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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
21 décembre 2020

Saint-Gervais-Vallorcine régénérée grâce à un effort de la région Auvergne-Rhône-Alpes : la France se rapproche de la Suisse...

 Plus que centenaire, la ligne à voie métrique Saint-Gervais-Vallorcine sort d’une longue période d’interruptions partielles pour rénovations au moment même où la fermeture des remonte-pentes, télésièges et téléphériques par décret sanitaire anéantit le début de la saison de sports d’hiver. La voie rénovée, le matériel roulant moderne et l’exploitation en interconnexion partielle avec son prolongement valaisan jusqu’à Martigny, sous le nom de « Mont Blanc Express », seront donc de peu d’effet en cette période de fêtes et de vacances pour l’achalandage des Houches, de Chamonix, des Montets, qui vivent essentiellement du tourisme.

StGervaixGare de Chamonix-Mont Blanc. L'ampleur de ce bâtiment, de dimensions exceptionnelles pour une voie métrique française, ne peut faire oublier que la ligne a été menacée de ralentissements à 15km/h sur certaines sections ces dernières années. (Doc. Lunon, Wikipedia)

 Deux périodes d’interruption totale des circulations ferroviaires avaient été programmées cette année pour permettre les travaux de régénération de la superstructure. Deux mois et demi à la fin du printemps entre Saint-Gervais et Chamonix, avec maintien des circulations au-delà vers le Valais. Puis cinq semaines à l’automne, sur la totalité de la ligne, de Saint-Gervais à Vallorcine. Le décalage pour cause sanitaire a conduit à une remise en service le 27 novembre.

Renouvellements de 1,2 km voie à l’ouest de Servoz, de 2,5 km de voie à l’ouest des Houches jusqu’à la tête du tunnel routier des Chavants

 L’interruption du trafic initiale, explique SNCF Réseau, a notamment permis de renouveler 1,2 km de voie entre Servoz et le tunnel du Chatelard (ne pas confondre avec la gare frontière suisse du Châtelard), situé à l’ouest de cette station côté Saint-Gervais, juste avant l’amorce de la très forte déclivité permettant de franchir le saut glaciaire séparant Servoz de Chedde. Elle a aussi permis de renouveler 2,5 km de voie à l’ouest de la gare des Houches jusqu’à l’aire d’accès de la tête ouest du tunnel routier des Chavants, longée par la ligne. Tous les composants de la voie (rails, traverses, ballast, rail d’alimentation électrique) ont été renouvelés à cette occasion.

Extrait de la carte du Réseau ferré national (RFN). Située dans une vallée bordée par le plus haut massif d'Europe, la ligne Saint-Gervais-Vallorcine bénéficie d'une situation de concentration naturelle des flux idéale pour le transport ferroviaire. Elle n'en fut pas moins menacée jusqu'à ces dernières années.

D’autres opérations de renouvellement de la voie et d’appareils de voie ont été réalisées en gare de Saint-Gervais-les-Bains-le Fayet et de Chedde. Les travaux qui ont été conduits entre la gare des Houches et l’aire d’accès au tunnel routier des Chavants, explique SNCF Réseau, « sont d’une grande technicité » car ils ont nécessité, « en coordination avec la Société des Autoroutes et Tunnels du Mont Blanc, la réduction à une voie de la RN 205 à l’entrée du tunnel des Chavants pendant plusieurs semaines ».

 L’interruption totale du trafic de l’automne a été imposée par le remplacement d’une section de voie à proximité de la gare des Praz, et par le remplacement de deux tabliers métalliques, dont celui du pont enjambant la RD 243 sur la commune de Chamonix.

Sous la menace de ralentissements à 15 km/h, préalables à une fermeture, la région Auvergne-Rhône-Alpes a aligné 24 millions d’euros

 L’ensemble de ces travaux, parmi lesquels les rénovations de voie sur les 11,6 km de la section Saint-Gervais-Les Houches s'est finalement achevé le 27 novembre. Notons que depuis 2008, de précédents travaux avaient été menés sur un total de 23 km. Depuis 2019, la région Auvergne-Rhône-Alpes a investi 24 millions d’euros dans les travaux de régénération, sous la menace de ralentissements à 15 km/h avec pour perspective une fermeture pure et simple.

