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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
28 octobre 2020

Elus, associations et habitants ont créé un collectif pour la réouverture de Thiers-Boën, sacrifiée par SNCF Réseau et la Région

 La colère contre l’interruption de la liaison ferroviaire Saint-Etienne-Clermont-Ferrand s'est structurée. Lors de réunions tenues les 22 et 25 septembre s’est constitué un Collectif de défense de la liaison ferroviaire Thiers-Boën (48 km). Cette section de la ligne reliant les deux grandes villes est neutralisée depuis plus de quatre ans par SNCF Réseau. L’objectif du Collectif est clair : la réouverture de ce tronçon qui avait été délibérément laissé en déshérence durant des décennies, préparant une fermeture à l’évidence souhaitée par la bureaucratie parisienne.

L'action de ce collectif s'est illustrée par une série de manifestations les 18 et 19 octobre qui a permis d'obtenir une réunion de concertation en novembre et, in fine, la suspension des travaux de dépose de voies au droit de passages à niveau (lire l'article de raildusud du 25 octobre).

La suspension du trafic ferroviaire entre Boën et Thiers condamne la liaison la plus directe et la plus féconde entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne

 La suspension du trafic entre Boën et Thiers condamne la liaison la plus directe et la moins onéreuse entre Clermont Ferrand et Saint-Etienne et isole du réseau ferroviaire un chapelet de localités en grande souffrance économique malgré le dynamisme de nombreuses PME. Le service est transféré sur route moyennant une dissociation des circulations bus de desserte locale et de desserte de bout en bout, bus TER et bus ex-départementaux, ce qui rend les horaires illisibles et impraticables les liaisons entre les localités situées sur les flancs opposés de l’axe. Cette situation entraîne une chute libre de la fréquentation visible à l’œil nu. Si le bilan d’exploitation des trains, ralentis et rares, était déficitaire, celui des bus l’est probablement au moins autant.

DSCN2723Gare désaffectée de Saint-Julien-la-Vêtre, entre Boën et Noirétable. L'établissement n'était déjà plus desservi par les trains plusieurs années avant la fermeture de la ligne, en juin 2016. La localité qu'il dessert était réputée pour l'activité de son artisanat. La baisse de sa population s'est accélérée depuis 1990 : - 28 % en trente ans... ©RDS

 Le Collectif de défense de la relation ferroviaire Thiers-Boën s’est constitué à l’initiative de quatre associations : Thiers Nouveau Monde, Les Monts qui pétillent, une association nouvellement créée pour le développement du trafic ferroviaire fret et voyageurs et le Collectif des transports du Haut-Allier. La nouvelle structure, qui rassemble associations, élus, syndicalistes et particuliers, s’est donné pour but de rassembler tous les acteurs du territoire susceptibles d’apporter leur contribution à ce défi. La réunion constitutive s’est tenue le 25 septembre en mairie de Noirétable sous la présidence de Denis Tamain, maire de cette cité situé au faîte de la ligne.

Une « dilatation des rails » qui avait été préparée de longue date par le gestionnaire d’infrastructure

 Le 1er juin 2016, au prétexte d’une « dilatation des rails » sous l’effet de la chaleur, tout trafic était suspendu entre Montbrison, au pied des monts du Forez, et Thiers, côté Clermont-Ferrand, soit 65,7 km sur un total de 145 km. Cette section centrale, privée successivement de tout trafic fret - autrefois conséquent - puis d’une partie de son trafic voyageurs transféré partiellement sur route, avait été délibérément laissée sans entretien, préparant le prétexte à sa fermeture, comme dans tant d’autres cas dans la France des « territoires » condamnée au tout routier.

 Saint-Etienne, métropole de 405.000 habitants et Clermont-Ferrand, métropole de 290.000 habitants, distantes de 145 km, avec trois intercommunalités intermédiaires cumulant 165.500 habitants, sont ainsi privées de relation ferroviaire continue. La décision de SNCF Réseau impacte donc un total de 860.500 habitants. Le reliquat d’usagers des transports collectifs sur l’axe est prié d’attendre son autocar en bord de route, dans des conditions indignes.

DSCN2766Chabreloche, entre Noirétable et Thiers, sur le territoire du Puy-de-Dôme. La cité, qui conserve une petite activité métallurgique, n'est plus desservie par le train dont la gare, voisine du village, est désaffectée. L'autoroute A89 passe en surplomb au flanc d'une montagne, son accès le plus proche est éloigné de 15 km. On aperçoit un autocar du service ex-départemental TransDôme, à son terminus, avant son retour vers Thiers et Clermont-Ferrand. Les temps de parcours sont dissuasifs. L'attente doit s'effectuer sous un abri réduit, en bord de voirie principale, dans une courbe. ©RDS

 A la suite de nombreuses protestations, dont celle du jeune maire de Boën Pierre-Jean Rochette (DVD), pourtant à la tête d’une entreprise de transport routier, SNCF Réseau avait consenti à restaurer 18,4 km de voie de Montbrison à Boën pour 8,3 millions d’euros cofinancés à 26 % par… l’intercommunalité Loire-Forez-Agglomération et par un apport de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cinq allers-retours trains, toujours complétés par des cars qui parfois parasitent le remplissage des premiers, touchèrent à nouveau Boën à l’hiver 2018 mais uniquement en semaine. Les fins de semaines, les habitants du cru sont censés passer par la route, sur laquelle les bus offrent un temps de parcours supérieur de 62 % à celui du train, ou rester chez eux.

