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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
3 juillet 2021

Pour le complexe réseau de tramways de Montpellier, un dangereux effet ciseaux entre coûts de maintenance et gratuité

 Pour la quatrième fois en quelques années sur le réseau de tramways de Montpellier, la voie est changée sur une section au profil tourmenté, entraînant cet été le détournement du flux de la ligne 1 entre Gare Saint-Roch et Rives du Lez par l’itinéraire de la ligne 3. Cette intervention lourde est menée, en même temps que les travaux de la future ligne 5, alors que la gratuité des transports publics pour les résidents de la métropole de Montpellier va être un peu plus étendue au 1er septembre, limitant un peu plus les ressources de la collectivité. Un effet ciseaux entre coûts de maintenance et baisse des recettes est à redouter.

 Cet été, les travaux engagés jusqu’au 30 août concernent environ 300 mètres de double voie sur la longue déclivité partiellement en viaduc reliant l’avenue Henri-Fresnay, estacade construite à l’aplomb de la ligne de chemin de fer à l’est de la gare Saint-Roch, et le quartier Antigone.

 Cette section, située entre les stations Du Guesclin et Antigone, comporte l’une des courbes les plus serrées du réseau, au bout de l’avenue Henri-Fresnay, qui affiche un rayon d’environ 30 m pour la voie intérieure. La section traitée serpente avec plusieurs courbes et contre-courbes conçues par les concepteurs de la ligne 1, mise en service en juin 2000, pour atténuer le taux de déclivité. Cette section est dotée d’un joint de dilatation à l’amorce de la partie en viaduc.

Des renouvellements de rails avaient déjà eu lieu sur la section tourmentée Du Guesclin-Antigone

 Un tel tracé, parcouru par des Citadis 401 au généreux gabarit de caisse de 2,65 m à une fréquence élevée, ne peut que fortement solliciter la voie. Une première intervention sur cette même section, voici quelques années, avait consisté à renouveler les rails des deux voies de la seule courbe la plus inférieure, dont la surface de roulement s’était considérablement affaissée.

 A l’été 2020, c’est la longue déclivité située à l’ouest de la station Corum, commune aux lignes 1 et 4, sur laquelle TaM avait dû remplacer les rails des deux voies, lesquels avaient dû être rechargés les saisons précédentes. La plate-forme du boulevard Louis-Blanc avait simultanément été traitée.

IMG_20210619_102546461Vue depuis le bas de la section en forte pente reliant Du Guesclin (en haut) à Antigone (derrière la prise de vue). Le platelage a été retiré pour permettre le changement des rails, qui avaient déjà été renouvelés sur cette partie en courbe voici quelques années. A l'origine, cette  plate-forme construite au début des années 1980, était destinée à un trafic bus. La construction de la ligne 1 du tramway a necessité un élargissement du remblai pour créer une légère courbe destinée à atténuer la déclivité. Sur le viaduc (plus haut), l'utilisation de matériaux légers pour porter la voie et de bois pour l'habiller a été nécessaire pour respecter les limites de charge. ©RDS

 Deux années auparavant, la courbe en pente située à l’est de la même station Corum, commune aux lignes 1 et 2 et menant à la tranchée couverte de la Citadelle vers la station Comédie avait elle aussi vu ses rails remplacés.

On notera qu’une série d’autres renouvellements de rails ont été réalisés dans des courbes prononcées, ce printemps en haut de l’avenue Jules Ferry à l’autre extrémité de l’avenue Henri-Fresnay, côté gare (lignes 1 et 3), ainsi que sur la courbe serrée de la voie unique à l’angle du boulevard du Jeu-de-Paume et de la rue Henri-Michel (ligne 3).

Des sections fortement sollicitées en raison de leur déclivité associées à des courbes

 Chaque fois, il s’agit de sections fortement sollicitées en raison de leur déclivité associée à des courbes, ou de fortes courbes à plat. Il est vrai que la topographie montpelliéraine est tourmentée. La métropole languedocienne est traversée d’une succession de petites dépressions parcourues par des cours d’eau à l'air libre ou recouverts et séparées par des collines, reliant les zones urbaines situées sur un plateau calcaire et celles situées à l’amorce de la plaine palustre.

 Le coût des travaux engagés cet été sur la déclivité de la ligne 1 entre les stations Du Guesclin et Antigone s’élève à 2,082 millions d’euros. Selon le site bien informé Tramwaydemontpellier.net, qui traite de l’actualité du réseau de Montpellier depuis une vingtaine d’années, cette somme « est loin des 15 millions d’euros engagés cet été » à Nantes, sur 750 m de longueur entre les stations Commerce (qui sera entièrement reconstruite) et Médiathèque, avec renouvellement des rails et de la ligne aérienne de contact. (1)

 Ce site en conclut que les élus de la métropole de Montpellier « doivent se mettre dans la tête que les plus gros travaux d’entretien du réseau de tramways de Montpellier sont à venir, à un moment où la gratuité aura été généralisée à l’ensemble des habitants domiciliés dans les 31 communes de la Métropole ».

