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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
16 février 2022

Livradois-Forez : 500.000 € annoncés pour rétablir le fret sur 11 km… mais les besoins restent considérables et urgents

Le réseau à voie normale du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez, le plus long de France après celui de SNCF Réseau avec ses quelque 150 km de lignes, pourrait permettre à son exploitant fret de reprendre ses activités suspendues depuis janvier. Une subvention de l’Etat est attendue. Elle reste à ce jour à confirmer, conditionnée à l’engagement des industriels au retour de leur trafic sur le rail. Cette subvention sera destinée à la rénovation de 11 km du réseau utilisés par deux papetiers.

Suite à un audit technique, toutes les circulations, aussi bien fret (11 km Giroux-Courpière, au nord) que touristiques (19,6 km Craponne-sur-Arzon-La Chaise-Dieu, au sud-est du réseau) ont été temporairement interdites en raison de la dégradation de la superstructure. Cette décision a été prise suite à une expertise imposée par les réglementations du STRMTG (remontées mécaniques, transports guidés) pour la partie touristique du réseau, dont la vitesse est limitée à 30 km/h à ce jour, et à celles de l’EPSF (Etablissement public de sécurité ferroviaire) pour la partie fret.

Depuis janvier, 38.000 tonnes annuelles de papier sont transférées sur 2.000 parcours de camions

 Le trafic fret, qui transportait des bobines de papier sur une section de 11 km reliant Giroux à l’usine Delta de Courpière, au nord du réseau, a dû être transféré sur route depuis janvier. Au sud-est du réseau, la section entre Craponne-sur-Arzon et Sembadel, qui voit passer des trains touristiques du Chemin de fer du Haut-Forez (CFHF, association de bénévoles) reliant Estivareilles et La Chaise-Dieu, est elle aussi neutralisée jusqu’à ce que des renouvellements de traverses et corrections de la géométrie de la voie soient effectués.

Livradois Fret

Bobines de papier chargées sur wagons en cours de transport entre une papeterie et une cartonnerie sur la section Giroux-Courpières. Combrail assure la traction depuis 2016... un équivalent annuel de deux mille camions. (Doc. www.auvergnerhonealpes.fr)

 La section nord de  11 km exploitée en fret permettait l’acheminement de 38.000 tonnes de bobines de papier par an. Transférées sur route, ces masses exigent la circulation de quelque 2.000 poids-lourds chaque année.

 Tony Bernard, président de la communauté d’agglomération Thiers Dore et Montagne a déclaré en conseil communautaire, courant janvier : « Nous avons organisé début janvier un rendez-vous en préfecture avec le syndicat (ferroviaire du Livradois-Forez, NDLR). Il fallait mobiliser rapidement des crédits pour les travaux. » La subvention serait versée depuis la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

La DSIL est encore trop peu utilisée par les communes pour les infrastructures de mobilité

 La DSIL est une source de financement complémentaire pour les projets portés par les communes et intercommunalités. Les infrastructures de mobilité font partie des projets éligibles mais « elles bénéficient encore assez peu de la DSIL », relève la Fédération nationale des Travaux publics. Pourtant, l’actuel gouvernement a inscrit les « transports du quotidien » comme priorité de sa Loi d’orientation des mobilités (LOM).

 C’est à ce titre qu’une enveloppe de 500.000 € devrait être débloquée pour réaliser ces travaux et permettre la reprise du fret. « Cette demande de subvention était conditionnée à la signature d’une convention de partenariat entre les deux intercommunalités concernées, l’État et le Syndicat », a précisé le président de Thiers Dore et Montagne. Les premiers travaux d’urgence pourraient être réalisés courant 2022 pour une reprise du fret espérée « en 2023 », a relevé l’élu. Une seconde phase de travaux, estimée à un million d’euros, permettrait par la suite de pérenniser les trafics.

DSCN3268Vue depuis la gare d'Ambert en direction d'Arlanc, la Chaise-Dieu et Darsac. La voie longe un établissement industriel. Outre le train touristique de l'Agrivap qui va continuer à l'emprunter cette année, cette section recèle un potentiel fret attesté par le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez. Pour le capter, il faudrait rénover la voie et, a minima, la signalisation... ©RDS 

 Pour la première phase, « l’appel d’offre est  prêt à être déposé », ce qui pourrait se faire « courant avril », nous précise Guillaume Sournac, chargé de projet au Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez. S’ensuivra « un mois de consultation des entreprises ».

