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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
4 mars 2021

A Lyon Part-Dieu, des travaux colossaux sans interruption des flux pour un saut capacitaire... et une tour critiquée

 Mener à bien des travaux de structure à cœur ouvert dans une gare en estacade qui voit passer en temps normal 140.000 voyageurs quotidiens plus un flux de piétons intra-urbain entre ses deux entrées est et ouest, c’est le défi que relèvent SNCF Réseau et sa filiale SNCF Gares & Connexions à Lyon Part-Dieu. Il s’agit d’une restructuration totale qui inclut le ferroviaire et l’urbain, avec en particulier la destruction de la façade ouest (place Charles-Béraudier) du bâtiment voyageurs, sa reconstruction en avancée et avec un gain latéral considérable, la réalisation d’une place de parvis sur deux niveaux de ce même côté et la construction de la tour To-Lyon (Vinci Immobilier) jouxtant la future halle voyageurs ouest. Le niveau inférieur de la place offrira « toute l’offre de mobilité », indique le résumé du projet (1).

 Ainsi disparaît un ensemble homogène et symétrique mais exigu, partiellement remplacé par une reconstruction critiquée en 2017 par l’un des architectes de cette première gare Part-Dieu, Eugène Gachon.

DSCN1383Vue de la gare de la Part-Dieu d'origine, avec ses deux porches ajourés permettant une vue des trains (limitée il est vrai) depuis la place Charles-Béraudier. La vue a été prise en 2018, alors que s'amorçaient les travaux de démolition du porche sud : l'horloge centrale a été déposée et la tente d'accueil a été montée face au porche nord. Les bâtiments disposés en équerre côté sud (à d.), administratifs et hôteliers, qui fermaient la place, allaient être eux aussi progressivement démolis. ©RDS 

 To-Lyon sera un bloc de base couronné d'une tour de 170 mètres de hauteure, réunissant commerces, services, activités tertiaires, hôtel, dessiné par l’architecte Dominique Perrault. Dans le cadre de la rénovation du quartier Part-Dieu, face à la gare, le centre commercial Lyon part-Dieu, l’un des plus vastes de France, est en cours de restructuration avec un accent mis sur son ouverture vers l’extérieur, marquée en particulier par la construction d’un magistral escalier latéral face à la gare.

Les deux porches d’entrée de la gare disparaissent, ainsi que le côté et l’aile sud : la fin de la symétrie

 Au coeur du deuxième quartier d’affaires français, la gare de la Part-Dieu a vu depuis novembre son entrée ouest basculer du porche nord vers l’ex-porche sud de l’ancienne façade, démoli. Il s’agissait de procéder à la déconstruction de cette section nord de la façade du bâtiment voyageurs après celle des sections sud et au-delà. L’ensemble de ces constructions, architecturalement homogène et de couleur orangée, formait un U entourant la place Charles-Béraudier sur trois côtés. Il comportait, outre l’entrée de la gare composée de deux porches parallélépipèdes disjoints dont l'un offrait une transparence sur le plan supérieur des voies, des prolongements latéraux et deux ailes latérales perpendiculaires de logements (côté nord) et d’hôtellerie (sud).

DSCN3792Tableaux d'indication des départs de trains à l'entrée de l'estacade menant à la gare de la Part-Dieu, sur le trottoir de l'avenue Vivier-Merle. La gestion de travaux d'une telle ampleur sans interruption des flux et avec compensation partielle des surfaces neuutralisées en gare par installation d'une vaste tente aura été un exercice de haute voltige, parfaitement exécuté par SNCF Gares & Connexions. ©RDS 

 Il ne reste plus à ce jour de ces constructions magistrales côté ouest, signées des architectes  Eugène Gachon et Jean-Louis Girodet, que la partie nord. Simultanément, le parvis a été  profondément excavé et unifié pour préparer la création d’une place à deux niveaux, avec de larges ouvertures du niveau inférieur vers le ciel. L’entrée-sortie de gare côté ouest a dans un premier temps été réduite au parallélépipède nord avec avancée toilée pour ménager une salle d’arrivée-départs doublée, comme une anticipation de l’extension de la salle des pas-perdus vers l’ouest.