Le coût de remise en état est passé de 44,8 à 35 millions d’euros… grâce à la rénovation de 18,5 km Montbrison-Boën pour 8,3 millions

 Le nouveau Collectif s’est constitué sur fond de mobilisation des élus. Le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne (PCF), accompagné de Stéphane Rodier, maire de Thiers (sans étiquette), associés à de nombreux élus foréziens, se sont engagés et positionnés pour la réouverture de cette ligne stratégique.

 Au cours de la réunion constitutive, indique le quotidien La Montagne, on a appris qu’en 2016 SNCF Réseau exigeait 44,8 millions d’euros aux collectivités afin de remettre en état la section Montbrison-Thiers, demande refusée à l’époque par la Région. Depuis, la somme a baissé, passant à 35 millions d’euros. Entre-temps la section Montbrison-Boën, longue de 18,5 km, a été rénovée pour 8,3 millions d’euros, ce qui explique largement la différence.

DSCN2726Vue de l'état de la plateforme de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, dans la montée depuis Boën vers Noirétable. Un gâchis patrimonial de premier ordre, dont le coût d'une remise en état (évalué aujourd'hui à 35 millions d'euros) risque d'augmenter d'année en année en raison de la dégradation naturelle des ouvrages. Pendant ce temps des sommes astronomiques sont investies dans des réseaux de transports ultra-modernes d'Ile-de-France. Les membres du nouveau Collectif, qui lancent des opérations symboliques de débroussaillage, n'ont que l'embarras du choix. ©RDS

 Notons que la rénovation de la section centrale de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand était inscrite au Contrat de plan Etat-Région, inscription non honorée. Les crédits auraient été basculés sur la rénovation de la ligne Saint-Étienne-Le Puy, remise ainsi à neuf par la suite.

 La section Boën-Thiers présente le profil le plus accidenté. On y dénombre pas moins de seize tunnels. On décompte environ 9 km de sections affichant une déclivité de 25 ‰ et plusieurs de 20 ‰. Le faîte de la ligne est atteint au tunnel de Noirétable à la sortie de la gare côté Thiers, long de 173 m, à environ 730 m d’altitude.

Noirétable, gare rénovée par la Région, équipée de téléaffichage… juste avant la suppression des trains et l’éloignement des bus

 Raildusud a déjà souligné que la gare de Noirétable avait été rénovée par la Région, aidée par un fonds européen, quelques années seulement avant l’abandon de tout trafic ferroviaire. Un tableau d’affichage numérique comparable à ceux des grandes gares a été installé sur le premier quai, désormais à l’abandon. Le tableau continue à afficher les heures de passage des prochains autocars… qui ne desservent même plus la cour de la gare. Le nouveau Collectif prévoyait d’organiser le 18 octobre un débroussaillage des voies appartenant à SNCF Réseau et, à Noirétable, une manifestation sur les quais de la gare abandonnée.

DSCN2728Entrée extérieure de la gare de Noirétable. Façades rénovées, garage à vélo aux dernières normes, affichage numérique des circulations sur le quai... Or non seulement les trains n'y passent plus, mais les autocars TER ne desservent même plus la cour de la gare, située à trois minutes à pied de la grande place du village. Cette gare a vu passer des circulations directes Lyon-Clermont-Ferrand via Saint-Etienne. Gaspillage d'argent des contribuables, désertification des petites villes, abandon délibéré de leurs populations par le service public ferroviaire : le cas est exemplaire. ©RDS

 Rappelons que la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand affiche 145 km alors que le parcours ferroviaire via Roanne et Saint-Germain des Fossés affiche pour sa part 211,5 km, soit un parcours plus long de 66,5 km (46 %). Dans sa grande tradition de multimodalité, la SNCF (et la région) ont probablement joué l’autoroute A89, soit 147 km pour relier les deux grandes villes. Le temps de parcours des bus directs sans aucune desserte intermédiaire est actuellement de 1 h 45 mn contre 1 h 57 mn en train dans les années 1990 avec desserte de plusieurs gares intermédiaires.

 Les services routiers directs actuels sont dissociés des services omnibus. Ils cumulent tous les inconvénients du trafic routier, de la consommation énergétique et de la désintégration du réseau ferroviaire. Des services ferroviaires sur une voie de qualité pourraient afficher un temps de parcours à peine inférieur tout en desservant plusieurs gares intermédiaires. Quant au trafic fret de proximité, il est à rebâtir entièrement, bien que l’industrie du bois et de la petite métallurgie, comme l’élevage, constituent autant de ressources réparties au long de l’axe.

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On pourra lire aussi deux articles précédemment publiés par raildusud sur le sujet de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand :

Saint-Etienne-Clermont-Ferrand : le transfert sur route le plus inique de ce début du XXIe siècle - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Le transfert sur route de la liaison ferroviaire la plus courte entre les deux métropoles de Saint-Etienne et Clermont-Ferrand est sans doute la décision la plus inique de la hiérarchie ferroviaire française en ce début d'un XXIe siècle qui pourtant en a vu d'autres.

http://raildusud.canalblog.com

 

Fermetures de lignes, souffrance des territoires : l'exemple accablant de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand entre Boën et Thiers - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

L'impact d'une fermeture de ligne se mesure non seulement à la dégradation et à la dispersion des services une fois transférés sur route, mais aussi à l'appauvrissement de l'attractivité des localités desservies. C'est particulièrement le cas des communes de l'ancien axe ferroviaire Saint-Etienne-Clermont-Ferrand dans la partie centrale de la ligne qui reliait ces deux villes.

http://raildusud.canalblog.com

 

 

 

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Commentaires
P
Conséquences des deux précédentes décennies pendant lesquelles le propriétaire de l’infrastructure a privilégié les investissements sur le réseau « structurant » au détriment de la maintenance et à de la régénération sur l’ensemble du réseau......
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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