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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
17 février 2021

Indignation et projet alternatif de Combrail contre la réduction de Montluçon-Evaux en voie verte au bénéfice... de la route

 Les voies vertes sur d’anciennes emprises ferroviaires, cache-sexe écologiste et ludique du tout routier, font de plus en plus vivement réagir dans les territoires abandonnés par les régimes successifs. Dans le Massif Central, dévasté par plus d’un demi-siècle de fermetures de lignes, c’est le projet de déclassement définitif de la section Montluçon-Evaux-les-Bains de la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines, et l’idée d’en faire une « voie verte », qui suscite l'indignation de l’opérateur ferroviaire de proximité Combrail. Ce dernier se dit prêt à rétablir un trafic fret avec des entreprises régionales.

 Une telle voie verte sur 28 km condamnerait définitivement l’ensemble de la ligne longue de 93 km. La manie des voies vertes heurte de front l’affichage politique d’une relance des lignes de desserte fine, qui font désormais tant défaut au réseau français. Raildusud a déjà évoqué un tel projet pour remplacer les rails sur une partie de la section Boën-Thiers de la transversale interrompue Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. La réouverture de cette section est puissamment réclamée par les élus départementaux et associations, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes, cela se confirme, n’a pas voulu l’inscrire au futur contrat de plan Etat-Région.

Montluçon-Eygurande : trois départements irrigués sur 93 km, trafic brutalement suspendu en 2008

 Irriguant l’Allier, la Creuse et la Corrèze, la ligne de 93 km Montluçon-Eygurande-Merlines a vu son trafic brutalement suspendu en 2008 pour raison de vétusté de la voie sur la section sud bi-régionale. Dans le même secteur, en 2019, la ligne Commentry-Moulins a déjà été officiellement fermée, malgré un début de rénovation sans suite sur sa section nord.

DSCN1907Gare de Budelière-Chambon, à 23 km au sud de Montluçon, à quelques kilomètres du viaduc de la Tardes. L'hypothétique voie verte voulue par quelques élus locaux passerait à droite, où l'on distingue le quai de pleine voie. Au fond, on aperçoit ce qui reste d'une entreprise embranchée avec un vaste faisceau de voies abandonnées. La bâtiment voyageurs a été rasé de longue date. La totalité du trafic fret emprunte les routes de la région, y compris le transport des granulats des carrières situées plus au sud vers Létrade, matériaux pourtant clients naturels du rail. ©RDS 

 Un projet de voie verte entre Montluçon et Evaux-les-Bains, soit sur 28 km avec passage sur le splendide viaduc de la Tardes, est soutenu par la municipalité de Montluçon et l’intercommunalité de la Creuse comprenant Evaux-les-Bains. Une telle voie verte sur une si longue distance n’aurait évidemment aucun rôle en termes de communication. On voit mal les curistes d’Evaux-les-Bains venir à vélo avec leurs bagages. Le transport public de voyageurs comme le fret restera sur la route.

 La colère, accumulée au fil des décennies face à la liquidation du patrimoine ferroviaire dans cette région, prend une forme nouvelle. Désormais ce ne sont plus seulement quelques associations qui contestent l’annonce d’une prochaine fermeture, mais des entrepreneurs et une entreprise ferroviaire.

Combrail demande une concertation pour la remise en état

 Combrail, qui exploite un transport de bobines de papier sur 11 km de la ligne du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez, s’est opposée publiquement au déclassement de Montluçon-Eguyrande-Merlines.  Combrail défend un potentiel de 125.000 tonnes de fret annuel de diverses origines, soit environ 2.500 t par semaine, et demande une concertation pour sa remise en état. L'opérateur défend l'intérêt de cette ligne pour des dessertes régionales, avec plusieurs chargeurs intéressés. Combrail souhaite ainsi redévelopper le fret ferroviaire sur les lignes capillaires laissées par l'opérateur national.

 Rappelons qu’au sud de cette ligne, Eyrgurande-Merlines ne voit plus passer non plus les trains de la « ligne des Puys » Laqueuille-Ussel de l’axe Clermont-Ferrand-Bordeaux, neutralisée depuis 2014 alors qu’elle est stratégique pour le trafic voyageurs transversal. Mais il est vrai que l’Etat centralisateur a toujours liquidé par priorité les lignes ne s’inscrivant pas dans l’étoile parisienne. Par ailleurs, la section Volvic-Le Mont Dore, où transitent des trains d’eaux de source, reste gravement menacée.

