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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
7 avril 2021

L’Europe oublie le transport ferroviaire urbain et régional, le président de l’UTP Thierry Mallet demande un changement radical

 Tandis que la première mouture de la Loi climat en discussion en France omet de préparer le développement du fret ferroviaire (1), l’Union européenne ne fait pas mieux pour le transport ferroviaire régional et suburbain dans son « Pacte vert » sensé éviter le « changement climatique ». A croire que les élites politiques de ce continent restent génétiquement soumises aux lobbys routiers. Une cécité dénoncée par le président de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) Thierry Mallet dans l’hebdomadaire économique français La Tribune (2). En pleine psychose coronavirienne, l’UTP a par ailleurs publié une nouvelle étude démontrant que le transport public n’est pas un lieu de contamination par des micro-organismes.

Le transport ferroviaire régional et urbain est à peine mentionné par la « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente »

 Le transport ferroviaire régional et urbain est à peine mentionné dans le texte européen définissant la « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente », ce qui rend douteux ce dernier qualificatif. Or le transport collectif, dans nos agglomérations et à leurs périphéries, constitue un atout essentiel pour atteindre les objectifs d’économies d’énergie, de limitation des nuisances sonores, de protection des vies humaines et de limitation des émissions de polluants que ce soit directement par le moteur à explosion ou indirectement par la production hautement polluante (mais à distance de leur usage final) de batteries pour moteurs électriques. Sans parler de l’économie d’espace grâce à la faible emprise au sol des lignes ferroviaires par rapport aux routes, pour un même débit potentiel.

DSCN3883Rame Citadis 302 d'Alstom au départ du terminus Saint-Jean-de-Védas-Centre de la ligne 2 du tramway de Montpellier.  Sur ses deux extrémités (Sabines-Saint-Jean-de-Védas Centre et Sablassous-Jacou), cette ligne est à voie unique avec un débit potentiel d'une rame toutes les 5mn par sens. Cette rame Citadis 302 (35mX2,65m) affiche une capacité de 212 voyageurs, ses soeurs de 43m (402) d'environ 300 voyageurs. L'emprise au sol de la voie unique de tramway est d'environ trois mètres, soit à peu près la largeur d'une seule bande de circulation sur voie routière (3,50m)... ©RDS

 Le président de l’UTP Thierry Mallet, par ailleurs PDG de Transdev, société à capitaux majoritairement publics (66 % Caisse des Dépôts, 34 % groupe allemand Rethman) pour l’exploitation de réseaux de transport, rappelle à la mémoire des hiérarques de la Commission européenne que cette dernière dispose de puissants leviers d’action pour agir, que ce soit sur les investissements dans les réseaux (en renvoyant une partie de l’argent qui lui est versé par les Etats vers leurs infrastructures de transport) ou pour garantir une concurrence équitable.

 Thierry Mallet rappelle que « les lignes ferroviaires régionales et suburbaines transportent 90 % des passagers du ferroviaire en Europe ». Il souligne encore : « En nombre de passagers, c'est dix fois plus que le transport aérien ou le ferroviaire longue distance. En Allemagne, les liaisons régionales ont transporté 2,2 milliards de passagers en 2019 contre 151 millions pour le ferroviaire longue distance. Pourtant, cette mobilité du quotidien reste la grande absente de la « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente », présentée en décembre par la Commission.

Renforcer les liaison régionales et suburbaines pour de vraies alternatives à la voiture individuelle

 Pour le président de l’UTP, la réalisation des objectifs climatiques ambitieux du « Pacte vert européen » nécessite une réorientation drastique de l'action et des financements européens vers cette mobilité du quotidien. Ironie de l’histoire, 2021 est « l'Année Européenne du Rail », dont le coup d'envoi a été donné le 29 mars à Lisbonne. « Il est urgent » de réfléchir aux moyens de renforcer les liaisons régionales et suburbaines du transport public, « essentielles tant sur le plan économique, social et environnemental, pour en faire de vraies alternatives crédibles à la voiture individuelle », insiste Thierry Mallet.

