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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
25 août 2021

Effets de la métropolisation et du démaillage sur l'offre ferroviaire en régions peu denses : l’exemple de l’Auvergne

 S’il est un exemple des limites de la transposition autour d’une métropole hors Paris du dogme français de la centralité aux dépens du maillage ferroviaire, celui de l’Auvergne et de sa métropole Clermont-Ferrand est édifiant. Les services TER ont été nettement densifiés depuis la régionalisation sur « l’étoile proche » : au sud jusqu’à Issoire (une vingtaine d’AR par jour), l’ancien bassin houiller de Brassac-les-Mines et Brioude ; au nord-ouest jusqu'à Gannat et Montluçon ; à l'ouest jusqu'à Volvic ; au nord jusqu'à Riom, Moulins et Thiers.

 En revanche, les liaisons de maillage intra et inter-régionales restent les parents pauvres (quand elles existent encore), comme l’illustre un témoignage en forme de protestation d’une habitante de Haute-Loire prénommée Marie-Jeanne. Son texte a été adressé au président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, la nouvelle région « fusionnée » d’autorité par Paris, et publié par le Collectif des usagers des transports du Haut-Allier.

IMG_20210708_183836001Croisement de rames TER à Brassac-les-Mines. Cette localité située au centre d'un bassin houillier dont le dernier des 17 puits a été fermé dans les années 1970, est desservie par 14 TER par jour de et vers Clermont-Ferrand, dont elle est distante de 55 km. Un bel outil de transport au service d'une région industriellement sinistrée, mais qui est essentiellement tourné vers la métropole auvergnate. Les fréquences vers le sud (Le Puy, Nîmes, Aurillac) sont beaucoup moins fournies, voire impraticables par exemple vers Saint-Flour, la Lozère, l'Aveyron et Béziers par Neussargues. ©RDS

 Rappelons la situation dès qu’on s’éloigne de la zone d’attraction de Clermont-Ferrand et de ses services TER destinés principalement aux « pendulaires ». La capitale de l’Auvergne a vu s’interrompre toute liaison ferroviaire voyageurs vers l’ouest au-delà de Volvic, contraignant les usagers à destination du Mont-Dore, d’Ussel et de la Corrèze, de Brive et au-delà vers Bordeaux à emprunter un autocar avec rupture de mode à Ussel.

 Vers le sud, la fréquence de desserte voyageurs au-delà de Saint-Georges d’Aurac vers Nîmes est limitée à trois allers-retours diurnes, voire deux le samedi, pour une ligne de 303 km qui ne voit plus passer aucun train direct depuis le nord de Clermont-Ferrand. Par le passé, cette « ligne des Cévennes » vit pourtant circuler des trains de nuit et de jour depuis Paris, et un Le Mont-Dore-Marseille (« Le Cévenol »).

Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, ligne interrompue malgré l’intégration des deux métropoles dans la même région

 Vers l’est, Clermont-Ferrand n’est plus reliée par train avec Saint-Etienne, liaison interrompue en 2016 entre Thiers et Boën sous les protestations unanimes des populations et de leurs élus, alors que cette ligne vit passer – à égalité de fréquence avec l’itinéraire plus long via Roanne – des autorails Clermont-Ferrand-Lyon qui effectuaient le parcours en environ 3 heures avec desserte de dix gares intermédiaires. La fusion des deux régions Auvergne et Rhône-Alpes a induit une accélération de quelques TER entre Clermont-Ferrand et Lyon, trame constituée actuellement de 6 TER et 1 train à statut Intercités (n° 5528/5527) en 2 h 31/23 mn.

DSCN2624Gare de Boën (Loire), terminus du reliquat oriental de la transversale Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, interrompue de Boën à Thiers en 2016. Dans la cour étaient installées les voies du réseau des chemins de fer départementaux de la Loire, à voie métrique, avec une ligne remontant au nord sur 54 km jusqu'à Roanne. Elle fut fermée en 1938. ©RDS 

 Vers le nord-ouest, la fréquence entre Clermont-Ferrand et Montluçon se limite à 6 AR directs par jour en 1 h 45 mn environ, avec un dernier départ à seulement 19 h 10. Ils sont complétés par trois Clermont-Ferrand-Gannat en environ 35 mn, dont un transversal amorcé à Brioude. En revanche, aucune course en provenance de Clermont-Ferrand ne dépasse Montluçon vers Guéret (78 km), Saint-Sulpice-Laurière sur l’axe classique Paris-Orléans-Châteauroux-Limoges-Toulouse, ou encore vers Bourges et Vierzon. De Montluçon vers Guéret, Limoges et la région Nouvelle-Aquitaine ne circulent que deux TER et un autocar TER par jour. La liaison de la capitale des ducs de Bourbon vers Paris s’effectue désormais exclusivement en correspondance à Vierzon ou Bourges.

