Version Auvergne du plan de relance ferroviaire : 280 M€ pour Paris-Clermont, les lignes TER et des capillaires fret
Le 5 octobre à Clermont-Ferrand, un volet ferroviaire Etat-Région du plan de relance, centré sur l’Auvergne, a été signé par Laurent Wauquiez, président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, et Jean Castex, Premier ministre. L’investissement total prévu dans l’infrastructure ferroviaire auvergnate s’élève à 280 millions d’euros pour les deux prochaines années, soit une hausse de 130 % par rapport à l'assez timide Contrat de plan Etat-Région de 2015 qui prévoyait un modeste volet ferroviaire de 120 millions d’euros sur cinq ans. La participation de la Région est ainsi doublée. Trois postes d’investissements sont cités : la ligne Clermont-Ferrand-Paris (130M€) ; les lignes régionales parcourues par des TER (130 M€) ; les lignes capillaires fret (20M€).
L’accord signé lundi consiste ainsi en une accélération des investissements de l’État et de la Région sur ces deux prochaines années pour Paris-Clermont, avec un abondement de 130 millions d’euros supplémentaires, soit 65 millions d’euros de la Région et 65 millions d’euros de l’État. La Région est prête à abonder financièrement, même hors de son champ de compétence qu’est le réseau ferré national, si l'Etat avance des subventions, a fait savoir son président.
Notons que, s’agissant des petites lignes de voyageurs d’Auvergne-Rhône-Alpes, un premier plan d’un montant total de 264 millions d’euros avait été annoncé dès 2016, financé à hauteur de 125 millions d’euros par la Région. Sur ce montant, avaient ainsi été investis 120 millions d’euros sur les 500 km de « petites » lignes de l’ex-région Auvergne, dont 82 millions d’euros de la Région.
130 millions d’euros supplémentaires pour la ligne « malade » Clermont-Paris, lestée de nombreux handicaps
Dans le portefeuille supplémentaire imputé sur le plan de relance annoncé lundi, la ligne « malade » Clermont-Ferrand-Paris voit sa rénovation abondée de 130 millions d'euros supplémentaires afin de réduire le temps de parcours entre les deux villes « en-dessous de trois heures » selon Laurent Wauquiez, contre des temps actuels variant entre 3 h 33 mn et 3 h 16 mn pour 419 km.
En fait, l’objectif serait surtout d’assurer une meilleure robustesse des horaires alors qu’aujourd’hui les sillons sont notoirement détendus (jusqu’à une trentaine de minutes !), le matériel à bout de souffle et la section nord en région parisienne surchargée. Ses retards récurrents la classent parmi les « lignes malades », au même titre que Bordeaux-Marseille.
Rame Corail à l'arrêt à Cosne-sur-Loire, au nord de Nevers sur l'axe Paris-Clermont-Ferrand. Au contraire des Sybic, les BB22000 tractent des trains dont la vitesse ne dépasse pas 160km/h. (Doc. Wikipedia)
« Sur cette ligne Clermont-Paris, on a une situation inacceptable. La Région a déjà déclenché le financement d'un certain nombre de travaux... alors que cette ligne est totalement de la responsabilité de l'Etat ! Pour l'entretien des rails, pour maintenir en état la ligne Paris-Clermont, c'était 760 millions d'euros et c'est acquis. Mais ça n'améliore pas pour autant le temps de trajet », a confié Laurent Wauquiez.
Le trafic sur cette ligne radiale Clermont-Ferrand-Paris tourne autour de 1,8 millions de voyageurs par an. De nouvelles rames automotrices CAF doivent être mises en circulation à partir de 2023, mais leur mise au point semble prendre du temps. Elles sont censées remplacer avantageusement les rames Corail tractées par des BB26000 aptes à 200 km/h mais déjà trentenaires ou par des BB22000 non aptes à 200 km/h.
Matériel de traction fragile, saturation en Ile-de-France, cisaillement à Moret, faible permissivité sur 196 km
En fait, les causes de la fragilité de Clermont-Ferrand-Paris sont multiples. Il y a d’abord la fragilité d’un matériel de traction insuffisamment entretenu compte tenu de son âge. Ensuite, la saturation de la ligne à l’approche de l’Ile-de-France, avec cisaillement des voies de l’axe principal Paris-Laroche-Migennes-Dijon à Moret-Veneux-les-Sablons et quasi-impossibilité d’y construire un saut de mouton.
Enfin, le cantonnement en BAPR (Block automatique à permissivité restreinte) entre Moulins et Montargis, soit 196 km sur les 419 km de l’axe susceptible de bloquer un train rapide derrière un train lent en retard. Notons que les deux sections admettant les 200 km/h (15,8 km entre Saincaize et Moulins et 37 km au nord de Saint-Germain-des-Fossés) serventpour partie de sections de rattrapage des retards.
Si une section de ligne nouvelle devait être construite sur l'axe, confie un consultant ferroviaire habitué du dossier, ce serait sur environ 90 km en Ile-de-France au départ d'Austerlitz par le Val-de-Marne, l'Essonne et le sud de la Seine-et-Marne pour rejoindre Montargis. S'affranchissant des conflits de circulation et de la surcharge à l'approche de Paris, elle réduirait les temps de parcours tout en augmentant la robustesse du graphique. Elle pourrait par ailleurs servir au POLT (Paris-Toulouse via Limoges).