En novembre, basculement spectaculaire de l’entrée provisoire, toilée, depuis l’ex-entrée nord vers l’ex-entrée sud, détruite

 Depuis novembre dernier, cette entrée-sortie  provisoire maintenue a été basculée vers le sud, à l’emplacement du porche sud, détruit, de l’ancienne façade, avec même avancée toilée. De plus, a dû être construite une estacade franchissant l’excavation du futur niveau inférieur de la place Charles-Béraudier, depuis le vaste trottoir du boulevard Vivier-Merle qui la longe côté ouest face à la grande bibliothèque municipale de Lyon.

DSCN3648Vue partielle du chantier côté place Charles-Béraudier, en novembre 2021. L'entrée-sortie ouest de la gare de la Part-Dieu vient de basculer depuis le porche nord (à g.), voué à la démolition, vers l'ancien porche sud, qui a été démoli, moyennant construction d'une longue et large estacade au-dessus de l'excavation qui prépare la partie inférieure de la future place. L'avancée toilée côté nord n'a pas encore été démontée. ©RDS 

 Le coup de maître aura consisté à préparer ce basculement en doublant provisoirement l’avancée toilée, en installant de nouveaux écrans digitaux d’annonce de départ et d’arrivée des trains, de nouvelles signalétiques de sens de circulation liées aux contraintes sanitaires, des signalétiques idoines, sur le boulevard Vivier-Merle, depuis les stations de bus et tramways et la bouche de métro, ainsi qu’une multitude d’autres systèmes.

 La déconstruction du parallélépipède nord de l’entre-sortie de gare a pu commencer en fin d'automne, avec dépose des vitrages, accessoires et second œuvre, puis grignotage minutieux en raison de la proximité de la voie A et des circulations piétonnes. Un travail qui évoque ce qui fut réalisé à la fin de la dernière décennie à Marseille Saint-Charles pour la déconstruction de l’ancien bâtiment de tri postal qui jouxtait le plateau de voies côté nord, afin de laisser place à un centre universitaire.

La douzième voie à quai, la voie L, sera « banalisée », de même que la voie K qui n’était accessible que par le nord

 Les travaux considérables qui se déroulent côté ouest à Part-Dieu se doublent, simultanément, de la construction de la douzième voie à quai, la voie L, côté est du faisceau. La construction de l’infrastructure (suivant la section du linéaire : piliers, tablier, ponts-rails sur la rue Bonnel et l’avenue Pompidou, murs de soutènement) est en train de s’achever vers le nord. L’élargissement du quai desservant la voie K et la construction de son nez, ainsi que le remblaiement destiné à recevoir ballast et voie, avancent du sud vers le nord.

 Parallèlement, le remaniement de la signalisation et du plan de voies permettront une banalisation de la voie K (qui n’admettait que des circulations impaires nord-sud), comme de la future voie L. Il permettra aussi des arrivées et départs simultanés, ce qui est bien le moins pour la première gare de correspondance de France qui voit passer chaque jour en période normale 150 trains à grande vitesse et quelque 400 TER.

DSCN3141Aperçu de l'infrastructure de la future voie L, douzième voie du faisceau de Lyon Part-Dieu, et de l'élargissement futur du quai qui dessert déjà la voie K. Les travaux pour cette voie L on été considérables, avec deux franchissements de voiries, le franchissement de la halle voyageurs inférieure transversale, des murs de soutainement longitudinaux, le tout sur un total d'environ 500 mètres de linéaire. Des voies adjacentes ont dû provisoirement être neutralisées l'année dernière. La pose des aiguilles d'accès à la voie L nécessitera d'autres blancs-travaux. ©RDS 

 Enfin, se poursuivent une batterie d’autres chantiers liés à la gare Part-Dieu. Nous citerons principalement les travaux de génie civil liés à la création de la future galerie Pompidou jouxtant l’avenue Pompidou passant sous le faisceau ferroviaire (avenue dont les voies automobiles seront réduites à deux), qui offrira une troisième entrée de gare. Les quais donnant sur les voies A et B et sur les voies E et F ont dû recevoir de nouvelles fondations avec micropieux. Rappelons que la future halle voyageurs offrira une liaison continue entre l’avenue Pompidou et le parvis de la place Charles-Béraudier via un passage entre les voies en surplomb et le futur ensemble To-Lyon.

