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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
7 octobre 2020

Provence-Alpes-Côte d’Azur accepte de donner 350 M€ pour les infrastructures ferroviaires moyennant contrat de performance

 Le transfert de la charge d’entretien des infrastructures ferroviaires de l’Etat central aux régions, voire à des collectivités de niveau inférieur, se confirme. Alors que le réseau ferré national reste propriété de l’Etat qui en confie la gestion exclusive à la SA publique SNCF Réseau, les régions acceptent, le dos au mur, de participer au financement de sa maintenance sous peine de fermeture de lignes ou de dégradation du service TER. Le récent accord à 350 millions d’euros entre SNCF Réseau et la région Provence-Alpes Côte d’Azur en est une nouvelle illustration.

DSCN3556Carte du réseau ferroviaire actuel de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le conseil régional accepte de cofinancer les travaux d'amélioration de l'infrastructure de SNCF Réseau à hauteur de 350 millions d'euros répartis sur une décennie. Il s'agira de conforter la fluidité des circulations mais on ignore pour l'instant si la pérennisation des lignes menacées sera concernée.

Provence-Alpes-Côte d’Azur investira 350 millions d’euros sur dix ans pour les lignes ferroviaires

 La région Provence-Alpes-Côte d'Azur a annoncé le 7 septembre d’être engagée à investir 350 millions d'euros sur dix ans, dans le cadre de son plan de relance régional, « dont 250 millions d'euros les cinq prochaines années pour aider SNCF Réseau à moderniser le réseau et à réaliser les grands chantiers d'infrastructure » a indiqué le président du conseil régional Renaud Muselier (LR). Le gestionnaire d’infrastructure, de son côté, devra établir des indicateurs de performance, en mesurant l’irrégularité causée par des insuffisances de l’infrastructure (voie, signalisation…), ainsi que l’a expliqué à son côté Luc Lallemand, PDG de SNCF Réseau.

 Cette somme correspond à un financement régional moyen de 35 millions d’euros par an pendant dix ans. Ce « contrat de performance », qui est surtout une garantie de financement, dont l’application commencera en 2021, devait être soumis au vote du Conseil régional le 9 octobre. Si les objectifs fixés sont atteints ou dépassés, la région versera un « bonus » à SNCF Réseau et, dans le cas contraire, c’est la SNCF qui devra payer des indemnités à la région.

 Soulignons que SNCF Réseau, au-delà de sa participation dans les projets cofinancés, investit chaque année près de 250 à 300 millions d'euros sur le réseau ferroviaire de Provence-Alpes-Côte d’Azur. En 2020, 280 millions sont investis sur ces lignes dont 194 milions pour la modernisation et 86 millions pour la maintenance.

DSCN1469Gare d'Antibes avec TER Vintimille-Grasse de l'axe Vintimille-Nice-Marseille. Le contrat de performance accompagnant l'investissement régional dans l'infrastructure ferroviaire impliquera des bonus ou des malus en fonction de la régularité des trains en lien avec les installations fixes. A gauche, la passerelle qui relie la gare ferroviaire à la gare routière et ses autobus vers la technopole de Sophia-Antipolis, qui n'est pas desservie par tramway. ©RDS

 Cette contrainte mise sur le gestionnaire d’infrastructure habille l’investissement consenti par la région pour les lignes du réseau national qui l’irriguent, y compris des axes parcourus par des trains nationaux. Les régions, initialement en charge du financement des seules circulations TER (matériel roulant et déficit d’exploitation, avec transfert de l’ancienne dotation de l’Etat aux services régionaux de la SNCF, largement complétées par les abondements des conseils régionaux), deviennent ainsi des financeurs d’infrastructures nationales dont elles n’ont pas la propriété.

 Comme les dotations de l’Etat promises dans les contrats de plan Etat-Régions ne sont généralement jamais entièrement versées, cette charge s’accentue peu à peu… sauf fermeture de ligne. Ce cas s’est récemment illustré avec l’amputation de la section centrale de la ligne Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, séparant ainsi deux villes pourtant réunies au même moment dans une région unique.