Moret-Veneux-les-Sabons: vue de la jonction entre la ligne vers Laroche-Migennes, Dijon et Lyon (à g.) et celle vers Montargis, Nevers et Clermont-Ferrand (à d.). Le site semble ne pas permettre la construction d'un saut de mouton qui permettrait de fluidifier le trafic en le libérant du cisaillement très pénalisant entre la voie 1 direction Clermont-Ferrand et la voie 2 provenance Dijon. (Doc. Wikipedia)
Cette liaison « est une indignité pour la République », a déclaré Laurent Wauquiez, saluant un « investissement qui va permettre de gagner du temps sur le trajet Clermont-Paris », mais qui va demander à être précisé, ce qui est encore loin d’être le cas.
Neuf lignes TER bénéficieront du plan, mais aucune remise en service ne paraît possible
Par ailleurs, 130 millions d'euros seront affectés aux petites lignes au titre du plan de relance, à parité avec la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ces lignes « sont desservies par TER mais (...) sont souvent dans un état d'infrastructures extrêmement dégradé » : neuf d'entre elles bénéficieront de ces investissements, a précisé le Premier ministre, accompagné par le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari. On évoque les lignes au départ de Clermont vers Aurillac, Le Puy, Gannat-Montluçon et la ligne des Cévennes sur son parcours auvergnat.
Il est clair que ces 130 millions seront largement insuffisants pour remettre en service des lignes neutralisées, triste spécialité de l’ex-région Auvergne : Boën-Thiers, Laqueuille-Ussel, Montluçon-Eygurande-Merlines, Lapeyrouse-Volvic ou encore Commentry-Moulins, cette dernière lamentablement retranchée du réseau ferré national en 2019.
Gare du Mont-Dore, jadis florissante, aujourd'hui désertée. Le terminus de l'antenne depuis Laqueuille n'accueille plus aucun train. Les derniers trains de fret utilisant cette ligne, qui desservent la Société des eaux du Mont-Dore, s'arrêtent à l'embranchement situé quelques kilomètres en aval. (© Stéphane Périchon, RDS)
Enfin, 20 millions d'euros (dont 6 millions versés par la Région) seront affectés à cinq lignes capillaire fret car, a dit le Premier ministre, « il faut ramener le maximum de marchandises sur le fret, c'est un chantier extrêmement ambitieux et compte tenu des tendances à l'œuvre depuis des décennies, nous sommes à la croisée des chemins ».
Seraient concernées par l'enveloppe financière de ce plan de relance les sections Volvic-Le Mont-Dore (7,1 millions d'euros, 53,5 km, fret), récemment sauvée de justesse pour une seule année grâce à un financement d’urgence de 400.000 euros, Vichy-Puy-Guillaume (4 M€, 22,5 km, fret), Vichy-Cusset (3 M€, 4,2 km, fret), Riom-Mozac-Saint-Genest-Zone industrielle de Volvic à Riom (3,5 M€, 4,5 km, fret). On évoque aussi La Ferté-Saint-Pourçain (11 km, fret), et la ligne de l'Aubrac Béziers-Neussargues (mixte, 45,10 km sur le territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes, avec un trafic fret sur la section nord entre Saint-Chély d’Apcher et Neussargues, 55 km).
Le réseau du Livradois-Forez compte « prendre sa place dans le maillage du territoire »
Parmi les réactions, notons celle de Guillaume Sourniac, coordonnateur de projets au syndicat ferroviaire du Livradois Forez, propriétaire de 148 km de lignes abandonnées par la SNCF : « Bravo ! Le réseau ferré du Livradois-Forez-Velay a toute sa place dans le maillage des territoires peu denses entre les métropoles de Clermont-Ferrand, Lyon et Saint-Etienne ». Ce réseau étudie plusieurs nouveaux marchés fret potentiels sur l’axe Courpière-Arlanc.
Sortie sud de la gare d'Ambert, qui traitait jadis un très important trafic fret comme en témoigne la largeur de ses emprises marchandises et le nombre de ses anciens débords et hangars. Si le carré est historique, la voie principale, à droite, reste utilisée par les circulations touristiques et pourraient l'être par de nouvelles circulations fret. ©RDS
Le président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a salué le fait que « la sauvegarde des petites lignes et le développement du fret ferroviaire (soient) aussi inclus dans le plan, la Région apportant 120 millions d’euros ». Et d’ajouter : « Nous n'accepterons jamais de laisser nos territoires à l'abandon. Nous continuerons à nous battre pour notre réseau ferroviaire, l’objectif est de ne pas avoir de fermetures de lignes en Auvergne ».
Avec le bilan calamiteux des dernières décennies en la matière, c’est bien en moins. Rappelons que le mandat de l’actuel conseil régional a été marqué par la neutralisation de la partie centrale de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, vivement dénoncée par les élus des territoires desservis.
La campagne électorale des régionales de 2021 ayant commencé, Laurent Wauquiez a précisé que depuis qu'il est à la tête de l'exécutif régional, la Région « a déjà consacré 125 millions d'euros sur les petites lignes alors que, normalement, on ne s'occupe que des rames, pas de l'entretien des rails qui revient à l'Etat... » Il a salué Jean Castex qui selon lui, « contrairement à son prédécesseur (…) a une vraie attention pour les territoires ».