La ligne Saint-Gervais-Vallorcine-Le Châtelard affiche, jusqu’à la frontière franco-suisse, un linéaire de 36,615 km. Elle est connectée au Châtelard sur le territoire valaisan à la ligne de 18,36 km qui court jusqu’à Martigny.

Profil PLM de la ligne Saint-Gervais-Vallorcine-Le Châtelard-Frontière. La section de 90 mm par mètre est franchie en simple adhérence, sans l'aide d'une crémaillère, offrant quelques senstions fortes aux voyageurs avertis.

 La section savoyarde est exploitée en simple adhérence, c’est  à dire sans crémaillère, malgré un profil d’une extrême sévérité. Une section d’environ 1,7 km, entre Chedde et Servoz, affiche la déclivité record de 90 ‰ franchie sans crémaillère pour relier la plaine du Fayet à la haute vallée de Chamonix, par un saut glaciaire que l’autoroute passe grâce à un gigantesque viaduc de côte. Les trains rencontrent une autre section difficile, d’un peu plus d’un kilomètre, entre Servoz et Les Houches, qui affiche 80 ‰. Au-delà de Chamonix, vers Vallorcine et Le Châtelard-Frontière, six sections affichent une déclivité de 70 ‰. Notons que sur les sections les plus pentues, supérieures à 40 ‰, fut posé à l’origine un rail central de freinage, démonté par la suite. Son profil en long est en revanche assez favorable, avec des courbes de 150 m de rayon au moins.

La ligne de SNCF Réseau Saint-Gervais-Vallorcine atteint 1.386 m d’altitude au centre du tunnel de faîte des Montets

 Immatriculée 896.000 au catalogue du RFN, la ligne Saint-Gervais-Vallorcine, comprend 34,115 km sous gestion SNCF Réseau et au-delà de Vallorcine 2,5 km en territoire français sous gestion de la compagnie suisse TMR, jusqu’au pont sur l’Eau Noire, frontière internationale située juste avant la gare du Châtelard-Frontière.  Outre sa vertigineuse section à 90 ‰, ses principaux ouvrages sont le viaduc Sainte-Marie de 172 m de longueur à proximité des Ouches,  et le tunnel des Montets, long de 1.863 m et converti depuis 1984 en tunnel mixte rail-route à la saison hivernale lors de la fermeture de la route du col. Ce tunnel de faîte est constitué de deux pentes opposées avec un  point culminant central, qui est celui de la ligne, à 1.386 m d’altitude.

  Le point bas de la ligne est à 581 m d’altitude, en gare de Saint-Gervais-les-Bains-Le Fayet. L’autre extrémité, Vallorcine, est à l'altitude 1.261 m (1.116 m au Châtelard-Frontière). Le dénivelé entre Saint-Gervais et le point haut du tunnel des Montets, soit 30,5 km, est donc de 680 m. Mais entre Chedde et Servoz, la ligne passe de 598,6 m à 813 m, soit un beau dénivelé de 215,4 m en seulement 4,11 km.

StGervaisPortail ouest du tunnel des Montets à 1.364,75m d'altitude, voisine de l'entrée de la gare de Montroc-le-Planet, dont on aperçoit l'aiguille de tête. Lors de la fermeture de la route du col, un aménagement permet aux véhicules routiers d'emprunter ce souterrain... en alternance avec les circulations ferroviaires. (Doc. Wikipedia, Poudou99)

 Avec un pareil profil, sa voie métrique et son électrification en 850Vcc par troisième rail, la ligne Saint-Gervais-Vallorcine, mise en service par le PLM de 1901 à 1908, présente de fortes analogies avec la ligne Villefranche-Latour-de-Carol, construite par la compagnie du Midi (1910-1928) dans les Pyrénées-Orientales. Elle est en revanche assez différente de sa continuatrice helvétique, du Châtelard à Martigny, mise en service en 1906-1908.

