Urgence d'investissements massifs dans le réseau classique : une liste de modernisations ou de réouvertures à étudier
La dépression consécutive à la crise sanitaire, les préoccupations environnementales et la nécessité de produire français : tout concourt à rendre plus opportun que jamais un vaste plan français de relance des infrastructures ferroviaires du réseau existant. On voit de nouveau pointer la volonté gouvernementale de construire des lignes à grande vitesse – GPSO, LNMP, LNPCA. Pourtant, on connaît l’état déplorable du réseau historique et les conséquences dramatiques de sa rétraction sans fin pour des régions entières. Aussi Raildusud, avec l’expertise d’un consultant spécialiste des infrastructures ferroviaires, propose-t-il dans cette étude une série d’investissements dont l’utilité économique, sociale et territoriale paraît fondée. La liste n’est pas exhaustive et reste indicative, comme il se doit.
Rappelons que de l’autre côté du Rhin, l’Allemagne lance un vaste plan de développement du ferroviaire alliant réouvertures de lignes et électrifications classiques avec caténaires. C’est la façon pour les gouvernements fédéraux et régionaux de répondre aux exigences d’efficacité énergétique et de respect de l’environnement. Le réseau ferroviaire allemand va bénéficier, sur l’ensemble du territoire fédéral, d’un investissement national de 86 milliards d’euros sur la décennie qui commence. Ce plan est accompagné d’une baisse de la TVA sur les billets de trains, ramenée à 7 %.
Circulation d'essai sur la ligne nouvellement électrifiée par DB Netz, le gestionnaire d'infrastructures ferroviaires fédéral allemand, entre Munich et Lindau. Ici sur une section à voie unique. (Doc. DBAG, Norbert Leindl)
Les Etats fédérés allemands agissent aussi de leur côté. Certains font figure de bons élèves, réactivant plus de lignes qu’il n’en a été fermé sur leur territoire depuis 1994 : A mi-2020, le Bade-Wurtemberg avait rouvert 144 kilomètres de lignes aux voyageurs ; la Rhénanie-Palatinat 123 km ; la Rhénanie-du-Nord-Westphalie 105 km ; la Bavière 80 km. Au total, depuis 25 ans, 827 kilomètres de lignes réservées au transport de passagers et 359 km de lignes destinées au fret ont été réactivées.
Au chapitre des électrifications
En France, il paraît opportun de compléter le maillage électrique du réseau existant, tant pour permettre une interopérabilité débarrassée de l’usage de coûteux matériels bimodes, que pour alléger la facture pétrolière ou, éventuellement, la probablement lourde facture de l’hydrogène. L’électrification peut être installée en courant continu 1.500V, peu exigeant en matière de gabarit électrique, ou en alternatif 25 kV, qui demande moins de sous-stations mais un gabarit plus généreux. Dans Raildusud, une étude a récemment suggéré une conversion du 1.500 V au 3.000 V.
Amiens - Rang-du-Fliers, actuellement hiatus thermique de 81,25 km sur la ligne Longueau-Boulogne (127 km), liaison alternative à l’itinéraire Paris-Calais via Lille.
Clermont-Ferrand-Issoire (36 km) à fort trafic TER et potentiel trafic fret (usine d’aluminium) avec prolongation d’Issoire à Neussargues (75 km) pour assurer la continuité électrique de Paris à Béziers. Les flux Clermont-Ferrand-Nîmes et Aurillac pourraient en bénéficier avec du matériel bimode.
Coutras-Périgueux-Limoges (172 km), pour améliorer la performance TER, permettre un accès électrique à Périgueux depuis la ligne Paris-Limoges-Toulouse et une exploitation en bimode Lyon-Bordeaux.
La Grave d’Ambarès-La Roche-sur-Yon, (282 km) sur l’axe Bordeaux-Nantes (376 km) récemment rénové dans sa section centrale entre La Rochelle et La Roche-sur-Yon mais mis à voie unique (avec réserve), dont l’électrification permettrait d’améliorer les performances. Nantes-La Roche-sur-Yon (76 km) et la courte section Bordeaux-Saint-Jean-Grave d’Ambarès sont déjà électrifiées.
Marseille-Aix-en-Provence-Manosque (106 km), avec une électrification classique sans hiatus imposant un matériel à batteries, pour un trafic TER métropolitain et régional.
Aix-en-Provence-Rognac (25 km) après rénovation et réouverture aux voyageurs, pour un maillage métropolitain.
Nevers-Chagny (164 km), pour réaliser une transversale Atlantique-Allemagne sans hiatus thermique.
Quimper-Landerneau (84 km), pour homogénéiser l’exploitation TER de l’ensemble de la Bretagne.
