L’ancienne région Auvergne fait partie, comme tant d’autres en France, des grandes victimes du démantèlement de son réseau ferroviaire. Composée de  quatre départements (Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Allier), elle a été fusionnée sans consultation de sa population avec la région Rhône-Alpes en 2015, formant une immense région de douze département et huit millions d’habitants s’étendant, sans logique territoriale, de  Laroquebrou (Cantal) sur la Cère à la limite du Lot, à Vallorcine (Haute-Savoie) à la frontière suisse, ou de Montluçon (Allier) à Buis-les-Baronnies (Drôme).

 Le nombre de ses lignes neutralisées ou supprimées est considérable, laissant parfois place à la création de « voies vertes » qui relèvent de l’affichage pseudo-écologique et d’une recherche éperdue et probablement vaine de relance de régions abandonnées par un tourisme hypothétique. Les lignes encore en exploitation sont principalement exploitées par des TER radiaux vers ou par Clermont-Ferrand, l’ancienne capitale régionale. Ce premier article va cerner les caractères du réseau ferroviaire voyageurs encore en exploitation.

Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, une ligne coupée en son milieu six mois après la fusion des deux régions

 Etrangement, mais dans la classique et absurde politique de « déséquipement » ferroviaire des « territoires » qu’elle a décidé de passer par profits et pertes, l’administration républicaine a simultanément coupé des lignes reliant les deux anciennes régions. L’exemple le plus caricatural aura été l’interruption de la ligne ferroviaire directe reliant Saint-Etienne (Rhône-Alpes) à Clermont-Ferrand (Auvergne) en juin 2016, six mois seulement après la création d’Auvergne-Rhône-Alpes.

 

DSCN2616Gare de Boën (Loire). Isolée de Thiers (Puy-de-Dôme) et de Clermont-Ferrand, ce terminus depuis Saint-Etienne illustre l'absurdité d'un démaillage ferroviaire entre les deux métropoles quelques mois après leur intégration dans une seule et même région. ©RDS  

 La partie centrale de cet axe, entre Boën (Loire) et Thiers (Puy-de-Dôme) reste à ce jour neutralisée sur 48 km. Les services ferroviaires s’effectuent en navette de part et d’autre, la desserte fine du parcours de la section neutralisé étant confiée à la route, de même que les trois allers-retours directs Saint-Etienne-Clermont-Ferrand effectués dans un temps comparable à celui des trains semi-directs de la fin du siècle dernier. Pour couronner le tout, une partie des navettes Thiers-Clermont-Ferrand et Boën-Montbrison-Saint-Etienne sont elles aussi proposées en autocars, avec des temps de parcours nettement supérieurs à ceux des trains. Une double étude est financée pour envisager une réouverture, sont Raildusud s’est plusieurs fois fais l’écho.

Sur Montluçon-Lyon comme sur Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, l’absence de relation ferroviaire contredit l’intégration des deux régions

 Toujours au chapitre de la liquidation des relations entre les deux anciennes régions qui logiquement devraient être développées pour assurer la cohérence de ce nouvel ensemble singulièrement hétérogène, plus aucune relation ferroviaire directe ou offrant une correspondance décente ne relie Montluçon à Lyon. Il faut soit jongler avec des autocars et des trains avec correspondance à Vichy, soit « descendre » à Riom pour effectuer une correspondance train-train.

 Les liaisons Montluçon-Lyon sont proposées par le service TER en plus de quatre heures avec une correspondance alors qu’elles étaient assurées par turbotrain en 3 h 23 mn voici trente ans (service 1992-1993) avec usage de la section Gannat-Saint-Germain-des-Fossés, aujourd’hui privée de service voyageurs.

Fiche horaire de la relation Montluçon-Lyon. Les deux villes appartiennent à la même région. L'attractivité commerciale d'une telle offre paraît assez problématique... (Doc. TER AuRA)

 Il existe même une relation proposée en trois segments par car, TER et Intercités, ce dernier à tarif particulier avec changements à Vichy et Saint-Germain-des-Fossés en 4 h 27 mn, combinaison qu’on pourrait qualifier de comique ou de consternante, d’autant qu’il s’agit de la dernière de la journée les jours de semaine avec départ à… 17 h 07.

Cette situation est la conséquence de la suppression dès 2012 des trains à longue distance reliant Lyon à Bordeaux par Saint-Germain-des-Fossés, Gannat, Montluçon, et Limoges. Les relations, désormais intra-régionales, entre Bourbonnais (département de l’Allier) et Rhône-Alpes que ce service aurait pu assurer ne sont donc plus offertes. C’est la société coopérative d’intérêt collectif Railcoop qui prévoit de les rétablir, non sans mal, au prochain service annuel avec le soutien des plusieurs collectivités desservies côté auvergnat et bourbonnais.

