Les candidats aux élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes sont interrogés par la fédération Auvergne-Rhône-Alpes de la Fnaut qui leur soumet en particulier un plan de remaillage du réseau ambitieux mais très pertinent. On attend avec impatience la réaction des différentes listes en lice face à un programme qui impliquerait un engagement financier décisif des différents niveaux de pouvoirs publics.
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports interroge les candidats à partir de plusieurs cartes, remarquablement réalisées (1). La première figure les améliorations d’infrastructures et les réouvertures qui lui semblent urgentes dans cette région très multipolaire et aux couloirs de circulation concentrés en raison des importants reliefs qui la caractérisent. Nous les détaillerons plus loin dans cet article.
Outre une carte des projets d’infrastructures, des cartes sur la lisibilité du réseau, la tarification zonale et l’information
La deuxième carte figure les services de transports collectifs régionaux en donnant à chaque relation un identifiant numéroté et une couleur, ce qui facilite la lecture et la compréhension de l’offre mais que les services régionaux et SNCF n’ont toujours pas réalisés. Les services sont catégorisés en quatre groupes, les trois premiers étant des services ferroviaires : lignes régionales de desserte rapide (R) ; services express métropolitains (M) ; lignes de proximité ou de desserte fine du territoire (P) ; cars régionaux conçus comme lignes de rabattement sur les axes ferroviaires avec tarification homogénéisée train-car (C).
Car TER Auvergne-Rhône-Alpes à destination de Grenoble devant la gare de Valence-TGV. Ce service double la ligne ferroviaire du sillon alpin sud, récemment modernisée et exploitée par des TER cadencés. La Fnaut se dissocie de ce concept de mixité rail-route sur un même axe, prônant la complémentarité géographique des deux modes : les lignes routières doivent être des lignes affluentes aux lignes ferroviaires, desservant les zones peu denses et rabattant les voyageurs sur les axes lourds. ©RDS
La troisième carte figure les bassins de vie proposés pour de créer un système de tarification zonale multimodale. L’Ardèche est par exemple découpée en trois bassins : la rive droite de la vallée du Rhône sud, la rive droite de la vallée du Rhône nord et le nord-Ardèche intérieur, le grand sud-est de l’Ardèche. La Drôme est découpée en trois zones de tarification : Valence, Romans, Tain et la Drôme des collines ; La vallée de la Drôme et le Vercors sud ; Montélimar et la Drôme provençale. Entre ces deux départements, on pourrait aussi imaginer des zones de tarification communes autour de l’axe rhôdanien, mais tout cela pourrait se discuter.
La quatrième carte enfin propose la localisation de « maisons des mobilités » qui proposeraient de l’information multimodale et la vente de titres de transports en cas d’absence de guichets. Les personnels des offices de tourisme, des mairies et intercommunalités au contact du public et des maisons de service public recevraient aussi une formation en ce sens. Des canaux d’information dédiée seraient créés, du support papier au téléphone, pour permettre un accès fédératif à des réseaux qui brillent pour l’instant par leur splendide isolement et la complexité de leur offre (cars TER ou privés ? Réseau ferroviaire à tarification régionale ou urbaine ?, etc…).
La Fnaut demande des réouvertures de lignes aux voyageurs, d’Oyonnax-Saint-Claude et Boën-Thiers à la rive droite du Rhône
Nous nous attarderons particulièrement sur les propositions de la Fnaut Auvergne-Rhône-Alpes en matière d’infrastructure. C’est à l’évidence le sujet qui fâche puisque cette région a été particulièrement marquée par la conception monocentrique française du réseau ferroviaire qui privilégie les radiales de et vers Paris et a sacrifié les liaisons régionales transversales. On a ainsi encore vu disparaître, au cours de la mandature régionale qui s’achève, les sections de lignes ferroviaires Oyonnax-Saint-Claude (30,75 km) et Boën-Thiers (48,2 km). La première permettait de relier le haut-Jura à Lyon (il faut désormais prendre un autocar et un train) alors que la liaison purement ferroviaire de Saint-Claude vers Dijon et Paris par Morez et Andelot est maintenue. La seconde permettait une continuité ferroviaire entre Saint-Etienne et Clermont-Ferrand, deux grandes agglomérations réunies dans la même région quelques mois avant la suppression du service de bout en bout.
