L’instauration progressive de la gratuité des transports publics pour les habitants de la métropole de Montpellier ne s’opère pas sans contreparties. En ce début d’année scolaire, les tarifs des abonnements pour les personnes ne résidant pas dans l’une des communes de Montpellier Méditerranée Métropole explosent, pour certains jusqu’à 12,5 % soit plus de huit l’inflation annuelle prévue pour 2021. L'âge maximal permettant aux jeunes d’avoir accès à la gratuité a été limité pour l’instant à 18 ans au lieu de 26 ans prévus.
Gratuité ou covid ? La fréquence de la ligne 4 du réseau de tramway est réduite de 8 mn à 10 mn en heures pleines. Celle de plusieurs lignes de bus suit le même chemin.
Michaël Delafosse affirme que la gratuité sera bien généralisée en 2023 pour tous les habitants de la métropole
Le maire de Montpellier et président de la métropole Michaël Delafosse (PS) répond à ces objections en rappelant que la gratuité sera bien généralisée en 2023. Il affirme que « les gens dans l’opposition qui s’opposent à la gratuité pourront demander de rétablir les tarifs » lors de la prochaine campagne électorale et ironise en affirmant qu’il « ne doute pas de leur courage et de la constance de leurs convictions ».
Gare de Montpellier Saint-Roch et son ogive magistrale, largement dimensionnée. On aperçoit (à g.) une rame Citadis 402 affectée à la ligne 2 se dirigeant vers Saint-Jean-de-Védas. Pour Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la métropole, la gratuité est une mesure destinée à renforcer la pouvoi d'achat des ménages et à favoriser un report modal, en parallèle à la diminution de la surface de voirie accordée aux automobiles. ©RDS
Si l’on se réfère à ces dires du maire-président, cette gratuité apparaît donc comme un levier politique autant que social et environnemental. Elle est pourtant fortement contestée par des élus des groupes d’opposition, pourtant tous deux situés à gauche comme celui de la majorité. Par ailleurs la gratuité limitée aux habitants de la métropole risque de dresser contre ladite métropole de nombreux usagers qui n’y habitent pas, soit par choix, soit parce qu’ils en ont été expulsés par la hausse vertigineuse des prix du logement.
Le site spécialisé tranmwaydemontpellier.net a méticuleusement relevé les nouveaux tarifs applicables en cette rentrée, depuis le 1er septembre. Son journaliste commente : « Pour les abonnés âgés de 26 ans et plus, qui résident en dehors des 31 communes de la métropole montpelliéraine, la pilule va être dure à avaler. Le financement de la gratuité des transports se fait en petite partie sur leur dos. » (1)
L’abonnement plein tarif annuel pour les 26-59 ans habitant hors métropole bondit de 12,15 %, soit huit fois l’inflation
De fait, l’abonnement annuel plein tarif concernant les personnes âgées de 26 ans à 59 ans non métropolitains bondit de 12,15 %, passant de 481,50 € à 540,00 €, soit une augmentation de 68,50 €. Il en est de même pour l’abonnement annuel Plan de Mobilité (26 à 59 ans) qui augmente dans la même proportion passant de 433,35 € à 486,00 €. Quant à l’abonnement annuel des usagers de séniors de 60 ans et plus il subit une hausse de 8,92 % passant de 321 € à 360 €, soit une augmentation nette de 39 €, toujours pour les non métropolitains.
Certes, les moins de 26 ans domiciliés hors métropole voient leur abonnement annuel plein tarif inchangé à 196,00 €, tout comme leur abonnement d’un mois à 28,00 €. En revanche, l’abonnement d’un mois des non-résidents de plus de 26 ans passe de 53,50 € à 60,00 €, soit un bond de 12,15 %. Les salariés peuvent demander le remboursement de la moitié de leur abonnement par leur employeur.
Tandis que la gratuité - ou plutôt les abonnements annuels gratuits réservés aux résidents de la métropole - s'étend, l'exploitant TaM a lancé une campagne d'affichage dans ses rames pour rappeler que toute montée doit s'accompagner d'une validation. ©RDS
Abdi El Kandoussi, ancien président de l’exploitant des transports TaM sous la majorité de l’ancien maire et président Philippe Saurel (DVG), membre de l’opposition, affirme que « les voyageurs hors métropole représentent à peine 5 % des recettes » (avant instauration partielle de la gratuité, NDLR). Ceci pourrait expliquer la brutalité de ces augmentations pour les résidents abonnés hors métropole.
Notons que les tarifs à l’unité ou par carnet de 10 voyages restent inchangés, de même que les abonnements souscrits par les habitants de la métropole qui ne bénéficient pas de la gratuité. Le carnet de 10 voyages avait vu son prix abaissé à 10 € par Philippe Saurel dès le début de son mandat, en 2014, répondant à sa promesse de campagne d’instituer « le voyage à un euro ». Le succès commercial avait été au rendez-vous.