La demande subvention devra s’appuyer sur l’engagement des industriels de revenir au rail

En ce milieu de mois de février la subvention attend, avant d’être confirmée, le dépôt d’un dossier par le Syndicat avant le 1er mars. Quelques semaines d’instruction seront nécessaires ensuite. Pour l’instant, un accord verbal a été conclu avec le préfet du Puy-de-Dôme.

 La subvention tirée de l’enveloppe de la DSIL reste  toutefois conditionnée à un engagement des industriels papetiers au retour de leur trafic sur le rail. A ce sujet, précise Guillaume Sournac, « des échanges productifs entre industriels et Syndicat ont eu lieu en janvier ».

La subvention permettra de financer des renouvellements de traverses, des régalages de ballast, des curages de caniveaux et des relevages de dévers dans les courbes. Ils ne concerneront pas les ouvrages d’art « qui sont en relativement bon état », précise Guillaume Sournac. Entre Giroux et Courpière, on dénombre trois ponts sur la Dore (longueurs de 84 m, 74 m et 82 m), un viaduc à Biret de 91 m, et quatre tunnels (longueurs de 313 m, 184 m, 127 m et 254 m).

 Pour une deuxième phase de rénovation de ces 11 km fret, le million d’euros envisagé n’est pour l’instant ni financé, ni ventilé.

Il faudrait entre 0,9 et 1 million d’euros pour restaurer la section Craponne-La Chaise-Dieu

 Concernant l’autre section neutralisée, entre Craponne-sur-Arzon, Sembadel et La Chaise-Dieu, sa rénovation pour obtenir l’autorisation de remise en service est évaluée entre 0,9 et 1 million d’euros. Située en assez haute altitude, entre 937 m à Craponne-sur-Arzon, 1.089 m à Sembadel et 1.082 m à La Chaise-Dieu, elle traverse de somptueux paysages forestiers mais subit d’importantes contraintes climatiques.

 La somme évaluée pour sa rénovation permettrait des renouvellements de traverses, divers régalages et, en particulier, le traitement d’une section en alignement d’une longueur de 600 m environ qui présente un important défaut d’écartement et de parallélisme des rails. Cette zone imposait depuis quelques temps une limitation de vitesse des convois à 20 km/h, péjorant l’attractivité des circulations touristiques du CFHF.

 Resteront encore en service durant cette année 2022 les trains touristiques du CFHF entre Estivareilles et Craponne-sur-Arzon, soit 22 km (1), et ceux de l’Agrivap « Les trains de la découverte » entre Ambert et La Chaise-Dieu par Arlanc soit 42 km (2). Les périodes de fonctionnement pour l’année 2022 ne sont pas encore disponibles à ce jour. L’Agrivap propose aussi un service de vélorail au nord d’Ambert sur des parcours de longueurs allers-retours de 8, 14 ou 18 km. Le service de vélorail est disponible d’avril à octobre les samedis, dimanches, jours fériés et vacances scolaires, et tous les jours en juillet et août.

CFHFRencontre à la Chaise-Dieu - désormais impossible jusqu'à rénovation de la voie côté Estivareilles - d'un autorail du CFHF en provenance d'Estivareilles par Sembadel et d'un panoramique de l'Agrivap en provenance d'Ambert par Arlanc. On remarque que la deuxième voie n'existe plus, empêchant le stationnement des deux appareils côte à côte ce qui permettrait aux clients d'éviter un long cheminement sur le ballast. (Doc. CFHF) 

Redéfinir le Syndicat pour augmenter ses capacités propres d’investissement

 Il apparaît que la subvention de 500.000 € destinée à permettre le rétablissement du service fret sur 11 km ne permettra pas d’assurer la pérennité du réseau du Livradois-Forez. Il faudra un million supplémentaire pour la section fret et environ autant pour la section touristique Estivareilles-La Chaise-Dieu. Au-delà de cinq ans, la section en activité Sembadel-La Chaise-Dieu devra aussi probablement être l'objet de travaux de maintenance.

 L’avenir de ces lignes, leur exploitation touristique et l’extension des services fret au nord de Giroux jusqu’à Arlanc, section sur laquelle sont présents des clients potentiels (bois, foresterie, déchets…) passe par une redéfinition du Syndicat ferroviaire propriétaire de l’infrastructure pour en augmenter les capacités propres d’investissement.

