Le Massif Central, cimetière ferroviaire : exemple de l’ampleur du désastre avec l’antenne Laqueuille-La Bourboule-Le Mont-Dore
Le Massif Central est largement devenu un cimetière ferroviaire, suite à la furie de fermetures entreprises depuis la création de la SNCF et accélérée dans cette région depuis le début de ce siècle. Raildusud entretenait récemment ses lecteurs de la fermeture, évitée in extremis et très provisoirement, du reliquat de lignes reliant Volvic au Mont-Dore (1). Seul y demeure un trafic fret d’eaux minérales. Les flux voyageurs de la « ligne des Puys » Clermont-Ferrand-Volvic-Laqueuille-Ussel ont disparu à l’ouest de Volvic, comme de l’antenne Laqueuille-La Bourboule-Le Mont-Dore. Notre site publie aujourd’hui des photographies illustrant ce désastre patrimonial et industriel alors que des dépenses importantes sont entreprises à la gare de La Bourboule sans rapport avec le rail.
Gare du Mont-Dore côté faisceau de voies, été 2020. Peu de temps avant la suppression de tout service ferroviaire en 2015, les quais avaient été rénovés à la norme la plus récente, avec bandes podotactiles. Les voies à quais et le faisceau de remisage sont envahis par les herbes. Le bâtiment voyageurs, constitué de quatre corps dont deux pavillons, faisait la fierté de la compagnie d'Orléans, réputée pour le soin qu'elle apportait à son patrimoine immobilier. © Stéphane Périchon, RDS
Sur Laqueuille-Le Mont Dore, antenne en cul-de-sac longue de 13,9 km, le trafic voyageurs par trains, jadis florissant, a été supprimé en 2015. Pourtant, La Bourboule comme Le Mont Dore sont des destinations thermales et touristiques de premier plan, tant l’hiver que l’été avec l’engouement pour le tourisme vert. Proche du Puy de Sancy, la gare du Mont-Dore est située à 1.009 m d’altitude. Le flux touristique reste important malgré le déclin du thermalisme, comme en témoigne la noria d’automobiles en cet été radieux. A La Bourboule (1.780 habitants), la part de résidences secondaire sur le parc immobilier atteint les 50 %. Au Mont-Dore (1.280 habitants), siège de la société Sources du Mont-Dore et Auvergne, qui maintient le reliquat de trafic ferroviaire fret, les thermes ont été ouverts dès le début du XIXe siècle. Mais le centre du bourg s'étiole.
Dix-mille habitants sur une vingtaine de communes, mais un flux touristiques considérablement supérieur
La communauté de communes du Massif du Sancy, qui compte vingt communes et dont le siège est au Mont-Dore, compte 10.000 habitants résidents, mais des flux touristiques considérablement supérieurs. L'antenne Laqueuille-Le Mont-Dore pourrait en être la colonne vertébrale ferroviaire. Mais les aménageurs lui ont préféré l'autoroute A89 qui passe à proximité. Rappelons que le Puy de Sancy est le point culminant du Massif Central, à 1.885 m d'altitude.
Batterie de signaux de sortie du faisceau de voies du Mont-Dore vers Laqueuille : illustration d'une destruction de patrimoine technique et foncier, dont la puissance publique s'est bien gardé jusqu'ici d'évaluer le coût. © Stéphane Périchon, RDS
L’antenne du Mont-Dore fut jadis desservie par des trains directs en provenance tant de Paris (jusqu’en 2006) que de Bordeaux, Nîmes ou Besançon via Lyon, certaines en saison estivale. Une trame étoffée de circulations voyageurs régionales permettait de drainer une abondante clientèle de touristes tout en servant de lien à la population locale employée dans le secteur des thermes, de l’embouteillage et des autres activités sylvicoles, agricoles, d’élevage…
Le tourisme est totalement passé à la route avec des temps de parcours Le Mont-Dore-Clermont-Ferrand (78 km) stables depuis 70 ans : 1 h 38mn à la descente en 1956, 1 h 35mn 1992 par train, 1 h 23mn par route en 2020 avec toutes les incertitudes et les dangers du réseau routier. On peut aisément imaginer que sur une voie refaite à neuf un train moderne aujourd'hui serait au moins aussi performant que l'autocar et certainement plus capacitaire et régulier.