EygurandeGare d'Eygurande-Merlines en pleine activité, au début du XXe siècle. Cet établissement se situait au croisement de la ligne transversale dit "des Puys" Clermont-Ferrand-Ussel-Brive-Bordeaux et de la radiale Paris-Aurillac via Vierzon, Montluçon, Eygurande-Merlines, Bort-les-Orgues, Miécaze. Cette dernière offrait l'itinéraire le plus court reliant Paris à Aurillac, interrompu en 1952 lors de la mise en eaux du barrage de Bort-les-Orgues sans qu'un détournement de la ligne ne soit réalisé, bien que prévu. La gare d'Eygurande-Merlines ne voit plus passer aucun train depuis 2014, année de suspension de toute circulation sur la ligne des Puys.

 Tous ces cas illustrent combien l’Etat français maltraite ces territoires, reste inféodé au lobby routier et ne sert pour l'instant ses promesses de transfert modal sur lignes de desserte fine que par affichage. Il serait temps de passer des mots aux actes et de financer enfin un plan national de réactivation ferroviaire pour les territoires, de même montant que les investissements publics colossaux consentis pour le ferroviaire en Ile-de-France.

SNCF Réseau demande 125 millions d’euros pour la remise en état, Combrail n’évoquait que 3,7 millions

 SNCF Réseau assure que 125 millions d’euros sont nécessaires pour remettre en état la ligne concernée. Pourtant, une expertise de la voie financée par le créateur de Combrail, Frédéric Brohan, affirme que seuls 3,7 millions d’euros seraient nécessaires, « soit trente-quatre fois moins ! », s’indigne-t-il.

DSCN1951La transformation de voies ferrées en voies supposément vertes semble être une idée fixe des élus de Montluçon (et malheureusement d'ailleurs), peu pressés de prendre le risque d'un bras de fer avec l'Etat liquidateur des réseaux régionaux. Ici une section de voie verte sur l'ancienne ligne Montluçon-Gouttières, sur un beau viaduc en courbe et en déclivité à l'entrée de la station thermale de Néris-les-Bains. Photographiée un beau jour de septembre, ladite voie verte ne paraît pas enthousiasmer les foules alors qu'on n'est qu'à 8 km de la capitale des ducs de Bourbon. ©RDS  

M. Brohant a adressé une lettre au ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, dans laquelle il écrit : « Nous demandons que cette section de ligne ne soit pas déclassée, ni déferrée compte tenu de l’existence de notre projet. Nous souhaitons, par ailleurs, que toutes les parties prenantes soient réunies afin que soit examinée la remise en état de l’ensemble de la ligne. Enfin, nous rappelons ici que cette ligne était parfaitement armée pour voir passer des trains chargés à 22,5 tonnes à l’essieu et que ses ouvrages d’art ne nécessitent pas de travaux particuliers de remise en état ».

 Encore au tournant de ce siècle, la ligne voyait circuler régulièrement des trains militaires pour La Courtine, via Ussel, gare de débarquement militaire, en particulier ceux qui transportaient des chars Leclerc, engins au gabarit et à la masse imposants. En effet cette ligne, bien armée au niveau de la voie, ne connaît pas de réduction de gabarit et présente un profil plutôt raisonnable même si elle est presque continuellement en rampe de 20mm/mètre.

SNCF Réseau prévoit les travaux pour la voie verte pour 2022

 SNCF Réseau indique que « si la consultation aboutit à la fermeture de la ligne, les travaux d’aménagement (en voie verte, NDLR) de la section Evaux-Montluçon sont prévus pour 2022 ».  Il ne semble pas que SNCF Réseau soit particulièrement motivée pour défendre son patrimoine industriel. Le gestionnaire d’infrastructure, apparemment pressé de se débarrasser de ce morceau, est soutenu par le maire de Montluçon, Frédéric Laporte (LR), favorable au remplacement des rails par une voie verte entre Montluçon et Evaux-les-Bains.

DSCN1919Vue du côté sud de la gare d'Evaux-les-Bains. On distingue un important faisceau fret. A g., l'amorce de l'abri parapluie du quai 1 qui recevait les trains directs Paris-Ussel transportant de nombreux curistes. Depuis la suspension de toute circulation, la fréquentation de l'établissement thermal a chuté. L'offre par autocars est squelettique et impose une rupture de charge et de mode à Montluçon. ©RDS 

 Frédéric Laporte estime que le 3,7 millions d’euros avancés par Frédéric Brohant pour la réhabilitation de la voie sont irréalistes en assénant : « Au passage à niveau de Saint-Jean, il manque carrément des voies »… il est vrai déposées depuis la contre-expertise par SNCF Réseau, le devis augmentant d’année en année. Cet ardent liquidateur du ferroviaire poursuit : « La SNCF s’est engagée à défricher. Après, ce sera à nous de recouvrir les voies avec un matériau qui permette aux vélos et aux piétons de circuler en toute sécurité ».

