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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
5 octobre 2020

La ligne Nice-Breil échappe aux destructions de la tempête et prouve sa fonction vitale, l’axe Tende-Vintimille interrompu*

(* Mis à jour le 7 octobre aux 2e, 3e, 4e et 6e paragraphes, avec détails sur le bilan des désordres et sur le train de secours Nice-Breil de la SNCF)

La tempête Alex a gravement frappé les communes du haut-pays niçois et mentonnais, frappant lourdement la commune de Breil-sur-Roya et plusieurs autres, isolant Tende et causant la mort de nombreuses personnes. Si le chemin de fer a permis l’approvisionnement en eau de Breil depuis Nice, les deux autres sections de l’antenne de Breil, vers Vintimille au sud et surtout vers Tende et Limone au nord, ont été endommagées par des coulées de boues ou des affouillements de talus. SNCF Réseau a lancé les déblaiements et remises en état, annonçant pour au moins deux mois de travaux côté nord. Les élus et les associations françaises et italiennes se mobilisent, au-delà de la réouverture de l’ensemble, pour la pérennisation et l’amélioration des services des trois branches de l’étoile de Breil.

Coupure au sud de Breil vers Vintimille dans la basse vallée de la Roya, et au nord de Saint-Dalmas de Tende

  Le tronçon Breil-Tende a été interrompu au nord de Saint-Dalmas de Tende, ancienne gare frontière avant que la France n’annexe Tende et La Brigue après la Seconde Guerre mondiale. Le 6 octobre au soir, l'Ecomusée du Train des Merveilles informait que la ligne de Nice à Breil était réouverte au public avec gratuité des circulations sur demande du Conseil Régional. La section de Breil à Fontan-Saorge est réouverte pour la circulation de trains de secours depuis le 6 octobre (3 allers-retours ce jour-là en draisines et BB69000). Une circulation des trains de voyageurs y est envisagée pour ces prochains jours, précise l'Ecomusée.

BreilDraisine SNCF Réseau au nord de Breil trois jours après le déluge. Une première reconnaissance avant définition des désordres, devis et travaux. (Doc. Ecomusée du train des Merveilles)

  La section de Vintimille à la frontière est en état mais il y a un soucis sur la plateforme au sud de Breil. De Limone à Vievola RFI (gestionnaire d'infrastructure italien) est autorisé à faire circuler des draisine de secours. De Vievola à Saint-Dalmas de Tende, RFI devrait faire une reconnaissance et la circulation de trains italiens y est envisagée.
 A la sortie sud de Saint-Dalmas, le Pont de la Biogne a été submergé et le ballast emporté. Dans le tunnel de la Biogna (1.154 m) l'eau s'est engouffrée emportant le ballast, un signal s'est couché à la sortie du tunnel. Peu avant Fontan un viaduc a été affouillé et nécessite un renforcement. La SNCF n'envisage pas d'y rétablir la circulation avant deux mois.
  L'Ecomusée ajoute que vu l'état de la route il faudra des mois ou même des années pour y rétablir la circulation. Espérons que SNCF-Réseau mettra rapidement les moyens pour permettre un rétablissement de la circulation le plus vite possible.

BreilTravaux organisés par SNCF Réseau pour le déblaiement d'une coulée de boue et roches au nord de Breil en direction de Tende, dans une zone équipée de filets d'alerte. Sur la dizaine d'allers-retours Nice-Breil en service normal, trois continuent jusqu'à Tende. (Doc. SNCF Réseau)

 Sur le littoral, la ligne Toulon-Nice-Vintimille, neutralisée de façon préventive à partir du vendredi 2 octobre après-midi, a été rouverte sans problème, comme la voie unique Cannes La Bocca-Grasse. La voie unique Nice-Breil a tenu elle aussi, devenant le seul lien terrestre avec Breil, les routes ayant beaucoup souffert sur cet axe comme sur les autres de ces cantons.