DSCN1873Gare de Gannat. Sur la ligne TER Clermont-Ferrand-Montluçon, elle est aussi terminus partiel de quelques missions de et vers le sud. Mais plus aucun lien ferroviaire avec Lyon malgré l'existence d'une section à double voie la reliant à Saint-Germain-des-Fossés. Ni bien sûr vers les au-delà de Montluçon, Guéret, Limoges ou Bordeaux. La commune de Gannat soutient l'initiative de Railcoop qui entend rétablir des relations sur l'axe Lyon-Bordeaux. ©RDS  

 Au chapitre des relations ferroviaires entre les deux régions fusionnées, on se consolera avec l’amélioration de la voie, de la fréquence et du matériel entre Le Puy (Haute-Loire) et Saint-Etienne, ligne exploitée par dix relations quotidiennes en correspondance serrée vers Lyon… mais sans aucune relation directe avec la capitale des trois Gaules.

Moulins-Lyon offre deux itinéraires à faible fréquence ; Clermont-Ferrand-Lyon est mieux lotie

 La liaison TER entre Moulins et Lyon par la vallée de l’Azergues et sa ligne récemment restaurée est proposée seulement trois fois par jour, en 2 h 43 mn au mieux pour 195 km. Cette trame squelettique est complétée par deux liaisons Intercités directes (sans réservation obligatoire) via Saint-Germain-des-Fossés, en 2 h 19 mn et 2 h 15 mn pour 205 km. Des combinaisons avec correspondances à Vichy sont aussi possibles, offrant des temps de parcours supérieurs à trois heures (jusqu’à 3 h 27 mn).

 La magnifique ligne de la vallée de l’Azergues permet seule de desservir les villes de Dompierre-Sept-Fons, Gilly-sur-Loire, Digoin et Paray-le-Monial et huit autres localités entre Paray-le-Monial et Lyon, offrant une multitude de combinaisons de parcours intra-régionaux.

 La relation Clermont-Ferrand-Lyon par Roanne (229 km) aura été la seule reliant les deux anciennes régions avoir été « choyée » par la nouvelle autorité régionale. Elle affiche 8 allers-retours quotidiens en semaine dont un sans arrêt intermédiaire, avec un effet commercial de cadencement – même si le service est largement en-dessous de la fréquence horaire – grâce à des heures de départ aux mêmes minutes à deux exceptions près. Il convient d'y ajouter deux relations avec changement à Saint-Germain-des-Fossés. A comparer avec la desserte Lyon-Grenoble...

 In fine, les liens ferroviaires entre les deux régions fusionnées ont été maintenus au bénéfice de la liaison Clermont-Ferrand-Lyon par Roanne, et de villes  moyennes, telles Moulins par l’Azergues ou Le Puy vers l’ex-Rhône-Alpes. En revanche, elles ont été supprimées entre deux métropoles, Clermont-Ferrand et Saint-Etienne, et entre Montluçon, ancienne grande ville industrielle en  souffrance et la capitale régionale, Lyon. La logique d’aménagement ne saute pas aux yeux.

Vichy-Brioude est l’axe intra-régional à courte distance dominant

 En matière de liaisons internes à l’ancienne région Auvergne, voire intra-départementales, la dominante est constituée par les services construits autour de l’étoile de Clermont-Ferrand. Nous recensons les services offerts en jours ouvrables de base, généralement très réduits ou modifiés en fin de semaine.

 L’axe principal est constitué des services nord-sud tracés au nord sur la ligne vers Paris jusqu’à Moulins voire Nevers, et au sud sur la ligne vers Nîmes jusqu’à Vic-le-Comte, Issoire, Brioude et quelques au-delà (Langeac, Le Puy, Aurillac). On dénombre environ 35 allers-retours Vic-le-Comte-Clermont-Ferrand, certains prolongés jusqu’à Riom sous forme de diamétrales, les passe-Clermont. Certaines missions depuis le sud (Nîmes, Aurillac), circulant sans arrêt à Vic-le-Comte, la section à double voie de la moyenne vallée de l’Allier et de l’accès à Clermont-Ferrand est donc remarquablement fournie depuis Vic-le-Comte (19 km), Issoire (36 km) et même dans une moindre mesure Brioude (71 km).