 Au nord au-delà de Moulins, la liaison entre Clermont-Ferrand et Nevers est assurée par sept Intercités vers Paris à réservation obligatoire, complétés par seulement deux TER en flancs d’horaire avec tarification et modalités d’accès différents.

 Au sud-ouest, la liaison avec Aurillac (168 km) par la ligne Arvant-Figeac, qui dessert Massiac, Neussargues et Murat et dérive de la ligne des Cévennes à Arvant, est assurée par 5 AR par jour directs. Tôt le matin une course par autocar en correspondance à Arvant avec un train TER est aussi proposée, avec tous les aléas liés l’hiver au passage du Lioran.

Le Puy-Lyon et Le Puy-Clermont-Ferrand : 147 km mais pas les mêmes dessertes…

 On se félicitera de la rénovation de la ligne Saint-Etienne-Le Puy et de sa desserte assurée par 9 AR TER quasiment cadencés. Mais  on entre là dans la logique de la métropolisation côté Lyon (Lyon-Le Puy : 147 km). En revanche, la liaison TER Le Puy-Saint-Georges-d’Aurac-Clermont-Ferrand (147 km aussi) n’est assurée que par trois trains TER quotidiens en 2 h 11 mn, le reste de la trame étant dotée d’un autocar direct en 2 h 43 mn et de quatre liaisons avec rupture de mode autocars-trains en 2 h 25 mn environ.

 Si l’on s’intéresse au maillage hors étoile de Clermont-Ferrand, le bilan est lourd. La voie ferrée entre Montluçon et Moulins est tout simplement fermée (soustraite du réseau ferré national) alors que cette ligne au profil favorable permettrait des relations bien plus rapides que celles assurées par les quelques autocars qui relient les deux villes avec le même temps de parcours que les autorails omnibus de 1956 (et généralement sans desservir Commentry contrairement à ces derniers).

TDS71835Etat des réseaux ferrés à la fin des années 1920 et dans leur extension maximale, en Auvergne.

  Montluçon est privé de sa voie vers le sud (Eygurande-Merlines et Ussel) et de son trajet le plus court en kilométrage vers Clermont-Ferrand depuis la neutralisation de la ligne Lapeyrouse-Volvic par le célèbre viaduc des Fades.

 Contre toute logique de maillage de cette grande région fusionnée, aucun train ne relie Montluçon,  Commentry, Lapeyrouse et Gannat avec Roanne et Lyon, la ligne à double voie Gannat-Saint-Germain des Fossés (23 km) ne figurant que comme ligne fret sur la carte du RFN.  Il faudra attendre 2022 et les deux AR quotidiens Lyon-Bordeaux promis par Railcoop pour que cette liaison intra-régionale soit à nouveau assurée par fer et sans correspondances acrobatiques autocars-TER à Vichy ou TER-TER avec interminable détour à Riom.

Des effets de frontières : avec l’Occitanie, comme avec la Nouvelle-Aquitaine et le Centre

 Concernant l’effet de « frontières » entre régions côté Nouvelle-Aquitaine déjà relevé (neutralisation des lignes Clermont-Ussel et Montluçon-Eygurandes, faiblesse de la desserte Allier-Creuse-Haute-Vienne) ou côté Centre-Val-de-Loire (fermeture de la ligne Montluçon-Châteauroux), l’Auvergne est aussi peu perméable avec l’Occitanie. La SNCF privilégie les détours par Lyon et les LGV, moyennant une explosion de la distance et des prix.

 Outre la squelettique desserte vers Béziers à partir de Neussargues (un AR par jour quand la ligne n’est pas interrompue pour travaux comme elle l’est chaque année pendant des mois) et les seuls trois TER Clermont-Nîmes, là aussi saucissonnés pendant les innombrables interruptions de sections pour travaux, la ligne Le Puy-Langogne a perdu son dernier service voyageurs  en 1950. Pourtant, cette section de 53,4 km permettait d’éviter le détour par Saint-Georges d’Aurac, imposant un allongement du parcours de… 73,6 km, soit 127 km et une correspondance aléatoire au lieu de 53,4 km. La liaison Aurillac-Toulouse, provisoirement interrompue entre Figeac et Capdenac, est essentiellement assurée par les TER d’Occitanie.

