(* Complété le 24 mai 2021 avec la référence du dossier prospectif du ministère des transports)
Est-ce « l’effet Railcoop » qui envisage des liaisons inter-régionales en rocades Lyon-Bordeaux, Lyon-Lorraine ou Bordeaux-Nantes ? L’Etat, par son ministère des transports, travaillerait sur la création de nouveaux Trains d’Equilibre du Territoire (les TET), dits aussi Intercités, reliant les régions entre elles par les lignes classiques. Un dossier complet a été publié en mai par le ministère des Transports, dont nous ajoutons la référence au pied de cet article. (1)
Cette information, révélée par la lettre professionnelle Mobilettre elle-même relayée par le site Transportrail (2), révèle par contraste l’ampleur du désert ferroviaire français en matière de grandes lignes hors de l’étoile parisienne. Elle démontre aussi que la régionalisation des liaisons voyageurs - hors TGV et les quelques reliquats de TET - a entraîné l’apparition de véritables « frontières ferroviaires » que Raildusud a plusieurs fois soulignées, en particulier entre la vallée du Rhône et le Languedoc (3) ou entre La Provence et le Languedoc.
L’Etat travaillerait sur quatre nouvelles relations Intercités sur lignes classiques dont Grenoble-Metz et Lyon-Toulouse
Selon l’information rapportée par nos confrères, l’Etat travaillerait sur quatre nouvelles relations TET : Orléans-Lyon ou Clermont-Ferrand par Vierzon et Moulins ; Lille-Nantes par Rouen et Le Mans ; Grenoble-Metz par Lyon, Dijon, Culmont-Chalindrey et Nancy ; Lyon-Toulouse par le chapelet de villes de la vallée du Rhône et du Languedoc.
Enfin, le rétablissement d’une relation directe Bordeaux-Nice est projeté, ces TET ex-« Grand Sud » ayant vu disparaître la seule rotation Nice-Bordeaux pour augmenter l’offre sur Bordeaux-Marseille sans dépenser de nouveaux kilomètres-trains.
Intercités Bordeaux-Marseille à l'approche de Montpellier Saint-Roch. Depuis trois ans, plus aucun train direct, TET, TER ou TGV, ne permet de rejoindre les au-delà de Marseille depuis l'Aquitaine et l'Occitanie. Comme Avignon Centre pour le réseau classique, Marseille Saint-Charles constitue une frontière ferroviaire imposant systématiquement des correspondances, souvent longues, pour les parcours entre villes situées de part et d'autre, souvent à distance assez réduite type Nîmes-Toulon ou Orange-Montpellier. ©RDS
Rappelons qu’actuellement ces services Intercités inter-régionaux sur lignes classiques sont réduits à Paris-Nevers-Moulins-Clermont-Ferrand, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Nantes-La Rochelle-Saintes-Bordeaux, Nantes-Tours-Lyon, Bordeaux-Toulouse-Montpellier-Marseille et Toulouse-Tarbes-Pau-Hendaye. Il convient d’y ajouter les trains de nuit Paris-Valence-Gap-Briançon, Paris-Rodez/Latour-de-Carol-Enveitg.
Sur ces seulement huit relations nationales inter-régionales, notons que seulement quatre ne sont pas radiales. Le jacobinisme ferroviaire français semble ainsi atteindre son paroxysme, sachant que l’offre à grande vitesse est massivement centrée sur ou via l’Ile-de-France (à l’exception d’une minorité de TGV empruntant la ligne nouvelle Rhin-Rhône de 137,5 km (Dijon) Villers-les-Pots – Petit-Croix (Mulhouse)).
L’extension des Intercités Bordeaux-Provence à l’est de Marseille vers Nice paraît être une évidence
L’extension des TET Intercités à l’est de Marseille paraît être une évidence, puisqu’aucune liaison ferroviaire voyageurs directe de ou vers le Languedoc ne franchit Marseille. Il faut une évidente inculture en matière de géographie humaine et un parisianisme obtus pour ne plus pouvoir concevoir qu’un marché existe entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et ses trois métropoles côtières d’une part, la région Occitanie et ses deux métropoles, la région Nouvelle Aquitaine d’autre part.