Des précédents importants en Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur

 Ce financement régional des lignes a connu de célèbres précédents. On se souvient du plan-rail de Midi-Pyrénées, avant la fusion avec le Languedoc-Roussillon, dont les montants cumulés avaient atteint pour la région le milliard d’euros. Il avait permis de sauver des lignes en déshérence, principalement sur le « quart nord-est toulousain », avec doublement partiel de la voie unique entre Toulouse et Saint-Sulpice, ce tronc commun des lignes reliant la ville rose à Mazamet, Albi-Rodez et Figeac.

 Rhône-Alpes, durant les précédentes mandatures, avait beaucoup financé le renouveau du rail, en particulier avec la remarquable modernisation du Sillon alpin. Sur (Chambéry) Montmélian-Grenoble-Valence, elle avait ainsi permis le doublement de la section Moirans-Saint-Marcellin ainsi que l’électrification et la modernisation de la signalisation de l’ensemble de cette ligne exclusivement transversale, n’intéressant donc pas Paris mais jouant un rôle clé entre les Alpes du Nord et l’axe rhodanien méridional.

DSCN3155Station de La Crau sur l'antenne électrifiée et rénovée à partir de 2014 reliant La Pauline à Hyères, soit 9,9 km. Cette belle réalisation permet de faire circuler des TER Hyères-Toulon-Marseille vingt fois par jour et par sens alors que la suppression du service voyageurs en 1938 avait contraint les usagers régionaux à des services routiers englués dans les embouteillages, surtout l'été, et limités à Toulon. ©RDS

 Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont la densité ferroviaire est l’une des plus faibles de France, avait cofinancé la réouverture de Cannes-Grasse (16,6 km), obtenue après maintes pérégrinations au long de plusieurs décennies. Fermée aux voyageurs dans la frénésie de suppressions ordonnée par la SNCF issue de la nationalisation de 1938, qui dévasta en particulier le réseau provençal, elle fut rouverte aux autorails thermiques en 1978 jusqu’à Ranguin (5,6 km), avant nouvelle fermeture en 1995. Il fallut attendre 2005 pour qu’elle soit rouverte après électrification sur la totalité de son parcours, désormais exploité avec grand succès par des TER cadencés Grasse-Vintimille.

 Cette même région PACA a récemment contribué à rénover totalement l’antenne La Pauline-Hyères (9,9 km) pour service cadencé Hyères-Toulon-Marseille (20 circulations par jour). Cette ligne à voie unique, qui avait à l’époque conservé un reliquat de trafic fret, fut électrifiée en 1965 simultanément à l’axe Marseille-Nice qui venait de l’être lui aussi. Alors que le service voyageurs y avait été supprimé dès 1940, un train de nuit de voyageurs Paris-Hyères l’emprunta à partir de 1971. Mais aucune circulation régionale ne fut alors prévue pour les autochtones, priés de continuer à prendre des bus lents et englués dans les embouteillages. Le remarquable travail de régénération effectué à partir de 2014 n’est toutefois pas allé jusqu’à La Plage d’Hyères et l’aéroport mitoyen, soit 4 km supplémentaires, voire jusqu’aux Salins d’Hyères, 4,5 autres kilomètres déclassés en 1989.

Sorgues-Carpentras, une rénovation avec réouverture aux voyageurs sans électrification, contre la logique de réseau

 Enfin, dernière réouverture récente en Provence-Alpes Côte d’Azur, celle de la ligne reliant Sorgues-Châteauneuf-du-Pape à Carpentras, soit 16,5 km, rouverte au service voyageurs en 2015 après réhabilitation totale de la voie unique. Le service voyageurs y avait disparu, là encore, dès 1938. Mais à l’inverse des deux autres réouvertures précitées, celle-ci n’a pas été électrifiée, contre toute logique de réseau et alors que le gabarit de la ligne n’est contraint par aucun souterrain. L’exploitant doit donc y utiliser des engins (AGC) bimodes alors qu’il s’agit de la seule (et courte) section thermique d’un environnement ferroviaire entièrement électrifié. Les 19 TER quotidiens qui y circulent ont tous pour origine-destination Avignon-TGV via Avignon-Centre, sauf un, limité à Avignon Centre.