IMG_20210706_103610210_HDRDéchargement à Arvant d'un train de coils à destination de l'usine ArcelorMittal de Saint-Chély-d'Apcher. La section Saint-Chély-d'Apcher-Neussargues étant neutralisée pour travaux, ces chargements sont transportés sur route depuis Arvant sur 77 km et non depuis Neussargues, distante de 57 km de l'usine. ©RDS

On terminera cette partie en déplorant la suppression par la SNCF de toute desserte ferroviaire voyageurs dans le Livradois, sur une ligne Vichy-Darsac pourtant conçue à l’origine comme  un élément de la radiale Paris-Le Puy. De ce fait, la desserte d’Ambert depuis Clermont-Ferrand comme depuis Vichy est exclusivement routière, avec des temps de parcours dissuasifs malgré les autocars financés par la région… véhicules flambant neufs mais généralement vides.

Marie-Jeanne, habitante de la Haute-Loire, montre la failles du système de transport régional, hors métropoles

 Devant cette limitation de l’offre ferroviaire régionale de qualité à l’étoile métropolitaine, une habitante de Haute-Loire a écrit une lettre détaillée à Laurent Wauquiez, président du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, dont la majorité a été largement reconduite aux élections de cette année. Cette lettre signée « Marie-Jeanne » part de fait concrets et elle est édifiante. Elle est publiée par le site du Collectif des usagers des transports du Haut-Allier. (1)

 Marie-Jeanne déplore d’abord la lenteur de l’intégration dans un système régional des services routiers qui ne sont plus de la compétence départementale depuis quelques années : « Pour les cars interurbains, les tarifs ne sont pas harmonisés entre les départements. La Loire a son tarif, la Haute-Loire a le sien etc. Harmonisez les prix comme en Occitanie svp ».

Le PuyPlateau de voies de la gare du Puy. A égale distance de Lyon et de Clermont-Ferrand, Le Puy dispose d'une dizaine de rotations trains TER vers Saint-Etienne avec correspondances rapides vers Lyon, mais seulement de trois trains TER directs vers la capitale auvergnate, doublés par une rotation par autocar mais bien plus longue que par train, et quelques combinaisons autocar-train. (Doc. Wikipedia/Florian Fèvre)

 Marie-Jeanne déplore aussi que les horaires des autocars interurbains « soient faits pour les jeunes », calqués sur les rythmes scolaires : « Essayez d’aller sur une journée du Puy à Yssingeaux, La Chaise-Dieu ou Le Monastier… Impossible. J’ai pris le car dimanche pour Yssingeaux, on était deux. Au retour, on était quatre. Le chauffeur ne se cachait pas de transporter personne. La RN88, elle, est très circulée. Si vous tenez tant à la sécurité, alors créez des voyages réguliers, svp ».

 
 Marie-Jeanne déplore qu’à la gare routière du Puy les agents ne fournissent pas d’informations sur les cars interurbains : « Il faut aller sur le site internet et appeler la région. Et pourtant, ça s’appelle pôle intermodal. Dans le hall de la gare, pareil, pas d’information sur les interurbains. Il faut déambuler sur les 16 quais avant de savoir d’où part le car, il n’y a aucune affiche papier ou électronique qui centralise les départs. Faites vraiment de ce pôle un lieu intermodal, svp ».

« Je me demande qui est l’autorité organisatrice »
 
 L’auteur de la lettre relève aussi que le site internet de la région ne divulgue ni les tarifs ni les conditions d’embarquement des vélos : « J’appelle le numéro de téléphone sur votre site (le site TER de la région, NDLR), on me répond : ‘’Je ne sais pas, appelez le transporteur’’ ». « Je me demande qui est l’autorité organisatrice », grince-t-elle. Elle ajoute : « Je passe à la maison de la région du Puy pour savoir à qui relayer ces éléments. On me répond ‘’On ne fait que les transports scolaires’’. Même vos agents ne connaissent pas les compétences de la région, pas de fiches horaires des cars sur le comptoir, pas étonnant qu’il n’y ait personne dans les cars ».
 