IMG_20210706_104434915_HDRGare de Brioude, terminus de nombreux TER de et vers Clermont-Ferrand. Au-delà vers le sud, l'offre, déjà amenuisée depuis Vic-le-Comte et Issoire, est constituée des seuls TER vers Aurillac, Nîmes et Le Puy. ©RDS  

 Sur cet axe, côté nord vers Moulins,  on compte une petite trentaine de circulations depuis Clermont-Ferrand pour rallier Vichy (55 km), parmi lesquelles sept Intercités de la radiale Clermont-Ferrand-Paris à réservation obligatoire, auxquelles il convient d’ajouter une quinzaine de TER poursuivant au-delà de Riom (14 km) vers Gannat et/ou Montluçon. Une quinzaine de circulations TER poursuivent jusqu’à Moulins (106 km de Clermont-Ferrand), deux d’entre elles prolongées jusqu’à Nevers. Cette trame est complétée par les Intercités susmentionnés et par trois TER et un autocar Moulins-Nevers. 

L’étoile clermontoise à courte distance pâlit hors de l’axe nord-sud

 Les autres dessertes de l’étoile clermontoise à courte distance contrastent avec l’abondance sur l’axe nord-sud. Du côté du Puy-de-Dôme (le massif), le reliquat de l’axe Clermont-Ferrand-Brive-Bordeaux, qui vit passer un train à longue distance, n’est plus exploité en service voyageurs que jusqu’à Volvic, soit 21 km avec trois gares intermédiaires de grande banlieue. On n’y dénombre, malgré la double voie, que 6 allers-retours TER quotidiens en semaine, complétés par un autocar de fin d’après-midi. Cette fréquence squelettique donne ou relève correspondance à Volvic vers Les Ancizes, sur l’ancienne ligne Lapeyrouse-Volvic qui fut l’itinéraire ferroviaire au kilométrage le plus court entre Montluçon et Clermont-Ferrand.

 Pour rejoindre Thiers (46 km) et les cinq gares intermédiaires, la clientèle dispose depuis Clermont-Ferrand de neuf circulations TER en 45 minutes mixées avec des autocars qui effectuent le parcours en 1 h 15 mn. Cette forte différence de temps de parcours pénalise évidemment la clientèle pendulaire, tant par l’allongement occasionné que par l’impossibilité de tout effet de cadencement, en particulier aux gares intermédiaires. Au-delà de Thiers vers Boën, nous l’avons évoqué, la ligne est neutralisée et l’offre routière, particulièrement confuse, est dispersée entre cars ex-départementaux jusqu’à Chabreloche (limite départementale) , cars régionaux de desserte intermédiaire et cars directs.

Les services TER s’affaiblissent nettement quand la distance intra-régional augmente : Le Puy, Aurillac, Montluçon…

 Concernant enfin les relations à moyenne distance de l’étoile de Clermont-Ferrand internes à l’ex-Auvergne, outre Moulins et Brioude déjà étudiées on recense les liaisons TER vers Gannat et Montluçon, Arvant et Aurillac/Saint-Flour, Saint-Georges d’Aurac et Le Puy.

Vers Montluçon (110 km), on ne compte que 7 allers-retours en semaine complétés par 4 autres limmitées à Gannat (certaine diamétrales origine Brioude). Le tout est complété par des missions autocars certains jours sur l’axe et pour desserte de Saint-Eloy-les-Mines avec correspondance à Lapeyrouse. On relèvera un complément assez conséquent de services trains entre Commentry et Montluçon (14 km) à hauteur de 13 AR quotidiens en semaine, ce qui donne une desserte entre les deux villes digne de leur glorieux passé industriel.

 Vers Aurillac (168 km), la trame est assez légère avec 6 AR. Elle est complétée ou allégée selon les tranches horaires en début ou fin de semaine. Il faut y adjoindre une relation avec correspondance autocar à Arvant et une autre avec correspondance train-train à Neussargues. Cette dernière, assez comique, est induite par le statut d’Intercités du train Clermont-Ferrand-Neussargues, supposé être prolongé jusqu’à Béziers au départ de cette dernière gare. Or vers Béziers via Saint-Flour, le montage impose aussi, depuis une décennie, une correspondance Intercités-Intercités en raison de l’électrification au sud de Neussargues. L’usage d’une rame bimode reste apparemment du domaine de l’impossible pour les gestionnaires de l’activité Intercités. Le train Béziers-Clermont-Ferrand est néanmoins affiché en gare sans mention de la correspondance à Neussargues.

IMG_20210708_121622076_HDRGare de Murat. En ce haut-lieu touristique, doté d'un certain capital industriel, à deux enjambées du Lioran, la desserte est limitée aux TER Clermont-Ferrand-Aurillac (l'un d'eux avec changement à Neussargues en raison de la différence de statut TER/Intercités). ©RDS

 Vers Le Puy (147 km), on ne compte que 3 allers-retours TER depuis Clermont-Ferrand, complétés par une brassée d’autocars aux services plus ou moins partiels. On notera que le temps parcours sans correspondance affiche 2 h 43 mn par autocar contre 2 h 13 mn par train. Les temps de parcours autocar-train avec correspondance s’établissent entre 2 h 25 mn et 2 h 32 mn.