La ligne côté valaisan, dotée d’une crémaillère sur 1,9 km, est exploitée par TMR, société privée à capitaux publics majoritairement régionaux et locaux

 Cette dernière est exploitée par les TMR (Transports de Martigny et Régions, successeur en 2000 de la société Martigny-Châtelard), société de droit privé à capitaux publics dont la confédération est actionnaire pour 43,21 %, le canton du Valais 42,57 %, les communes 3,92 % (mais représentées au conseil d’administration) et des personnes privées à 4,99 %. Martigny-Châtelard est comme sa sœur savoyarde à voie métrique. Elle est électrifiée en 850Vcc mais par caténaire sur plusieurs sections totalisant 10 km (3e rail sur les autres) par souci de sécurité, en particulier dans les gares. Sa principale spécificité est d’être partiellement dotée d’une crémaillère sur les 1.914 mètres de sa section la plus pentue, entre Vernayaz et Salvan, où elle atteint une déclivité maximale de 200 ‰ à l’aplomb vertigineux de la vaste plaine du Valais.

 Cette crémaillère permet à la ligne de passer de de l’altitude 457,35 m à Vernayaz à 933,85 m à Salvan, soit un dénivelé de 476,5 mètres sur une longueur de 3,489 m. Le point haut de cette ligne se situe à 1.224,05 m, à Finhaut, soit un dénivelé maximal de 766,7 m. Sur sa partie haute, elle suit les courbes de niveau, tracé qui impose vingt-cinq courbes de seulement 60 m de rayon. Dans l’ensemble, les voies et gares du Martigny-Châtelard ont bénéficié d’une maintenance et de modernisations successives de qualité, en partie financées par le gouvernement du Valais, tandis que Saint-Gervais-Vallorcine a jusqu’ici été traitée par Paris comme tant d’autres lignes régionales « à la française », c’est-à-dire dans la perspective d’une liquidation.

StGervaisVue aérienne d'une section de la ligne Martigny-Châtelard. Les déclivités y atteignent 200 mm par mètre, imposant la présence d'une crémaillère. Les cinq rames AD Tranz/Vevey affectées aux services directs Martigny-Saint-Gervais sont équipées d'une système pour crémaillère, de patins de captage de courant sur troisième rail et d'un pantographe pour les sections suisses équipées d'une caténaire, en particulier dans la plaine de Martigny et sur des sections en altitude au droit de certaines gares, soit environ 50% du parcours valaisan. (Doc. TMR)

 Outre le matériel spécifique à chacune de ces deux lignes, cinq rames automotrices bicaisses d’interconnexion (deux propriété TMR, trois SNCF/TER Auvergne-Rhône-Alpes) construites par AD Tranz et Vevey Technologies ont été livrées en 1997, permettant des circulations directes Martigny-Saint-Gervais. Elles sont désignées BDeh 4/8 chez TMR et Z800 chez SNCF. Elles sont dotées d’un équipement pour la crémaillère suisse, de pantographes et de patins de prise de courant pour le 3e rail.

Une différence visible entre la gestion par l’Etat centralisé d’un côté, l’administration cantonale valaisanne de l’autre

 La section savoyarde de cet axe international affiche un trafic culminant à environ 700.000 voyageurs pour une année normale, avec des pointes à 10.000 voyageurs par jour en haute saison d’été. La section valaisanne affiche un trafic d’environ 250.00 voyageurs par an.  Il est surprenant que la première ait été aussi longtemps délaissée par l’administration française centralisée tandis que la seconde était choyée par l’administration cantonale et les collectivités territoriales valaisanes.

 Il suffisait jusqu’ici de constater l’état des gares et des quais pour se convaincre des conséquences de cette différence institutionnelle. La prise en main par la région Auvergne-Rhône-Alpes aura sauvé cette ligne, véritable petit RER dans une vallée étroite et touristique, situation idéale pour  une ligne de chemin de fer. Une illustration de plus de l’avantage que procure aux populations des territoires l’application du principe de subsidiarité, cette administration au plus près du terrain et des hommes. Encore faut-il que l'Etat central lui en concède les resssources et les compétences.

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Commentaires
D
Dommage que les horaires de correspondance à St Gervais soient faits en dépit du bon sens.. Des trains pour Vallorcine partent 2mn avant l'arrivée des ter d'Annecy. Aberrant..
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D
Restent malheureusement certains horaires qui semblent faits spécialement pour interdire les correspondances à St Gervais:le ter pour Vallorcine démarre 1 ou 2 mn avant l'arrivée du ter d'Annecy ! . Aberrant
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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