 SNCF Réseau a effectué une tournée de reconnaissance aérienne samedi après les pluies, par hélicoptère avec l’aide de la Gendarmerie. Ses techniciens ont constaté d’importants dégâts entre Breil et Vievola, dernière station française, à 978 m d’altitude, atteinte après un tracé hélicoïdal impressionnant. On notera que le point culminant de la ligne se situe dans le long tunnel (8,1 km) du col de Tende, frontalier, à 1050 m d’altitude.

La ligne Nice-Brel a prouvé son utilité, comme alternative d’urgence à la route effondrée

 La ligne Nice-Breil, menacée de longue date, a prouvé son utilité au cours de cette crise. Des secouristes acheminent par train des milliers de bouteilles d’eau jusqu’à la commune isolée alors que l’itinéraire routier est effondré. Le problème est resté entier pour les localités situées au-delà de Breil, non desservies par le rail. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a décrété la gratuité de tous les trains Nice-Breil à partir du 5 octobre, pendant la durée de la crise.

 Cher SNCF Voyages, Marc Cais, second dirigeant de l'Unité opérationnelle TER Azur explique: « Je suis fier de mes agents SNCF de l’unité opérationnelle TER Azur qui ont réussi en moins de 24 heures à réaménager une rame TER de la ligne Nice-Breil-Tende afin de permettre le transport de biens de première nécessité pour les habitants des vallées de l’arrière pays niçois sinistrés par le passage de la tempête Alex. Avec le soutien de la Région Sud, elle permettra avec beaucoup de souplesse d’acheminer 10 à 12 t de produits palettisés chaque jour, en adjonction aux circulations commerciales voyageurs, sans contraintes de sillons ou de ressources supplémentaires. »

BreilVue de l'intérieur d'un autorail acheminant des stocks de bouteilles d'eau de source à destination de Breil-sur-Roya, samedi 3 octobre. La localité, comme plusieurs autres, est privée d'eau potable et d'électricité. Tende, isolée de Breil tant par la route que par rail, n'a pas eu cette chance ce jour-là.  (Doc. SNCF)

Les trains vers Nice ont été pris d’assaut par des personnes voulant rejoindre la côté pour fuir les pénuries de la zone, que ce soit en eau ou en électricité. « Enfin une preuve que la ligne Nice-L’Escarène-Sospel-Breil-Tende présente une réelle utilité pour les habitants du Nord-Est du département ! », explique le Collectif  Ligne Nice Breil Tende Cuneo, qui ajoute : « Il faudra le rappeler rapidement  à l’Etat, à la Région et même à la Ville de Nice pour que des fonds soient débloqués pour la réfection des différents ouvrages d’arts de la Vallée du Paillon et de la Bévéra qui le nécessitent ! »

Nice-Breil, 44,08 km, Coni-Vintimille, 99,37 km, mises en service en 1928, coupées en 1945, rétablies en 1979

  La ligne française Nice-Breil, longue de 44,08 km, et la ligne binationale Coni-Vintimille, longue de 99,37 km et qui franchit deux fois la frontière, ont été mises en service simultanément, le 30 octobre 1928, après des mises en service par tronçons côté français et piémontais. La seconde fut électrifiée en triphasé 3.600V 16⅔Hz dès 1931, avec ces caténaires doubles  et leurs portiques ou poteaux à intervalles rapprochés typiques des premières électrifications italiennes. Les destructions des combats de 1945 réduisirent cette étoile de Breil à sa seule branche française Nice-Breil. De rares circulations hivernales de wagons porte-autos de Tende à Limone circulèrent lors d’interruptions de la circulation routière au col de Tende, ce moignon de ligne ayant été sauvegardé, y compris ses caténaires bifilaires inutilisées.

 L’ensemble de l’étoile a été rouverte en 1979 au trafic ferroviaire en traction thermique après d’interminables palabres binationales et de lourds travaux entre Tende et Vintimille. Notons qu’auparavant les frontières ont été déplacées, la France ayant annexé, en 1945, Pienne au sud de Breil (frontière ferroviaire décalée de 2,5 km vers Vintimille), Tende et La Brigue au nord (frontière ferroviaire décalée de 27,7 km vers le nord).

