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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
22 mars 2021

Ces lignes régionales qui n’ont jamais vu le jour : au P-O (Histoire - 2/3)

 Le réseau ferroviaire français promettait de se développer encore quelques années seulement avant la constitution de la SNCF en 1938. Plusieurs projets ont vu leurs travaux amorcés, d’autres furent simplement l’objet de concessions, définitives ou éventuelles, pour compléter les réseaux des trois compagnies irriguant le Grand Sud-Est : Midi, Paris-Orléans (P-O) et Paris-Lyon-Méditerranée (PLM). Dans cette seconde partie, nous examinerons les projets non aboutis dans le secteur du P-O (1).

Les bureaux d'études des compagnies étudièrent quantité de projets au cours des décennies, encouragées par l'Etat et par les élus locaux. Nous ne mentionnons pas les projets non aboutis des réseaux d’intérêt local. L’énumération des projets avortés des réseaux ferrés nationaux ne prétend pas à l’exhaustivité et des compléments d'informations seront bienvenus de la part des lecteurs de Railpassion.

Les projets mis en chantier mais non aboutis du P-O (Paris-Orléans)

 Dans les actuelles régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, dont elle desservait les franges occidentales, la compagnie du Paris-Orléans avait entamé les travaux suivants, jamais achevés.

Cahors-Moissac.- Ce projet de ligne avait été l’objet d’une convention de concession avec l’Etat datée du 20 février 1913, suivie d’une déclaration d’utilité publique en date du 7 juillet suivant. Longue de 61 km, la ligne Cahors-Moissac avait dans un premier temps été prévue à voie métrique, avant de passer à la voie de 1,435 m dans la DUP. Se détachant, en direction sud-ouest, de l’artère Paris-Montauban-Toulouse à un peu plus d’un kilomètre au sud de la gare de Cahors, elle devait irriguer le sud-ouest du département du Lot et le nord-ouest de celui du Tarn-et-Garonne, desservant 14 stations dont neuf gares parmi lesquelles Villesèque, Montcuq ou Montesquieu. Elle devait rejoindre l’artère Bordeaux-Toulouse de la Compagnie du Midi à environ un kilomètre à l’ouest de la gare de Moissac.

Cahors-MoissacTravailleurs oeuvrant à la construction de la plate-forme et des ouvrages d'arts de la ligne Cahors-Moissac. Ces lignes inachevées - comme les lignes construites puis fermées - constituent un patrimoine de travail, de savoirs et d'usage perdus pour la communauté. (Doc. Wikipedia)

 Les travaux, retardés par la guerre de 1914-1918, furent poursuivis jusqu’à leur suspension en 1934, année de la publication des fameux décrets de « coordination rail-route » qui allaient entraîner la vague de fermetures de lignes en France, principalement à partir de la nationalisation de 1938. La loi de novembre 1941 allait être fatale au projet – comme pour tant d’autres -, avec son déclassement. Pourtant, de nombreux ouvrages d’art avaient été construits, la plupart de taille modeste. La plate-forme, qui ne reçut jamais sa voie unique, a été interrompue en particulier par une carrière au sud de La Pélissière (Lot).

Bertholène-Espalion-Aurillac.- La particularité de ce projet de ligne en deux temps est d’avoir été partiellement réalisé avec mise en service de la section sud entre Bertholène et Espalion, dans le département de l’Aveyron. Cette section de 22,9 km, embranchée à l’ouest de la gare de Bertholène sur la ligne Rodez-Séverac-le-Château, fut attribuée à la Compagnie du Midi avec DUP et concession définitive en juin 1886. La mise en service fut ne effective qu’en juin 1908, soit vingt-deux ans après la DUP. Ce n’est qu’en 1913 que sa prolongation vers le nord jusqu’à Aurillac fut concédée à titre éventuel… mais au P-O.

 Ce projet au nord d'Espalion, réclamé entre autres dès le début du siècle par la municipalité de Montsalvy (Cantal), mesurait environ 63 km (73 km actuellement par la route) et irriguait le nord de l’Aveyron et le sud du Cantal. La ligne se détachait de la ligne Bertholène-Espalion à la sortie ouest de la gare d’Espalion, qui eût donc été exploitée en cul-de-sac, avant de franchir le Lot et de le suivre sur sa rive droite. La voie unique franchissait la Truyère après Entraygues avant de traverser le plateau l’amenant jusqu’à la vallée de la Cère en aval d’Aurillac. Elle eût desservi, en Aveyron : Estaing, Entraygues, Pons ; dans le Cantal : Montsalvy, Ladinhac, Teissières (à proximité). Au nord, elle s’embranchait immédiatement à l’ouest de la gare d’Aurillac.