Cartes des demandes d'amélioration du réseau ferroviaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes soumises aux candidats aux élections régionales du mois de juin prochain. Réouvertures ou études de réouvertures, doublements de voies uniques, électrifications...: un document prospectif basé sur un concept de transport public capacitaire et multipolaire, seul garant d'un développement harmonieux de cette grande région. (Doc. Fnaut - Se référer au lien en pied de texte pour une meilleure lecture)
La Fnaut exige que la puissance publique revienne sur ces deux aberrations en restaurant ces sections de ligne et en y rétablissant, grâce à une finalisation des travaux dès 2026, des services de trains TER – ce qui n’empêcherait pas d’y adjoindre du fret. Au même chapitre du rétablissement rapide de services ferroviaires voyageurs régionaux, elle cite trois autres relations : Givors-Saint-Rambert d’Albon par Serrières (rive droite du Rhône nord, 47 km) ; Le Teil-Livron (rive droite du nord centrale étudiée par la région avec prolongation des services jusqu’à Romans, 71 km) ; Bellegarde-Nantua (24 km), ligne rouverte et électrifiée à grands frais pour les TGV Paris-Genève en 2010 avec participation financière de la Confédération helvétique mais sans qu’aucun TER n’y circule depuis.
En péri-urbain, les réouvertures avant 2026 de Lyon-Trévoux, Pusignan-Crémieux ou Annecy-Albertville
Toujours au chapitre des (re)mises en service à l’horizon 2026, mais dans le cadre métropolitain, la Fnaut propose le rétablissement de plusieurs services ferroviaires. D’abord une réouverture de (Lyon) Sathonay à Trévoux (18,5 km), infrastructure à voie unique fermée et que le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes prétend transformer en voie pour bus à haut niveau de service ce qui, sur ex-voie unique avec quelques ouvrages d’art revêt un côté comique.
Toujours en région lyonnaise, elle demande la réouverture de la section Pusignan-Crémieux (14 km) sur l’ancienne emprise du chemin de fer de l’Est de Lyon, en antenne du service Rhône-Express Part-Dieu-Aéroport Saint Exupéry. Elle demande la création d’une liaison TER Saint-Exupéry-Heyrieux en antenne de la ligne Lyon-Grenoble. Elle ne mentionne pas, en revanche, la réouverture de la courte section Brignais-Givors qui impliquerait un remaniement des voies pour desservir Givors.
Dans la région d’Annecy, la Fnaut demande le remaillage du réseau par rétablissement d’une voie ferrée sur ou proche de l’emprise de l’ancienne ligne Annecy-Albertville (45,35 km). Un projet de train-tram est envisagé sur cet axe, porté en particulier par l’intercommunalité annecéenne.
La Fnaut demande des études préalable à d’autres réouvertures aux voyageurs : Evian-Saint-Gingolph, Volvic-Le Mont Dore…
Prudente, la Fnaut ne propose pour les autres rétablissements de liaisons ferroviaires de maillage, que le lancement d’études technique préparant à une réouverture pour le mandat suivant. C’est le cas pour Evian-Saint-Gingolph (17,8 km) afin de compléter un tour du lac Léman par le sud en établissant une liaison Genève-Valais plus courte et desservant la riviera française, et pour Sain-Bel-Sainte-Foy l’Argentière dans les monts du Lyonnais (16,5 km), qui vient de voir son trafic fret de carrières basculé sur route.
En Auvergne, elle demande le lancement d’études pour la réouverture aux voyageurs et la sécurisation du trafic fret entre Volvic, Laqueuille et Le Mont-Dore (57 km), première étape vers une réouverture de la ligne des Puys Clermont-Ferrand-Ussel, maillon de l’itinéraire Lyon-Bordeaux le plus court en kilométrage.
La gare de Laqueuille cet hiver, jonction de la ligne du Mont Dore avec la transversale Clermont-Ferrand-Ussel, fermée au trafic voyageurs au-delà de Volvic. Les dernières circulations passant à Laqueuille, les trains d'eaux minérales tracés sur la section Volvic-Le Mont-Dore, étaient interrompues par la neige... et restent menacées par l'état délabré de la voie. (©RDS/Stéphane Périchon)
La Fnaut propose une série d’améliorations de capacité par doublement de voies uniques, seul à même de permettre une hausse des fréquences, préalable à tout report modal. Elle demande que ces travaux soient réalisés dès le prochain mandat sur Riom-Gannat (27,17 km) avec mise à l’étude de l’extension de ce doublement de Gannat à Lapeyrouse (36 km) pour renforcer l’axe Lyon-Bordeaux dont il est tant question, comme les potentialités du service TER. La Fnaut demande aussi d’achever le doublement dès le prochain mandat du sillon alpin sud, soit les sections Saint-Marcellin-La Sône (4,8 km) et Saint-Hilaire-Saint-Nazaire-Romans (16,7 km), ainsi qu’en Haute-Savoie de la difficile section surchargée Aix-les-Bains-Annecy (39,5 km) et de la section Annemasse-Laroche-sur-Foron (17 km) qui cumule les flux Genève-Annecy et Genève-Saint-Gervais. Au nord de Lyon, elle demande le doublement de Villars-les-Dombes à Bourg (27 km) et celui de la voie sous le tunnel des Deux-amants sur le train-tram de l'Ouest Lyonnais.