Eugène Gachon critiquait l’opportunité de la tour To-Lyon et la rupture de l’unité architecturale

  La dimension spectaculaire des travaux entrepris ne doivent pas faire oublier que ce projet a connu une série de critiques. S’il vise à redimensionner la gare en fonction de son trafic jusqu’ici exponentiel, le parti architectural et urbanistique a été mis en cause en 2017 par l’association Urbanisme et Architecture, dont le comité directeur comprend l’un des deux architectes de la première gare de la Part-Dieu, Eugène Gachon. Aujourd'hui, la nouvelle municipalité à dominante écologiste a vivement critiqué les tours... mais, à Part-Dieu, les coups étaient partis.

DSCN3138Vue du chantier des forages des fondations du futur ensemble To-Lyon (été 2020). La tour To-Lyon, posée sur un immeuble de grande surface, atteindra 170 mètres de hauteur, soit la deuxième plus haute tour de la métropole rodanienne après la tour Incity qui atteint les 200 mètres. ©RDS 

 Dans un texte signé par Eugène Gachon (2), l’association déplorait en 2017 le parti de construire un immeuble de grande hauteur (IGH). To-Lyon « contribuera à accentuer ce parti de verticalisation qui fut à la mode, mais qui est actuellement remis en question face aux nouvelles méthodes de travail et d’organisation des entreprises (co-working) », écrivait-elle. La réflexion était prémonitoire quand on la lit à l’heure de la « crise sanitaire » et du télétravail.

 Le texte s’interrogeait sur la viabilité économique  de ces IGH « qui coûtent plus chers à la construction que des tours classiques, vu les normes à respecter, et qui sont surtout occupés à Lyon par des administrations ou services publics tels que EDF, SNCF, Caisse d’Epargne », allusion aux occupants des tours Part-Dieu (ex-Crédit Lyonnais) (169 m de hauteur) ou de la tour Incity (200 m). Notons qu’outre To-Lyon, se construit à proximité une autre tour, dénommée Silex2 (129 m) qui sera la quatrième plus haute tour de Lyon.

La perte de l’unité architecturale, remplacée par « une façade plus que discrète et banale » et « un bâtiment privé de 170 m de haut »

 Concernant la gare elle-même, Eugène Gachon et son association déploraient  la perte de l’unité architecturale des bâtiments existants » qui sont en cours de démolition « pour être remplacés par la juxtaposition d’une façade plus que discrète et banale d’un bâtiment destiné à un grand service public, et d’un bâtiment de bureaux privés de 170 m de haut et d’un hôtel, dont les parkings sont sous le domaine public de la place Béraudier, avec une surface réservée aux accès des piétons, largement diminuée par des trémies destinées à l’accès des vélos ou à l’éclairage des niveaux inférieurs ».

partdieu_place_beraudier_projet_1200Vue d'architecte de la future façade ouest de la gare de Lyon Part-Dieu et de la place Charles-Béraudier. Un parti de fuidité, de transparence et de végétalisation, permise par le report en niveau inférieur des propositions de mobilité: accès aux parkings, taxis, accès au métro... (Doc. Grand Lyon/SPL) 

 L’unité architecturale de la place Charles-Béraudier était le point fort de l’ensemble, doté à la fois d’un essai de transparence sur les voies et d’une symétrie classique aux couleurs chaleureuses. La faiblesse de l’ensemble était sa capacité limitée face à l’explosion des flux. Le projet initial aura marqué un déficit d’anticipation de la part de la SNCF d’alors, qui n'imaginait pas le développement du trafic TGV ni, ultérieurement, celui du trafic TER. Ce manque d'anticipation n’est pas imputable aux architectes de l’époque. Une reconstruction avec façades avancées respectant les partis de matériaux et de symétrie initiaux eût-elle été viable ? Il a été choisi de tout reconstruire pour repenser l'ensemble de l'espace et jouer la cohérence et la capacité.

 In fine, le magnifique bâtiment voyageurs voisin des Brotteaux, achevé en 1908, aura survécu à l’ouvrage de MM. Gachon et Giraudet, achevé en 1983 et dont il ne restera pour l'instant que l'aile nord et la façade est, côté place de Francfort.