Les bénéficiaires de la gratuité doivent posséder une carte magnétique à valider, ou QR code
Rappelons enfin que les publics bénéficiant de la gratuité doivent acquérir une carte magnétique et demander son chargement auprès d’une agence TaM moyennant fourniture d’une preuve de leur domiciliation. Ils peuvent aussi télécharger un QR code sur un « iphone ». Toute montée dans un véhicule TaM doit s’accompagner d’une validation, gratuité ou pas… sauf pour les titres de transport sur QR code, les valideurs de la TaM ne pouvant pas les lire, ce qui fausse le dénombrement des voyageurs. Reste que l’obligation de détenir un titre de transport, même gratuit, laisse ouverte la possibilité technique d’un retour à paiement.
Michaël Delafosse a longuement justifié sa politique de gratuité dans un hebdomadaire montpelliérain, La Gazette de Montpellier. Quelque 30.800 passes gratuité avaient été délivrés au 31 août, indique ce journal. « D’ores et déjà, nous sommes le plus grand réseau à appliquer le plus de mesures de gratuité », s’est félicité le maire-président, jugeant que le retard à accorder la gratuité aux 18-26 ans, les plus frappés par la « crise sanitaire », répond à un souci de « responsabilité financière ».
Delafosse met en avant les économies pour les mères de famille, l’opposante Doulain demande une amélioration de l’offre
M. Delafosse estime que lorsque tous les habitants résidant dans la métropole seront concernés par la gratuité, le coût pour les finances publiques « sera de 24 à 25 millions d’euros par an ». Pour autant, promet-il, « la fiscalité des ménages ne bougera pas », car la collectivité « fait un certain nombre d’efforts » pour financer la gratuité » et parce que « la dynamique du territoire et des recettes fiscales nous le permettent ». Pour une mère seule avec un enfant au collège « c’est 196 € d’économie chaque année » et pour « un retraité avec une petite pension, c’est 321 € d’économie par an ». Ce que M. Delafosse ne précise pas c’est que cette économie est aussi valable pour un retraité avec une grosse pension.
Dans l’opposition Alenka Doulain (LFI), conseillère métropolitaine interrogée par La Gazette de Montpellier, dénonce « une gratuité dogmatique », qu’elle juge « la plus bête de France » car elle « n’actionne pas les bons leviers » pour « permettre à tous les habitants du territoire de pouvoir se passer de la voiture individuelle ». Face à l’exclusion des résidents hors métropole des communes voisines souvent proches telles Mauguio-Carnon ou Palavas, ou des nombreux pendulaires provenant de Sète, Lunel ou Nîmes et empruntant les TER, elle estime que « les transports en commun attractifs, ce n’est pas que le prix du ticket ».
Rame Citadis 401 arrivant de Jacou à la station Charles-de-Gaulle de Castelnau-le-Lez. L'opposition de gauche dénonce une gratuité qu'elle qualifie de "dogmatique" et prône des réductions ciblées, à l'instar de la Fnaut ou de l'UTP. La gratuité telle que conçue à Montpellier favorise indistinctement usagers aisés ou démunis tout en excluant les ménages éloignés de la métropole en raison de l'explosion des prix du logement. ©RDS
« La question n’est pas d’abord tarifaire, mais de savoir si l’offre répond aux besoins : il y a la question des horaires, du maillage et de l’efficacité », estime Alenka Doulain, qui estime « que l’offre doit précéder la gratuité ». Rejoignant à la fois la Fnaut (usagers) et l’UTP (exploitants) qui dénoncent la gratuité mais soutiennent les tarifs sociaux, elle prône « des mesures pour les personnes pour lesquelles la question tarifaire est un vrai levier en terme de changement de comportement ». (2)
La ligne 4 a vu sa fréquence réduite à un passage toutes les 10 minutes
Or, relève Mme Doulain, « l’offre de transports en commun est ramenée à son niveau de 2019 ». Elle relève ainsi que huit lignes de bus ont vu leurs fréquences réduites et que la ligne 4, circulaire, a vu « sa fréquence horaire réduite » avec un passage toutes les 10 minutes au lieu de 8 minutes en heure pleine, ce qui concerne en particulier les quatre mille lycéens du lycée technique Mermoz, desservi par la station Pompignane, ainsi que les habitants du quartier populaire Saint-Martin.