téléchargé (7)Au centre de cet extrait d'une carte de 1910 des chemins de fer du Midi (lignes figurées en rouge), on distingue nettement l'itinéraire de la ligne concédée à titre éventuel au réseau du P-O (en noir azuré) entre Espalion et Aurillac. L'axe Bertholène-Aurillac eût été partagé entre le Midi et le P-O, avec rebroussement à Espalion. Jamais réalisée, la partie nord de cet axe aurait permis à Espalion d'être relié à Paris par l'itinéraire le plus court via Aurillac, Bort-les-Orgues, Eygurande-Merlines, Montluçon, Vierzon. L'avant-projet Espalion-Saint-Flour par Chaudes-Aigues n'est pas porté sur cette carte. (Doc. Gallica/BNF) 

 

La guerre de 1914-1918 a bloqué toute amorce de réalisation au nord d’Espalion. Notons qu’un autre projet avait été étudié à partir d’Espalion, vers le nord-ouest jusqu’à Saint-Flour par Laguiole et Chaudes-Aigues, sur le flanc ouest du massif de l’Aubrac, sans la moindre concrétisation.

 La section ex-Midi Bertholène-Espalion a été fermée aux voyageurs par la SNCF dès décembre 1938, mais au fret seulement en septembre 1989, avant déclassement par décret fin 1992.

Les  projets ébauchés ou concédés sans début de travaux au P-O

Saint-Germain-des-Fossés – Limoges (ligne directe ou aménagements).- C’est probablement le plus beau projet jamais conçu, et le plus important, du Paris-Orléans. Il est comparable par son ambition au projet de liaison directe Pertuis-Les Arcs du PLM, car il s’inscrit dans une perspective de liaison nationale et inter-régionale d’ampleur. Ce projet du P-O visait à assurer une liaison Lyon-Bordeaux rapide, nous renvoyant à l’actuelle tentative de rétablissement de trains directs sur cet axe par Railcoop… mais par les lignes originelles.

 Au début du XXe siècle le P-O, dans la veine d’autres projets datant du XIXe siècle (on pense à la réalisation de Lyon-Montbrison par la compagnie des frères Mangini, la DSE), est conscient que vaincre le Massif Central reste une aventure ferroviaire inachevée. Il envisage donc, dans une étude achevée en 1917 en pleine guerre, de constituer une liaison en partie nouvelle reliant Saint-Germain-des-Fossés  à Limoges, section la plus tourmentée de la ligne originelle. Il s’agit de renforcer le maillage du réseau depuis les ports de l’Atlantique vers l’est. Cette étude est reprise et affinée entre 1919 et 1935. Elle inclut des projets de sections nouvelles à double voie, comportant des rayons de courbure supérieurs à 500 m et des déclivités inférieures à 10 ‰. Il est même question d’électrification.

Sur cet extrait de la carte des chemins de fer départementaux de la Haute-Vienne (en traits gras), datée de 1923, les lignes du réseau d'intérêt général (réseau ferré national) sont figurées en traits fins. En tiretés fins on distingue, amorcé à Saint-Léonard de Noblat vers l'est, la section occidentale du projet de ligne express conçue par le P-O afin d'accélérer les relations entre Lyon et la façade atlantique. 

 Cette ligne nouvelle aurait transité par Auzances (correspondance avec la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines),  Aubusson (ligne Busseau-sur-Creuse – Ussel) et Bourganeuf (ligne  Vieilleville-Bourganeuf). A l’ouest, elle se serait embranchée à Saint-Léonard-de-Noblat sur la ligne Le Palais-Meymac-Ussel-Eygurande-Merlines, soit à 20,5 km à l’est de Limoges. Entre Auzances et Saint-Léonard-de-Noblat, le projet de ligne nouvelle affichait 129,5 km, section déclarée d’utilité publique en 1912, déclassée par le décret de décembre 1941. Raildusud n’est pas en mesure de préciser l’itinéraire envisagé à l’est d’Auzances. La suppression du rebroussement de Gannat (gare frontière entre P-O et PLM) fut envisagée, de même que l’électrification depuis Lyon vers Roanne pour franchir la difficile « rampe des Sauvages ».

Gouttières-Eygurande-Merlines.- Cet étrange projet du P-O visait à irriguer l’ouest du département du Puy-de-Dôme et l’est de celui de la Corrèze sur un axe nord-est - sud-ouest. La longueur projetée de la ligne affichait 62 km.

