Appel à projets : huit ans après le précédent, l’Etat va distribuer 450 M€ pour les extensions des réseaux de « province »
Un peu d’argent distribué par l’Etat aux autorités organisatrices des transports urbains hors Ile-de-France : le quatrième appel à projets de transports collectifs urbains a été lancé fin 2020 par le gouvernement, près de huit années après le précédent qui datait de 2013. Il s’agit d’une aide d’un total de 450 millions d’euros, accordée par l’Etat aux collectivités locales de « province », dont les projets seront sélectionnés par le ministère.
Pour donner une échelle d’évaluation, cette somme équivaut à la construction, matériel roulant compris, d’une seule ligne de tramway d’une quinzaine de kilomètres de long. Les dossiers de candidature devront être remis avant la fin du mois d’avril.
Pour la Fnaut, le montant de 450 M€ est « très insuffisant »
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui fédère quelque 140 associations locales ou régionales, juge que « ce montant est très insuffisant pour répondre aux besoins liés à une urbanisation croissante », même s’il convient de lui ajouter une promesse de financement complémentaire spécifique prévu pour le matériel roulant.
Notons que pour les transports lourds en Ile-de-France existe un dispositif de soutien spécifique de l’État à travers le contrat de plan État-région. Sur les années 2015 à 2022, l’État devrait contribuer à les financer à hauteur de 2,3 milliards d’euros, dont près de 700 millions d’euros au titre du plan France Relance (2020-2022).
Tramway de la ligne 1 du tramway d'Avignon (et unique pour l'instant) de 5,2km à son terminus de Saint Chamand-Plaine des Sports. Le long d'une voirie large et très circulée, cet outil remarquable relie des quartiers de "grands ensembles" à l'hypercentre en franchissant des voiries et voies ferrées qui sont autant de barrières dans le tissus urbain. Il illustre l'efficacité du tramway, mode durable, capacitaire et électrique, pour "recoudre" la ville et rapprocher ses populations. ©RDS
La Fnaut demandait le lancement de cet appel à projet depuis cinq ans. Elle souhaite que « l’effort d’investissement soit pérennisé pour provoquer un véritable report sur le transport collectif (…) tant le retard est flagrant ». Le montant des « appels à projets » passés est allé en déclinant depuis le lancement de ce genre de procédure par l’Etat souligne-t-elle. Il était de 810 millions d’euros en 2008, de 590 M€ en 2010, de 450 M€ en 2013. On notera qu’outre la baisse tendancielle du montant, l’intervalle entre deux appels à projets est passé de deux, à trois puis… huit années. Ce ralentissement assèche d’autant les ressources annuelles moyennes des collectivités urbaines provenant de ce type de subventionnement d’Etat. Or les besoins, eux, vont en augmentant.
Crise financière due aux confinements, baisse du rendement du Versement mobilité…
« Annoncé il y a un an, ce 4e appel à projets était d’autant plus attendu que les autorités organisatrices de transport sont confrontées à une grave crise financière liée aux pertes de recettes des transports collectifs et à la baisse du versement mobilité des entreprises », détaille la Fnaut. Ce dernier a vu le plafond du nombre de salariés des entreprises qui y sont assujetties, remonté, ce qui diminue symétriquement le nombre de cotisants.
Il convient toutefois de noter qu’une somme d’un milliard d’euros est par ailleurs envisagée pour les transports collectifs de la vie quotidienne dans le plan de relance, outre des avances remboursables proposées à l’automne.
Pour la Fnaut, « l’effort de l’Etat doit donc se poursuivre, en particulier pour renforcer le maillage des réseaux urbains et mettre en place des RER métropolitains, réduire la dépendance automobile observée dans les zones périurbaines et densifier l’habitat et les activités dans le voisinage des gares périurbaines ».
La Fnaut compare les sommes accordées aux transports publics aux 1,9 milliards d’euros pour la voiture électrique
La fédération d’associations d’usagers s’interroge par ailleurs sur la somme bien supérieure attribuée par l’Etat aux industriels produisant des voitures électriques et leurs composants, soit 1,9 milliards d’euros. Or la voiture électrique, si elle atténue les nuisances (sonores, atmosphériques) lors de son utilisation, induit des nuisances considérables dans les pays producteurs des matières premières qui lui sont nécessaires, ainsi que pour le recyclage de ses batteries usagées, un « avantage écologique qui reste à démontrer », euphémise la Fnaut. Pour elle, « il ne s’agit pas seulement de ‘’verdir’’ le parc routier mais de provoquer un report massif des automobilistes sur le transport collectif ». On sait toutefois que depuis les années 1930, l’Etat s’est mué en soutien inconditionnel de l’industrie automobile.