Marseille Saint-Charles, terminus. L'argument selon lequel le rail serait actuellement hors marché sur les relations Languedoc-Provence omet les arguments de vente du chemin de fer hors vitesse pure : indépendance par rapport au trafic routier, particulièrement sur les axe autoroutiers cauchemardesques du sud, temps libre à bord sur les longues distances, sécurité du transport... ©RDS
L’argument servi par quelques ingénieurs selon lequel le train, sur cette relation Nice-Bordeaux « est hors marché » est évidemment inepte, oubliant l’effet réseau propre au chemin de fer et limitant l’analyse au seul et très insuffisant critère de la vitesse commerciale, péjorée de surcroît par l’absence de relations directes.
Le projet d’un TET Lyon-Toulouse par ligne classique, atout pour les relations entre ville du flanc ouest du Grand Delta rhodanien
Raildusud se félicite particulièrement du projet de TET Lyon-Toulouse par les lignes classiques. De fait, plus aucune relation directe n’est proposée depuis la mise en service en 2001 de la ligne à grande vitesse Méditerranée (Valence-Manduel) entre :
- d’une part Vienne (96.000 habitants dans l’agglomération), Valence-Ville, gare la plus commode pour le centre de Valence (65.000 habitants) et sa banlieue ardéchoise, Montélimar (57.000 habitants), Pierrelatte (42.000 habitants), Orange (39.000 habitants)
- et d’autre part le chapelet de villes et métropoles languedociennes : Nîmes, Montpellier, Sète, Agde, Béziers, Narbonne, Carcassonne et Toulouse.
Tout voyage ferroviaire des unes vers les autres implique actuellement un changement, soit TER-TGV (avec éventuellement retour sur Lyon, Valence-TGV, Montpellier Saint-Roch…), soit TER-TER avec correspondances dissuasives à Avignon-Centre.
Des distances modestes entre villes situées de part et d’autre du Rhône mais sans trains directs
Ainsi, comme Marseille Saint-Charles constitue un point de rupture incontournable pour toutes les relations sud-sud, Avignon-Centre constitue un point de rupture incontournable pour les relations à moyenne distance nord-est – sud-ouest. Or les origines-destinations du versant ouest de ce « Grand Delta » rhodanien, dont les temps de parcours sont gravement péjorés par des correspondances avoisinant l’heure, affichent des distances modestes.
Valence Ville. Située au coeur de l'agglomération qui s'étend le long du Rhône et au-delà en Ardèche, cette gare centrale n'est pratiquement plus desservie que par des TER, de rares TGV Vallée du Rhône et aucun TET. Si certains d'entre eux, bi-régionaux, amorcés à Lyon, poursuivent au-delà d'Avignon jusqu'à Marseille, aucun ne franchit le Rhône vers le Languedoc, malgré la proximité géographique des agglomérations de part et d'autre du fleuve impérial. ©RDS
En voici quelques-unes : Orange-Nîmes Centre : 77 km ; Orange-Montpellier Saint-Roch : 127 km ; Vienne-Nîmes C.: 247 km ; Valence Ville-Nîmes Centre: 174 km ; Montélimar-Montpellier Saint-Roch : 179 km ; Pierrelatte-Montpellier Saint-Roch : 157 km ; Orange-Sète : 154 km... Quand on sait que la relation intra-régionale occitane Nîmes-Perpignan, desservie par de nombreux TER directs, est longue de 210 km (et même 301 km pour les TER Avignon-Cerbère), on a de quoi méditer sur l’absurdité des « effets frontière » entre régions en matière de liaisons ferroviaires.
