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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
24 août 2020

La concurrence ferroviaire sur grandes lignes pourrait rendre à Lyon un rôle central… mais les obstacles sont nombreux*

(* Corrigé du projet de Railcoop Toulouse-Rennes: via Tours et non La Rochelle, 12e paragraphe)

 Capitale romaine des Trois Gaules quand Paris n’était qu’une bourgade, Lyon pourrait devenir un centre ferroviaire grâce à la concurrence qui s’annonce. Face à la très centralisatrice « étoile de Legrand », ce schéma directeur inclus dans la loi du 11 juin 1842 qui fixait les règles juridiques et géographiques du développement du chemin de fer en France, Lyon est au centre d’un réseau grandes lignes à l’évidence sous-exploité par la SNCF.

 Les concurrents potentiels de l’exploitant historique, qui préparent leurs futurs services librement organisés (SLO), semblent être parfaitement conscients du manque de relations à longue distance sur les lignes classiques, ou de relations inter-régionales non radiales. Mais ils se heurtent à de nombreux obstacles comme l'état du réseau et l'absence de tout appui public pour ces relations d'aménagement du territoire qui relèvent du principe des Intercités.

Grandes lignes classiques délaissées, relations TGV non-radiales… La SNCF a accentué son jacobinisme ferroviaire

 La SNCF a accentué ces dernières années son jacobinisme ferroviaire. Elle a réduit ses relations à grande vitesse n’ayant pas leur origine en Ile-de-France. Elle s’est débarrassée des trains desservant les grandes lignes classiques parallèles à ces lignes à grande vitesse qui traversent les territoires sans les desservir, laissant aux régions le soin de les assurer, comme ces rares TER Lyon-Paris qui pourtant concernent trois régions et ont donc vocation nationale. Elle a fermé des lignes inter-régionales ou inter-métropolitaines (Clermont-Ferrand-Bordeaux, Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, Saint-Claude-Lyon...). Elle a supprimé la plupart de ses trains de nuit.

DSCN3138Gare de Lyon-Part-Dieu. Le bâtiment-voyageurs et le parvis sont en pleine reconstruction (ci-dessus), la douzième voie va bientôt être posée. Lyon cumule le poids démographique et la relative proximité de puissantes régions voisines : Méditerranée, Suisse, arc rhénan, Italie du Nord, Catalogne... ©RDS

 Les projets de FlixMobility (FlixBus, FlixTrain) sur les grandes lignes classiques délaissées par l’exploitant historique (Lyon-Paris, Nice-Paris…), de Railcoop sur Lyon-Bordeaux ou Lyon-Thionville, de Renfe sur Lyon-Marseille par la LGV, de Thello entre Paris et Milan via Lyon - ville proche de l’Italie à laquelle elle est si mal reliée -, voire de Ilsa entre Montpellier et Madrid, restent pour l’instant dans les cartons. Mais leur seule étude souligne le désinvestissement de la SNCF de relations ne plaçant pas Paris au centre du monde ou la grande vitesse comme seul avenir du chemin de fer à moyenne et grande distance.

Les futurs concurrents de la SNCF à leurs risques et périls se placent en exploitants complémentaires

 Les futurs concurrents de la SNCF se placent en fait en exploitants complémentaires. Les principaux défis qu’ils auront à relever résident dans la congestion du réseau francilien s’ils veulent atteindre Paris (Thello pour Paris-Lyon-Milan), dans le prix élevé des sillons alors qu’ils travailleront à leurs risques et périls, dans la faiblesse du maillage ferroviaire français, après 80 ans de fermetures de lignes, et dans la future (dés)organisation de la commercialisation des billets pour les voyages empruntant deux entreprises.

 On ne peut ignorer non plus l’engorgement du nœud ferroviaire lyonnais malgré la prochaine mise en service d’une douzième voie à quai à Part-Dieu. Mais la présence de l’autre gare centrale, Perrache, dont l’accès ouest par le tunnel de Saint-Irénée offre une bonne capacité résiduelle, peut constituer une alternative. Enfin, les SLO ne recevront aucune subvention publique tout en payant leurs sillons au prix fort, alors que leur fonction d’aménagement du territoire paraît dans la plupart des cas évidente.

DSCN3136Face à la gare de La Part-Dieu, le centre commercial du même nom dont les accès sont en pleine restructuration, couronné par la tour Oxygène. Un autre immeuble de grand hauteur va être construit en contiguité avec le futur bâtiment voyageurs, derrière le photographe. L'ensemble est desservi par quatre lignes de tramways dont une vers l'aéroport, une ligne de métro et un faisceau de lignes d'autobus. ©RDS

 Les poids démographiques de Lyon - 1,7 million d’habitants sans compter la métropole voisine de Saint-Etienne (410.000 habitants) - et de l’ancienne région Rhône-Alpes, constituent évidemment un argument-clé pour créer de nouveau services au départ ou via Lyon. La situation géographique de la capitale des Trois Gaules, est l’autre argument. Lyon est proche de la Suisse romande (160 km de la frontière), de l’Italie (216 km de la frontière), de la Méditerranée (304 km de Marseille par la ligne classique), de l’arc rhénan (418 km de Mulhouse par la LGV), de l’Auvergne (229 km de Clermont-Ferrand), de l’Espagne (533 km de Port-Bou), de la Lorraine (483 km de Metz par l’itinéraire direct).

Les projets de Renfe, Thello, FlixMobility, Railcoop, Ilsa

 Sur Lyon-Marseille, la Renfe envisage d’assurer 5 allers-retours quotidiens par la ligne à grande vitesse pour le service annuel 2022 qui commence le 13 décembre 2021. Ses trains desserviraient Avignon-TGV et Aix-en-Provence-TGV.