DSCN2816 (2)Rame TER Auvergne-Rhône-Alpes à La Tour-du-Pin. La ligne de l'est de Lyon cumule, sur sa section la plus chargée dotée de seulement deux voies (13 km entre Saint-Priest et la bifurcation LGV de Grenay), un trafic TGV, les TER cadencés Lyon-Saint-André-le-Gaz, les TER cadencés Lyon-Grenoble, les TER Lyon-Chambéry et un petit trafic fret. L'ajout d'une ou deux voies supplémentaires attend toujours. ©RDS

 L’UTP rappelle que le potentiel du rail dans la réduction des gaz à effet de serre est considérable. A l’heure actuelle, « il est responsable de moins de 0,5 % des émissions totales du secteur du transport ». Ce côté vertueux concerne non seulement son exploitation mais aussi la nature de son matériel dont la durée de vie est au moins triple de celle des automobiles et la capacité d’emport supérieure au regard de sa masse (1,3 personne en moyenne pour une automobile moyenne de 1,5 tonne).  Thierry Mallet constate : « La voiture comme mode privilégié pour nos trajets du quotidien est quant à elle responsable de la grande majorité de ces émissions. Sa part modale n'a pas baissé depuis 30 ans. Pour accroitre le report modal vers le ferroviaire, il est urgent d'investir sur les réseaux. »

Jusqu’ici, la Commission européenne a surtout financé lignes à grande vitesse et liaisons transfrontalières

 Si le principal outil européen de financement des infrastructures, le « Mécanisme pour l'interconnexion en Europe », prévoit d’allouer 25 milliards d'euros aux réseaux de transport entre 2021 et 2027, il a jusqu’ici donné la priorité aux projets de trains à grande vitesse et aux liaisons transfrontalières, dans la perspective d’une « unification » du continent. Des choix pas toujours couronnés de succès, comme le démontre l’échec commercial de la ligne franco-espagnole Perpignan-Figueras, cofinancée par l’UE et les deux Etats voisins.

 Thierry Mallet demande « un rééquilibrage des investissements en faveur des nœuds urbains et des liaisons du quotidien (…) eu égard aux impératifs d'inversion de la courbe des émissions du secteur des transports » ce qui permettrait de se doter « d’une légitimité retrouvée en répondant aux besoins de mobilité du quotidien des citoyens ». Objectif : accroître l’offre, la fréquence et la qualité des services, ce dont les agglomérations françaises hors région parisienne manquent cruellement. (2)

DSCN2834Amorce de l'ancienne liaison ferrée Montpellier-Sommières (Quissac-Le Vigan/Alès) à quelques centaines de mètres de la gare abandonnée Les Mazes-Le Crès. Au-delà de Vendargues, cette ligne passée au domaine de la métropole devrait être transformée en voie prétendument "verte", une hérésie dans cette zone résidentielle et industrielle dont les axes routiers sont victimes de thrombose récurrente. Pourtant, la ligne Nîmes-Montpellier sur laquelle elle est embranchée, dont on aperçoit les caténaires, est allégée de 75% de son trafic fret et d'une partie de son trafic TGV grâce au CNM parallèle, ce qui permettrait d'y ajouter un trafic affluent. ©RDS

 Le président de l’UTP argumente par ailleurs sur l’ouverture à la concurrence qu’il convient de rétablir dans le domaine des transports par une « application stricte de la règlementation européenne afin de garantir une ouverture à la concurrence régulée et équitable du ferroviaire régional ». « Dans tous les pays où elle a été bien appliquée, explique Thierry Mallet, l'ouverture à la concurrence a permis au service public ferroviaire local d'entrer dans un cercle vertueux : augmentation de l'offre (+ 22 % en Allemagne), économies pour les collectivités locales (quand les contributions des régions françaises destinées aux TER augmentaient de 92 % entre 2002 et 2018, elles baissaient de 34 % pour les Länder), augmentation  la fréquentation, réouverture de lignes ».

