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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
25 octobre 2020

L’affaire Boën-Thiers prend un tour politique : manifestations pour la réouverture, indignation contre les déposes de voie

 Le chemin de fer, voie royale du réveil des territoires abandonnés par l’Etat et ses « services publics » ? Avec la forte mobilisation en faveur de la réouverture de la section Boën-Thiers de la ligne régionale structurante Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, après celle du Haut-Allier qui a permis de sauver la partie centrale de la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand, plusieurs signes démontrent une prise de conscience nouvelle.

Pour la réouverture de Boën-Thiers, des centaines de manifestants appuyés par les élus

 Dimanche 18 octobre, plusieurs manifestations en faveur de la réouverture de la section neutralisée Boën-Thiers (48 km) de la ligne régionale structurante Saint-Etienne-Clermont-Ferrand se sont tenues dans les localités privées de trains. A Noirétable, côté Loire de la frontière interdépartementale toute proche, comme à Chabreloche, coté Puy-de-Dôme, ils étaient chaque fois entre cent et cent-cinquante à exiger la remise en service de cette section délibérément négligée par SNCF-Réseau avant d’être neutralisée sous prétexte de dilatation estivale des rails, au début de l’été 2016.

Boen-ThiersLa gare de Chabreloche au début du XXe siècle. Cette station a été désertée par les trains de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. La localité, qui compte 1.220 habitants, conserve une activité économique avec de la coutellerie, de la foresterie, de l'élevage... (Carte postale ancienne)

 Les manifestants étaient armés de banderoles mais aussi d’outils de débroussaillage pour dégager symboliquement une voie que depuis quatre ans la végétation a envahie au point parfois de la faire disparaître de la vue. « Voir les voies dans cet état, ça fait de la peine », confiait un ancien cheminot à un média régional, précisant que « maintenant, cela reviendra moins cher de refaire du neuf ». A Noirétable, devant un bâtiment voyageurs récemment rénové à grands frais et sous un panneau lumineux d’annonce de trains qui n’existent plus et de cars TER qui ne desservent même plus la cour de la gare, plus de cent-cinquante personnes étaient réunies valises à la main pour montrer leur besoin de desserte ferroviaire.

 La municipalité de Lyon a apporté son soutien aux manifestants, de même que celle de Clermont-Ferrand. Le député de la Loire Julien Borowczyk (LREM) a affirmé avoir interpellé sur ce sujet le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari et qu’il allait le rencontrer.

Un saucissonnage à courte vue qui prive les extrémités maintenues du trafic de transit et isole les populations

 Le Collectif de défense de la liaison ferroviaire Boën-Thiers était aussi appuyé dans cette entreprise par les syndicats et les associations de défense de la ligne des Cévennes Nîmes-Clermont-Ferrand (Les usagers du Haut-Allier). Cette ligne structurante de 303 km a été menacée l’année dernière, avant sauvetage in extremis par la région Auvergne-Rhône-Alpes, du même verdict que Saint-Etienne-Clermont-Ferrand : une neutralisation de sa section centrale (Langogne-Saint-Georges-d’Aurac, 70 km, sur la ligne des Cévennes) la moins circulée pour ne conserver que les moignons des extrémités.

 Ce type de saucissonnage à courte vue prive les sections maintenues du trafic de transit à longue distance, tout en isolant du réseau ferroviaire les localités de la section neutralisée. Et l’on sait que le transfert sur route – quand il est possible – entraîne une déstructuration de l’horaire et de la desserte, ainsi qu’une chute systématique de la fréquentation.

DSCN2626Halle marchandises abandonnée à Sail-sous-Couzan, à l'ouest de Boën en direction de Thiers. Le collectif pour la réouverture insiste sur le rétablissement d'un trafic fret de proximité en parallèle avec un rétablissement de l'offre ferroviaire voyageurs. © RDS

 Parmi les arguments des défenseurs du rétablissement de Boën-Thiers, figure non seulement la desserte de territoire ruraux et de petite industrie, mais aussi l’anticipation d’un retour des citadins, échaudés par le confinement et l’insécurité, vers les petites agglomérations. Or le chemin de fer est un outil de transport puissamment intégrateur et intégré qui apporte un atout d’attractivité considérable aux agglomérations desservies.

Un enjeu politique à quelques mois des élections régionales

 Les deux coordinateurs du Collectif de défense de la liaison ferroviaire Boën-Thiers, Pascal Combes et Karine Legrand ont confié aux médias régionaux que « les besoins sont là, que ce soit pour se rendre chez le médecin, un spécialiste ou faire des démarches administratives, pour les jeunes s’ils veulent se divertir, pour le transport des marchandises. »

 Le devenir de cette ligne ferroviaire constitue désormais un enjeu politique à quelques mois des élections régionales. Venue sur place, une conseillère régionale d’opposition, Anna Aubois (PS) a renvoyé la balle au président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, sous le mandat duquel la ligne a été fermée : « Nous avons demandé à Laurent Wauquiez de s’engager. Il nous a indiqué que la régénération des voies n’était pas de la compétence de la Région ».

Les autocars de substitution sont lents, bardés de parcours tronqués et d’exceptions de circulation

 L’étude des horaires de transport publics de substitution est édifiante. Actuellement, la desserte de Chabreloche vers Thiers et Clermont-Ferrand est assurée par de rares autocars TER bardés de parcours tronqués et d’exceptions de circulation (deux allers-retours directs quotidiens) et par des autocars du réseau ex-départemental Transdôme, plus fréquents avec 9 rotations par jour.