 Sur Paris-Lyon-Milan, Thello, filiale de Trenitalia, l’exploitant historique italien, a retardé le lancement de ses trains à grande vitesse, des Zefiro V300 Bombardier-Ansaldo Breda, prévu pour juin dernier. Le projet a été victime des grèves de l’automne contre la réforme des retraites puis du confinement total de l’économie pendant deux mois.

DSCN2905TER Occitanie à Montpellier-Saint-Roch. Un projet alternatif avec l'Espagne permettant un départ tôt le matin et un retour tard le soir a été reporté sine die. ©RDS

 FlixMobility a reporté sine die ses projets de trains en France (Paris-Nice, Paris-Lyon par les lignes classiques…) en jugeant trop élevé le coût des sillons.

 Railcoop avance un projet, plusieurs fois évoqué par Raildusud, de réactivation de la liaison Lyon-Bordeaux par Montluçon à raison de deux allers-retours diurnes et un aller-retour nocturne. La coopérative, qui en est au stade de la demande de licence, semble centrer une grande partie de ses projets sur Lyon. Elle étudie en effet des trains Lyon-Bordeaux via Aurillac et Lyon-Thionville par Culmont-Chalindrey, soit la ligne la plus directe, délaissée par la SNCF au profit de TGV via la LGV Rhin-Rhône et l’Alsace, entre le Sud-Est et la Lorraine.

 Railcoop étudie aussi la création de trains Toulouse-Rennes, via Limoges, Poitiers, Tours, Le Mans. Notons que plus aucune liaison SNCF de la rocade via La Rochelle ne dépasse Bordeaux au sud et Nantes au nord.

 Ilsa, société espagnole dont le projet semble être au point mort, envisageait de relier Montpellier à Madrid par des circulations complémentaires à celles en service (Renfe-SNCF) qui ne sont pas conçues pour relier le Languedoc à l’Espagne : les départs depuis le nord sont trop tardifs, les arrivées trop précoces. Ilsa prévoyait des départs tôt le matin de Montpellier, des retours tard le soir depuis l’Espagne.

Le réseau Intercités réduit à presque rien : Bordeaux-Nantes, Nantes-Lyon…

 Il est regrettable que ces projets soient laissés au modèle SLO, sans aucun engagement de l’Etat. Ce dernier est pourtant garant de la cohérence territoriale. A ce titre, il devrait prendre en charge les liaisons inter-régionales qui mettent en réseau les régions entre elles. Or les seules liaisons garanties par l’Etat, les « Intercités », sont réduites à presque rien après cessions massives aux régions… ou suppressions. Il demeure en particulier Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, qui vont être déléguées à un exploitant après appel d’offres, sur le modèle de la future mise en concurrence des relations TER… ou des réseaux de transport public urbain.

DSCN1407Bordeaux-Saint-Jean. La rocade vers Nantes n'est plus parcourue par des trains à grande distance dépassant ses deux extrémités : en provenance du Sud-Est ou vers Rennes et Quimper. ©RDS

 Jean-Pierre Farandou a estimé, rapporte l’AFP, que la SNCF qu'il préside « a l’intention de se présenter à tous les appels d’offre », qu’il s’agisse des Intercités résiduels ou des TER : « Je suis conscient que face à nous, nous aurons des concurrents déterminés, pour qui cette ouverture est d’ailleurs souvent stratégique. Ça veut dire des gens qui se sont préparés, qui ont montré qu’ils savaient déjà faire du ferroviaire ».

Réintégrer des relations inter-régionales dans le réseau Intercités garanti par l’Etat

 Mais la responsabilité ultime du devenir des relations ferroviaires régionales et inter-régionales réside moins chez les exploitants potentiels que du côté de la puissance publique. Pour faire rouler des trains, il faut un réseau maillé et en bon état, et donc mobiliser des financements supérieurs à ceux alloués jusqu’ici.

 Pour rendre aux territoires tous leurs atouts en matière de transport ferroviaire à grande capacité, il faut réintégrer dans le réseau Intercités les relations qui en ont été sorties par un jeu de bonneteau consternant, avec appel d’offres pour la meilleure exploitation possible. Les prometteuses radiales lyonnaises pourraient alors passer du stade de beaux projets à celui de réalité.

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Commentaires
D
De beaux projets, mais il faut aussi que certaines sections en état moyen restent ouvertes comme par exemple Montluçon Guéret ou Aurillac Brive. En version optimiste on pourrait argumenter que l'arrivée de trains supplémentaires va augmenter le montant des péages perçus par SNCF réseau, mais sera-ce suffisant pour faire pencher la balance?
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M
Malheureusement, le choix par Clermont-Ferrand laisse de côté Saint-Etienne et Le Puy et le parcours le plus court en kilométrage.
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D
A propos du Lyon Bordeaux par Aurillac, ne serait-il pas tracé par St Etienne Le Puy et St Georges d'Aurac puis rebroussement à Arvant? Cela expliquerait l'enthousiasme d'AGRIVAP et du CFHF car l'agglo du Puy pousse pour la réactivation de la section Darsac Sembadel à des fins touristiques à l'horizon 2021. Le lien avec les chemins de fer touristiques du Haut Forez pourrait donc se faire soit au Puy soit à Darsac.
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F
bonsoir<br /> <br /> <br /> <br /> La liaison Toulouse-Rennes prévue par RailCoop ne passe pas par Bordeaux-La Rochelle, mais par Limoges-Poitiers-Tours-Le Mans<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2020/06/toulouse_rennes-sflo-2020_005.pdf<br /> <br /> <br /> <br /> vous aviez déjà évoqué un trajet par Bordeaux-La Rochelle le 11 août...<br /> <br /> http://raildusud.canalblog.com/archives/2020/08/11/38430920.html<br /> <br /> <br /> <br /> François13
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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