TDS71835Sur cet extrait de la carte des réseaux ferrés français du début des années 1930 on situe la gare de Gouttières, sur la ligne Laqueuille-Volvic avec son embranchement de la ligne provenant de Montluçon via Néris-les-Bains. Le projet d'une ligne de 62 km rejoignait depuis Gouttières, d'après les indication recueillies, la gare d'Eygurande-Merlines. (Doc. RDS)

Ce projet s’inscrivait-il dans le cadre plus large de la relation accélérée Lyon-Bordeaux ? Il aurait fallu qu’il inclue une jonction avec Auzances, à l’ouest. A Gouttières le projet était embranché sur la ligne amorcée à Lapeyrouse (et poursuivant jusqu’à Volvic). De plus amples informations seront bienvenues...

Ussel-Bort-les-Orgues.- Le P-O a étudié la création d’une ligne entre Ussel et Bort-les-Orgues, dont on trouve une trace sur un document cartographique datant de 1902. Cette ligne eût évité le transit par l’important nœud ferroviaire d’Eygurande-Merlines, situé à 18 km à l’est d’Ussel, section dont le profil difficile affiche une série de déclivités de 25 ‰ cumulant environ 9 km, soit près de la moitié du parcours.

ussel_bort_projet_Cartographie du projet de ligne reliant Ussel à Bort-les-Orgues en évitant Eygurande-Merlines, un tracé comportant de fortes déclivités et un détour notable. Inconvénient du concept : la poursuite des circulations vers le sud (Neussargues, Millau et Béziers ou Aurillac/Figeac, Toulouse) impliquait, d'après la figure, un rebroussement à Bort.

Evaux-les-Bains-Lavaufranche.- Ce projet concevait une ligne de 23 km entre Evaux-les-Bains sur la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines, et Lavaufranche, historique cité de la Creuse située entre Montluçon et Guéret, gare de jonction de la ligne provenant de l’important nœud ferroviaire de La Châtre (Indre), et au-delà Tours et Châteauroux, avec la transversale Gannat-Montluçon-Guéret-Saint Sulpice-Laurière. Nous ne disposons pas de dates de concession, DUP ou déclassement du projet.

DSCN1915Gare d'Evaux-les-Bains, côté voies (2019). La ligne Montluçon-Eygurande-Merlines est fermée à tout trafic et les élus locaux espèrent transformer la section Montluçon-Evaux en "voie verte". Pourtant, Evaux vit passer des trains de curistes provenant directement de Paris et un projet visait à en faire une gare de jonction avec une ligne tracçant à travers l'est de la Creuse jusqu'à Lavaufranche. ©RDS 

 

(1) Lire notre précédent article, sur le PLM.

Prochainement : "Ces lignes régionales qui n’ont jamais vu le jour. 3/3 : au Midi"

 

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Commentaires
F
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour ce dossier très intéressant. J'ai entendu parler d'un projet de ligne Langon - Libourne qui était destiné à éviter Bordeaux, il y a quelques infos sur : https://routes.fandom.com/wiki/Ligne_Libourne_-_Langon
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T
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Il était prévu un tunnel au nord de la gare de Bort-les-Orgues. Un très bon exposé des travaux entrepris : www.inventaires-ferroviaires.fr/hd19/19218.r.pdf
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D
J'ignorais qu'il y avait eu un projet Bort Ussel au début du 20ème siècle. Car cette ligne a connu un début d'exécution en 1950 lors de la mise en eau du barrage de Bort qui a noyé la section vers Eygurande Merlines. Ceci dans le but de rétablir un lien entre le Cantal et Paris sans faire le détour par Clermont. Mais ces travaux n'ont pas abouti. Le début du percement d'un tunnel a eu lieu, le reste de la plate forme n'a jamais construit).
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W
Bonjour, concernant le projet Evaux-les-Bains-Lavaufranche:<br /> <br /> Une convention avait été passée en 1892 entre l’État et la compagnie du PO pour une ligne à voie métrique entre Gouttières et Létrade, ainsi que deux lignes éventuelles à écartement normale entre Évaux et Lavaufranche et entre Felletin et Bourganeuf. La convention de 1913 retranche ces projets et retient en plus de la ligne d’Auzances à Saint Leonard de Noblat, une ligne à écartement métrique entre Évaux et Bonnat, ainsi qu’une éventuelle ligne à écartement standard entre Gouttières et Eygurande. Tous ces projets ne seront jamais réalisés. <br /> <br /> Source: https://gareauzances.wixsite.com/expo/les-caracteristiques
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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