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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
11 décembre 2021

Livradois-Forez : suspension de trafic fret et d’une section touristique dans l’attente d'aides pour des travaux d'urgence

 Le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez annoncé qu’à compter du 1er janvier 2022 il sera contraint de suspendre temporairement son trafic fret et une petite partie de son trafic touristique. Le fret sera transféré sur route entre deux usines de fabrication de papier sur la section nord de 11 km reliant Giroux à Courpière en raison de la dégradation de la superstructure. Ce trafic de marchandises, assuré par Combrail avec lequel la convention n’a pu être renouvelée, représente 38.000 tonnes par an. Il sera remplacé par une noria quotidienne de cinq poids-lourds jusqu’à ce que les premiers travaux d’urgence soient réalisés sur la voie dans un délai de trois à six mois sous réserve de financement.

 Par ailleurs, sur l’antenne d’Estivareilles de son réseau long de 150 km, le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez doit de la même façon suspendre l’autorisation de circulation accordée aux trains touristiques du Chemin de fer du Haut-Forez (association CFHF) reliant Estivareilles à La Chaise-Dieu. Sont concernés 14,21 km entre Craponne-sur-Alzon et Sembadel et 5,4 km entre La Chaise-Dieu et Sembadel. Sembadel est la gare de jonction des trois branches du réseau : vers Ambert et Pont-de-Dore au nord (94,17 km), vers Estivareilles à l’est (35,05 km), vers Darsac au sud (19,93 km, non exploités).

Trois expertises sur la section fret de 11 km au nord, deux sur une section touristique au sud

 Le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez, dont le réseau totalise exactement 149,16 km s’est vu contraindre de prendre ces pénibles décisions après une expertise imposée par les réglementations du STRMTG (remontées mécaniques, transports guidés) pour la partie touristique du réseau, dont la vitesse est limitée à 30 km/h à ce jour, et celles de l’EPSF (Etablissement public de sécurité ferroviaire) pour la partie fret.

LivradoisRame Combrail en cours de chargement. Reliant les usines de Giroux et Courpière, le service est monté à une aller-retour par jour ouvrable, soit une augmentation régulière. Sur fond d'annonces gouvernementales de développement du fret ferroviaire, ce service va être temporairement suspendu en attente de travaux de régénération d'urgence dont le financement reste à réunir. (Doc. SFLF)

 Sur les 11 km exploités pour le fret au nord, trois expertises ont été menées. En 2020, une tournée  à pied organisée par le Syndicat a prescrit  le remplacement de 1.250 traverses et le régalage de 1.000 tonnes de ballast. En mars 2021,  l’expertise effectuée par un bureau d’étude a confirmé cette expertise interne. En juillet 2021,  des mesures géométriques hors charge effectuées par un prestataire avec charriot de mesures ont diagnostiqué  des déformations de la géométrie de la voie hors marge de tolérance en trois points kilométriques  dans l’étroite vallée de la Dore au sud de Courpière.

 « L’audit réglementaire a fait état de manquements graves en matière de sécurité ferroviaire », évoquant principalement  des problèmes de drainage, de ballast et de traverses, indique le Syndicat ferroviaire. Pour autant, la déformation de la voie n’entraîne pas d’engagement de gabarit dans les trois tunnels de la section concernée.

Sur les sections exploitées par trains touristiques  entre Estivareilles et La Chaise-Dieu,  deux diagnostics successifs  « ont fait état de manquements graves au regard du référentiel technique du STRMTG », poursuit le Syndicat ferroviaire. En 2021, une tournée en draisine  réalisée par l’exploitant CFHF a permis d’identifier les travaux à réaliser en urgence. Les conclusions de cette tournée ont été confirmées par une autre tournée effectuée en train par le Syndicat ferroviaire.

Un programme de maintenance d’urgence de 400.000 € au nord, de 220.000 € au sud

 Au total a expliqué lors d’une conférence de presse tenue ce 10 décembre Guillaume Sournac, coordonnateur de projets du Syndicat mixte ferroviaire du Livradois-Forez, un programme de maintenance d’urgence est indispensable pour rétablir la totalité du trafic. Sur les 11 km exploités en fret entre Giroux et Courpière,  explique-t-il, « l’urgence impose de renouveler 1.500 traverses, d’apporter 1.500t  tonnes de ballast et de drainer 1,5 km linéaires dans la zone des gorges de la Dore ». « Cette première salve de travaux d’extrême urgence est estimée à 400.000 euros », poursuit-il, évoquant une décision de suspension des circulations prise « la mort dans l’âme ». 

