alpes Métropole:

RER : la Métropole de Grenoble prête à payer les surcoûts de fonctionnement

" Le dossier RER métropolitain doit être au sommet des dossiers nationaux qui seront examinés par le nouveau gouvernement. " Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole, insiste sur la nécessité de développer un RER de l'aire grenobloise " ayant vocation à constituer la colonne vertébrale du réseau de transports collectifs aux retombées positives multiples pour le territoire métropolitain grenoblois, le Voironnais, le Grésivaudan, la région de Saint-Marcellin, mais aussi pour le nœud ferroviaire lyonnais ".

https://www.lessor38.fr


 

 Dans le bassin grenoblois, le système ferroviaire est double : RFN et tramway. La demande de la métropole auprès de la région et de SNCF Réseau paraît heureuse. Le blocage de l’extension de son réseau tramway l’est moins.