La Carrière du Thym pourrait approvisionner le rail à Létrade, Frédéric Brohant contredit SNCF Réseau

 Or le potentiel de trafic, étudié voici une dizaine d’années, indiquait que la Carrière du Thym à Moutier-Rozeille, exploitée par la SA Fayolle, aurait pu établir des navettes de camions entre son site et la gare de Létrade, sur la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines, à 63 km au sud de Montluçon. Combrail se proposait pour assurer la traction des rames. La Carrière du Thym, qui extrait des roches granitiques, était jadis dotée d'une usine, le tout embranché sur la ligne Busseau-sur-Creuse-Ussel près de Moutier-Rozeille, à quelques kilomètres au sud d'Aubusson. Cette installation terminale embranchée a été fermée dans les années 1980. Combrail envisageait le basculement du trafic de granulats sur la ligne Montluçon-Eygurande-Merline, à une vingtaine de kilomètres du site d'extraction.

 Frédéric Brohant poursuit, dans un entretien publié par le quotidien La Montagne : « Quand j’ai lu le document de consultation de la SNCF, j’étais très en colère. Ils disent qu’il n’y a aucun projet sur cette ligne à court ou à moyen terme, ce qui est totalement faux. Qu’en est-il de la prise en compte par RFF (devenu SNCF Réseau) de mon projet et demande de reprise de l’exploitation ferroviaire en septembre 2011 ? ». (1)

Aubusson_gareGare d'Aubusson, sur la ligne Busseau-sur-Creuse-Ussel (79 km) limitée en 1979 pour les voyageurs à la section Busseau-sur-Creuse-Felletin avec actuellement deux allers-retours quotidiens depuis Guéret. La ligne est administrativement fermée au sud de Felletin jusqu'à La Courtine, neutralisée de La Courtine à Ussel. Les carrières du Thym étaient embranchées près de la station de Moutier Rozeillle, à 5,4 km au sud de la gare d'Aubusson, raccordement supprimé autour de 1980. (Doc. Wikipedia/Olivier48)

 Combrail, détaille La Montagne, avait noué des contacts, outre la Carrière du Tym de Moutier-Rozeille, avec l’usine d’embouteillage Aquamark de Laqueuille (Puy-de-Dôme) toutes deux candidates au transport par rail. La seconde aurait pu utiliser Montluçon-Eygurande-Merlines comme itinéraire de détournement, soit via la section Laqueuille-Eygurande de la ligne des Puys, à rouvrir, soit par approche routière.

 Ayant repris contact avec RFF en novembre 2011, Frédéric Brohan explique : « Ils m’ont dit que rouvrir une ligne pour 125.000 tonnes par an, c’était trop peu. Ils m’ont aussi expliqué qu’ils avaient un projet plus intéressant avec la réouverture aux voyageurs de la ligne Orléans-Châteauneuf».

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(1) Lien vers l'article de La Montagne :

Transport - Pourquoi un entrepreneur du Puy-de-Dôme s'intéresse à la ligne SNCF désaffectée Montluçon-Eygurande ?

Quel avenir pour la ligne SNCF désaffectée qui relie Montluçon dans l'Allier à Eygurande en Corrèze ? Face au projet de voie verte entre Montluçon et Évaux-les-Bains (Creuse), portée par les élus locaux, un entrepreneur du Puy-de-Dôme milite pour une activité de fret. Et cela depuis dix ans !

https://www.lamontagne.fr

 

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Commentaires
F
Il est inexact d'écrire que le groupe Combronde est le seul OFP d'Auvergne : <br /> <br /> Tout d'abord Combronde n'est pas un OFP, mais un affrêteur, et n'exploite à ce jour aucun kilométrage de voie ferrée.<br /> <br /> Le seul OFP est COMBRAIL SARL, mais son développement est bloqué par la volonté de SNCF Réseau de n'accepter sur ses voies que des logistiques ferroviaire émanant de FRET SNCF d'où les alternatives suivantes : FRET SNCF ou Voie verte.....<br /> <br /> Ce qui s'est passé sur Eygurande/Montluçon est ce qui se profile à terme pour Volvic/LeMont Dore.
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J
Le seul OFP de l'Auvergne étant entre les mains du groupe Combronde, on comprends rapidement pourquoi toutes les initiatives purement ferroviaires sont vouées à l'échec.<br /> <br /> http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/operateurs-ferroviaires-de-proximite-r1699.html
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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