CarpentrasNouvelle gare de Carpentras, perpendiculaire aux voie en provenance de Sorgues-Châteauneuf du Pape et Avignon, en cul-de-sac. Cet établissement se situe à une centaine de mètres du vaste bâtiment historique PLM, abandonné. Le choix d'orientation du nouveau bâtiment voyageurs semble exclure une potentielle réouverture de la ligne vers Orange. (Doc. Wikipedia)

 Le coût de la rénovation de Sorgues-Carpentras s'est élevé à quelque 80 millions d’euros. Elle s’accompagnait de la construction d’un nouveau bâtiment voyageurs à Carpentras, perpendiculaire aux voies, à une centaine de mètres de l’imposante gare d’origine PLM. Détail troublant, la nouvelle gare empiète de quelques dizaines de centimètres sur le gabarit de l’ancienne voie qui poursuivait jusqu’aux quais de la gare d’origine. Carpentras était un important nœud ferroviaire, situé sur la ligne à voie unique longue de 38 km qui contournait Avignon par l’est en reliant Orange à Fontaine-de-Vaucluse, sur l’axe Avignon-Miramas via Cavaillon. Ce contournement avait lui aussi été fermé aux voyageurs en 1938 et progressivement démantelé depuis. La ligne Sorgues-Carpentras constituait la troisième branche de cette étoile ferroviaire.

 On citera aussi la création d’une troisième voie entre Marseille et Aubagne, destinée aux TER locaux. Conçue sur le mode de la 3e voie de la banlieue nord-ouest de Genève (Cornavin-Coppet) parallèlement aux voies principales, elle est exploitée en navettes de voie unique avec évitement à La Barasse et quelques liaisons avec les voies principales.

Le remaillage progressif du réseau ferroviaire de Provence-Alpes-Côte d’Azur reste largement incomplet

 Ce remaillage progressif de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur reste cependant largement incomplet. Il est  même remis en question avec les menaces qui pèsent sur la ligne Nice-Breil, maillon essentiel de désenclavement de l’arrière-pays niçois (Sospel, La Brigue, Tende) complété par les lignes Breil-Vintimille et Breil-Tende-Limone. A la fois régional et international ce réseau, rétabli voici une trentaine d’années après interruption pour faits de guerre, est l’objet de nombreuses manifestations de soutien tant du côté français que du côté italien, alors que les vitesses en ligne sont réduites et la logique de desserte (correspondances, trains directs) délibérément dégradée par les exploitants.

 On citera aussi la Provence de l’intérieur. Alors que des voies fret ont été maintenues sur une partie du parcours, une liaison potentielle entre le val de Durance (Sisteron, Manosque, Digne) et Avignon (correspondances TGV) évitant le long détour par Marseille serait possible.

DSCN3200Poste de Marseille-Saint-Charles. En cul-de-sac, la gare centrale de la métropole phocéenne connaît des conflits d'itinéraires qui en limitent la capacité. Une coûteuse gare passante souterraine est en projet, qui permettra d'alléger le plateau supérieur. Mais des réouvertures permettraient à la clientèle d'éviter de longs détours par Marseille tout en desservant des localités éloignées du réseau ferré en exploitation : Pertuis-Cheval-Blanc pour réduire la distance entre le Val de Durance et Avignon ; Aix-Rognac pour raccourcir les voyages entre Aix et Avignon, mais aussi l'aéroport de Marseille-Provence ; Gardanne-Carnoules pour réduire considérablement la distance entre le val de Durance et Aix d'une part, la Provence orientale et Nice d'autre part. ©RDS