La Fnaut prône aussi des rétablissements de voies de croisement en plusieurs points du réseau à voie unique.
Outre le doublement de plusieurs sections à voie unique, un vrai programme d’électrifications
Toujours en matière de doublements de voies uniques la Fnaut demande la mise à l’étude, outre de celui de Gannat à Lapeyrouse, de ceux de : Echirolles à Vif (17,4 km de la section nord de Grenoble-Veynes) moyennant la reprise de deux viaducs (Romanche et Drac) ; Annemasse à Evian (39 km) ; Saint-Just-sur-Loire à Montbrison (21 km).
Enfin, la Fnaut demande l’électrification d’ici 2026 de Sathonay-Bourg (51,6 km), de Saint-Germain-au Mont d’Or-Roanne (76 km) par le tunnel des Sauvages qui devrait subir une reprise de gabarit importante si la tension 25kV était retenue, et de Saint-Etienne-Andrézieux-Bouthéon (14 km). Il s’agirait, dans la Loire, d’un premier pas pour l’électrification du réseau structurant régional puisque la Fnaut demande la mise à l’étude des électrifications complémentaires d’Andrézieux-Bouthéon au Coteau (Roanne) soit 63 km, et de Roanne-Saint-Germain-des-Fossés, soit 67 km.
Gare de Tullins-Fures, dont le guichet est fermé mais l'accès depuis un nouveau quartier côté Est est largement réaménagé. La ligne Valence-Moirans, très bel exemple de modernisation et d'exploitation cadencée à l'initiative de l'ex-région Rhône-Alpes, n'a pas été mise à deux voies au sud de Saint-Marcellin pour faire l'économie du doublement du pont franchissant l'autoroute A49 Valence-Grenoble, ni au sud de Saint-Hilaire-Saint-Nazaire jusqu'à Romans, où l'on compte une section courant le long de falaises en surplomb de l'Isère, dont la plateforme est pourtant conçue pour deux voies. ©RDS
Notons enfin que la Fnaut demande l’extension de l’électrification Paris-Clermont-Ferrand au sud de la capitale auvergnate jusqu’à Issoire, où l’usine d’aluminium a malheureusement abandonné le rail sur lequel elle est embranchée. Mais cette section à double voie de 36 km supporte un trafic TER intense et transversaux nord-sud.
Loin des projets d’automoteurs à hydrogène dont l’adoption complexifiera le parc et génèrera des coûts importants, l’électrification classique par caténaires, que l’Allemagne développe toujours fortement, est un gage de cohérence, d’efficacité et de durabilité du matériel moteur, et d’économies d’énergie.
Le Contournement de l’agglomération lyonnaise et les voies d’accès au tunnel du Lyon-Turin
Nous noterons pour terminer cette énumération que la Fnaut insiste sur l’avancée des études pour le Contournement de l’agglomération lyonnaise, ce CFAL Ambérieux-Sibelin par Saint-Exupéry dont la section Saint-Exupéry-Heyrieux dont elle demande la réalisation rapide est un maillon. De même, elle demande aux candidats de s’engager sur l’accélération de la réalisation de la ligne nouvelle d’accès au tunnel de base de l’axe Lyon-Turin, en cours de percement.
Carte d'une des variantes du projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise par l'est (CFAL). Notons qu'en son temps le PLM avait établi un contournement - essentiellement fret - par l'ouest, avec la section Lozanne-Tassin-Brignais-Givors aujourd'hui intégrée à deux branches du réseau TER de l'Ouest-Lyonnais. (RFF/SNCF Réseau)
L’ensemble de ces propositions cumule un linéaire important, mais dispersé en une multitude de sections relativement courtes, permettant un phasage des projets et de leurs financements. Pour autant, ce programme inspiré des exemples suisse et allemand, impliquera un engagement financier fort des acteurs publics, tant de la région Auvergne-Rhône-Alpes que de l’Etat et de SNCF Réseau, gestionnaire d’infrastructure.
Le maillage ferroviaire optimal de cette « grande région » caractérisée par sa multipolarité (Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, les Savoies, Genève, la vallée du Rhône, Clermont-Ferrand…) constitue un enjeu exemplaire dans la perspective d’un report modal de la route, omniprésente, vers le rail, jusqu’ici malheureusement trop souvent considéré comme un pis-aller malgré sa productivité croissante, sa durabilité, sa sécurité et sa discrétion environnementale.
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(1) Lien vers le document complet élaboré par la Fnaut Auvergne-Rhône-Alpes :
La réouverture de la ligne de Vizille aurait également pu avoir du sens