L’objection selon laquelle l’axe Rhône-Languedoc est déjà desservi par des TGV directs Lyon-Toulouse (trois allers-retours au mieux, moins nombreux en cette période troublée) néglige les agglomérations intermédiaires. Des Intercités dotés d’un pas entre arrêts d’une cinquantaine de kilomètres, avec éventuellement dessertes alternées pour les gares de moindre importance à l’image des six allers-retours TET actuels Bordeaux-Marseille quotidiens, rétabliraient la crédibilité de l’offre ferroviaire sur la partie sud-ouest de ce grand delta rhodanien. Le Rhône ne serait plus cette frontière ferroviaire entre le « Royaume » (Languedoc) et « l’Empire » (Provence) qu’il fut jusqu’à la fin du XVe siècle.
D’autres axes inter-régionaux à explorer… et le désormais célèbre Lyon-Bordeaux
Nous terminerons en évoquant d’autres pistes de créations de liaisons Intercités TET entre régions, suggérées par la rédaction de Transportrail. Le site évoque ainsi, pour le Grand Sud-Est, Clermont-Ferrand-Dijon « que les Régions ont quasiment complètement abandonné manifestement en raison d'une divergence de vues ». Au-delà, il cite aussi Dijon - Nantes, « que les Région Centre et Bourgogne avaient en leur temps amorcé avec des Dijon - Tours, qui manifestement n'étaient pas du goût de l'exploitant » ; Lille - Strasbourg (via la rocade frontalière nord) ; Lille - Dijon (via Douai, Cambrai, Saint Quentin, Laon, Reims, Chalons, Chaumont).
TER et TGV à Lyon-Part-Dieu. La première plate-forme de correspondance de France pourrait devenir l'amorce de la transversale centrale vers Bordeaux via Montluçon de Railcoop... Le ministère travaillerait sur un TET Grenoble-Metz qui desservirait évidemment la métropole rhodanienne. ©RDS
Le plus intéressant sera la position de l’Etat sur l’axe du projet Railcoop Lyon-Bordeaux, que la région Auvergne-Rhône-Alpes vient de décider de soutenir. Cette liaison de 639 km (via Montluçon) qui traverse deux régions « nouvelle formule » (mais quatre anciennes régions avant les fusions) pourrait être exploitée par la désormais célèbre coopérative à ses risques et périls et en « open access » sans intégration tarifaire ni billettique, c’est-à-dire hors trame commerciale SNCF.
Or l’axe relève à l’évidence de ces trains « d’équilibre du territoire » que la SNCF, devenue presque exclusivement parisienne et monocéphale pour la conception de ses offres inter-regionales, a sacrifié sans autre forme de procès. Il dessert pourtant un Massif Central devenu la grande victime de la métropolisation mondialisée.
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(1) Lien vers le dossier prospectif complet publiée par le ministère des Transports (PDF) :
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20TET%20v18052021.pdf?fbclid=IwAR3NXD9xxGGEgqit6mplTliHbi0O7LZ99F-_976beSKf2AMfPcWWRVv8s3o
(2) Lien vers l'article de Transportrail traitant des projets à l'étude au ministère :
La toujours bien informée Mobilettre a révélé les intentions de l'Etat en matière de nouveaux Trains d'Equilibre du Territoire. Outre la relance des trains de nuit Paris - Nice et Paris - Tarbes, l'Etat semble utiliser son rôle d'autorité organisatrice pour envoyer des signaux à ceux qui pointent - non sans raisons - les défaillances de sa politique environnemetale, en particulier dans le domaine des transports et l'abandon de toute réflexion sur l'aménagement du territoire (hormis le renforcement des Métropoles...
http://transportrail.canalblog.com
(3) Lien vers l'article de Raildusud traitant de la frontière ferroviaire entre vallée du Rhône et Laguedoc :
L'abdication de l'Etat à maintenir et organiser les services ferroviaires interrégionaux et l'application obtuse de la régionalisation des TER trouve une splendide illustration dans le " rideau de fer ferroviaire " dressé entre le Languedoc et la rive gauche de la vallée du Rhône en amont d'Avignon.
http://raildusud.canalblog.com
Les fameux Régiolis vont finir le travail...
Pour s'en convaincre lire l'article suivant:
https://ville-data.com/nombre-d-habitants/Montlucon-3-03185
Un grand BRAVO aux stratèges gouvernementaux, ils avaient vu juste.