 Toujours sur cette section, « une pérennisation à cinq ans exigera le remplacement de 3.500 autres traverses, l’apport de 4.000 tonnes de ballast avec traitement  visant à atténuer les dévers, ainsi que le drainage de 4 km linéaires », soit un budget de 1 M€, précisent les responsables du Syndicat ferroviaire.

LivradoisAperçu de l'état de la voie sur une section du réseau du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez. Rappelons que le tronçon Pont-de-Dore-Darsac est une section de la ligne Saint-Germain-des-Fossés-Darsac (n° 785.000 au catalogue du RFN), lui-même élément de la radiale la plus directe reliant Paris au Puy. Outil de désenclavement, d'équité territoriale, de bonne gestion énergétique, difficilement financé par quelques intercommunalités, il a échappé à l'évidence jusqu'à présent au champ de vision des supposés "aménageurs" nationaux... La région apppportera-t-elle son concours ? (DR)

 Sur la partie touristique exploitée par le CFHF, le diagnostic impose pour une reprise complète de l’exploitation le remplacement d’urgence de 880 traverses, l’apport de 500 t de ballast et le drainage de 800 m linéaires, soit un budget de 220.000€. Dans un délai de sept à dix ans, 2.500 autres traverses devraient être renouvelées, 2.000 t de ballast apportées et 3 km de linéaire drainé, soit un budget prévisionnel de 700.000 €.

 Au regard du coût des travaux routiers engagés par les diverses collectivités, le devis estimé de 620.000 € à court terme et le total de 2,72 millions d’euros à moyen terme peuvent paraître modestes. Côté ferroviaire, rappelons aussi qu’en 2021 le budget de restauration d’urgence engagé pour rétablir le trafic fret et l’unique aller-retour voyageurs sur 55,5 km au nord de Saint-Chély d’Apcher sur la ligne Béziers-Neussargues s’est élevé à 3 M€, dans le cadre d’une enveloppe cofinancée par les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et par l’Etat.

« Avec une diminution de 30 % des tronçons circulés, le développement est fortement contrarié »

 Pour opérer un saut qualitatif permettant un développement important de l'offre le Syndicat ferroviaire, a indiqué son président Jean-Benoît Girodet, sollicite 6,5 millions d’euros dans le cadre du CPER. Cela permettrait de relever les vitesses, acuellement limitées à 30km/h pour les trains touristiques, voire de relancer du fret au sud d’Ambert.

 « Avec une diminution de 30 %  des tronçons circulés, le développement du réseau est fortement contrarié », déplorent les responsables du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez, émanation de quatre établissements intercommunaux du secteur (Le Puy, Montbrison, Ambert et Thiers) et d’une commune (Peschadoire).  Jean-Benoît Girodet a estimé que pour pouvoir assumer ses obligations de gestionnaire d’infrastructure « ce syndicat fermé doit désormais s’ouvrir à d’autres partenaires, avec un statut différent ».

DSCN3252Eléments des trains touristiques de l'association Agrivap, stationnés sur les voies à quai de la gare d'Ambert, sous-préfecture du Puy-de-Dôme au coeur du bassin du Livradois-Forez. Au-delà de la vue stationnent les vélorails proposés aux amateurs en aval de la ligne. ©RDS 

 Les contraintes financières subies par le Syndicat ferroviaire sont trop importantes pour lui permettre d’assumer son rôle de propriétaire du plus long réseau indépendant à voie normale de France (hors réseaux urbains) bien avant celui du RER de la RATP (75 km). Sa longueur est équivalente à celle de la ligne à voie métrique Digne-Nice de la régie régionale des Chemins de fer de Provence (150 km), derrière celle des chemins de fer de la Corse (232 km). Tous deux sont subventionnés par leurs autorités régionales respectives.

Les cinq collectivités du Syndicat ferroviaire demandent le soutien d’autres collectivités et de la région

  « Notre modèle est endetté et pour 2022 aucune progression de nos subventions n’est projetée, une première depuis dix ans, ce qui limite les perspectives financières », a expliqué Guillaume Sournac. « Nous avons besoin de nouveaux partenaires pour cette ligne dont une nouvelle étude vient de démontrer l’importance pour l’activité industrielle et le tourisme locaux », a rappelé Arnaud Provenchère, membre du bureau du Syndicat. Les 26 élus municipaux et intercommunaux constituant le conseil d’administration du Syndicat ferroviaire se tournent vers d’autres collectivités – les trois départements desservis (Puy-de-Dôme, Haute-Loire et Loire), bien sûr vers la région Auvergne-Rhône-Alpes et vers d’autres collectivités du secteur, sans oublier l'Etat.