En 2019, les recettes commerciales couvraient 37,77 % des charges d’exploitation

 Tramwaydemontpellier.net relève ainsi que les finances métropolitaines consacrées aux transports publics risquent de subir un effet de ciseaux entre les travaux de maintenance d’un réseau aux profils compliqués et l’extension progressive de la gratuité pour les résidents de la métropole. Le site relève ainsi qu’en 2019, dernière année de trafic non impacté par la « crise sanitaire » et ses confinements à répétition, « les recettes liées à la vente de titres de transport, tickets et abonnements confondus, se sont élevées, selon le bilan finance complet de TaM (haut de la page 31), à 37.366.812,67 €, qui ont couvert 37,77 % des 110.630.955 € des charges d’exploitation ».

 Pourtant, ajoute le site, le maire de Montpellier et président de la métropole Michaël Delafosse et Julie Frêche la vice-présidente du conseil métropolitain chargée des transports, « ont récemment affirmé que les recettes tickets et abonnements à Montpellier ne couvraient que 15 % des charges d’exploitation ».

DSCN4316Double triangle à double voie entrelacées devant la gare Saint-Roch, construit à la création des lignes 3 et 4 en 2012, soit pas moins de 12 aiguillages et 8 croisements. Les lignes 1, 2, 3, 4 s'y reclassent: lignes 1 et 2 rue Maguelone (une rame de la ligne 2 sur cette photo), 3 et 4 rue de la République, 1 et 3 rue Jules-Ferry est, 2 et 4 rue Jules-Ferry ouest, jonctions de service entre Jules-Ferry est et ouest. Les voies et appareils sont fortement sollicités. La forte courbe des voies de la ligne 1 entre Jules-Ferry et Maguelone a déjà imposé un premier renouvellement voici peu d'années. ©RDS

 Au début de leur mandat, les dirigeants de la métropole de Montpellier évaluaient le coût annuel de la gratuité étendue à tous les résidents métropolitains sept jours sur sept à 24 millions d’euros. A l’opposé, Tramwaydemontpellier estime que « le renoncement aux recettes provenant de la vente des tickets et abonnements aux seuls résidents de la métropole montpelliéraine peut être évalué à 33 millions d’euros » sur les 37,367 M€ encaissés à ce titre par TaM en 2019. La différence entre les pertes de recettes annoncées et la probable réalité serait donc d’environ 9 millions d’euros. Si cette gratuité entraînait une hausse de la fréquentation, des coûts supplémentaires pourraient devoir être ajoutés (fréquences, extension du parc…).

 On peut toutefois relever que la gratuité façon montpelliéraine est fortement encadrée. Le candidat doit se procurer une carte magnétique et prouver annuellement son lieu de résidence aux guichets. Il doit valider à chaque montée. Ce système est déjà appliqué depuis fin 2020 aux samedis et dimanches pour tous les publics. Notons que la métropole a jugé utile de lancer une campagne de publicité six mois après l’instauration de ce premier pas pour rappeler l’existence de la mesure, ce qui semble indiquer que la clientèle ciblée ne l’a pas complètement intégrée… limitant les pertes.

Maillage très dense, profils tourmentés, soit une maintenance coûteuse… mais les ressources vont diminuer

 Le réseau de tramways de Montpellier a commencé à être mis en service en juin 2000, soit une quinzaine d’années après celui de Nantes. Mais les profils de ses lignes sont notoirement parmi les plus tourmentés de France avec des déclivités importantes: Du Guesclin-Antigone, Du Guesclin-Gare Saint-Roch, Corum-Comédie, Corum-Louis-Blanc, Albert 1er-Peyrou, Peyrou-Saint-Guilhem-Coureau, Mas Drevon-Croix d’Argent, Plan Cabanes-Astruc, Euromédecine-Saint Paul, Saint-Cléophas-Nouveau Saint-Roch, Place Carnot-Gare Saint-Roch. On note aussi une multiplicité de courbes de faibles rayons: sur la ligne 1 sus-mentionnée, mais aussi sur la ligne 2 à voie unique côté Jacou avec des entrées et sorties de stations aux tangentes minimalistes...

 De plus, le très dense maillage du réseau montpelliérain implique une multitude d’aiguillages et de croisements (2). L’alliage d’acier constituant ces appareils de voie étant plus résistant que celui constituant les rails encadrants (et les croisements étant à gorge haute), les outrages du temps induisent un dénivelé prononcé entre les tables de roulement successives à l’abord du pied de l’aiguille, nécessitant des rechargements de métal.

