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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
18 décembre 2020

Bordeaux-Nantes, Nantes-Lyon : la SNCF ne sera pas retenue bien qu’elle ait dépensé 2 M€, nouvel appel d’offre en vue

 Bordeaux-Nantes et Nantes-Lyon ne seront pas exploitées sous le régime de la délégation de service public à partir de 2022 après appel d’offre concurrentiel jugé infructueux par le gouvernement, même si la SNCF restait en lice. Cette dernière continuera sa mission sous le statut actuel, en attendant une nouvelle procédure de mise en concurrence. La SNCF rappelle qu’elle a dépensé 2 millions d’euros pour préparer son dossier de soumissionnement.

L’Etat prétexte une « insuffisance de concurrence » alors que la SNCF restait en lice

 Arriva, filiale de l’opérateur historique allemand Deutsche Bahn, EuroRail et Transdev, filiale de la Caisse des dépôts française, ont décidé de ne pas présenter d'offres, laissant l'opérateur historique seul en course.  Le ministère des Transports a expliqué sa décision : « Au regard des difficultés économiques rencontrées par les acteurs ferroviaires suite à la crise sanitaire et en l'absence de perspective fiable de reprise des trafics, le gouvernement constate que les conditions ne sont pas remplies, à ce jour, pour permettre une concurrence juste et équitable, propre à garantir le meilleur service à l'usager au meilleur prix, et a décidé de déclarer sans suite l'appel d'offres en cours ».

DSCN1750Lyon Part-Dieu, première gare de correspondance de France. Actuellement, seulement deux allers-retours quotidiens avec Nantes pour desservir quatre régions centrales et un chapelet d'une dizaine de départements. Illustration confondante de la conception régressive des relations interrégionales transversales, version française. © RDS

 Le communiqué du ministère conclut : « L'Etat examinera les conditions d'une relance de la procédure de mise en concurrence, dès lors qu'il disposera d'une visibilité claire sur l'issue de la crise sanitaire ». La SNCF est évidemment déçue, se contentant d’indiquer que le ministère l'a informée de sa décision sans suite, dans un courrier mercredi, en raison d'une « insuffisance de concurrence ».

 Il se murmure néanmoins que les remontées d’informations depuis l’exploitant actuel étaient insuffisantes pour permettre aux concurrents de se lancer dans l’aventure. Les travaux de régénérations et les fermetures presque systématiques qu’ils entraînent désormais pour raison d’économies, de même que l’insuffisance de garanties de l’Etat auraient aussi contribué à décourager Arriva, EuroRail et Transdev.

La SNCF rappelle que sa filiale Keolis a remporté deux appels d’offre sans concurrents déclarés

 La SNCF est évidemment déçue, elle qui est allée jusqu’au bout de l’élaboration d’un dossier qui lui a coûté 2 millions d’euros. Son PDG Jean-Pierre Farandou avait plaidé pour que le processus aille à son terme malgré les trois désistements, déclarant devant le Sénat : « Je ne vois pas pourquoi on serait pénalisés parce que d'autres ne se sont pas présentés ». Il avait rappelé que Keolis, la filiale de transports régionaux et urbains de la SNCF, avait remporté par deux fois, à Lyon et Orléans, des appels d’offres de délégation de service public sans qu’aucun concurrent ne se soit présenté. SNCF Voyageurs, rapporte l’AFP, « regrette qu'il n'ait pas été permis à l'entreprise et aux agents engagés dans ce projet de démontrer la qualité de l'offre préparée depuis des mois, leur expertise, et leur capacité à innover au service des voyageurs ».