La limitation de la circulation automobile sur l’avenue Pompidou renvoie aux difficultés d’accès des populations « périphériques »

 Concernant la gare, la deuxième critique majeure de ce rapport concernait la troisième entrée de l’ensemble voyageurs, « installée sous le pont Pompidou, qui supprime deux voies utilisées pour la circulation automobile et les transports en commun, alors qu’il est prévu 700.000 m2 d’immobilier tertiaire neuf et 2.000 logements supplémentaires partiellement desservis par cette voie ». Il ajoutait : « La diminution d’un des rares passages sous les voies ferrées entre Lyon et Villeurbanne est une aberration d’autant plus que ses larges dimensions avaient été demandées lors de la conception initiale, par Charles Béraudier et Bernard Rivalta, pour assurer la liaison entre Lyon et Villeurbanne, vu la coupure constituée par les voies ferrées ».

Lyon To-LyonVue d'artiste des futurs bâtiments de la gare de Lyon Part-Dieu et alentours. L'élévation de la tour To-Lyon contrastera avec la transparence et l'horizontalité du bâtiment voyageurs, nettement plus bas que son prédécesseur... mais nettement plus capacitaire. (Doc. SPL) 

 Si l’on peut concevoir que l’envahissement par la motorisation individuelle mérite d’être combattu après des décennies d’embouteillages, le parti inverse peut aussi tourner au procédé, aux dépens d’un juste équilibre. En surface, l’exclusion de la voiture individuelle, le tout piétons-vélo et le verdissement peuvent aussi rimer avec exclusion sociale et appropriation d’un espace central, commun à toute une région, par la seule population – souvent favorisée – qui y réside. Il convient de ne pas oublier que les populations résidant dans les périphéries et grandes périphéries sont souvent exclues du marché immobilier central. Or, dans les villes françaises de « province », nombre de ces zones sont souvent mal reliées au centre névralgique par des réseaux de transport lourd, et ce même à Lyon.

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(1) Lien vers les pages consacrées au projet Part-Dieu du site de la métropole du Grand Lyon :

Lyon Part-Dieu

Autour de la gare TGV, la Part-Dieu est un pôle d'échanges multimodal majeur pour la métropole lyonnaise, assurant la connexion entre : 3 lignes de tramway, 1 ligne de métro, 11 lignes de bus, les dessertes TER et car interurbains.

https://www.grandlyon.com

(2) Lien vers le dossier critique de l'architecte Eugène Gachon :

LA VERITÉ SUR LE PROJET DE LA PART-DIEU DE LYON

Notre Association, composée de professionnels de l'urbanisme et de l'architecture, étudie depuis de nombreuses années les projets importants d'aménagements urbains, comme Confluence, Perrache et la liaison Carnot Charlemagne, la transformation des Prisons et dernièrement le projet de la Part-Dieu. Elle a participé aux diverses consultations réglementaires sur la Z.A.C. de

https://www.archi-urba.fr

 

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Commentaires
D
C'est vrai qu'on peut regretter la quasi disparition de l'ensemble architectural d'origine mais les techniques modernes de construction ne permettent pas forcément un démontage pierre par pierre qui aurait permis de conserver une partie du bâtiment déplacée de quelques mètres. (si vous voulez un exemple à une échelle réduite, prenez la nouvelle gare de Thaon les Vosges où un pan de mur de la gare d'origine en style Est a été remonté à l'entrée du parking pour servir de totem d'accueil).<br /> <br /> Mais c'est vrai que l'horloge aurait pu être récupérée (peut-être est-ce le cas d'ailleurs).<br /> <br /> D'un point de vue général on ne peut que se réjouir de l'agrandissement de la gare, on y était vraiment tassés aux heures de pointe et pas que.
Répondre
G
L'article mentionne le démontage de l'horloge. <br /> <br /> Les usagers auront-ils la chance d'avoir à nouveau des horloges ? A Grenoble, lors de la rénovation il y a quelques années, les horloges ont toutes disparu. Une horloge dans une gare: une idée un peu simpliste, mais pas complètement saugraunue ?!?
Répondre
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