Horaires des dessertes par autocars TER sur l'axe Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, complétés aux extrémités par des trains Thiers-Clermont-Ferrand et Boën-Saint-Etienne. Une grille illisible qui allie l'hétérogénéité des modes, la dissociation des dessertes, l'isolement d'un flanc de la ligne par rapport à l'autre, les exceptions de circulation, triste spécialité française.

 Les cars TER effectuent les 59 km séparant Clermont-Ferrand-Gare SNCF et Chabreloche en 1 h 20 mn, les cars Transdôme en 1 h 50 mn, soit des vitesses commerciales respectivement de 44 km/h et de 32 km/h. Il est à noter que les arrêts et la tarification des deux services ne sont pas identiques. Les seuls cars franchissant la frontière inter-départementale Loire-Puy-de-Dôme tout en desservant Chabreloche et Noirétable sont les deux cars TER sus-mentionnés. Les autres liaisons directes Clermont-Ferrand-Saint-Etienne (3 par jour) empruntent l’autoroute A89 avec un temps de parcours de bout en bout  de 1 h 45 mn pour 145 km (vitesse commerciale de 82km/h) mais sans la moindre desserte intermédiaire.

 Pour mémoire, les trains les plus rapides entre les deux villes à l’horaire 1992 effectuaient le même parcours en 2 h 09 mn, mais avec huit arrêts intermédiaires. Or les deux cars TER quotidiens évoqués plus haut, qui effectuent la liaison de bout en bout avec seulement cinq arrêts intermédiaires affichent des temps de parcours de 2 h 36 mn. Ils ne permettent par exemple pas à un habitant de Thiers ou de Chabreloche de rejoindre Boën ou Montbrison car… ils ne s’y arrêtent pas. Il lui faudrait subir une correspondance car-car à Noirétable pour rejoindre Boën, plus une correspondance car-train à Boën pour atteindre Montbrison.

L’indignation, appuyée par les élus, s’est encore manifestée le 19 octobre contre la dépose de rails aux passages à niveau

 On comprend l’indignation des habitants de cette section centrale de l’ancienne ligne Clermont-Ferrand-Saint-Etienne. Cette indignation s’est manifestée dès le lendemain du dimanche de protestation, le lundi 19 octobre, quand des agents de travaux publics et de SNCF-Réseau ont entrepris, sur cinq passages à niveau, de déposer des rails pour préparer l’application d’un enrobé routier sur l’emprise ferroviaire. Une technique classique sur les lignes « neutralisées », appliquée par exemple sur la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines en plusieurs points.

Boen-ThiersIntervention d'élus et de militants pour empêcher la dépose d'un segment de voie à un passage à niveau, au lendemain même des manifestations pour la réouverture complète de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. Une technique classique sur les lignes neutralisées, mais juridiquement contestée par les militants. (Doc. Collectif du Haut-Allier)

 La réaction des militants et des élus locaux ne s’est pas fait attendre : ils sont venus sur le passage à niveau concerné pour empêcher les agents, avec succès, de procéder aux déposes de voies.  Parmi eux le maire de Noirétable Denis Tamain (divers gauche). Simultanément, le député Julien Borowczyk contactait la direction territoriale de SNCF-Réseau, André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, interpellait Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF avant d’annoncer une question d’actualité au ministre délégué.

SNCF-Réseau maintient la dépose de voie aux passages à niveau ; toute réouverture impliquera la réfection totale de la superstructure

 SNCF-Réseau a tenté de déminer le sujet en annonçant que cette « réfection (de la route, pas de la voie, NDLR)  était programmée », consistant « en une dépose du platelage, de la voie, et au remplacement par de l’enrobé sur le passage à niveau n° 69 afin de permettre le passage des circulations routières et cyclistes en toute sécurité ». Elle précisait que ces travaux « sont cofinancés par SNCF réseau et le conseil départemental de la Loire et réalisés en partenariat avec la mairie de l’Hôpital-sous-Rochefort. » Ce type d’opérations est destiné à se multiplier en plusieurs points de la ligne dans les semaines à venir, précisait-elle, semblant ne pas évaluer la dimension symbolique de tels travaux lancés dès le lendemain des manifestations.

 Selon le Collectif, la simple neutralisation de la ligne (suspension des circulations) ne permettrait pas à SNCF-Réseau  d’interrompre la continuité de la voie ne serait-ce que sur quelques mètres. Un argument là aussi symbolique, puisque toute reprise des circulations impliquerait au préalable une dépose totale de la superstructure, voie et ballast, avec remplacement de l’armement ancien, laissé sans maintenance sérieuse pendant des décennies, par une voie neuve. Il faudrait pour cela une engagement massif de la région comme de l’Etat, bien plus conséquent que les 130 millions d’euros du récent accord de financement des « petites lignes » TER auvergnates.

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Commentaires
A
Sncf réseau un monde de nuls c'est la SNCF. SOCIETE NATIONALE DES CARS FRANÇAIS.Pauvre France Heureux Suisses qui ont gardé leurs trains !!
Répondre
P
reportage sur la manifestation du 18 Octobre 2020 https://www.youtube.com/watch?v=iWHjytPw3Cc
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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