DSCN0731Franchissant la jonction de la ligne 4 dont on aperçoit les voies engazonnées l'arrière-plan à g., une rame Citadis 302 de la ligne 2 s'apprête à gravir une section en forte pente sur l'avenue de Maurin entre les stations Saint-Cléophas et Nouveau Saint-Roch. ©RDS

 Le succès jamais démenti des tramways de Montpellier (encore bondés au seuil des récents couvre-feu), désormais outils structurants indispensables à la vie de toute la métropole, a donc un coût, non seulement d’investissement mais aussi de maintenance.

 La décision récente du nouveau président de la métropole de remplacer les Citadis 401 dès qu’ils auront atteint leurs 30/35 ans de service, va encore accroître la pression financière sur une collectivité qui poursuit la construction de sa ligne 5 (3). Rappelons que le réseau de Nantes ne remplacera ses TFS qu’à partir de 2023 alors qu’ils seront âgés de 38 ans cette année-là, et que celui de Grenoble maintient en service les siens, déjà âgés de 35 ans et profondément rénovés pour la ligne E.

 A Montpellier, la complexité du réseau impliquant une maintenance particulière, la poursuite de son extension avec la ligne 5, le renouvellement rapide de certaines rames d’une part ; la gratuité de l’autre: cela présage un probable effet de ciseaux particulièrement préoccupant pour le financement des transports publics… et l’ensemble des finances métropolitaines. Un cas d'école.

- - - - -

(1) Lien vers l'article du site Tramwaydemontpellier.net :

9 juin 2021 - A partir du mercredi 1er septembre 2021, la gratuité sur le réseau tramways et bus TaM Montpellier 3M sera étendue aux sept jours de la semaine en faveur des jeunes de moins de 18 ans et aux personnes âgées de 65 ans et + domiciliés dans la Métropole montpelliéraine

La rame 2048 Citadis 302 Alstom multilignes à la livrée "Montpellier faculté de Médecine 800 ans", opérant sur la ligne 4 dans le sens a, est photographiée à la station "Peyrou - Arc de Triomphe", le mardi 8 juin 2021. Copyright : Edouard Paris A partir du mercredi 1er septembre 2021, la gratuité sur le...

http://tramwaydemontpellier.net

(2) Lien vers une carte détaillée des voies du réseau de Montpellier, sur le site cartometro :

Carte détaillée du tramway de Montpellier

Site consacré aux métros, tramways et RER (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Clermont-Ferrand, Dijon, Marseille, Montpellier, Mulhouse, Nice, Orléans, Genève, Lausanne, Turin, Milan). Vous y trouverez des cartes très détaillées de ces différents réseaux.

http://cartometro.com

(3) Lien vers notre dernier article paru sur la ligne 5 du réseau de Montpellier :

Malgré cinq années de retard, la ligne 5 du tramway de Montpellier avance pas à pas côté nord - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Reportés de cinq années par la précédente équipe gouvernant la métropole, les travaux de construction de la ligne 5 du tramway de Montpellier Clapiers-Lavérune avancent pas à pas.

http://raildusud.canalblog.com



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Commentaires
M
Il est notoire que la gratuité n'entraîne quasiment pas de report modal depuis l'autosolisme, au contraire de l'augmentation de l'offre (extension du réseau, fréquence, amplitude horaire) ainsi que le démontrent les expériences françaises antérieures.<br /> <br /> La rédaction.
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R
La gratuité n’a d’effet ciseau qu’en voyant les choses sous un prisme etroit. <br /> <br /> <br /> <br /> A l’echelle de tous les acteurs, la perte de recette des uns est une dispense de dépense des usagers, dont les économies vont faire davantage tourner d’autres secteurs économiques, sur laquelle il s’agit évidemment d’opérer davantage de prélèvements, sans que cela ne lui nuise, lesdits prélèvements étant inférieurs aux dispenses de dépenses des usagers. <br /> <br /> <br /> <br /> A fortiori, vu que la mesure a un effet de report modal, et que tout inclu (paiement usager et financement collectivités), le déplacement par transports collectifs (et notamment des tramways bien remplis) est moins couteux que le transport par voiture individuelle ;<br /> <br /> <br /> <br /> A titre d’illustration, ça meriterait de se poser la question de quelles economies sur le reseau routier communal sont réalisés grace au trafic reporté sur le tramway ?<br /> <br /> <br /> <br /> La gratuité est un inéluctable futur. Bravo à Montpellier de prendre de l’avance. La conservatrice Nice n’en est à côté pas là, et n’a pas de financement + élevé de ses transports publics ni davantage de ligne de tram (la gratuité n’y sera que très timide à la rentrée pour les jeunes, le week-end)
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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