Rame Citadis 402 de la ligne 3 à la station Boirargues. Cette ligne a son terminus Pérols-Etang de l'Or à quelque 2 km des plages, ce qui rend accorbatique l'accès à la mer pour les Montpelliérains comme pour les touristes. Cette situation impose une correspondance bus ou un parcours pédestre ou cycliste le long de routes bruyantes et surchargées. Contestant la gratuité, Fnaut et UTP rappellent que « rendre les transports publics attractifs nécessite des investissements en matière de sécurité, de fréquences, d’amplitudes horaires, d’informations voyageurs et d’accessibilité ». ©RDS
L’élue d’opposition juge que « c’est extrêmement incohérent de présenter une deuxième tranche de gratuité et une détérioration de l’offre de transport. Ce à quoi Michaël Delafosse répond : « On sort de l’année Covid. Nous ajustons le niveau de service parce que certains bus circulent à vide, ce qui n’est pas normal. Un réseau, ce n’est pas figé, il change, il évolue, il s’ajuste, il s’adapte ».
Le maire-président affirme nonobstant qu’il vise une augmentation « de 30 % de la fréquentation des transports publics », en témoigne « le plus gros appel d’offre de France » pour l’achat de 77 rames de tramway pour réception à partir de 2024, ainsi que 60 bus à hydrogène. Les rames en question visent à équiper la future ligne 5 du tramway, en construction pour ouverture en 2025, et à renouveler la quasi-totalité du parc de la ligne 1, soit la trentaine de Citadis 401 qui pourtant n’ont été mises en service qu’en 2000.
Ex-président de TaM, Abdel El Kandoussi dénonce la réduction de 300.000 km de service par an
De son côté, l’élu d’opposition de centre-gauche Abdi El Kandoussi dénonce dans La Gazette de Montpellier le fait que « la métropole ait fait voter au dernier conseil une réduction de 300.000 km de service par an » (voitures ou trains/kilomètres), soit environ un millier par jour. « On met plus de monde mais moins de bus et de trams » ironise-t-il. Il complète : « J’ai lu que la fréquentation allait augmenter de 20 %, on passerait donc de 330.000 voyageurs à 400.000 voyageurs (quotidiens, NDLR) avec moins de trams et de bus. (…) Je plains les usagers ».
Concernant la perte de recettes, M. El Kandoussi conteste l’évaluation de la municipalité, qui la chiffre à 24 ou 25 M€ par an : « Avant la gratuité, TaM encaissait 40 millions d’euros de recettes par an. Le manque à gagner sera supérieur » à celui annoncé, est-il persuadé. D’autant que « quand on encaissait 40 M€, on récupérait aussi 10 M€ de TVA… et quand on additionne les dégrèvements, c’est beaucoup plus ». Pour lui, le report de la gratuité pour les jeunes de 18 à 26 ans s’explique par le fait que « cela coûtait 8 millions d’euros ».
De son côté, Alenka Doulain ajoute qu’« aucun plan de financement ne nous a été proposé en conseil métropolitain avec l’ensemble de la stratégie » et qu’apparemment les économies sont réalisées, pour l’instant, par « baisse de l’offre ».
Mais Michaël Delafosse en est sûr : « En 2026, dans toutes les élections municipales, ce sera la question de la gratuité des transports qui sera posée ». Le maire-président cache mal sa certitude de détenir, par cette politique, le sésame d’une réélection.
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(1) Lien vers l’article de Tramwaydemontpellier.net analysant les nouveaux tarifs des transports montpelliérains :
Nouvelle grille tarifaire TaM Montpellier 3M en vigueur dès le mercredi 1er septembre 2021. Photo prise à la station "Pilory" de la ligne 3, le mercredi 1er septembre 2021. Copyright : Edouard Paris Depuis ce mercredi 1er septembre 2021, date de la mise en oeuvre de la phase 2 de la gratuité sur le réseau...
http://tramwaydemontpellier.net
(2) Lire à ce sujet notre article sur l'analyse commune de la Fnaut et de l'UTP, paru en mai :
Placée sur le devant de la scène par certains journalistes politiques de grands médias, la gratuité des transports, qui est progressivement instaurée dans la métropole de Montpellier pour ses résidents (490.000 habitants), s'inscrit dans un mouvement plus large initié dans de petites villes : Dunkerque, Aubagne...
http://raildusud.canalblog.com
Encore une fois il ne faut pas être dogmatique être contre ou être pour.
Question : les nouveaux tramways ont été commandés par l'actuelle majorité?
Concernant la différence de traitement entre habitants de la métropole et habitants hors de la métropole je trouve ça plutôt logique. Et il ne faut pas tomber dans la facilité pour faire de la critique à outrance. Certes il y a des personnes contraintes de s'éloigner de la métropole à cause du prix de l'immobilier quoiqu'en vérité les personnes très pauvres ne peuvent pas s'éloigner de la métropole parce qu'elles n'ont pas l'argent pour s'acheter une voiture mais il y a aussi énormément de monde qui ont décidé depuis la crise sanitaire d'aller habiter au milieu de nulle part et je trouve ça normal que des égoïstes (cest ce qu'ils sont) qui iront se plaindre après du prix de l'essence payent + cher que les habitants de la métropole qui eux font l'effort de ne pas avoir un jardin de 800m²