Gare de Montrond-les-Bains, sur la ligne Saint-Etienne-Le Coteau (Roanne). Outre un service TER limité entre la métropole stéphanoise et Roanne, cette ligne supporte un trafic fret non négligeable: produits des carrières Delage, eaux minérales... Son électrification, concommittante avec celle de Saint-Germain-au-Mont d'Or-Saint-Germain-des-Fossés permettrait d'unifier l'électrification du réseau de la région. Montrond-les-Bains, dont la gare est non gérée, fut un établissement de croisement à niveau entre la ligne de Roanne et la ligne Lyon-Montbrison. ©RDS
Saint-Étienne-Le Coteau (77 km) et Saint-Germain-au-Mont-d’Or-Roanne-Saint-Germain-des-Fossés (164 km), pour améliorer le flux TER et transversal Bordeaux-Lyon grâce à du matériel bimode.
Dans l’Est, Strasbourg-Saint-Dié, voire l’étoile de Chaumont soit Troyes-Belfort et Saint-Dizier-Chaumont pour permettre une continuité électrique sur la dernière grande radiale non électrifiée depuis paris et l’axe Nord-Est-Lyon.
Au chapitre des modernisations et réouvertures
Auray-Saint-Brieuc (127 km), la section Auray-Pontivy étant actuellement limitée au fret à 60 km/h maximum, la section Pontivy-Saint-Brieuc étant neutralisée. Cet axe transversal breton, est le seul à rejoindre les lignes nord et sud entre Rennes et Landerneau, soit 230 km…
Boën-Thiers (48 km), hiatus neutralisé depuis juin 2016 sur l’axe ferroviaire Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, l’un des abandons les plus spectaculaires puisque cette ligne réunit deux métropoles désormais situées dans la même région, tout en desservant des bassins demeurés actifs (ouest-Forez, Dore…).
Cheval-Blanc-Pertuis (40,5 km), section aujourd’hui fret, jadis parcourue par des autorails Avignon-Digne, qui permettrait de remailler la moyenne Provence en rétablissant des TER entre le bassin de la Durance (Cadarache, Manosque, Saint-Auban, Digne) et le nœud avignonnais vers le Languedoc, la vallée du Rhône et le réseau TGV.
Digne-Saint-Auban (22 km), neutralisée depuis 1991, isolant la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence du réseau ferroviaire. Sa réouverture permettrait d’établir des liaisons directes ou avec courte correspondance vers Marseille, Avignon, Grenoble, Gap, Briançon, Valence…
Installations ferroviaires à Laqueuille après une chute de neige à l'hiver 2020. Cette gare a vu passer des Bordeaux-Clermont-Ferrand et des Clermont-Ferrand-Le Mont Dore. Ne demeure plus que le trafic fret des eaux du Mont Dore. Les voyageurs sont sur la route... y compris par temps de neige. ©S. Périchon/RDS
Evian-Saint-Gingolph (17 km), pour boucler le tour du lac Léman par le sud, permettre une relations très accélérée entre Lyon et le Valais.
Laqueuille-Le Mont-Dore (13 km) et Volvic-Laqueuille-Ussel (84 km), actuellement fret (menacée) entre Volvic et les abords du Mont-Dore le reste étant neutralisé. Leur réactivation permettrait de revitaliser le bassin thermal et touristique de La Bourboule-Le Mont-Dore, actuellement sinistré, et de rétablir une liaison ferroviaire Lyon-Clermont-Ferrand-Bordeaux par l’itinéraire le plus court en kilométrage.
Montluçon-Eygurande (94 km), fermée en 2008, élément de l’itinéraire Paris-Aurillac le plus court, interrompu par la mise en eau du barrage de Bort-les-Orgues en 1952. Cette section desservait, avec des trains depuis Paris, Evaux-les-Bains, station thermale réputée mais en difficulté économique malgré le soutien de la municipalité. Les élus locaux entreprennent d’aménager une « voie verte » de Montluçon à Evaux, ce qui maintiendra sur la route salariés pendulaires, scolaires et curistes.
Montréjeau-Luchon (35,6 km), autre voie d’accès à un haut-lieu touristique et thermal, en cours de rétablissement par la volonté de la région Occitanie, mais sans réélectrification. Cette antenne devrait servir à l’expérimentation de rames à hydrogène, moyennant un bilan financier qui reste à établir et une hétérogénéité du matériel roulant dans une zone entièrement électrifiée.
Rodez-Sévérac-le-Château (44 km), permettant de relier le bassin de Roquefort-Saint-Affrique et Millau à la préfecture de l’Aveyron et de valoriser la ligne Béziers-Neussargues. Sa réhabilitation est projetée par la région Occitanie.
