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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
7 mai 2022

Grandeurs et limites du couloir ferroviaire rhodanien Lyon-Avignon-Marseille-Nîmes - 1 : le réseau (Etude)

 Le couloir rhodanien français, qui correspond à la basse vallée du Rhône de Lyon à la mer sur 285 km à vol d’oiseau, est un exemple remarquable d’équipement en lignes ferroviaires. De fait du nord de Lyon à l’entrée de Marseille d’une part, de Nîmes de l’autre, trois lignes à double voie  permettent de relier le centre, le nord et l’est de la France à la Méditerranée. Dans ce premier volet, nous étudions la consistance du réseau. Dans un second, nous évoquerons les trafics.

 Ce patrimoine est d’une richesse exceptionnel en Europe. Il évoque le triplet de lignes ferroviaires de la basse vallée du Rhin entre Francfort et Cologne, en Espagne le long de la Catalogne entre Massanes et Tarragone, en Italie au nord de Gênes ou entre Florence et Rome. Malgré son importance stratégique entre Alpes et Massif Central, ce triplet français nord-sud ne voit malheureusement pas ses capacités pleinement utilisées.

A partir de Collonges-Fontaines, au nord de Lyon

La présence de trois lignes parallèles commence dès le nord de Lyon, à Collonges-Fontaines, dans la vallée de la Saône. Soucieuse de diversifier les itinéraires et de contourner par l’est le point dur du tunnel de Saint-Irénée sous Fourvière et de la gare en remblai de Perrache,  la compagnie PLM et l’Etat (pour les ouvrages d’art), mettent en service en 1890 une courte section dite « de Collonges-Fontaines à Lyon Guillotière » qui revient à créer une ligne nouvelle de 4,21 km entre la première gare citée, située sur l’axe Paris-Marseille, et Lyon Saint-Clair, située à l’embranchement de l’axe Lyon-Genève et de la ligne Lyon-Bourg par la Bresse.

 

Extrait de la carte du réseau ferré national (2021). On distingue nettement le triplet de lignes le long de la vallée du Rhône, qui se divise en deux triplets au sud, vers Marseille et vers Nîmes. Cette configuration est remarquable pour la France, pays dont les itinéraires alternatifs ont largement disparu au cours des vagues de liquidation des lignes jugées rop coûteuses à partir de 1938 principalement. Relevons que l'itinéraire Lyon-Marseille par les Alpes constituerait un (fragile) itinéraire de détournement en cas de très grave événement dans la vallée du Rhône. (Doc SNCF Réseau)

 De Lyon Saint-Clair à Lyon Guillotière, des aménagements ont permis d’absorber ce flux de contournement, tandis que la section nouvelle permit un accès direct aux faisceaux fret de la Part-Dieu comme, éventuellement, à la gare voyageurs de Lyon Brotteaux.

 La ligne Paris-Marseille avait été mise en service en 1854 de Paris à Lyon, en 1856 de Lyon à Marseille. La nécessité de disposer d’un itinéraire de contournement de Perrache par l’est s’est donc concrétisée 34 ans après l’ouverture complète de l’axe, signe de son importance. On notera par ailleurs que le même PLM et l’Etat mirent en service en 1910 un autre contournement de Lyon essentiellement destiné au fret, côté ouest, entre Tassin et Givors-Canal (il fut fermé aux voyageurs dès 1932, décision exceptionnelle pour le PLM). Cette section était partie de la ligne de Paray-le-Monial à Givors-Canal, mise en service au nord de Tassin en 1906.

L’importance du futur Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise

 Le nœud ferroviaire lyonnais est actuellement l’objet d’un projet de nouveau contournement bien plus à l’est (le Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, CFAL) qui devrait relier à (long) terme la ligne d’Ambérieu à la ligne de la rive gauche du Rhône au nord de Vienne. Le projet au nord du nœud de Grenay (jonction LGV-ligne Lyon-Grenoble) paraît le plus avancé. Sa réalisation seule imposerait un renforcement important de la capacité de la ligne (quadruplement) entre Grenay et Vénissieux, nécessaire en raison du cumul actuel de circulations TER, TGV,  Trenitalia et fret régional. Plus logiquement, et c’est de nouveau sur le métier, la section sud de ce CFAL rejoindrait la ligne de la rive droite du Rhône par la construction d’un pont à la hauteur de Givors, soit au nord, soit au sud.

 L’importance de la partie sud de ce contournement revient sur le devant de la scène à la faveur de l’avancée des travaux des tunnels de base Lyon-Turin, la « Transalpine ». Leur percement devrait non seulement appeler un trafic nouveau entre la moitié nord de la France et l’Italie mais aussi entre cette dernière et la moitié sud de notre pays. L’itinéraire le plus court depuis le Piémont vers la Méditerranée et l’Espagne par la Transalpine sera évidemment celui transitant par Grenoble et Valence depuis Montmélian, mais il supporte déjà un trafic intense en particulier entre Grenoble et Moirans (autre section à tripler ou quadrupler éventuellement). Cet itinéraire du Sillon alpin permet d’atteindre la ligne de la rive droite du Rhône par la jonction est-ouest de Livron-La Voulte, au sud de Valence.

