La chronique ferroviaire dans la France des « territoires » consiste trop souvent à apporter de mauvaises nouvelles. Pourtant, malgré un sous-investissement flagrant de l’Etat français dans son réseau par rapport à ses voisins européens et le nouveau « contrat de performance » entre l’Etat et la SNCF qualifié par tous les observateurs de « sous-performance », la société publique SNCF Réseau parvient à afficher chaque année une belle série de travaux de régénération. C’est évidemment insuffisant pour pérenniser voire réactiver un nombre important de lignes, mais ça mérite d’être souligné.

 Dans le grand Sud-Est, soit les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, les cartes des travaux pour 2022 publiées par SNCF Réseau montrent l’ampleur de l’activité. Nous ne rapporterons ici que les principaux travaux de régénération de voies, une partie des investissements de maintenance ou de développement qui incluent par ailleurs des renouvellements ponctuels d’aiguillages, de signalisation, de caténaire, sur des sous-stations ainsi que diverses innovations technologiques.

FDétail des organes d'une bourreuse-niveleuse. Celle-ci est saisie en 2014 alors qu'elle était mobilisée pour le renouvellement voie-ballast complet de l'antenne Tassin-Brignais, préalable à sa conversion au service du train-tram électrique de l'Ouest lyonnais. Cette magnifique réalisation démontre que le chemin de fer régional constitue une technique productive et prometteuse pour peu que les pouvoirs publics acceptent d'équillibrer leurs investissements transport en sa faveur. ©RDS 

 En cette année 2022, « 1.752 chantiers sont programmés et 5,6 milliards d'euros seront investis dans le réseau ferré », indique SNCF Réseau. Pour l'ensemble de la France la société publique annonce le renouvellement de 732 km de voies  et la vérification ou le remplacement de 308 km de caténaires. Le réseau ferré national compte quelque 29.000 km de lignes.

 Voici les travaux prévus ou en cours en 2022 sur les voies des trois régions étudiées, tantôt financés sur fonds propres de SNCF Réseau pour le réseau structurant, tantôt en cofinancement avec l’Etat et les régions (Contrats de plan Etat-Régions, CPER), tantôt sur fonds majoritairement abondés par les collectivités territoriales. Notre premier volet concerne Auvergne-Rhône-Alpes avec de grosses opérations sur la ligne classique de la rive gauche du Rhône, sur le Sillon alpin sud, sur l'Ouest lyonnais et sur la ligne des Alpes. (1)

En Auvergne-Rhône-Alpes, onze lignes et plusieurs gares sont concernées par des travaux de régénération de la voie.

Valence-Grenoble.- Premier chantier de voie par son coût sur le territoire de la région Auvergne-Rhône-Alpes en 2022, d’importants renouvellements de superstructure par train-usine sont annoncés sur le Sillon alpin sud entre Grenoble et Voreppe (13 km de la  section commune de 18,4 km des lignes Grenoble-Moirans-Lyon et Grenoble-Moirans-Valence) et entre Moirans, gare de bifurcation, et Valence, pour un total de 72 millions d’euros ce qui en fait le premier poste d’investissement voies sur le réseau couvrant la région Auvergne-Rhône-Alpes.

DSCN4138Rame TER réversible Corail abondamment dégradée en stationnement à Valence TGV. Le Sillon alpin sud est demeuré à double voie au sud de Romans, redoublé partiellement au nord. ©RDS

 Ces importants travaux nocturnes sont prévus de fin mai à début décembre (semaines 22 à 49). La base travaux a été aménagée à Saint-Martin-le-Vinoux, à la sortie de Grenoble, avec moult précautions environnementales dans cet environnement péri-urbain très contraint (autoroute et voie ferrée). Notons qu’entre Moirans et Valence, ligne remise à double voie entre Moirans et Romans-Bourg-de-Péage sur la majorité de son parcours en 2015 (entre Moirans-Saint-Marcellin et une section au nord de Saint-Hilaire-Saint-Nazaire), c’est l’ancienne voie unique qui est logiquement concernée. Des renouvellements d’appareils de voie en gare de Grenoble sont aussi programmés.

Tassin-Lozanne.- Dans la banlieue de Lyon, la ligne à voie unique Tassin-Lozanne sera en travaux de fin juin à début décembre (semaines 26 à 49) pour renouvellement de sa voie. Inscrite in extremis au CPER en cours pour 30 millions d’euros, la rénovation de cet élément de 18,4 km de la ligne historique PLM Paray-le-Monial-Givors-Canal va permettre de valoriser un peu plus le système de l’Ouest lyonnais. Certes la ligne ne sera pas électrifiée pour autant, empêchant les rames de train-tram issues de Lyon Saint-Paul de parvenir à Lozanne. L’exploitation demeurera assurée en autorails thermiques, en correspondance à Tassin avec le flux de la branche  Sain-Bel du train-tram de l’Ouest lyonnais. Mais au moins cette section qui dessert Limonest, Dardilly, Dommartin, Civrieux, toutes localités voit son activité pérennisée et les innombrables  remplacements par autocars sur routes surchargées pourraient enfin être éliminés.