 La priorité pour les administrateurs du syndicat consiste, dans un premier temps, à solliciter la région Auvergne-Rhône-Alpes pour que le réseau du Livradois-Forez soit bénéficiaire de subventions du Plan de relance, du Contrat de plan Etat-Région… ou d’une autre ligne budgétaire régionale. Pour l’instant, la demande reste à l’étude dans les différentes instances sollicitées : Plan de relance ou CPER pour la section fret au nord, CPER pour la section touristique au sud.

darsacVue de ce qui reste du plan de voies de la gare de bifurcation de Darsac, à l'extrémité nord du réseau du Livradois-Forez, sur la ligne encore exploitée reliant Le Puy à Saint-Georges d'Aurac et Clermont-Ferrand. La voie de croisement a été supprimée, mais l'aiguille permettant de tracer des trains depuis Le Puy vers Sembadel, Arlanc, Ambert, Pont-de-Dore existe toujours. (DR)

 Par ailleurs, ils étudient un changement statutaire qui leur paraît s’imposer, alors que les projets ne manquent pas, bloqués par une évidente pénurie financière et la fragilité des budgets des seules collectivités locales adhérentes au Syndicat ferroviaire qui ne peuvent abonder qu’à hauteur de 200.000 € annuels à son budget.

 La marge d’autofinancement du Syndicat ferroviaire ne dépasse par 20.000 € par an… Ce « syndicat fermé » pourrait ainsi céder la place à une société publique locale (SPL), à une société d’économie mixte (SEM) voire à  une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Elle comprendrait des partenaires publics ou privés, plus nombreux et  aux meilleures capacités de soutien financier.

38.000 t par an de produits de papeterie, trafic passé de 2 trains par semaine à une navette quotidienne

 Or les potentialités du réseau du Livradois-Forez sont attestées. Il y a d’abord la réalité des prestations réalisées. D’abord, les 38.000 tonnes/an de produits de papeterie transportées entre les usines de Giroux et Courpière sont en hausse régulière depuis ses débuts en 1991, passés de deux navettes hebdomadaires à une navette quotidienne.

 Du côté des trains touristiques, celui de l’association Agrivap transporte 10.000 passagers par an entre Ambert et La Chaise-Dieu. Le train touristique du CFHF transporte 5.000 passagers par an entre Estivareilles et La Chaise-Dieu. Le vélorail exploité entre Ambert et Oliergues, avec plusieurs longueurs de parcours possibles grâce à la présence de trois plateaux de retournement, est utilisé par 6.000 clients par an.

DSCN3248Client après débarquement d'un des nombreux vélorails mis à la disposition des touristes sur la section située le long de la Dore en aval d'Ambert, côté nord. L'effort est plus important au retour (remontée) qu'à l'aller. La même offre pourrait être proposée sur une section de la ligne Sembadel-Darsac. ©RDS 

 Quant aux projets, ils concernent autant le fret que le tourisme, la ligne étant située au cœur du Parc naturel régional du Livradois-Forez. Ces perspectives ont été confirmées par une enquête réalisée par l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et la SCIC Railcoop dont est membre le Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez.

Un autre marché fret potentiel existe à court terme avec les déchets de Valtom

 Le transport de marchandises pourrait être étendu aux expéditions du syndicat public de traitement et de valorisation des déchets ménagers du Puy-de-Dôme et du nord de la Haute-Loire (Valtom) entre Courpière et Gavranche, plateforme fret située au nord de Clermont-Ferrand, avec emprunt du réseau ferré national à partir de Pont-de-Dore. L’étude a évalué le trafic à quelque 10.000 tonnes par an. Le tractionnaire devra être habilité à circuler sur le RFN, ce qui n’est pas – pour l’instant – le cas de Combrail, qui assure les rotations des trains de papeteries sur le seul réseau du Livradois-Forez.

 Côté voyageurs, le Syndicat ferroviaire travaille sur un projet de réouverture de la section Sembadel-Darsac avec desserte du Lac de Malaguet et de la petite cité historique d’Allègre, célèbre pour la ruine en forme de potence de son château médiéval. La voie Sembadel a été déposée à Darsac, gare de jonction située sur la ligne Le Puy-Saint-Georges d’Aurac (Clermont-Ferrand). Rétablie, une correspondance entre les trains TER et le futur train touristique permettrait de drainer une partie du million annuel de touristes et pèlerins  qui visitent la cité ponote. Notons qu’outre Allègre, une station aménagée à hauteur du lac Malaguet permettrait aux touristes de profiter du circuit de découverte du biotope en projet autour de ce plan d’eau.

