Entre promesse de gratuité menacée par un déficit explosif, interrogations sur la légitimité de la desserte lourde de la controversée gare TGV Sud-de-France, la politique de transports à Montpellier menée par le maire-président Michaël Delafosse (PS) avance par gros temps.

L’âge plafond pour la gratuité des jeunes gens à partir de septembre ramenée de 26 à 18 ans

 Après la gratuite de l’usage du réseau TaM offerte les samedis et dimanches depuis un an, limitée toutefois aux résidents des 31 communes de la Montpellier Méditerranée Métropole avec obligation de validation à chaque montée – en fait un abonnement gratuit -, la prochaine étape devait être, en septembre 2021, une gratuité totale offerte aux jeunes de moins de 26 ans et aux plus de 65 ans. Toujours sous réserve de résider dans la métropole, de le prouver et d’obtenir un titre de transport gratuit auprès des guichets des TaM, à valider.

IMG_20210413_152629358_HDRVue de la station Antigone de la ligne 1 du tramway de Montpellier, en plein quartier conçu par Ricardo Bofill à l'époque de la municipalité Frêche pour une inauguration en 1983. La photographie a été prise en période de confinements (avril 2021) : les restrictions dratiques à prétexte sanitaire ont vidé les rues et les rames, faisant exploser le déficit de l'exploitant TaM (Transdev) de 15M€ en 2020. ©RDS

  Début avril,  l’autorité politique est revenue sur cette promesse en abaissant de sept années l’âge d’éligibilité à la gratuité pour les jeunes, ramené de 26 à 18 ans. Un vif débat s’est déroulé au conseil métropolitain, l’opposition affirmant qu’il s’agit d’un renoncement lié à l’état financier dégradé de la collectivité, la majorité affirmant qu’il ne s’agit que d’une harmonisation avec le plan de gratuité de la région Occitanie à l’intention des jeunes.

 Pour l’ancien adjoint du précédent maire et président Philippe Saurel, Max Lévita (opposition), cité par le site bien informé tranwaydemontpellier.net, l’explication est budgétaire : « À Montpellier, il y a 70.000 étudiants. Si vous multipliez par le nombre d’abonnements, c’était une facture de l’ordre de 12 millions d’euros. Et il faut ajouter les 18-26 ans qui ne sont pas étudiants, j’en déduis que l’argent nécessaire n’a pas été trouvé. » (1) L’abonnement annuel libre circulation pour les moins de 26 ans est facturé 176,40 € par les TaM (196,- € pour le  non-résidents).

Entre gratuité régionale du transport scolaire et gratuité promise du réseau de Montpellier

 Pas du tout, réplique la vice-présidente de la métropole chargée des transports Julie Frêche, fille du célèbre Georges Frêche, ancien maire et ancien président de l’ex-région Languedoc-Roussillon, qui pointe un souci de cohérence avec la promesse d’une future gratuité des TER pour les étudiants. Elle déclare, rapporte le quotidien gratuit 20 Minutes : « C’est une question de lisibilité par rapport au dispositif régional. Qu’est-ce que les gens auraient pensé si, sur un même territoire, une collectivité offrait la gratuité aux moins de 18 ans, et une autre aux moins de 26 ans ? Il faut être un minimum cohérent. » (2) Il n’est pas sûr que cette complexité eût été insurmontable… « Julie (Frêche) soumis à Carole (Delga, présidente PS du conseil régional) va-t-elle proposer le transport gratuit à Montpellier de tous les Occitans de moins de 18 ans ? », ironise l’hebdomadaire local L’Agglorieuse. (3)

 De fait, la région Occitanie a annoncé la gratuité intégrale des transports scolaires (donc pour les moins de 18 ans). La gratuité des transports de la métropole de Montpellier pour les moins de 18 ans ne s’appliquant qu’aux résidents des 31 communes, elle imposera le paiement aux scolaires arrivant par cars régionaux depuis une commune hors métropole qui voudront utiliser tramways ou bus urbains.