 Thierry Marty, ancien chargé de la coordination de la production des Activités de la SNCF à la Direction des Opérations, ancien membre du conseil d’administration de SNCF Mobilités, s’insurge : « Je voudrais saluer le professionnalisme de tous mes collègues d’Intercités qui ont travaillé sur la réponse à l’appel d’offres pour l’exploitation des lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon. Deux millions d’euros investis, plus d’un an de travail acharné balayés d’un revers de manche par l’Etat, autorité organisatrice des Trains d’Equilibre du Territoire ! »

 Côté syndical, Laurent Fauviau, représentant de l’Unsa au Comité d’Entreprise européen de la SNCF, dénonce : « Un cahier des charges "écrit pour la concurrence", un nouvel atelier de maintenance prévu alors que ceux de la SNCF sont neufs et rien n'y fait ! Le summum de la défaillance d'un gouvernement et de ses satellites face à sa politique du ferroviaire, alors que tout a été fait pour que la concurrence roule pendant ce quinquennat... »

Les clients attendront 2022 pour se voir offrir une rotation de plus sur chacune des deux lignes

 Les clients, pour leur part, attendent la réouverture en mai 2021 de la ligne Bordeaux-Nantes, interrompue pour travaux lourds (et mise à voie unique…) sur 103 km entre La Rochelle et La Roche-sur-Yon, pour 152 millions d’euros cofinancés par l’Etat, SNCF Réseau et les deux régions concernées. Quoi qu’il arrive, le service devrait être (très légèrement) intensifié à l’horaire 2022 avec quatre allers-retours quotidiens entre la capitale des Pays-de-Loire et celle de la Nouvelle-Aquitaine, au lieu de trois actuellement. Le nouveau temps de parcours passerait en-dessous des 4 h 30 mn. Notons qu’il existe déjà un aller-retour complémentaire TER entre La Rochelle et Nantes, soit sur 179 km des 357,6 km du parcours Bordeaux-Nantes. Sa conversion en Intercités avec amorçage à Bordeaux ne « coûterait » donc que 178,6 km/train par mission.

DSCN1407Bordeaux Saint-Jean. La ligne reliant la métropole girondine et la métropole nantaise dessert deux régions et 4,5 millions d'habitants. Pour les 357 km du parcours, trois trains par jour seulement, portés à quatre à l'horizon 2022. Et la rénovation de la section centrale, s'opère avec interruption totale du trafic durant une année et demie... © RDS

 Les rotations entre Nantes et Lyon via Angers, Saumur, Saint-Pierre-des-Corps, Vierzon, Bourges, rebroussement à Nevers, Saint-Germain-des-Fossés, Roanne sont actuellement au nombre de seulement deux, une fréquence indigne d’une ligne transversale de cette importance dans un pays européen. Elle devrait passer à trois en 2022, a assuré le  ministère des Transports, ce qui n’est guère plus reluisant. Il conviendra de préciser si le rebroussement très pénalisant à Nevers sera maintenu, ou si l’on reviendra comme autrefois à une desserte de Saincaize, à 11 km de la préfecture de la Nièvre, avec correspondance rapide.

Les futures « fréquences » restent largement au-dessous de ce qui constituerait une véritable politique de l’offre

 Notons que 4 AR sur Bordeaux-Nantes (deux régions, deux métropoles, un chapelet de préfectures et sous-préfectures) et 3 AR sur Nantes-Lyon (quatre régions) constituent des fréquences largement en-dessous d’une fréquence aux deux heures qui impliquerait 6 à 8 AR par jour. Cette dernière constitue pourtant le minimum de ce qu’on pourrait appeler une politique de l’offre digne de ce nom.

 Pendant ce temps, les administrations continueront à s’occuper d’une éventuelle future mise en concurrence en retrouvant le chemin des constitutions de dossiers. La politique a des raisons et des budgets que l’efficacité ne connaît pas.

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On peut se reporter à notre précédent article sur le sujet :

Lyon-Nantes, Bordeaux-Nantes : l'échec de l'appel d'offre éloigne une possible amélioration compétitive de ces transversales* - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Largement rapporté par la presse, le renoncement des concurrents potentiels de la SNCF à exploiter deux lignes Intercités en délégation de service public, Lyon-Nantes et Bordeaux-Nantes, a jeté un froid sur les perspectives d'amélioration compétitive des services ferroviaires voyageurs transversaux à longue distance. Les compétiteurs identifiés étaient au nombre de quatre : SNCF, Transdev, Arriva et EuroRail.

http://raildusud.canalblog.com

 

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  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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