AllègreLes ruines impressionnantes du château médiéval qui trône au sommet du village d'Allègre (Haute-Loire), constituent un joyau patrimonial que le chemin de fer pourrait valoriser. (Doc. Wikipedia/Torsade de Pointes)

 Mais dès avant une éventuelle remise en service de cette section ferroviaire, et pour en pérenniser la superstructure, le Syndicat envisage d’installer un service de vélorail entre Allègre et le lac de Malaguet, soit environ 6,2 km, section située à une altitude comprise entre 1.001 et 1.059 mètres, dans des paysages bucoliques et forestiers de toute beauté.

 Les efforts emblématiques des élus territoriaux unanimes en faveur du rail

  A l’heure des déclarations d’intention de l’Etat en faveur du rail et des dessertes fines, du rétablissement de l’équité territoriale en matière de service public et des économies d’énergie dans le transport, les efforts des élus unanimes, des professionnels et des bénévoles en faveur du mode ferroviaire dans cette partie de l’Auvergne sont emblématiques. Leur soutien par l’Etat – ils dialoguent avec le préfet – ou la région – via divers canaux dont celui du Parc naturel régional -  paraît indispensable.

DSCN3274L'ampleur du bâtiment voyageurs de la gare d'Ambert et son ancien faisceau fret situé à g. de la vue témoignent de l'importance historique de cette ville, mi-agricole mi-industrielle. Son patrimoine (halle en rotonde abritant désormais la mairie, monumentale église Saint-Jean...) et sa situation entre monts du Forez et monts du Livradois en font une destination appréciée. Le rail, tenu à bout de bras par de modestes collectivités locales, y contribue. ©RDS

 Le rail est un vecteur d’activités, d’attractivité et de valorisation des populations de ces territoires désertés par de nombreux services publics, cette « France périphérique » qui se bat pour survivre. Au-delà des projets à court et moyen terme, le maintien de l’infrastructure abandonnée par la SNCF aux collectivités locales en 1980 laisse ouverte la possibilité de nouvelles dessertes fret au sud (bois) et de transfert des circulations TER routières, singulièrement lentes et rares depuis Clermont-Ferrand ou Le Puy vers le bassin d’Ambert.

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Commentaires
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A Darsac, si la voie "Sembadel" a bien été déposée le long du BV, l'aiguille qui permets un raccordement direct est toujours là !
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D
Encore heureux ici on est sur les terres du PLM donc on n'a pas à subir le mauvais vieillissement du rail DC. Mais comme en de nombreux endroits la voie doit être centenaire, au moins pour la section avec un potentiel fret (Arlanc Pont de Dore) un renouvellement serait indiqué. A ce sujet il serait bon de se poser la question iconoclaste de savoir si un retour des trains de voyageurs réguliers n'aurait pas du sens entre Arlanc ou du moins Ambert et Pont de Dore. En effet quand la ligne a fermé en 1980, la SNCF ne proposait qu'un seul AR journalier rebroussant à Pont de Dore pour aller toucher Clermont ce qui forcément ne devait pas déplacer des foules...<br /> <br /> Une étude des besoins de déplacements dans la vallée de la Dore devrait être conduite pour savoir si une éventuelle desserte devrait être plutôt orientée vers Thiers ou vers Clermont.<br /> <br /> Mais vu la pingrerie des investissements actuels dans le ferroviaire en France en comparaison de nos voisins européens, il paraît plus urgent de réactiver Boen Thiers et de se contenter d'une réparation sommaire pour la vallée de la Dore. <br /> <br /> Il faut souligner toutefois la réussite du syndicat qui a réussi à redévelopper le ferroviaire qui semblait condamné avec très peu de moyens. Mais le problème qu'il rencontre s'est posé à bien des lignes touristiques: l'infrastructure ferroviaire ne peut être maintenue à terme sans un soutien de la puissance publique régionale et/ou nationale.
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J
La production de co2 devrait etre une source de taxe, toute societe faisant appel à des transporteurs routiers au mieu du ferroviaire devrait etre taxée, ce supplement de taxe devrait etre un apport pour la Region qui remet en etat les petites lignes
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J
N'y aurait-il pas moyen de rétablir une liaison régulière voyageurs entre Pont de Dore et Ambert, voire Arlanc. Il est vrai que les travaux seraient plus conséquents mais cette part du Livradois est quelque peu isolée
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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