Rame à deux éléments du métro de Lyon à roulement fer-pneus à la station Saxe-Gambetta de la ligne C. Acceptant une largeur de caisses de 2,89m, quasi-équivalente à celle des trains du réseau ferré national, le métro de Lyon cumule une capacité remarquable et l'incomparable durabilité des systèmes ferroviaires. Les rames de cette ligne pourront prochainement être portées à quatre caisses sans modification des stations. Pour être efficace et rentable dans le temps long, le transport urbain exige des investissements initiaux importants, défiant le court-termisme. ©RDS
Le ministère rappelle par ailleurs les résultats des trois premiers appels à projets. Le premier, lancé fin 2008 et doté de 810 millions d’euros, a été bénéficié à 50 projets de Transports en commun en site propre (TCSP) émanant de 36 autorités organisatrices, portant sur des lignes nouvelles ou des extensions allant du métro au Bus à haut niveau de service (BHNS). Il comprenait notamment la réalisation de 215 km de tramways et de 150 km de BHNS.
Le deuxième appel à projets lancé en 2010, doté de 590 M€, a concerné 78 projets pour 622 km de voies de TCSP.
La solution controversée du BHNS, un bus articulé sur voie réservée
Le troisième, lancé en 2013, doté de 450 M€, a bénéficié à 99 projets de 70 autorités organisatrices, 110 millions d’euros de subventions étant destinées à des projets contribuant à l’amélioration de la desserte des « quartiers prioritaires » de la « politique de la ville ». Dans cet appel à projets aussi, une grande variété de modes de transport a été proposée. Les BHNS étaient prépondérants avec une cinquantaine de projets.
Le ministère explique que le succès des BHNS « s’expliquait par leur capacité d’adaptation aux contextes et aux tailles d’agglomération les plus divers, et par leur coût d’investissement inférieur à celui d’un tramway ».
Il omet de dire que ces systèmes de bus, généralement articulés, sur voie réservés atteignent rapidement leurs limites : obsolescence rapide des véhicules (contre une durée de vie des tramways sur rails d’au moins 35 ans) ; capacité relativement réduite et peu extensible qui obère les futures augmentation de trafic ; respect de la circulation sur « voie réservée » souvent aléatoire et orniérage des voies de circulation… Le BHNS, soumis aux contraintes du code de la route, voit la longueur maximale de ses véhicules limitée à 24,50 m, contre 30 m à 43 m pour les rames de tramways actuellement en circulation aux gabarits pouvant atteindre 2,65 m de largeur (Nice, Montpellier…).
La Fnaut demande une vitesse commerciale (moyenne arrêts compris), d’au moins 20 km/h, ce qui privilégie métros et tramways
Le nouvel appel à projets doté de 450 M€ comprend, précise le ministère, un volet dédié aux personnes à mobilité réduite. Il est financé sur le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le ministère ajoute que le plan de relance « prévoit de son côté 300 millions d’euros pour les modes actifs et les transports en commun qui seront gérés au niveau régional, ainsi que 200 millions d’euros pour les nouvelles lignes de métro dont les travaux débuteront avant la fin de l’année 2022 ».
Travaux préparatoires à la construction de la plateforme de la ligne 5 du tramway de Montpellier, dans le quartier des facultés. Sur cette section en pente et en légère courbe, les futures rames de 43 mètres de longueur pourront circuler à la vitesse de 70km/h, en site propre et avec une faible résistance à l'avancement grâce au roulement fer. ©RDS
De son côté, la Fnaut demande que la sélection des projets « débouche sur la création d’emplois, une réduction de la pollution de l’air, un attrait supplémentaire du transport public grâce à une capacité accrue et une vitesse commerciale atteignant les 20 km/h, des économies de pétrole ». Notons qu’à la capacité accrue et à la vitesse commerciale élevée (vitesse moyenne de bout en bout incluant les temps d’arrêt aux stations), revendications clés de la fédération d’usagers, les techniques ferroviaires (métros et tramways) constituent généralement la réponse optimale dans les grandes villes, bien plus que les BHNS.
Dans les trois régions d’étude de Raildusud, on notera que les principales villes affichent d’importants besoins en matière extension de leurs réseaux de transports publics lourds.
Le point provisoire sur les projets de Lyon, Grenoble, Marseille, Nice…
Lyon prévoit de lancer au cours de la mandature actuelle quatre nouvelles lignes de tramways (et une ligne de téléphérique) mais semble reporter aux calendes grecques la création de sa 5e ligne de métro destinée à desservir l’ouest de l’agglomération, à la topographie accidentée.