Menace d’un retour au transport individuel alors qu’une nouvelle étude démontre que le transport public n’est pas associé à un risque de surinfection

 Selon le PDG de Transdev, les principales conditions du succès de la mise en concurrence sont l’accès à du matériel roulant pour tous les opérateurs ferroviaires, l’indépendance du gestionnaire d'infrastructure, la fin des attributions directes pour des appels d'offres transparents axés sur l'innovation et la performance environnementale. « La Covid, conclut-il, ne doit pas être le prétexte à un retour à des pratiques monopolistiques qui nuisent au ferroviaire et à son attractivité ».

DSCN3177Rame TER Provence-Alpes-Côte d'Azur dans sa livrée du précédent mandat régional, garée sur le faisceau de remisage TER de Toulon. Les lignes nouvelles PACA, toujours dans les cartons, sont conçues pour accélérer et développer tant les services nationaux que régionaux et péri-urbains. Pour l'instant, la liaison Marseille-Toulon à double voie (67 km) en reste à ses dimensions de 1859, lors de sa mise en service, avec pour seul ajout celui d'une voie supplémentaire entre Aubagne et Marseille (2015), l'amélioration de la signalisation et l'électrification (1965). ©RDS

 Cette lettre ouverte répond à la menace d’un retour massif au transport individuel, avec son lot d’accidents, de gaspillage énergétique et spatial, de temps gaspillé dans les embouteillages et, in fine, d’investissements irraisonnés dans de nouvelles routes. Pourtant, une nouvelle étude  des organismes publics sanitaires français vient de démontrer que  « les transports en commun ne  sont pas associés à un risque de surinfection ». Raildusud reviendra sans tarder sur cette information.

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(1)    Lire au sujet du projet français de Loi climat notre article du jeudi 1er avril dernier :

Loi climat : le texte initial oublie le fret ferroviaire, les opérateurs exigent des actes pour passer sa part modale de 9 à 18% - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La " loi climat " qui est arrivée devant les députés le 29 mars pour trois semaines de discussions, est un texte comportant 69 articles qui couvre une quantité de secteurs allant de la limitation de la publicité aux pratiques agricoles en passant par les économies d'énergies dans le logement.

http://raildusud.canalblog.com

(2)    Lien vers le texte complet du texte de Thierry Mallet dans "La Tribune" :

Transition écologique de la mobilité : agissons pour le train du quotidien

OPINION. Alors qu'il est à peine mentionné par la " Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente ", le transport ferroviaire régional et suburbain demeure l'un des meilleurs atouts pour atteindre nos objectifs climatiques. Investissements sur les réseaux et garanties d'une concurrence transparente et équitable, l'Union européenne dispose d'importants leviers d'action.

https://www.latribune.fr

(3)    Lire aussi notre article du dimanche 28 mars 2021 sur les secondes périphéries urbaines, grandes oubliées du transport public lourd en « province » :

Les secondes périphéries urbaines, zones blanches grandes oubliées du transport lourd en "province" (étude) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Lyon, Grenoble, Nice, Toulon, Avignon, Nîmes, Montpellier, Toulouse... Toutes ces grandes villes de nos régions sont en panne de projets de transport péri-urbain ferroviaire irriguant tout ou partie de leurs secondes périphéries, des " zones blanches ", alors que les zones centrales sont déjà correctement desservies.

http://raildusud.canalblog.com


 

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Commentaires
E
Attention au discours sur l'ouverture à la concurrence : le PDG de Transdev a évidemment envie de vendre son produit. <br /> <br /> Si elle a été vertutureuse en Allemagne, c'est avant tout car les Landers, ont, au total augmenté leur constribution au SYSTÈME ferrovaire (infrastructure, gares) dans des proportions plus importantes que les régions françaises. La concurrence ne peut être vertueuse que si un apport supplémentaire est faut, sinon elle n'apporte pas grand chose (au mieux une faible réduction des coûts, tellement la marge est faible à cause de la structure du réseau - horaire surtout). <br /> <br /> L'exemple du Luxembourg montre dailleurs que la concurence n'est PAS ce qui dynamise le transport ferrovaire mais que c'est surtout l'investissement qui le fait (les CFL sont détenus à 100% par le public et sont en monopole).
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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