DSCN4236Autocar des services de transport régionaux occitans "LiO" à la station de tramway de Saint-Jean-le-Sec (ligne 2). Si les transports des scolaires deviennent gratuits pour toute la région Occitanie, ces moins de 18 ans auront eux aussi droit aux transports urbains gratuits à Montpellier seulement s'ils sont résidents de la métropole. S'ils utilisent un bus "LiO" depuis une commune hors métropole puis un tramway TaM, ils devront jongler entre gratuité et paiement. ©RDS

 Notons au passage que les futurs tarifs régionaux pour les étudiants empruntant les TER, applicables en septembre prochain, seront dégressifs avec une gratuité sous conditions, ce qui affaiblit encore l’argument de Mme Frêche. Moyennant une perte de recettes annuelle de l’ordre de 1,5 millions d’euros, l’Occitanie lancera un système de semi-gratuité incitative pour les 18-26 ans avec une phase de tests pour deux mille d’entre eux jusqu'au 31 août. La gratuité sera effective au-delà de cinq allers-retours, eux-mêmes facturés avec 50 % de réduction. Les cinq allers-retours suivants seront gratuits, sous réserve d’être effectués le même mois. A partir du onzième aller-retour, la gratuité sera activée pour les cinq premiers allers-retours du mois suivant.

La gratuité totale des transports publics coûterait 40 M€ par an alors que le déficit a bondi de 15 M€ en 2020 à cause de la « crise sanitaire »

 Pour couper court, la vice-présidente chargée des transports a assuré que la gratuité serait effective « en 2023, pour tous les habitants de la métropole. » Or, selon un document de la CGT des TaM présenté par tramwaydemontpellier.net, « le déficit d’exploitation de l’année 2020 se serait accru de 15 millions d’euros par rapport à 2019 en raison de la crise sanitaire ». En 2019, rappelle-t-il, « ce déficit s’était élevé à 43,4 millions d’euros contractuellement comblé par Montpellier Méditerranée Métropole » ce qui porterait le déficit en 2020 à 58,4 M€.

 L’évaluation du manque à gagner d’une gratuité totale pour les résidents de la métropole de Montpellier était évalué par ses partisans à 25 millions d’euros par an, soit l’achat annuel de huit rames de tramway neuves ou la construction chaque année de 2,5 kilomètres de ligne nouvelle à voie unique en banlieue. Elle est évaluée à ce jour par d’autres observateurs à au moins 40 millions d’euros annuels, soit un doublement du déficit « de base », soit encore une grosse douzaine de rames neuves ou 4 km de voie unique en périphérie… chaque année. Or les banlieues résidentielles sont les grandes exclues du transport public ferré alors même que l'équipe Delafosse promet que toute la métropole, communes de périphérie incluses, deviendra une ZFE (zone à faibles émissions) donc interdites aux voitures diesel. A l'exclusion spatiale s'ajoutera l'exclusion modale.

IMG_20210413_162428463_HDRAutoroute A709 sur le territoire de la commune de Montpellier, ancienne A9 désormais à vocation métropolitaine. Régulièrement engorgée, elle illustre la difficulté des habitants de la périphérie éloignée à venir à Montpellier alors que le réseau de tramway reste essentiellement limité à la zone centrale. La vue est prise depuis le pont permettant d'accéder à la gare controversée de Montpellier Sud-de-France située à environ 600 mètres, mais aucune sortie de cette autoroute ne permet d'y accéder directement. ©RDS

 Cette situation financière prise en étau entre des finances publiques frappées de plein fouet, une promesse de gratuité irraisonnée et une thrombose routière en grande banlieue non encore desservie par le tramway en site propre n’empêche pas l’équipe dirigeante montpelliéraine de passer un marché record de 77 rames de tramway neuves (dont 60 ferme), en partie pour remplacer les rames Citadis 401 de la ligne 1 pourtant âgées de seulement 21 ans à ce jour et dont la carrière pourrait se poursuivre pendant encore au moins une décennie et demie.

Le devis de l’extension de la ligne 1 du tramway à la gare controversée de Sud-de-France a bondi à 49,9 millions d’euros pour seulement 1,3 km

 Tout cela survient sur fond d’importants projets de développement du réseau, dont certains recèlent quelques contradictions. Julie Frêche, lors d’une conférence de presse début février, avait en particulier confirmé l’extension de la ligne 1 du tramway sur 1,3 km entre son terminus actuel Odysseum et la gare controversée, exclusivement TGV sans correspondances TER, de Montpellier Sud-de-France. Jadis évalué à environ 40 millions d’euros, le coût de cette extension est désormais évalué par la vice-présidente chargée des transports à 49,9 M€.

 Cette décision évacue l’installation d’une ligne de bus à haut niveau de service qui, dans cette zone peu habitée de l’agglomération traversée par deux autoroutes à 500 m de distance et une voie ferrée (le CNM) et dont la densité de construction a été revue drastiquement à la baisse, eût pu répondre à une demande tout à la fois faible et diversifiée. Un BHNS eût ainsi pu relier la station Boirargues sur la ligne 3 du tramway à la station Place de France de la ligne 1 via cette gare exurbanisée, offrant ainsi aux voyageurs un débouché rapide vers le littoral sans transiter par Port-Marianne.