DSCN0709A Lozanne, automoteur monocaisse sur la voie terminus de la ligne de Tassin (à d.), et rame AGC Lyon-Saint-Germain-au-Mont d'Or-Roanne en transit. La rénovation de la voie unique Tassin-Lozanne, logiquement incluse dans le faisceau de l'Ouest lyonnais amorcé à Lyon Saint-Paul, permettra de pérenniser enfin cette section. Mais il en faudra plus pour qu'elle soit à proprement parler une branche du train-tram de l'Ouest lyonnais et ne demeure pas une simple antenne thermique amorcée à Tassin. Cela exigera son électrification et le doublement du goulot d'étranglement que constitue l'incompréhensible portion de voie unique dans le tunnel des Deux-Amants, entre Lyon Gorge-de-Loup et Ecully. ©RDS

Saint-Georges d’Aurac-Le Puy.-  Dans le même secteur de la Haute-Loire, la ligne Le Puy-Saint-Georges-d’Aurac (52 km) est en travaux pour 13 semaines depuis la fin mars et jusqu’à fin juin (semaines 13 à 25) pour une régénération partielle de la voie, après de précédentes améliorations les années passées, dans le cadre du CPER pour 3 millions d’euros.

Brioude-Langogne.- En Auvergne historique, aux confins de la Lozère, 3,3 millions d’euros sont investis dans le cadre du CPER pour une régénération complémentaire de la voie de cette section de la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand.Ces travaux prévus sur douze semaines ont commencé fin mars et se termineront mi-juin (semaines 13 à 24). Rappelons que les 75 km séparant Langogne de Saint-Georges d’Aurac furent menacés de fermeture voici trois ans faute d’investissements. Une première salve de travaux a depuis permis de maintenir le trafic. La sous-section Saint-Georges d’Aurac-Brioude nécessitait aussi une intervention.

IMG_20210706_152849287_HDRGare de Brioude côté faisceau. Ne demeurent plus que deux voies à quai, celle longeant le bâtiment voyageurs ayant été sacrifiée sur l'autel des économies alors qu'elle desservait le seul quai doté d'un important abri. On remarque que lors de la récente rénovation de l'établissement, qui a accompagné une nette amélioration de la desserte de et vers Clermont-Ferrand avec terminus partiel à Brioude, la deuxième voie à quai n'a pas mobilisé les crédits pour sa rénovation. La vue est prise en direction du sud, vers Saint-Georges d'Aurac, Le Puy et Nîmes. Les travaux prévus cette année ne seront pas de trop sur cette section d'un axe inter-régional jadis considéré comme structurant. ©RDS

Aurillac-Arvant.- Toujours en Auvergne historique, d’importants travaux de voie sont en cours depuis mi-mars et jusqu’à début décembre, soit près de neuf mois (semaines 11 à 49), sur la section Aurillac-Arvant. Déjà largement améliorée dans l’étroite vallée de l’Alagnon, soit à l’est de Neussargues, la voie sera renouvelée sur la section la plus ancienne pour 58 millions d’euros, toujours dans le cadre du CPER Etat-Région. Un RVB est effectué sur 3 km, un renouvellement de ballast et de traverses sur 16,6 km et es câbles de signalisation sur 37 km. Six ponts rails voient leur étanchéité restaurée. Les travaux s’effectuent en continu, avec interruption du trafic commercial.

Saint-Just-sur-Loire-Saint-Just-Saint-Rambert.- Sur cette courte section de 1,8 km de l’ancienne ligne Saint-Just-sur-Loire-  Fraisses-Unieux, embranchée sur la transversale Saint-Etienne-Clermont-Ferrand – interrompue entre Boën et Thiers – une intervention au titre du trafic capillaire fret est prévue sur huit semaines en juillet et août (semaines 27 à 34) pour une modernisation de la desserte marchandises.

Vendranges-Saint-Priest-Balbigny.- Un renouvellement de voie et de ballast entre Vendranges-Saint-Priest et Balbigny (22 km) sur la ligne à double voie Saint-Etienne-Roanne a débuté fin mars et se poursuivra jusqu’à mi-juin (semaines 12 à 23), pour 3,7 millions d’euros. Cette ligne, élément de l’historique ligne du Bourbonnais Moret-Lyon par Saint-Etienne, connaît un trafic fret notable (produits de carrières, eaux minérales…) et un trafic TER en navettes cadencées à l’heure.  Les travaux sont effectués de nuit. Dans la foulée, la voie B de la gare de Roanne sera renouvelée durant tout le mois de juin pour 1 M€.