Sain-Bel-Sainte-Foy-l'Argentière (16,55 km), pour étendre le train-tram de l'Ouest-lyonnais dans une vallée de la Brévenne dont la route est surchargée et rétablir le trafic fret des carrières de La Patte, transféré sur route pour son parcours dans la vallée, voire celui des tuileries de Sainte-Foy. Une réouverture poussée jusqu'à Montrond-les-Bains voire Montbrison aurait du sens, mais se heurterait aux aliénations d'espace ferroviaire (station d'épuration sur le faisceau de la gare de Viricelles-Chazelles).
Saint-Claude-Oyonnax (30,8 km), pour rétablir une liaison ferroviaire interompue fin 2017 entre le haut Jura et Lyon, métropole la plus proche, alors que la liaison ferroviaire de Saint-Claude avec Paris, bien plus éloigné, est maintenue avec correspondance à Andelot. La route parallèle est surchargée.
Au chapitre des reconstructions pour réouverture
Albi-Castres (47 km), section de l’ancienne ligne Castelnaudary-Rodez transformée en voie verte. Sa réouverture est demandée par les associations régionales en raison de la surcharge de circulation routière sur l’axe parallèle. Il en va de même pour la section sud Castelnaudary-Revel-La Crémade (47 km). Réouverture demandée lors des assises du rail et de l’intermodalité en 2016.
Annecy-Albertville (45,35 km). Cette ligne du bord du lac, transformée en voie verte, recèle des potentiels touristiques mais aussi de trafic pendulaire important. Elle constituerait aussi un itinéraire de détournement. Alors qu'en 1937 le PLM y faisait transiter jusqu'à 22 circulations quotidiennes, la jeune SNCf la ferme dès 1938 aux voyageurs. La courte section fret Albertville-Ugine vient d'être rénovée pour le fret.
Bon-Encontre-Auch (64 km), en cours de réhabilitation minimaliste pour le fret. Or cette ligne ouverte aux voyageurs depuis Agen permettrait de rejoindre le réseau national vers Bordeaux sans avoir à transiter par Toulouse par train ou dépendre d’autocars locaux. Une liaison qui serait d’autant plus pertinente après l’ouverture de la LGV Bordeaux-Toulouse et une gare d’Agen-TGV reliée par TER à Agen-Ville.
Boussens-Saint-Girons (30 km), fermée aux voyageurs en 1969 et aux marchandises en 1991, permettrait d’étendre l’étoile toulousaine vers le sud-ouest de l’Ariège. Réouverture demandée lors des assises du rail et de l’intermodalité en 2016.
Châteauroux-La Ville-Gozet (Montluçon) (100,5 km), ligne fermée en 1969 desservant La Châtre. Cet élément de maillage au nord-ouest de Montluçon n’est même pas remplacé par des services d’autocars sur l’ensemble du parcours, imposant des détours dissuasifs pour les voyageurs de cette région économiquement sinistrée.
Commentry-Moulins (68 km), ligne au profil très favorable mais fermée aux voyageurs en 1969 et retirée du réseau national en 2019. Elle relie pourtant les deux principales villes de l’Allier, Montluçon et Moulins. Le service routier est moins performant que le service ferroviaire voyageurs de 1956 (même temps de parcours mais sans desserte systématique de Commentry). Sa réouverture constituerait un signe de solidarité nationale pour cette région sinistrée.
Faugères-Montpellier (70 km), fermée aux voyageurs en 1970. Une réouverture ouvrirait la métropole montpelliéraine vers le bassin de Pézenas et Bédarieux, raccourcissant considérablement l’itinéraire vers Millau, Rodez, l’Auvergne. Mais le transfert de la section Montpellier-Saint-Jean-de-Védas à la métropole et son exploitation partielle en tramway imposerait la construction d’une infrastructure nouvelle sur quelques kilomètres en milieu péri-urbain.
Montpellier, quartier des Sabines. La rame de la ligne 2 vient de quitter la section empruntant l'ancienne ligne Midi Montpellier-Paulhan, dont on aperçoit un reliquat de voie à gauche. La section ex-SNCF R a été versée au patrimoine de la métropole. ©RDS
Mazamet-Bédarieux (72 km), dans la logique d’une réouverture de Faugères-Montpellier, l’ensemble permettant une liaison Montpellier-Toulouse par le plus court kilométrage et surtout en desservant au passage le bassin sinistré de l’Orb, la touristique vallée du Jaur, Saint-Pons-de-Thomières avec continuation à Mazamet par la ligne de Toulouse.
Le Coteau-Charlieu (24,5 km), pour desservir la périphérie nord de Roanne.