Pour les trains régionaux au départ du Puy, « ce sont trois pauvres allers-retours qui permettent de se rapprocher de Brioude et de Clermont, le reste c’est en car ». « Développez le service ferré, svp », lance-t-elle. Plus largement, l’offre en trains TER s’amenuise au fur et à mesure qu’on s’éloigne de Clermont-Ferrand, successivement à Issoire, Brioude, Arvant et Saint-Georges-d’Aurac pour passer d’une fréquence de 20 AR au nord d‘Issoire à 3 AR au sud de Saint-Georges d’Aurac. Cette section traverse un territoire certes très peu peuplée – quoique magnifique – mais elle constitue un lien fort entre les deux régions denses (Nîmes et Montpellier, Clermont-Ferrand) et leurs périphéries respectives (Alès, la Lozère, Langogne, Brioude, Issoire...).

 On parle beaucoup en ce moment de futurs Services express métropolitains (SEM) et de la densification souvent réussie de l'offre ferroviaire autour de grandes villes. Pourtant, alors que la métropolisation du pays est désormais mise en cause, seule une conception moins monocentrique du réseau ferroviaire permettra de réintégrer dans le concert économique et social ces « périphéries » géographiques qui font la diversité du pays et sa richesse future.

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(1) Lien vers la page du site des usagers des transports du Haut Allier :

Transports en Haute-Loire, le désespoir - Collectif des Usagers des Transports du Haut-Allier

C'est le coup de gueule de Marie-Jeanne, une habitante confrontée au néant de l'infrastructure des transports collectifs dans ce département. La région Auvergne Rhône Alpes a depuis janvier 2021 pris les rennes des transports en bus de Haute-Loire, elle avait déjà les compétences de l'organisation des trains express régionaux, les seuls circulant dans ce département.

http://usagers-transports.haut-allier.eu

 

 

http://usagers-transports.haut-allier.eu/?transports-en-haute-loire-le,790

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Commentaires
J
Les Eloysiens sont plus proches de certaines cités autre que Clermont-Fd où ils se rendent assez peu, sauf absolue nécessité (CHU) ou études supérieures (et encore).<br /> <br /> D'ailleurs, l'avoir ignoré en limitant les trains dans cette ville a profité à la route.<br /> <br /> Au retour des trains parcourant toute la ligne, le Fer ne retrouvera plus ses clients...<br /> <br /> Après la disparition (volontaire ?) du Fret, il fut facile de condamner la ligne.
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E
Je pense qu'on se trompe de coupable. En effet, la métropolisation (qui n'a que 20 ans) aurait du - sans autres éléments interférents - favoriser les relations transversales. L'objectif était de s'affranchir de l'hyper pression parisienne. Sauf que l'Auvergne a fait exactement l'inverse en sacrifiant la plupart de ses lignes sur l'autel de la liaison avec Paris. Rapellons que la région a injecté 300M€ pour quelques minutes alors qu'elle laissait fermer la plupart de ses lignes.<br /> <br /> <br /> <br /> À l'inverse, des métropoles comme Toulouse, Bordeaux ou Nice ont pu développer leur offre ferrovaire régionnale, sauvant au passage de nombreuses "petites" lignes.
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B
Et, si j' ai bonne mémoire, les bus Clermont-Ferrand - Saint-Étienne sont directs, par l' autoroute.......................oubliant des villes comme Thiers, Montbrisson, et Boën . C' est ça l' aménagement du territoire ?
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J
La branche Volvic de l'étoile présente quelques points faibles: Royat et Durtol sont bien desservis par les bus urbains. La gare de Volvic est très éloignée du centre et les bus sont dirigés vers Riom. Pour que cette ligne ait un trafic local plus consistant, il aurait fallu maintenir la ligne Volvic Lapeyrouse en service, au moins jusqu'à Saint Eloy les Mines
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D
La desserte TER est en effet presque exclusivement organisée pour rabattre scolaires et personnes travaillant dans la "métropole" vers celle-ci et non pour permettre aux habitants de la métropole de se rendre tout autour, à part peut être sur Vichy où l'offre est étoffée. <br /> <br /> Ayant eu à me rendre à Brioude pour mon travail pendant plusieurs années, les horaires pleins de “trous” ne m'ont pas permis de le faire par TER (à une ou deux exceptions). Résultat : des dizaines d'AR en voiture (144 km) le tout par l'A75, axe des plus chargés…
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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