IMG_20210826_135249713Rame de wagons de ballast au départ des Carrières de la Loire Delage, à Bellegarde-en-Forêt sur le flanc occidental des Monts du Lyonnais. Cette voie a été réactivée - puis rénovée cette année - sous forme d'installation terminale embranchée. Elle constitue en fait une courte section de l'ancienne transversale Lyon Saint-Paul-Montbrison de la Compagnie des Dombes et du Sud-Est, embranchée sur la radiale Saint-Etienne-Le Coteau-Roanne à Montrond-les-Bains. Son trafic de granulats alimente l'activité de la ligne à double voie du Forez-Est avec, entre autres, celui des eaux de Saint-Galmier. ©RDS 

Vif-Aspres-sur-Buëch.- Côté Rhône-Alpes la régénération (incomplète) de la splendide « ligne des Alpes » Grenoble-Veynes se poursuit depuis le début de l’année et jusqu’au 11 décembre 2022, soit 49 semaines. Le devis pour l’année 2022 s’élève à 29 millions d’euros pour ces 82,3 km, ce qui en fait la quatrième opération la plus coûteuse sur le réseau couvrant la région Auvergne-Rhône-Alpes après le Sillon alpin sud, Aurillac-Arvant et presque à égalité avec Tassin-Lozanne. Le chantier est largement cofinancé par les collectivités et va permettre d’éviter la fermeture de cet axe inter-régional, qui eût été un scandale de plus dans le démantèlement du réseau ferroviaire français. Rappelons que la section Grenoble-Vif (17,5 km) avait été rénovée l’année précédente.

Moûtiers et Grésy-sur-Isère.- Sur la ligne de la Tarentaise Saint-Pierre-d’Albigny-Bourg-Saint-Maurice, fortement sollicitée par les TGV hivernaux mais aussi par un important trafic TER, des renouvellements de voies auront lieu de mi-avril à fin octobre (semaines 15 à 42) avec quatre journées de coupure du trafic commercial du 22 au 25 août prochains dans les gares de Moûtiers-Salins-Brides-les-Bains (où sera réaménagé le pôle d’échange multimodal pour 15 millions d’euros)  et Grésy-sur-Isère. Le devis ferroviaire est fixé à 4 millions d’euros.

Gares de Clermont-Ferrand, Saint-Germain des Fossés, Moulins, Sathonay.- En gare de Clermont-Ferrand, un renouvellement de voies-ballast et des suppressions d’aiguillages seront réalisées sur  quatre semaines en avril et mai (semaines 15 à 18) pour 1,2 million d’euros. En gare de Saint-Germain-des-Fossés, le renouvellement voie-ballast de la voie D est prévu durant dix semaines (semaines 36 à 45) avec coupure de l’exploitation du 12 septembre au 1er octobre, pour 6,4 millions d’euros. A Moulins, un renouvellement voie et ballast est prévu de début mars à mi-août (semaines 9 à 32) pour 1,8 million d’euros. A Sathonay, au nord de Lyon, gare d’embranchement de la LGV vers Paris située sur la ligne Lyon-Bourg,  un renouvellement voie-ballast est prévu de début septembre à mi-décembre (semaines 36 à 50), avec travaux de nuit, pour 2 millions d’euros.

Loriol-Pierrelatte.- Sur la ligne de la rive gauche du Rhône, élément de l’axe « impérial » classique Paris-Marseille, un important renouvellement de voie  est prévu entre Loriol et Pierrelatte (46 km) pour 3,5 millions d’euros en deux étapes totalisant 16 semaines, à partir de début juin jusqu’à début décembre (semaines 23 à 31 et 43 à 49).  Entre les deux sessions de travaux, un renouvellement de voie sera réalisé en gare de Livron, qui en a bien besoin, courant septembre (semaines 35 à 41), pour 1 M€.

DSCN3424Livron, sur la rive droite de la Drôme à 18,5 km au sud de Valence. Cette gare était jadis un important point de correspondance entre les trains de la rive gauche du Rhône Lyon-Avignon, les trains de la vallée de la Drôme Valence-Crest-Veynes-Briançon, et les trains de la liaison Valence-Livron-La Voulte-Le Pouzin-Privas. Le service voyageurs Le Pouzin-Privas a disparu avec l'arrivée de la SNCF. La courte ligne reliant Livron à La Voulte reste exploitée pour le fret, offrant une des  six liaisons ferroviaires qui traversent le Rhône en aval de Lyon avec celles de Lyon Perrache/Lyon Guillotière, Chasse-sur-Rhône/Givors Canal, Saint-Rambert-d'Albon/Peyraud, Avignon Centre/Villeneuve-lès-Avignon et Tarascon/Beaucaire. Nous ne comptons pas les franchissements du Rhône par la LGV Valence-Marseille/Manduel. La section franchissant le Rhône entre Arles Trinquetaille et Arles, détruite à la fin de la IIe Guerre mondiale, ne fut jamais reconstruite. ©RDS

Chasse-sur-Rhône-Givors-Canal.- Sur cette section de franchissement du Rhône empruntée en particulier par l’important flux TER Lyon Part-Dieu-Saint-Etienne-Châteaucreux, et en gare de Govors-Canal, un renouvellement de voie est prévu durant 15 semaines à partir de fin juin (semaines 26 à 40) pour 4,1 millions d’euros.

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(1) Lien vers la carte résumant les travaux de l'année 2022 en Auvergne-Rhône-Alpes:

Carte des chantiers 2022 en Auvergne-Rhône-Alpes

Découvrez les principaux travaux ferroviaires qui seront réalisés en région Auvergne-Rhône-Alpes tout au long de l'année 2022.

https://www.sncf-reseau.com

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