 Actuellement cet organisme public réunit communes et intercommunalités traversées par son réseau (Courpière, Ambert, Arlanc, La Chaise-Dieu, Sembadel, Darsac Vernassac…),  Saint-Etienne Métropole et la communauté d’agglomération de Loire Forez à l’est, les intercommunalités de Thiers-Dore-et-Montagne et Entre-Dore-et-Allier au nord, la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay au sud.

Parmi ses partenaires, le Syndicat compte bien sûr le Parc Naturel régional de Livradois-Forez, dont le périmètre inclut les trois-quart du réseau ferré, et la coopérative d’intérêt collectif Railcoop.

Des ressources propres insuffisantes, recherche de nouveaux adhérents

 Mais les ressources propres du Syndicat ferroviaire (cotisation des collectivités adhérentes et contributions des exploitants fret et touristiques) sont notoirement insuffisantes. Ses dirigeants cherchent donc de nouveaux partenaires de plus grande envergure financière que ses adhérents actuels (3) : les départements concernés, soit la Loire, Le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire ; et bien sûr la région Auvergne-Rhône-Alpes, seule à détenir la compétence du transport ferroviaire régional. Des partenaires privés sont aussi évoqués par ses responsables.

DSCN3300Aperçu, à partir d'un vélorail roulant au nord d'Ambert, de l'état de la voie sur une section qui n'est plus parcourue par des trains touristiques ni de fret. Une rénovation permettant d'y rétablir des trains exigerait l'engagement durable de collectivités aux puissantes capacités d'investissement. ©RDS 

 En 2020, Le Syndicat ferroviaire affichait quelque 275.000 € de dépenses d’investissement et environ 25.000 € de remboursement de sa dette, le total le plus important en six années. Son site précise que, ponctuellement, les programmes LEADER (Europe) et TEPCV (Etat) ont permis d’investir jusqu’en 2019. La région Auvergne-Rhône-Alpes a fourni des subventions jusqu’en 2021.

 D’après les données disponibles sur le site du Syndicat, de 2015 à 2019, l’Etat a subventionné les travaux et études pour le réseau à hauteur de 454.500 € et l’UE à hauteur de 279.300 €. De 2015 à 2021, la région Auvergne Rhône-Alpes a investi au titre du contrat parc-région quelque 1,80 million d’euros pour le maintien et le développement du réseau ferré. La même région avait investi de 2015 à 2019, mais au titre du contrat Auvergne+, quelque 584.262 € pour d’autres travaux ferroviaires.  Réparties sur sept années, ces subventions et les faibles ressources propres du Syndicat ferroviaire restent insuffisantes pour permettre une véritable modernisation et un saut qualitatif notable au bénéfice de 150 km de lignes.

Un réseau progressivement désactivé et démantelé par la SNCF de 1969 à 2010

Le réseau du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez est issu des axes PLM puis SNCF Saint-Germain-des-Fossés-Vichy-Darsac (Le Puy), prolongation de la ligne du Bourbonnais (Paris) Moret-Saint-Etienne-Lyon, et de la ligne Bonson-Sembadel. Les sections Vichy-Courty au nord, Arlanc-Darsac au sud furent fermées au service voyageurs en novembre 1971. La section Pont-de-Dore-Arlanc fut fermée au service voyageurs en septembre 1980. La ligne Bonson-Sembadel fut fermée au service voyageurs dès juillet 1969.

 Le service marchandises disparut progressivement de 1974 (Puy-Guillaume-Courty, Arlanc-Saint-Sauveur-le-Sagne) à 1992 (Sembadel-Darsac). De Bonson à Sembadel, il disparut progressivement de 1974 (Saint-Bonnet-le-Château-Estivareilles, en raison d’un désordre non réparé dans un tunnel, section non reprise par le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez) à 2010 (courte antenne de 4,2 km de Bonson à Saint-Marcellin).

TDS71835Réseaux ferroviaires de la région d'Auvergne dans leur extension maximale (1930). On distingue nettement le rôle structurant de la ligne Vichy-Ambert-Darsac-Le Puy et de son antenne Bonson-Sembadel, qui la reliait directement à Saint-Etienne.  

 Les déclassements du réseau ferré national furent prononcés progressivement de 1992 (Puy-Guillaume-Courty) à 2009 (Lac de Malaguet-Darsac) sur l’axe nord-sud, et en 1996 de Saint-Marcellin à Sembadel sur l’axe sud-est. Le bras armé de l’Etat français ayant renoncé à tout projet sur ces lignes irriguant des territoires difficiles d’accès, aux réelles potentialités fret et aux ressources voyageurs attestées (touristiques, pendulaires…), c’est le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez qui en a courageusement repris la titulature au nom des collectivités traversées.