CFAL

Carte initiale du projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise établie en son temps par RFF. La section sud (en tiretés gras jaune et bleu) paraît indispensable pour rejoindre les deux lignes classiques vers le Midi. La section nord paraissait prioritaire dans la perspective d'un accès aux lignes d'accès du tunnel de base sous le Fréjus mais en prolongation d'une LGV Rhin-Rhône sud dont le projet est actuellement abandonné. (Doc. SNCF Réseau)

 Enfin, depuis 1992, le Grand Lyon est contourné à l’est par la ligne à grande vitesse nord-sud ou LN4 qui prolonge la LN1 Paris-Lyon jusqu’à l’aéroport Saint-Exupéry, l’embranchement de Grenay et depuis 1994 au-delà vers Valence.

Tout au long de la basse vallée du Rhône, trois lignes parallèles

 Au sud de Lyon se poursuit ce triplet rhodanien, amorcé au nord à Collonges-Fontaines, sur toute la basse vallée du Rhône, qui court de Lyon à Avignon. Il allie d’ouest en est :

- une ligne classique sur la rive gauche du Rhône, mise en service sur toute sa longueur en 1880, réservée au fret depuis 1973 : 225 km de Perrache à Villeneuve-lès-Avignon par Givors-Canal, électrifiée en 1.500V continu, équipée du BAL ;

- une ligne classique sur la rive gauche du Rhône jusqu’à Avignon : 230 km depuis Part-Dieu, électrifiée en 1.500V continu, équipée du BAL, mise en service en 1856  jusqu’à Marseille par Arles ;

- une ligne à grande vitesse (LN 4 et LN5) actuellement réservée aux voyageurs : 253,55 km entre la bifurcation de Montanay au nord de Lyon et Avignon TGV via Lyon Saint-Exupéry, mise en service sur toute sa longueur jusqu’à Marseille et Manduel en 2001 (entre 1992 et 1994 au nord de Valence TGV).

 La ligne à grande vitesse est située à l’est de la ligne classique de la rive gauche jusqu’à La Palud, à  proximité de Donzère où elle la franchit, avec raccordements de service, avant de poursuivre vers le sud, de franchir la ligne de la rive gauche par le viaduc de Montmaur et d’atteindre le triangle des Angles à l’ouest d’Avignon. Là se détachent les deux banches de la LN5 : l’une vers Marseille via Avignon TGV, l’autre vers Manduel et Lattes au sud-ouest de Montpellier. La branche Marseille recroise la ligne classique de la rive gauche dans un souterrain à la sortie est d’Avignon TGV. La branche Manduel croise la ligne de la rive gauche à Théziers-Montfrin (Gard) par un viaduc.

La malheureuse liquidation de la ligne passe-Avignon Orange-L’Isle-Fontaine de Vaucluse

  Ce long triplet autour du Rhône eût même pu se transformer en quadruplet sur sa partie méridionale si la ligne à voie unique Orange-L’Isle-Fontaine de Vaucluse mise en service en 1894 n’avait été liquidée, définitivement en 1988. Cet axe long de 38 km, en partie transformé en voie verte, desservait Carpentras et d’actives localités agricoles et de petite industrie. Surtout, il offrait un itinéraire de contournement du nœud ferroviaire d’Avignon en rejoignant au sud la ligne Avignon-Miramas par Cavaillon.

DSC04579Section anciennement à double voie dans une longue tranchée au nord de la gare ancienne de Carpentras, vue en direction Aubignan-Loriol et au-delà jusqu'à Orange. Ces magnifiques ouvrages d'art enjambent aujourd'hui une piste de vélo et de promenade, tandis que les trafics routiers alentour sont étouffants. Cette vision de l'écologie des transports est socialement très sélective. ©RDS

 Cette ligne offrait une économie kilométrique de 12 km entre Orange et Miramas (soit 12,5 %) par rapport au transit par Avignon : 84 km via Carpentras, 96 km via Avignon et Cavaillon, 97 km via Avignon et Arles. Mais la raison du PLM, soucieux de maillage, n’a pas été celle du bras armé du ministère des Finances qu’était devenue la SNCF.

Au sud d’Avignon, la géographie ferroviaire suit naturellement la géographie physique en encadrant le vaste delta du Rhône, cette Camargue de laquelle le chemin de fer a malheureusement disparu depuis que furent fermées les lignes d’Arles à Port-Saint-Louis-du-Rhône, de Lunel à Saint-Gilles et Arles, des chemins de fer de Camargue (CFC) à voie métrique (Nîmes-Arles-Salins de Giraud, embranchements sur  Saint-Gilles et Les Saintes-Maries de la Mer).