Le Puy-Langogne (53,4 km), pour raccourcir considérablement la liaison ferroviaire entre Le Puy et le Languedoc par la ligne des Cévennes. En cours de transformation en voie verte.
Mont-de-Marsan-Tarbes (98,5 km), pour irriguer l’une des plus vaste zone privée de gares voyageurs en France, délimitée par le quadrilatère Toulouse-Bordeaux-Dax-Toulouse. Une réactivation Mont-de-Marsan-Aire-sur-l’Adour est prévue pour le fret.
Poitiers-Parthenay-Bressuire-Cholet (environ 130 km) dans le cadre d’un projet Via Atlantica Nantes-Lyon-Turin.
Sarlat-Cazoulès (Souillac) (23 km), courte section neutralisée en 1980 contre toute logique de réseau et transormée en voie verte, pour rétablir la jonction entre le service TER Bordeaux-Sarlat et l’axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse vers Brive au nord, Cahors au sud.
Serqueux-Dieppe (50 km), neutralisée en 2009 puis transformée en voie verte. Desservant la vallée de l’Arques, cette section permettrait d’éviter le passage par Rouen pour le flux Paris-Dieppe et offrirait une liaison directe aux habitants de l’axe Paris-Pontoise-Gisors-Serqueux vers Dieppe.
Jarrie-Vizille (7 km) pour rebrancher enfin, par un mode de transport ferroviaire, le bassin péri-urbain de Vizille et Grenoble (autrefois double écartement métrique VFD et UIC).
Gare de Rives, en périphérie ouest de Grenoble, sur la ligne de Lyon. A 3,5 km vers Lyon, à l'opposé de la vue, s'amorçait la ligne de la Bièvre qui courait jusqu'à Saint-Rambert d'Albon. Cette zone, où est situé l'aéroport de Grenoble, s'est fortement développée avec plusieurs zones d'activité, des industrie de produits BTP, agro-alimentaires... ©RDS
Rives-Saint-Rambert d’Albon (52 km) pour rétablir des relations ferroviaires directes entre Vienne, la moyenne vallée du Rhône et la métropole de Grenoble sans transiter par Lyon et en desservant la très active plaine de la Bièvre et Beaurepaire.
Au chapitre des sections nouvelles à construire ex-nihilo
Aubagne-Toulon, prévue dans la phase 2 du projet LNPCA, ainsi que Nice-Sophia-Cannes puis Cannes-Le Muy par le nord du massif de l’Estérel.
Paris-Orléans/Montargis pour désaturer les abords de Paris pour les flux Paris-Clermont-Ferrand, Paris-Tours/Vierzon.
Contournement de Vierzon pour désolidariser les axes Paris-Toulouse et Tours-Nevers/Montluçon.
Lyon-Chambéry dans le cadre du Lyon-Turin, section à confirmer et financer.
Quadruplement Bordeaux-Pays-Basque (2 voies lentes et 2 voies rapides) et shunt de Moissac sur Bordeaux-Toulouse en alternative à la LGV GPSO Bordeaux-Dax-Toulouse.
Quadruplement Toulouse-Carcassonne (2 voies lentes et 2 voies rapides) en alternative à la LGV.
Sud Montauban-Toulouse, section nouvelle, élément à conserver du GPSO, utilisable par tous les trains de voyageurs sans arrêt entre ces deux villes.
Au chapitre des raccordements et sauts de mouton
Avant-gare de Rennes afin de séparer les flux vers Brest et Quimper
Avant-gare ouest de Toulouse afin de séparer les flux métropolitains depuis le nord (Castelnau d’Estrétefond) vers la ligne de Narbonne et la ligne de Tarbes.
Bifurcation vers Auch à Toulouse-Empalot.
Bifurcation de Port Cahours à Rennes.
Bifurcation de Latour-de-Carol à Portet-Saint-Simon.
Bifurcation de Limoges vers Nexon et Périgueux.
Bifurcation de Coutras vers Périgueux, Limoges et Brive.
Bifurcation de Libourne vers Le Buisson, Sarlat.
Bifurcation de Montauban après la gare en direction de Toulouse afin d’éviter des cisaillements des voies Bordeaux et Paris.
Evitement de Saint-Sulpice-Laurière afin d’éviter un rebroussement aux trains Bordeaux-Lyon.
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(1) Lien vers notre article sur la situation en Allemagne:
Le réseau ferroviaire allemand va bénéficier, sur l'ensemble du territoire fédéral, d'un investissement de 86 milliards d'euros sur la décennie qui commence. Il s'agit à la fois de rénover un réseau très sollicité, de rattraper un retard dans la maintenance (selon les normes allemandes), de généraliser l'électrification par caténaires à la totalité du réseau principal.
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