Rame de la ligne C sur le boulevard Jean-Pain à Grenoble vu vers le pont franchissant l'Isère et l'amorce de l'autoroute vers la rive nord de la vallée du Grésivaudan. Desservant une zone résidentielle et à forte activité économique jusqu'à Crolles, cet axe ne sera probablement équipé que d'un bus articulé sur voie réservée (BHNS) alors qu'une ligne de tramway à forte capacité embranchée à partir du coude de la ligne C qu'on devine au second plan paraît s'imposer logiquement. ©RDS
Grenoble, qui n’a étendu son réseau de tramway que de deux stations au cours de la mandature écoulée, présente pour l’instant un projet lourd qu’un BHNS vers la vallée du Grésivaudan où l’ADTC (Fnaut) demande avec insistance une nouvelle ligne de tramway amorcée sur la ligne C, et une liaison ferroviaire avec Vizille, au sud. Un téléphérique controversé d'un peu plus de 3km pour 65 millions d'euros est programmé.
Marseille prévoit, selon nos informations, outre des projets bus, les prolongements du réseau de tramway, la ligne 3 prolongée de Castellane jusqu’à La Gaye d’ici 2024 et la ligne 2 de 2 km. Côté métro, outre le renouvellement complet de la flotte, il est envisagé un prolongement de la ligne 2 de 4,2 km et cinq stations vers le sud jusqu’au quartier Saint-Loup, avec mise en service à l’horizon 2028.
Rame du tramway de Marseille sur la Canebière. Deux prolongations du réseau de tramway urbain sont programmées, ainsi qu'une autre de la ligne 2 du métro. Marseille, ville dont la surface est deux fois et demi supérieure à celle de la ville de Paris, est notoirement sous-équipée dès qu'on quitte la zone centrale et celles situés à proximité des deux seules lignes de métro. ©RDS
Nice a lancé la procédure de concertation pour une 4e ligne de tramway courant le long de la côte de l’aéroport et la future gare qui lui sera proche jusqu’à Cagnes, avec desserte du centre historique à l’intérieur des terres. Des projets au nord-est dans la vallée du Paillon sont aussi envisagés. La modernisation radicale de la partie péri-urbaine de la ligne de Digne pourrait constituer un projet porteur.
… et sur ceux de Toulon, Nîmes, Montpellier et Toulouse
Toulon a jusqu’à ce jour exclu tout projet ferroviaire urbain type tramway, s’en tenant à une future transversale TER intensifiée avec stations supplémentaires, et BHNS.
Nîmes, après avoir hésité pour sa deuxième ligne lourde entre BHNS et tramway, alors que son premier axe lourd est exploité en BHNS, a renoncé au ferroviaire et envisage une extension de sa 2e ligne de BHNS vers l’ouest avec terminus à la station TER de Saint-Césaire déplacée dans le cadre d’une rénovation urbaine.
Montpellier est en cours de travaux pour sa 5e ligne de tramway, confirme vouloir prolonger sa ligne 1 vers la gare excentrée de Sud-de-France pourtant contestée par la composante écologiste de la majorité municipale, pour mise en service repoussée en 2024. En revanche, aucune allusion n’est faite pour l’instant au projet d’extension de la ligne 2 au-delà de Saint-Jean-de-Védas vers les zones résidentielles de l’ouest, pourtant peaufiné voici déjà une décennie… Pas plus que les suggestions d’extensions de la ligne 2 vers Castries ou de la ligne 1 vers le plateau de Grammont.
Ci-dessus: gare de Montpellier Sud-de-France, au sud de la ville, qui sera entourée d'un vaste parc et jouxtée d'une pépinière d'entreprises. Desservie par la moitié du flux TGV et aucun TER, elle devrait être atteinte en 2024 par le prolongement de la ligne 1 du tramway sur 1,6 km pour 40 millions d'euros. Le temps de parcours pour atteindre depuis Sud-de-France l'hypercentre et la gare Saint-Roch sera alors d'environ une demi-heure. Le temps de parcours pour atteindre les quartiers populaires de la Paillade, à l'opposé de la ville, d'environ une heure, celui pour atteindre l'important quartier de logements neufs des Grisettes et des Sabines, après correspondance, d'environ trois-quarts d'heure. ©RDS
Ci-dessous: rame de la ligne 4 du tramway de Montpellier à proximité immédiate de la gare Saint-Roch et du centre ancien, quartier en plein bouleversement avec la construction d'immeubles à très haute densité de logements et de bureaux. Le développement de la partie centrale de la ville s'accélère. La gare Saint-Roch y trouvera une clientèle accrue. ©RDS
Toulouse a dû reporter pour raisons financières de trois années, à 2025, la mise en service de sa ligne 3 de métro pour laquelle a été adoptée la technique purement ferroviaire et un gabarit de véhicules large de 2,70 m. Ses rames Metropolis Alstom, contrasteront avec l’exigüité et le faible emport des rames à roulement purement pneu du système VAL de ses deux premières lignes.
Clermont-Ferrand, qui a choisi pour sa première ligne de TCSP le système de pseudo-tramway à roulement pneus et à guidage par rail central, s’en tient pour ses deux futures lignes structurantes au BHNS, des bus articulés sur voie routière protégée, renonçant après débat une fois de plus à la technique tramway fer.