 Une liaison Sisteron-Avignon via Pertuis, Cheval-Blanc et Cavaillon affiche 162 km alors que la liaison Sisteron-Marseille affiche à elle seule 152 km. Un trajet depuis Sisteron via Cavaillon vers les au-delà d’Avignon (Languedoc, Lyon, Paris, etc…) desservirait des localités nouvelles tout en permettant d’économiser le trajet Marseille-Avignon, soit 121 km par la ligne classique ou 94 km par la ligne nouvelle. Sa légitimité serait plus forte encore si la section Digne-Saint-Auban était enfin rouverte (1). Il permettrait ainsi d’effectuer un Sisteron-Avignon par Pertuis et Cavaillon en 162 km, contre 273 km via Marseille par la ligne classique ou 246 km via Marseille par la ligne à grande vitesse. Or les TGV ont beau rouler très vite, les kilomètres restent des kilomètres : Marseille-Avignon TGV est assuré en 33 minutes à grande vitesse mais avec réservation obligatoire, tandis que Marseille-Avignon-Centre est effectué  en 1 h 17 mn par TER.

Deux lignes à réactiver : Aix-Rognac et Gardanne-Carnoules

 Nous terminerons en citant deux autres lignes à beau potentiel de desserte locale et de maillage du réseau. D’abord la ligne intra-métropolitaine Aix-en-Provence-Rognac : la réouverture aux voyageurs de cette ligne fret permettrait là encore d’éviter un transit par Saint-Charles pour les parcours Aix-Miramas et au-delà vers Avignon, mais aussi d’effectuer des TER Aix-Vitrolles-Aéroport directs. Ensuite la ligne inter-départementale Gardanne-Carnoules : là encore, cette réouverture permettrait d’éviter le long détour par Marseille pour des parcours depuis le Val-de-Durance et  Aix vers Les Arcs et Nice, tout en desservant de nombreuses localités éloignées du rail (Trets, Saint-Maximin, Tourves, Brignoles…).

 Le remaillage de la région Provence-Côte d’Azur a de beaux jours devant lui pour les responsables politiques qui voudront bien s’y atteler.

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(1) Lire aussi notre article du 31 mars 2020 :

Saint-Auban - Digne : 22 km de voie unique sacrifiés, une préfecture isolée depuis 31 ans du réseau ferré national (étude) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Les 22 km de voie unique neutralisée reliant Château-Arnoux-Saint-Auban à Digne constituent un témoignage flagrant de l'abandon des territoires par le réseau ferré national et son propriétaire, l'Etat.

http://raildusud.canalblog.com

... et notre étude du 28 novembre 2019 :

41 projets de réouvertures de lignes aux voyageurs en Bade-Wurtemberg. Des idées pour la France dans le Sud-Est (Etude - 2/2) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

L'Allemagne tend à rétablir des services voyageurs sur des lignes régionales qui furent fermées aux temps du tout-automobile de l'après-guerre et de la fin du XXe siècle (lire le premier volet de notre étude, paru le 26 novembre). En France au contraire, l'Etat-SNCF continue de fermer des lignes par centaines de kilomètres avec très peu de réactivations, accentuant l'abandon des territoires.

http://raildusud.canalblog.com

 

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Commentaires
O
Attention aux termes employés : les Régions sont sollicitées hors de leur compétence Transport pour financer le renouvellement de l'infrastructure d'un réseau qui appartient à l'Etat. L'entretien est censé être couvert par les péages liés aux circulations... mais ce n'est pas le cas surtout pour les petites lignes où la majeure partie est payée par l'Etat, soit en s'acquittant de la redevance d'accès, soit par de la dette.<br /> <br /> Pour les opérations de modernisation / développement, le financement est partagé entre l'Etat et les collectivités, ce qui est un processus plus logique.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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