IMG_20210413_161036411_HDRTableaux indicateurs à Montpellier Sud-de-France, le mardi 13 avril après-midi, fin de la journée d'activité au 11e jour de confinement. A chaque confinement, le trafic TGV est soit allégé en priorité dans cette gare ex-urbanisée, soit basculé vers Saint-Roch, ce qui traduit l'attractivité de chacun de ces établissements. La SNCF affirme que les bilans des gares nouvelles Sud-de-France et Nîmes Pont-du-Gard sont satisfaisants mais refuse de publier leurs bilans commerciaux. ©RDS

 Cette décision d’extension de la ligne 1, outre qu’elle obère d’autres investissements sur des infrastructures ferroviaires vers les zones résidentielles en forte croissance (Carnon, Poussan, Castries, nord de Juvignac…), contredit enfin la volonté affichée par M. Delafosse  pendant sa campagne d’exiger le retour d’un plus grand nombre de TGV sur la gare centre de Montpellier Saint-Roch, revendication des groupes écologistes.

Plantations sur la plate-forme d’extrémité de la future extension vers la gare Sud-de-France : vers une version courte ?

 Reste une interrogation sur la solidité de cette annonce. En ce mois d’avril, des équipes ont entreprise de planter quantité de végétaux, à proximité immédiate de la gare Sud-de-France, sur la large plate-forme destinée à recevoir les voies de l’extension de la ligne 1. Soit il s’agit d’une plantation provisoire destinée à être détruite sous peu – les écologistes s’alarmeront alors de la souffrance des végétaux façon maire de Bordeaux -, soit il a été décidé de renoncer à faire accéder les rames jusqu’au parvis de la gare Sud-de-France, face à ses entrées, sur la vaste plateforme dominant les six voies du faisceau (avec réserve pour deux autres), comme prévu initialement.

IMG_20210413_160025526 (1)Recente plantation de végétaux, pami lesquels des arbres, sur la plate-forme menant à l'entrée principale de la gare de Sud-de-France, en surplomb des voies. Il ne reste plus de place pour y faire passer la future extension de la ligne 1 du tramway jusqu'aux portes de la gare, solution prévue à l'origine et justifiant la largeur de la dalle extérieure. Décoration provisoire pour atténuer la chaleur étouffante du lieu en été ou raccourcissement du projet d'extension des voies de la ligne 1, au prix d'un allongement notable du parcours piétons entre les quais de la gare TGV et ceux de la future station de tramway? ©RDS

 On relèvera pour clore ce chapitre, qu’outre l’extension de la ligne 1 et la construction en cours de la ligne 5, la métropole compte créer quatre lignes de BHNS dotées de 51 bus à hydrogène, pour mise en service entre 2023 et 2025. Chacune sera dotée d’une identité visuelle spécifique dont le coût n’est pas précisé, pas plus que leur effet sur la cohérence commerciale du réseau.

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(1) Lien vers l'article de tramwaydemontpellier.net :

2 avril 2021 - La gratuité des transports publics au bénéfice des jeunes gens âgés entre 18 et 25 ans révolus, qui habitent la Métropole montpelliéraine, repoussée à 2023

La rame 2003 Citadis 401 Alstom, opérant sur la ligne 1 en direction du terminus "Mosson", est exceptionnellement photographiée au moment où elle quitte la station "Observatoire" commune aux lignes 3 et 4, l'après-midi du dimanche 28 mars 2021, à la suite de la modification temporaire de son itinéraire provoquée par la manifestation "Marche pour...

http://tramwaydemontpellier.net

(2) Lien vers l'information sur le débat autour de l'âge de la gratuité, donnée par 20 Minutes:

A Montpellier, pas de gratuité du tramway en septembre pour les 18-26 ans

Les 18-26 ans ne bénéficieront pas de la deuxième étape de la gratuité des transports en commun à Montpellier, prévue en septembre prochain. Seuls les habitants de moins de 18 ans et les plus de 65 ans ne paieront plus les transports en semaine. " Ils apprécieront !

https://www.20minutes.fr

(3) L’Agglorieuse, 7 avril 2021.

L'AGGLORIEUSE, L'INFORMATION SANS CONCESSION

Le sceptre de l'annus horribilis, bien connu d'Élisabeth II, est à nouveau actif en Grande-Bretagne (décès de son époux et apparition d'Harry et de Meghan Markle dans le talk-show d'Oprah Winfrey). N'aurait-il pas traversé la Manche avec un variant plus agressif jusqu'au Clapas avec la fosse septique qui embaume tout autour ?

https://www.lagglorieuse.info