Un double triplet à l’est de la Camargue…

 Le triplet se dédouble ainsi de part et d’autre de la Camargue. On trouve, côté Provence, les lignes Avignon-Cavaillon-Miramas et Avignon-Arles-Miramas. Au-delà, de Miramas jusqu’à Marseille L’Estaque, se prolongent les lignes Miramas-Port-de-Bouc-L’Estaque (avec embranchement sur l’ensemble portuaire de Fos-sur-Mer) et Miramas-Rognac-L’Estaque. Ce couple de lignes classiques est « triplé » par la LGV qui transite plus au nord et la gare d’Aix-TGV, affichant 85,8 km d’Avignon-TGV à Marseille. Un réseau départemental à voie standard a de plus irrigué ce faisceau à partir de Barbentane au sud d’Avignon. Il a entièrement disparu à l’exception de l’embranchement Pas-des-Lanciers-Martigues de RDT13.

 L’ensemble de ces trois lignes se conjuguent sur la commune de Marseille : les deux lignes classiques à L’Estaque, la LN5 au nord de Saint-Louis-les-Aygalades. Cette conjonction cause un effet d’entonnoir sur 5 km entre cette dernière jonction et la proximité de la gare Saint-Charles (jonctions de la ligne de Grenoble puis du raccordement des Chartreux évite-Saint-Charles, vers Blancarde). Tout au plus un itinéraire-bis double-t-il cette section surchargée grâce aux voies débranchées à l’Estaque vers les bassins du port de la Joliette, avec prolongement à voie unique et en déclivité pour remonter à la gare Saint-Charles. Cet court itinéraire à vocation fret mais récemment doté d’une station voyageurs intermédiaire construite à l’économie, est emprunté par quelques TER depuis l’arrivée de la LGV Méditerranée.

… et à l’ouest du delta, le même triplet lignes classique-ligne nouvelle

 Côté Languedoc, le schéma est proche, avec le même type de triplet. La ligne de la rive droite du Rhône se poursuit au sud de Villeneuve-lès-Avignon jusqu’à Nîmes-Grézan, celle de la rive gauche par un embranchement à Tarascon (ligne « Tarascon-Sète ») qui franchit le Rhône dès la sortie de cette gare pour rejoindre la ligne de la rive droite à Grézan. La LN5, quant à elle, dispose d’une section gardoise au départ du triangle des Angles jusqu’à Manduel (25 km), où elle est embranchée à la ligne Tarascon-Sète, et de poursuit au-delà vers Lattes par le CNM.

DSCN2924Voies du CNM au niveau supérieur en gare de Nîmes Pont-du-Gard vues vers Montpellier. En pleine zone agricole, n'ayant rien à voir avec le Pont du Gard car situé bien loin de lui, éloigné de l'agglomération de Nîmes, cet établissement a pour principal atout de permettre une correspondance avec la ligne classique et ses TER, située au niveau inférieur. Mais il n'en reste pas moins que pour la plupart des Nîmois, et plus encore pour les usagers des lignes du Grau-du-Roi et des Cévennes (Alès), emprunter un TGV à Nîmes Pont-du-Gard constitue un handicap sérieux, allongeant nettement les temps de parcours et imposant parcours d'approche ou correspondance. A partir de la zone nîmoise, le triplet rhodanien se transforme en doublet languedocien: ligne classique et CNM. ©RDS

  Nous relèverons que les liaisons avec pont sur le fleuve entre les deux lignes classiques de la vallée du Rhône sont nombreuses. Du nord au sud on recense : Perrache-Guillotière (élément de la ligne Paris-Marseille), Chasse-Givors, Saint-Rambert d’Albon-Peyraud (qui permit jadis des autorails Grenoble-Annonay), Livron-La Voulte (qui permit des Valence-Privas), Villeneuve-lès-Avignon-Avignon-Centre, le plus récent (1905). Plus au sud, des liaisons à double voie sud-sud sont actives à Tarascon (mais sans saut-de-mouton au contraire de la liaison Avignon-Tarascon-Nîmes symptomatique d’une conception mono-centrique du territoire) et au triangle des Angles, pour le système à grande vitesse (avec sauts de mouton mais limitée à 160 km/h).

(A suivre)

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Commentaires
R
A noter que le triplet de ligne se poursuivra de l’Estaque au coeur de Marseille avec les phases 1&2 du projet LNPCA : la ligne via Arenc sera doublée sur ses portions encore à voie unique. <br /> <br /> La PLM sera quadruplé, notamment le tunnel de St Louis.<br /> <br /> Puis un nouveau tunnel bitube rejoindra une nouvelle gare souterraine de st charles, et facilitera le passage des trains poursuivant vers Toulon et la Côte d’Azur, sans rebroussement ni cisaillement des autres lignes
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J
Belle présentation, merci beaucoup.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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