Les relations avec les régions voisines sont catastrophiques, hormis l’axe vers Paris et par correspondance à Lyon

 Nous terminerons ce chapitre avec les relations inter-régionales qui subsistent. A l’exception des Intercités vers Paris et des correspondances à Lyon, leur rareté illustre de manière dramatique l’isolement de l’Auvergne par rapport à ses régions voisines.

 Vers la Nouvelle-Aquitaine, il ne reste quasiment rien. L’axe Lyon-Bordeaux par Montluçon n’est parcouru au-delà de cette ville vers la Creuse que par 2 AR de Montluçon vers Guéret (78 km) et Limoges (156 km), complétés par un autocar matinal Montluçon-Guéret. Plus au sud, au-delà d’Aurillac vers Brive (102 km), le service se réduit à 4 AR en 1 h 49 mn, complétés par des combinaisons acrobatiques par Figeac (5 AR car+train TER), avec temps de parcours presque doublé. Cette situation va perdurer jusqu'à fin 2023 et la réouverture de la gare de Figeac, ce qui devrait permettre de retrouver les 4 AR Aurillac-Toulouse, vers l'Occitanie.

 Vers l’Occitanie précisément, la ligne des Causses (Neussargues-Béziers, 277 km) n’est desservie de bout en bout que par 1 AR quotidien (l’Intercités Aubrac avec correspondance susmentionnée) une fréquence digne des transcontinentaux nord-américaines mais qui, à la différence, abattent 3.000 ou 4.000 km. La ligne des Cévennes (Clermont-Ferrand-Nîmes, 303 km) n’est parcourue de bout en bout que par trois fréquences quotidiennes (deux le dimanche).

IMG_20210708_173136303_HDRStationnement d'un TER Aurillac-Clermont-Ferrand en gare de Neussargues. La liaison en correspondance vers l'Occitanie et Béziers ne circule qu'une fois par jour sous le régime Intercités. Une "fréquence" digne d'un pays du tiers-monde sur une ligne de même type malgré son électrification, qui est régulièrement neutralisée pour des travaux aussi fréquents que limités. ©RDS   

 Vers le Centre-Val-de-Loire, la trame de la ligne Montluçon-Bourges/Vierzon n’affiche que 5 AR en semaine, plus aucun train n’effectuant de liaison au-delà vers Paris. Cette trame phtisique est complétée par 2 AR par autocars et des circulations routières partielles.

 Vers la Bourgogne-Franche-Comté enfin, la seule liaison ferroviaire depuis l’ancienne région Auvergne, hors l’axe Clermont-Ferrand-Paris (Nevers et au-delà), s’établit au départ de Moulins vers Paray-le-Monial, déjà citée, avec un seul aller-retour quotidien prolongé jusqu’à Montchanin et Dijon.

Extrême centralisation sur Clermont-Ferrand, faible intégration d’Auvergne et Rhône-Alpes, maillage défaillant

 Ce tableau des relations existantes met en relief plusieurs réalités. D’abord, l’organisation massive du service TER autour de Clermont-Ferrand, reproduisant ainsi à l’échelle subrégionale le schéma centralisé qui nuit tant aux territoires français. Plus encore, les fréquences sur cette étoile sont largement dédiées à la grande périphérie clermontoise.

 La deuxième caractéristique est la faiblesse des relations entre les deux régions fusionnées, à l’exception relative de la liaison Clermont-Ferrand-Lyon et de la ligne Le Puy-Saint-Etienne, la Haute-Loire étant conçue dans ce schéma comme une extension du pôle rhônalpin alors que la liaison Le Puy-Clermont-Ferrand est très mal lotie. L’absence de lien ferroviaire entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne est le signe le plus criant de ce manque d’intégration par le rail.

 La troisième caractéristique est la faiblesse des liaisons à moyenne et longue distance avec Montluçon, Aurillac, Neussargues et Béziers, Nîmes, Guéret, Limoges et Bordeaux, Vierzon, Dijon… tant au départ de Clermont-Ferrand qu’en raison d’une conception très faiblement maillée des services au départ d’autres pôles (Montluçon, Moulins). L’absence de lien ferroviaire continu entre Montluçon et Lyon est à ce titre caricatural.

 Ce bilan, qui signe la grande pauvreté du réseau ferroviaire voyageurs auvergnat, est considérablement aggravé par les suppressions de lignes, qui vont bien au-delà de la section Thiers-Boën. Ce sera l’objet du prochain article de Raildusud.

(A suivre)