Gare du Mont-Dore, fierté de la compagnie du Paris-Orléans, mise en service en 1899. Le temps de parcours par car en 2020 depuis Clermont-Ferrand est approximativement le même que par train en 1956... les aléas de la route en plus, la capacité et la sécurité en moins. (Carte postale)
A l’horaire 1992, la desserte était déjà mixée rail et route avec 5 trains par jour en semaine, plusieurs amorcés à Clermont-Ferrand, et une série de circulations par autocars rendant la trame difficilement lisible. Plus loin dans le temps, à l’horaire 1956, l’antenne voyait passer 10 allers-retours en saison basse, dont un Paris-Le Mont-Dore assuré à l’année, et jusqu’à 19 en saison estivale avec une batterie de trains thermaux saisonniers. L’importance du faisceau terminal des voies au Mont-Dore en témoigne.
SNCF Réseau exige 1,3 million d'euros pour rénover la voie pour le fret... mais région et SNCF investissent des millions dans le bâtiment de la gare de la Bourboule qui ne voit passer aucun train
SNCF Réseau a réussi à faire payer aux collectivités, dont l’intercommunalité, une large partie des 400.000 euros de travaux en 2020 pour les voies et la signalisation destinés à pérenniser pour une année le faible trafic fret maintenu. Une autre tranche de travaux est exigée en 2021, pour une somme de 900.000 euros, non encore financée. Soit 1,3 million d'euros. Au-delà, un programme de remise en état étalé sur dix ans reste à évaluer. Les collectivités territoriales sont priées de passer à la caisse.
Bâtiment voyageurs de la gare de La Bourboule, en pleine réfection en cet été 2020. Plusieurs millions d'euros payés à 75% par la région Auvergne-Rhône-Alpes et à 25% par SNCF Gares et Connexions. Mais la voie ferrée qui est derrière reste interdite aux trains de voyageurs. © Stéphane Périchon, RDS
Affiche vantant la rénovation du bâtiment de la gare de La Bourboule. Pas un mot sur l'état d'abandon de la voie qui menace de ne même plus pouvoir supporter les rares trains transportant des eaux minérales. Une rénovation approfondie des 53,5 km de voie entre Le Mont-Dore et Volvic permettrait, en rétablissant un trafic voyageurs géré de manière offensive et responsable, d'améliorer le bilan de l'axe alors que le seul trafic fret ne permet pas de combler son déficit, et de très loin. © Stéphane Périchon, RDS
Pendant ce temps, le bâtiment voyageurs de la gare de La Bourboule, qui ne voit plus passer aucun train mais seulement des autocars, est rénové pour une somme de 2,2 millions d’euros (et probablement pas 22 millions comme écrit sur la banderole) financés à 75 % par la région Auvergne-Rhône-Alpes et 25 % par la SNCF. Cette somme permettrait sans doute d’avancer largement les travaux de remise à niveau de la voie depuis Volvic pour… une reprise du trafic voyageurs. On est en droit de s'interroger sur la logique qui préside à la politique régionale des transports en Auvergne-Rhône-Alpes.
Vue côté voies de la gare de La Bourboule, peu de temps avant la suppression du service voyageurs. L'établissement était équipé d'une voie d'évitement, à seulement 5 km du terminus du Mont-Dore, illustration de l'intensité du trafic passé. (Doc. Wikipedia)
Mais de cela il n’est évidemment nullement question puisque, vu de Paris, les trains dans ces « contrées reculées » ne peuvent de nos jours que demeurer vides. On est prié de venir en voiture ou de prendre l’autocar.
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(1) Lire notre précédent article sur le sujet :
Nouvelle illustration de l'effrayante tiers-mondisation des réseaux ferrés des régions françaises, le sort calamiteux de Volvic-Le Mont Dore, reliquat de la " ligne des Puys " Clermont-Ferrand-Ussel et son embranchement à Laqueuille vers le Mont-Dore.
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