 Mais des communes et intercommunalités n'ont pas les moyens de financer la rénovation d'un réseau ferroviaire de 150km, pas plus qu'un réseau routier à vocation régionale d'une telle ampleur. Dans le domaine des routes, ce sont les départements, les métropoles voire l'Etat qui ont la charge de liaisons de cette distance, avec des investissements ponctuels mais souvent importants des régions. En cette époque de report modal, il revient aux responsables politiques de trancher.

- - - - -

(1) Lien vers le site du CFHF:

Chemin de Fer du Haut-Forez

Dans les Monts du Haut-Forez, partez en train à la recherche du Père-Noël. Le Samedi 18 Décembre et le Dimanche 19 Décembre 2021 Les yeux perçants des enfants seront mobilisés afin de retrouver le Père Noël égaré sur les plateaux du Haut-Forez.

http://www.cheminferhautforez.com

(2) Lien vers le site de l'Agrivap:

Bienvenue sur AGRIVAP : Train Touristique et Vélorail

Les Trains de la Découverte et le Vélorail d'Ambert vous font découvrir les richesses du Parc Naturel régional Livradois-Forez.

https://agrivap.fr

(3) Lien vers le précédent article de Raildusud qui évoquait ce sujet :

Livradois-Forez : suspension de trafic fret et d'une section touristique dans l'attente d'aides pour des travaux d'urgence - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez annoncé qu'à compter du 1 er janvier 2022 il sera contraint de suspendre temporairement son trafic fret et une petite partie de son trafic touristique. Le fret sera transféré sur route entre deux usines de fabrication de papier sur la section nord de 11 km reliant Giroux à Courpière en raison de la dégradation de la superstructure.

http://raildusud.canalblog.com



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Commentaires
D
Bonjour après le coup de massue de l'arrêt des circulations, une première bonne nouvelle. Comme vous le faites très justement remarquer ce n'est pas avec le changement de quelques traverses, un bourrage de ballast et quelques resserrages de boulons et tirefonds qu'on va remettre la voie à neuf, mais le train va pouvoir circuler de nouveau c'est un bon début.Mais à un moment il faut renouveler, car les rails ne sont pas éternels.<br /> <br /> Le budget pour une rénovation pour une ligne fret est plutôt de l'ordre de 500k€ /km et en TER 1M€/km (hors signalisation et modernisation des gares). Si on ne considère que le brouettage 1 fois par jour entre les 2 usines sur 11km,que le train roule à 60km/h (trajet en 11min) ou à 20km/h (trajet en 33min), ce qui va dimensionner la durée de travail du train et des personnels, ce sont la préparation du train et les manœuvres aux deux terminus, donc une voie circulable à faible vitesse peut suffire. En revanche, si l'objectif est de développer le fret jusqu'à Ambert (50km) voire Arlanc, il faut pouvoir atteindre une vitesse qui permette la rotation d'une rame dans un temps raisonnable.<br /> <br /> Idéalement il faudrait proposer une rénovation permettant une réouverture voyageur jusqu'à Ambert qui serait probablement intéressante (lors de la fermeture en 1980, la SNCF ne proposait plus qu'un train par jour donc la chalandise était forcément très faible).<br /> <br /> Si cela venait à se faire, le vélo rail pourrait migrer côté Sud entre Sembadel et Darsac (possibilité d'aller voir le lac de Malaguet ou le château d'Allègre en correspondance depuis le train touristique ou le TER) en attendant une rénovation qui permettre de créer les trains touristiques le Puy La Chaise Dieu.<br /> <br /> Le problème rencontré par le syndicat du Livradois Forez n'est pas isolé. Tous les trains touristiques y sont confrontés à moyen terme. Il manque vraiment une source de financement pour la pérennisation de l'infrastructure. Si on prend l'exemple de Pont de Dore Ambert, l'option fret c'est 25M€, l'option TER c'est 50M€ (hors rénovation des gares). on est loin des 500k€ débloqués ici.<br /> <br /> C'est d'autant plus vrai depuis la quasi disparition du fret local, car cumuler un renouvellement de la voie pour à la fois le fret en semaine et les trains touristiques le week end améliore la rentabilité socio économique de l'investissement.
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C
Très bon article, concis et bien documenté. Comme d'habitude.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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