BreilVue d'une coulée de cailloux sur la voie ferrée. Un déblaiement et une sécurisation amont seront nécessaires. (Doc. SNCF Réseau)

 L’offre de services des deux opérateurs s’est considérablement dégradée depuis quelques années. Plus aucun train direct ne relie Nice à Coni (Cuneo), alors qu’un autorail FS effectuait encore des rotations voici une vingtaine d’années. Pire, les correspondances entre les TER Nice-Breil-Tende et les deux seules circulations voyageurs quotidiennes Vintimille-Cuneo des FS imposent des battements de 47 et 45 minutes à Tende ou Breil dans le sens sud-nord, et de 1 h 03 mn et 47 mn dans le sens nord-sud. Les temps de parcours Breil-Nice tournent autour de 1 h 15 mn.

La ligne Nice-Breil offre un parcours bien supérieur au transit par Vintimille… ou par Menton (car)

 Certes il est possible de transiter par Vintimille, moyennant un important allongement kilométrique. Le temps de parcours Breil-Vintimille est de 36 minutes. Mais ce n’est valable que pour des origines-destinations Nice et non pour des parcours amorcés ou terminées dans une localité située entre Nice et Breil (Sospel, Drap…). Le temps de parcours par TER Vintimille-Nice est de 56 minutes. Un voyage Breil-Nice par Vintimille exige donc un temps de parcours train de 1 h 32 mn, plus un très long battement de correspondance, ces dernières n’étant pas du tout calées entre les deux lignes (1 h 22 mn pour l’une d’entre elles !).

BreilRame italienne Cuneo-Vintimille au nord de Breil, sur un viaduc reconstruit à la fin des années 1970 après les destructions subies à la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Doc. http://collectif-ligne-nice-breil-tende-cuneo.ouvaton.org/)

  Malgré les ralentissements imposés de longue date par l’état de la voie et de plusieurs ouvrages, le parcours Breil-Nice par la voie directe est donc nettement avantageux, d’autant que le flux TER côtier a massivement été limité à Menton, Vintimille n’étant relié à la France que par une douzaine de rotations quotidiennes.

Des cars TER assurent aussi six courses par jour et par sens  entre Tende et Menton en I h 53 mn… quand la route n’est pas coupée.  Le temps de parcours Menton-Nice par train TER varie entre 42 et 50 minutes.

 Le retour des trains sur la ligne binationale Coni-Vintimille et la rénovation de la ligne Nice-Breil constitue un enjeu majeur pour ces localités  d’altitude.

Breil

Déplacement de la voie, déplacement du ballast côté tunnel et couverture par des sables (côté remblai), et une Bieugne encore en pleine colère. (Doc. transmis par Damien Biard)

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A nos lecteurs.

L'actualité dans le haut-pays niçois nous a contraint d'annuler la mise en ligne de l'article intitulé "Provence-Alpes-Côte d’Azur accepte de donner 350 M€ pour les infrastructures ferroviaires moyennant contrat de performance", brièvement édité ce lundi matin dans un premier temps. Il paraît de nouveau ce mercredi 7 octobre.

 

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Commentaires
R
Article tout à fait passionnant. Y a t-il quelqu'un qui aurait une photo des piliers du viaduc au nord de Fontan qui ont été "afouillés" par les eaux?<br /> <br /> Robert STAKOWSKI, Paris (mais niçois)
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G
merci pour les information
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L
Merci pour cet article. Pour être tout à fait exact, sur la dernière photo, ce n'est pas la Roya mais un de ses affluents, la Bieugne, d'habitude modeste torrent qui descend du Mercantour
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M
enfin un commentaire tardif au journal de 13 H de jp pernaud ,"paradoxellement la ligne de de chemin de fer a tenu le coup",a quand une opération sos train sur tf1? ,c'est aussi primordial que sos villages...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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